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La maison Kriess, de Molsheim

L'orgue Franz Xaver Kriess de Heiligenberg (1906).L'orgue Franz Xaver Kriess de Heiligenberg (1906).

La manufacture d'orgues d'église François Kriess père et fils (comme elle s'appelait en 1924) a été fondée en 1886 à Molsheim. On lui doit un peu plus d'une cinquantaine d'orgues neufs, et plus d'une trentaine de reconstructions (selon la définition que l'on adopte pour ce mot). Ces dernières ont souvent été évaluées bien bas, car elles ont consisté à profondément modifier des orgues plus anciens, certains de valeur, pour les mettre au goût du jour. Notons que l'on a fait absolument pareil jusqu'à une époque très récente en "baroquisant" avec une candide bonne conscience des instruments romantiques souvent authentiques et de grande qualité.
Bien sûr, la responsabilité finale de ces errements devrait incomber aux commanditaires. Mais c'est surtout le nom des facteurs que l'on a retenu. C'est pourquoi la maison Kriess avait mauvaise réputation à la fin du 20ème siècle ; et certains bricolages effectués par le dernier facteur de ce nom dans les années 60 n'ont rien fait pour l'arranger.
Or les orgues neufs de la période 1886-1937 parvenus jusqu'à nous témoignent d'indéniables qualités. Méconnus, et n'ayant jusque là fait l'objet de peu études publiées, ils constituent souvent de très belles surprises.

Franz Xaver Kriess (13/12/1850 - 15/12/1937)

Le fondateur de la maison est né en Allemagne, à Eschweiler (près d'Achern) en 1850. Il installa son entreprise de facture d'orgues à Molsheim en 1886 (l'année de la naissance du fils qui lui succéda). Les ateliers étaient situés 17, rue de la Chartreuse. Trouvant un allié de poids en la personne d'Adolphe Gessner (1864-1919), Kriess connut un franc succès avant la Guerre mondiale dans le Bas-Rhin et en Moselle. [PMSAM82]

Franz Heinrich Kriess (24/01/1886 - 30/06/1964 ou 1946)

Le fils de Franz Xaver Kriess et de Rosalie Joerissen apprit la facture d'orgues avec son père. On n'a gardé un seul orgue attribuable à Franz Heinrich en Alsace (Surbourg), et il y en reste deux en Moselle : Rédange (1926) et Grundwiller (1932). Franz Heinrich n'a pas bénéficié des réseaux que son père, perdus quand l'Alsace redevint française. [PMSAM82]

Robert Kriess (1925 - ?)

Robert Kriess constitue la troisième et dernière génération de facteurs d'orgues de ce nom. Il reprit l'entreprise au début des années 1960. Malheureusement associé à Alexander Baron (1962-1966), et souvent pour le pire, Robert Kriess ne fit guère que des transformations ou de petits travaux, mis à part l'orgue de Plaine (qui a été inventorié en 1986 comme une collection de pièces d'occasion... et remplacé en 1993) et un orgue pour Düsseldorf.

Les facteurs "réhabilités" l'ont souvent été par un instrument marquant, qui a attiré l'attention sur le reste de leur production :

Pour George Wegmann, ce fut Fegersheim, en 1996.
Pour Dalstein-Haerpfer, ce fut l'orgue de choeur de St-Thomas, en 1999. Et on re-découvrit ensuite Cronenbourg, Westhoffen, le Palais des fêtes.
Pour la maison Gebrüder Link, ce fut Mirepoix, Mesvin et Scharrachbergheim-Irmstett.
Pour Heinrich Koulen, ce fut Lampertheim, en 2009. Et on re-découvrit Buhl, Erstein, Matzenheim.
(Pour Alfred Berger, ce sera Winkel... dans quelques années, mais n'anticipons pas.)

Pour la maison Kriess, l'orgue "clé", sera probablement celui de Heiligenberg (1906).

Facteurs mal-aimés

A l'exception de Wegmann, ces facteurs avaient été violemment dénigrés par des organologues du 20ème, essentiellement pour accréditer une thèse selon laquelle l'orgue alsacien d'après 1870 était "décadent". Un chouilla nationaliste (il faut bien appeler les choses par leur nom) ladite thèse était encore fort bien accueillie dans les années 1980. Pour Koulen, cela alla d'ailleurs très loin, puisqu'on chercha même à ridiculiser tous ceux qui, à l'avenir, chercheraient à le réhabiliter...
Déclarer simplement leurs oeuvres "mauvaises" pouvait être pris pour une affaire de goût, donc subjective ; il fallait donc absolument des critères "objectifs". On allait donc prouver la supériorité "objective" des orgues d'avant 1870, en montrant qu'ils sont bâtis selon la seule possible "structure saine de l'orgue". [IHOA:p18-9] [PMSAM82:p50]

Reste que la fameuse "structure saine" - comme toutes les notions oiseuses du genre - était un peu compliquée à expliquer. Il fallait recourir à un arbitraire d'un autre niveau, souvent pseudo-scientifique, comme quoi une fondamentale n'avait de valeur qu'avec assez d'harmoniques explicites, etc... Et puis, il ne faut pas demander à un sophiste de trop justifier ses démonstrations, le fond n'ayant pas grand intérêt par rapport au discours (c'est même à ça qu'on les reconnaît). Donc, le plus simple, pour pouvoir placer le mot de "décadence", était de rendre ces facteurs responsables de la destruction d'orgues historiques.

Puis, pour déclarer un orgue "mauvais", on eut une idée géniale, enfin facilement assimilable par tous : il suffisait de le dire "pneumatique", après avoir expliqué sans rougir que ce mode de transmission était fragile, nuisible au phrasé, et source de surcoûts ultérieurs. Le succès fut phénoménal, car cela ouvrait un juteux marché de reconstructions en mécanique. C'était tellement facile : une transmission pneumatique nécessite le remplacement, tous les 20 ou 30 ans, des membranes, qui sont des pièces d'usure. Il suffisait, à l'occasion du premier oubli, de déclarer irréparable le "vieil orgue pneumatique à bout de souffle" pour placer un coûteux devis. Les organistes, obnubilés par le répertoire "baroque", ne trouvaient rien à redire, puisque ces mécanisations s'accompagnaient du "retour" des Tierces, Cymbales et autres Cromornes. En plus, on appelait ça une "restauration", offrant au journaliste de service le mot idéal pour parvenir au total consensus. La "structure saine de l'orgue" revenait, et elle n'était pas contente ! Elle collait des Larigots aux Cavaillé-Coll.

Puis s'installa un effet encore plus pervers : les facteurs, ne sachant plus régler une traction pneumatique, rendaient peu à peu vrais certains mensonges de la doctrine ! Pendant 20 ans, le pneumatique causa réellement des soucis, donnant un moment raison aux malhonnêtes, et obligeant les autres à abonder dans leur sens. Mais c'était quand même une injustice extrême !

L'organologie de la fin du 20ème siècle a donc fait de Kriess un "démolisseur d'orgues historiques" et un "pneumatiseur". En oubliant tout le reste, à commencer par l'éblouissante qualité du mouvement musical d'après 1870. Et aussi que, quelque part, les "mises au goût du jour" reprochées à Koulen ou à Kriess ont contribué à pérenniser beaucoup de (petits) instruments hérités de la première moitié du 19ème qui constituent la spécificité de l'Orgue alsacien, mais qui n'étaient pas des pièces de musée ! Ce sont des équipements, conçus pour avoir un rôle social. Et sans cela, ils auraient été purement et simplement remplacés ou éliminés. Ces modifications n'ont pas été motivées par une quelconque doctrine, comme ce fut le cas à la fin du 20ème siècle où l'on transformait les orgues pour les doter d'une "structure saine" (sommiers à gravure, mécanique suspendue, console en fenêtre, composition alla Silbermann). Ils l'ont été pour les adapter à leur utilisation populaire, donc à satisfaire ceux qui payent. Bien sûr, il y eut des dérapages, comme à chaque époque, mais on peut quand même se dire qu'un facteur qui a connu 50 ans de succès, n'était sûrement pas si mauvais que ça.

Il est donc temps de retourner vers ces instruments, en oubliant les préjugés, juste en ouvrant les yeux et les oreilles. Et là, c'est un beau voyage qui commence...

Sites  Principaux travaux de 1886 à 1901

Le contexte en 1886

On peut remarquer que la date de la fondation de la maison Kriess (1886) est aussi celle des premiers opus alsaciens de Dalstein-Haerpfer (voir Illzach). La demande était forte, et dans le Bas-Rhin, les concurrents n'étaient pas très nombreux. Il y avait Heinrich Koulen, les Wetzel. La maison Stiehr de Seltz, désespérément tournée vers le passé, voulait continuer à faire des orgues comme en 1830. Accrochée aux positifs de dos et aux consoles en fenêtre dont plus personne ne voulait, elle était sur le chemin d'un déclin inévitable. Louis Mockers posa le "dernier Stiehr" à Westhouse en 1896, mais il n'y en avait guère eu plus de 2 ou 3 depuis 1886. Faute de trouver un successeur, la maison mosellane Verschneider n'a plus eu d'activité en Alsace après 1888.

Kriess ne posa qu'un seul orgue en Haute-Alsace, et encore seulement en 1928. Affronter Martin et Joseph Rinckenbach sur leurs terres était probablement hors de portée : on jouait là dans la "cour des grands", et, même s'il n'est pas exclu que Kriess aurait pu tenter de rivaliser en termes de qualité avec Ammerschwihr, cela aurait sans doute été à des coûts inacceptables. Par contre, les Rinckenbach venaient régulièrement en Basse-Alsace : Rothau (1886), Wolfgantzen (1888), Geispolsheim (1888), Offendorf (1889) rien que pour les 3 premières années de la maison Kriess, et encore en ne comptant que les orgues neufs.

Idem pour "l'Allemagne de l'intérieur" : la "liste Caecilia 1924" des travaux Kriess ne fait pas figurer les instruments construits hors du "Reichsland", mais, pour franchir de Rhin, il aurait fallu de tout autres réseaux... A l'exception notable des frères Link, ce fleuve a d'ailleurs de tout temps constitué pour les orgues une frontière quasi étanche. Même pour Walcker, Voit (Durlach) ou Weigle, si l'on met en rapport le nombre d'opus placés en Alsace en rapport avec leur capacité de production. Eberhard Friedrich Walcker ne posa pas d'orgue en Alsace entre 1879 et 1895, même s'il y en avait eu avant, et par la suite une vingtaine entre 1895 et 1916. L'Alsace ne constituait peut-être pas pour les facteurs allemands ce "marché ouvert" qu'on nous présente dans certains ouvrages.

Les conséquences sur le style

Du coup, d'un point de vue des choix esthétiques, Kriess jouait logiquement la carte du romantique allemand. Il devait évidemment être conscient de l'intérêt suscité par le style Cavaillé-Coll ou Merklin (ce dernier avait placé son dernier opus alsacien à Obernai en 1882). Mais c'était exactement le chemin qu'empruntait Dalstein-Haerpfer. C'était bien vu : un peu plus tard Emile Rupp et Albert Schweitzer théorisèrent la "Réforme alsacienne de l'Orgue", avec la maison de Boulay (puis Roethinger) comme bras armé. Il serait le facteur de la résistance à cette évolution, dont le leader était Adolphe Gessner. Bref, il fallait faire du Weigle, et le modèle, en Alsace, c'était Strasbourg, St-Maurice.

Miniature 1886 : Strasbourg, Notre-Dame des Mineurs
Remplacé par Alfred Kern (1957).
Il ne reste que le buffet de l'opus 1. La partie instrumentale fut reconstruite par Alfred Kern, dont ce fut aussi l'Opus 1. [IHOA:p195a] [ITOA:4p732]

Un des plus anciens travaux de Kriess semble être un entretien à Dachstein en 1887.

Miniature 1889 : Bolsenheim (région d'Erstein), St-Martin
Instrument actuel.
L'opus 2 est le plus ancien des orgues Kriess conservé. Mécanique dès l'origine, il a été fort bien entretenu, et il est resté très authentique. [IHOA:p40b] [ITOA:3p67] [PMSRHW:p194] [Barth:p162,308] [ArchSilb:p362-3,479]

Dès 1890, Kriess passa à la transmission pneumatique. Pour cela, il fit usage du système Weigle, qui, à la console, prenait la forme d'un tirage de jeux commandé par petites touches à accrocher.

Miniature 1890 : Kilstett (région de Brumath), St-Jean
Remplacé par Alfred Kern (1977).
L'opus 3 Kriess fut reçu par Gessner et Ernst Münch. L'instrument fonctionna mal au début, la transmission pneumatique n'étant pas encore bien maîtrisée. Après l'avoir réparé en 1893, son constructeur le refit en mécanique en 1897, alors même que les autres facteurs se mettaient peu à peu au pneumatique. Il ne fit pas payer cette modification (pourtant d'envergure), preuve que Kriess était honnête. Il ne reste rien de cet opus 3 (II/P 12j), qui a été remplacé par un orgue à Larigot. [IHOA:p90b] [ITOA:3p304]

Miniature 1890 : Fouday (région de Schirmeck), Eglise protestante
Instrument actuel.
L'opus 4 date bien de 1890 (et non de 1900), l'article de Pierre Hutt sur l'inauguration de l'orgue en 1890, dans la revue "L'Essor" le prouve. A part deux jeux altérés (dont, malheureusement, la Flûte harmonique 8'), l'orgue est resté plutôt authentique. [IHOA:p61b] [ITOA:3p21]

Miniature 1891 : Crastatt (région de Marmoutier), St-Augustin
Instrument actuel.
Cet orgue a été modifié par Curt Schwenkedel en 1965 (Sesquialtera et Doublette au récit). Rien de bien enthousiasmant sur le papier, donc. Mais, sur place, l'instrument constitue une belle surprise, car les deux "strates" sont bien réussies et assorties (ce qui n'est pas courant). L'opus 5 est resté (ou devenu) un instrument de grande valeur. [IHOA:p49b] [ITOA:3p103]

Miniature 1891 : Wangenbourg (région de Wasselonne), St-Barthélemy
Instrument actuel.
Logé dans son magnifique buffet néo-gothique offert par Guillaume II (qui, décidément, a fait pas mal de cadeaux) l'opus 6 reste, malgré deux modifications, on des plus beaux orgues de la région de Wasselonne, qui est pourtant richement dotée. La Gambe du grand-orgue et la Voix céleste du récit doivent manquer cruellement, mais l'instrument fut doté d'une anche 16' de pédale (probablement en 1944), et il a gardé son Hautbois, sa Flûte majeure et son "Cornett 3 fach". La traction est mécanique. [IHOA:p216b] [ITOA:4p823] [Barth:p378,424] [PMSRHW:p234-5]

Miniature 1891 : Flexbourg (région de Wasselonne), St-Hippolyte
Remplacé par Franz Xaver Kriess (1894), déménagé à Friesenheim, Notre-Dame (Neunkirch).
Dans le buffet de l'orgue précédent de Flexbourg (venant de Stiehr), et avant d'y construire son second orgue, Kriess construisit un instrument (II/P 13j) à transmission mécanique, qui ne fait pas partie de sa liste d'opus publiée en 1924. Cinq ans plus tard, il reprit cet instrument pour le placer à Friesenheim, et lorsque l'on parle de l'orgue Kriess de Flexbourg, c'est bien entendu de celui de 1894 dont il s'agit. Cela explique peut-être l'oubli. L'instrument a curieusement échappé la réquisition des tuyaux par les autorités allemandes en 1917 : la façade (en étain) actuelle est celle de Kriess, et on dispose donc d'une façade de ce facteur datant du 19ème. [IHOA:p60b] [ITOA:3p178] [PMSSTIEHR:p285-6]

Ce premier orgue de Flexbourg, aujourd'hui à Neunkirch n'apparait pas non plus dans la liste des reconstructions. Celle-ci comporte "Neukirch", mais il est bien précisé "Val de Villé" : il s'agit de Neuve-Eglise, où Kriess fit une réparation en 1912.

Date Flexbourg   Friesenheim
1840 Stiehr à Flexbourg
1891 Franz Xaver Kriess à Flexbourg
1894
1894 Franz Xaver Kriess à Flexbourg
1895

Miniature 1892 : Uttenheim (région d'Erstein), Sts-Pierre-et-Paul
Instrument actuel.
L'opus 8 est logé dans un buffet-caisse avec pilastres inspirés du style empire. Même s'il n'est pas très grand (II/P 11j), cet instrument a l'air entièrement authentique. Il était prévu un relevage, il y a quelques années. [IHOA:p209a] [ITOA:4p801] [Barth:p371] [Masevaux1963:p75]

Miniature 1892 : Kleingoeft (région de Marmoutier), St-Albin
Démoli dans les années 1980.
Une des pages noires de l'orgue alsacien. L'inventaire des orgues de 1986 rapporte que le petit orgue (II/P 7j) aurait été rendu injouable par un chauffage trop violent. Mais plutôt que de demander à un facteur compétent de réparer la transmission, on écouta des experts, qui, avec les oeillères des années 80, l'ont déclaré injouable. Une partie des tuyaux aurait été entreposée au presbytère de Westhouse, tandis que les sommiers et des éléments du buffet auraient été brûlés... La façade du buffet est encore en place en fond de tribune. Juste pour faire illusion. C'était l'opus 9 de Kriess, et il est peu probable qu'une aussi petite communauté puisse un jour se doter d'un nouvel orgue. [IHOA:p92b] [ITOA:3p313]

A partir de 1893, Kriess allait avoir un concurrent de poids, en la personne d'Edmond-Alexandre Roethinger. Ils étaient exactement sur le même créneau et allaient bientôt partager un même modèle économique. Toutefois, avant de maîtriser la traction pneumatique (ce qui n'alla pas de soi) Roethinger ne représentait pas une menace trop préoccupante. Le marché local était large, et cela pour trois raisons :


De 1892 à 1897, disparut progressivement un concurrent sérieux : Heinrich Koulen était retourné à Oppenau.

Miniature 1894 : Flexbourg (région de Wasselonne), St-Hippolyte
Instrument actuel.
Il a malheureusement été abîmé en 1975 : trois jeux furent "recoupés" pour en faire une "Quinte 2'2/3" du grand-orgue, une Flûte 2' et un Larigot 1'1/3 au récit, qui n'ont absolument rien à faire avec l'esthétique de cet instrument. Le Principal-Violon a été décalé en 4'.

Miniature 1895 : Grandfontaine (région de Schirmeck), St-Jacques Majeur
Instrument actuel.
Voici un "Cornellino" au grand-orgue ! L'opus 19 était la reconstruction sur deux manuels (II/P 12j) d'un petit orgue Wetzel dépourvu de pédale (I/0P 6j). Console évidemment indépendante mais mécanique : Kriess en faisait pas d'idéologie avec les transmissions. [IHOA:p66a] [ITOA:3p210] [PMSAMGrandfontaine78:p98+photo] [Barth:p202,424] [PMSRHW:p203] [IOLVO:p281-3]

Miniature 1899 : Oermingen (région de Sarre-Union), St-Rémy
Remplacé par Jean-Georges Koenig (1979).
L'opus 12 de Kriess (II/P 21j) présentait une façade à 5 arcs et un récit placé dans une boîte expressive située à l'arrière. Il a été remanié par Adolphe Blanarsch, puis par Jean-Georges Koenig, avant d'être définitivement démonté en 1979. [IHOA:p136a] [ITOA:4p471]

Miniature 1900 : Ranrupt (région de Saales), St-Vincent
Instrument actuel.
Le remarquable opus 10 est logé dans un buffet néo-roman. Doté de 20 jeux, dont 5 fonds de 8' au grand-orgue, une Mixture progressive sans reprise et une Clarinette à anches libres, il est resté remarquablement authentique. En fait, seule la perte de la façade (réquisitionnée en 1917) et celle, inexplicable, de la "Flauto amabile 8'" (à laquelle on a substitué un 2') sont à déplorer. Tout le reste est d'origine, et c'est un précieux témoin de la facture de la toute fin du 19ème siècle. [ITOA:4p512] [PMSAM84:p19-20] [IHOA:p143a]

Miniature 1901 : Saint Jean de Bassel (57), Soeurs de la Divine Providence
Ce malheureux instrument a été totalement mutilé en 1957 au cours d'une des plus effrayantes "baroquisations" commises lors de la seconde moitié du 20ème siècle : pleins-jeux "à la Dom Bedos", entailles de timbre ressoudées, bouches abaissées, corps recoupés, tuyaux de récupération... rien ne lui fut épargné. Il serait peut-être restaurable, si la tuyauterie de Laukhuff ayant servi de base peut encore se trouver, et que quelqu'un arrive à retrouver l'harmonie sur la base des Kriess survivants. Mais ce serait un travail considérable. Donc, aujourd'hui, on ne peut que constater les dégâts. Encore plus attristant : l'instrument est logé dans une magnifique boiserie de Klem, idéale pour une orgue romantique comme l'était le Kriess (et dans laquelle les jeux "baroqueux" sont totalement incongrus). La composition de l'opus 13 est connue grâce au devis, daté du 15/02/1901 :
Composition, Devis 1901
Grand-orgue, 54 n. (C-f''')
Récit, 54 n. (C-f''')
Pédale, 27 n. (C-d')
(Les Contrebasses Kries sont des Principaux à taille large)
Harmonica basse 16'

Il y avait donc une Flûte et un Bourdon à bouches doubles, une Aéoline, et même une Clarinette ! Toutes ces belles choses, aujourd'hui très rares, ont disparu, impitoyablement éliminées au profit des standards Larigot, Cymbale, Cromorne... Les années 1950-1980 étaient vraiment la période noire de la facture d'orgues. Une des pages les plus désolantes et douloureuses de l'orgue mosellan. [IOLMO:Mo-Sap1817-9]

Miniature Vers 1901 : Strasbourg, orgue de salon du professeur Fischer
Déménagé à Ribeauvillé-Dusenbach en 1916, remplacé par Gaston Kern en 1979.
Avec 7 ou 8 jeux (2 claviers) l'opus 14 était l'orgue de salon du docteur Friedrich (ou Auguste ?) Fischer. A la mort de celui-ci, en 1916, le petit orgue fut vendu à Ribeauvillé-Dusenbach. Il a été réparé par la maison Muhleisen en 1963, puis remplacé en 1979.

En plus des orgues neufs, Franz Xaver Kriess a réalisé beaucoup de rénovations et reconstructions. Une seconde "liste Caecilia 1924" les inventorie. On parle de reconstruction lorsque l'on change les sommiers, ou que l'on ajoute un plan sonore. Mais finalement, la liste a inclus de simples réparations :

On le voit, la plupart des orgues modifiés n'avaient qu'un manuel. Cette configuration était acceptable avant 1870 (heureusement, car les communes qui ont acquis un petit orgue au cours du 19ème siècle, réalisant par là la particularité alsacienne de "l'orgue dans tous les villages" n'auraient pas eu les moyens de se faire construire un deux-claviers dès l'origine). Mais après 1870, c'était devenu un défaut inacceptable. Les organistes, bien formés (en école normale ou ailleurs), capables de jouer du répertoire et ne voulant pas se limiter à l'accompagnement, voulaient bien sûr un récit. Et la généralisation des chorales (avec l'apparition de l'organiste/chef de choeur) rendaient les consoles en fenêtre très malcommodes. Un peu partout, on souhaitait disposer d'un second clavier et d'une console indépendante. Le bilan de cette première liste de transformations, n'a donc rien de choquant.

Sites  Principaux travaux de 1902 à 1937

Le buffet Oscar Hettich (disparu) de l'opus 16 de Franz Xaver Kriess (1902).Le buffet Oscar Hettich (disparu) de l'opus 16 de Franz Xaver Kriess (1902).

Après une quinzaine opus, et le nouveau siècle entamé, la "méthode" Kriess était claire. Ressemblant à celle de Roethinger, elle reposait sur un schéma de sous-traitance bien établi mais assez souple. Les éléments de transmission étaient commandés chez Weigle, et la tuyauterie était chez Laukhuff ou Weigle. Le tout était assemblé puis harmonisé dans des délais qui pouvaient être très courts, ce qui était probablement parfois déterminant. Pour le buffet, le client avait plusieurs solutions : un fournisseur de buffets (Hettig-Jacquemin de Haguenau figurait parmi ses partenaires habituels), un artisan local, un buffet ancien, un buffet ancien élargi, etc...

Kriess devint le "poulain" d'Adolphe Gessner dans sa compétition avec la Réforme alsacienne de l'orgue, théorisée par Emile Rupp et Albert Schweitzer, et pour lesquels les facteurs de prédilection étaient Dalstein-Haerpfer. Le "modèle" Kriess s'oppose donc bien à celui de Boulay. On a vu que, schématiquement, les orgues Dalstein-Haerpfer sont tout entiers au service de leur tuyauterie. De la même façon, on a l'impression que les orgues Kriess sont tout entiers au service de leur organiste : c'était avant tout la console et la composition qui comptaient. Car des organistes de valeur, il y en avait beaucoup à cette époque, grâce aux solides formations dispensées dans les écoles normales et d'autres écoles de musique religieuse.

La priorité était évidente : il fallait adapter l'orgue à son usage. Deux claviers et un pédalier étaient un minimum non négociable. La transmission devait être fiable, donc récente, et l'usage de la transmission pneumatique tubulaire, assortie d'un remplacement régulier des membranes était le meilleur moyen d'y parvenir. (Et les transmission pneumatiques fonctionnent d'autant mieux qu'elles sont utilisée intensivement ; or les orgues étaient joués intensivement.) Il fallait aussi une composition capable d'interpréter le répertoire enseigné. Or, pendant trois quarts du 19ème siècle, les facteurs alsaciens avaient construits des orgues comme en 1830 (schématiquement, des Silbermann auxquels on a remplacé Tierce et Nasard par un Salicional et une Gambe).

Cela explique que la grande majorité de l'activité de Kriess se soit alors portée sur un marché de remplacement / renouvellement.

Miniature 1902 : Dorlisheim (région de Molsheim), St-Laurent
Instrument actuel.
L'opus 11 est resté très authentique, et c'est un instrument trsè attachant : outre deux 16' (Soubasse et Contrebasse 16') à la pédale, on trouve un excellent Bourdon à bouches doubles, un Flauto dolce 8' en bois, une Mixture-tierce progressive, et même une Clarinette à acnhes libres, qui était décidément le jeu d'anche préféré de Kriess. Le ventilateur électrique a été offert par Bugatti ! [IHOA:p52b] [ITOA:3p123] [Barth:p181] [PMSAM74:p44]

Miniature 1902 : Coume (57)
La localité, qui s'appelait Kuhmen à l'époque, commanda l'opus 16 de Kriess, qui fut inauguré le 20/07/1902. Avec 28 jeux, c'était le plus grand orgue construit par Franz Xaver jusque là. Sûrement l'un des plus beaux, aussi, car il était logé dans un somptueux buffet néo-gothique (en accord avec le style de l'édifice) construit par Oscar Hettich, et rappelant celui de Flexbourg (bien que ce denier soit de Boehm). Le soubassement, qui subsiste aujourd'hui, témoigne de la richesse et de la finesse des sculptures.
[IOLMO:A-Gp370-6]

La composition comportait donc une Mixture-tierce avec une Septième. A partir du deuxième Sol (g), on y trouvait un rang de Fugara 4' (conservé dans l'orgue actuel, avec ses freins harmoniques). C'était l'époque des "Harmonia aethera", ces Mixtures réalisées non pas avec des tuyaux de Principaux, mais avec des Gambes. Ce rang de Fugara en semble inspiré. D'ailleurs, si aucune Mixture-gambe n'était prévue au devis de Kriess, le devis de Joseph Albert de 1964 relève une composition dans laquelle se trouve, au récit, une "Harmonica aethera". Et le rang de 2' de la Fourniture de l'orgue actuel possède des poinçons "Mixtur Gamba". Avec sa petite Mixture (Doublette à deux rangs, soit Quinte 2'2/3 + Doublette) au récit expressif, Kriess était en avance pour son temps en 1900 ! Et on note, au grand-orgue, une originale "Violetta 4'". [IOLMO:A-Gp370-6]

La suite est fort triste : en 1940, l'orgue a été démonté par le service de récupération des armées françaises. Après réparation par Haerpfer-Erman (1946), des "éléments de l'instrument" étaient toujours entreposés dans une grange en 1965. La fabrique avait pourtant demandé à la commune "de bien vouloir faire replacer l'orgue tel qu'il était auparavant". Mais le facteur Joseph Albert estima que le buffet "n'avait aucune valeur artistique" et "n'était pas conforme au style de l'édifice". Le buffet ne fut jamais remonté, et se trouve aujourd'hui limité à un pathétique soubassement, écrasé par une façade en zinc disposée sur un support en contreplaqué. Comble de l'ironie, Albert profita de l'aubaine pour commettre un "positif de dos" (évidemment postiche) qui réussit à devenir l'élément le plus laid de l'ensemble. La console avait été remplacée par un modèle recevant la plaque de Joseph Albert, et la composition "normalisée" : Mixture à 3-4 rangs à deux reprises sans Tierce ni Septième, Flûte traverse décalée. Si la Clarinette (à anches libres) a été sauvée, la Violetta 4' a été remplacée... par un Clairon 4' de récupération. La deuxième moitié du 20ème siècle avait décidément des Savonarole sans scrupules. Adieu, poésie et parfum de violette. [IOLMO:A-Gp370-6]

Miniature 1904 : Obernai, Ecole normale
Disparu vers 1943.
Kriess fournit son opus 30 (II/P 15j), logé un buffet en sapin comportant des tuyaux de façade (puisqu'ils furent remplacés en 1919). Il y eut aussi une série de 3 orgues d'étude (II/P 3j), fournis après 1904. Ceux-ci ont été rachetés par Ernest Muhleisen en 1943 (donc à l'occasion de la création de son entreprise). L'orgue principal (celui de 15 jeux) disparut vers 1943. [IHOA:p134b]

Miniature 1904 : Phalsbourg (57), école normale
Démégagé à l'église protestante d'Oberbronn, remplacé en 1976.
Franz Kriess s'occupa de l'entretien des orgues de l'école normale de Phalsbourg (il y en avait quatre) de 1903 à sa fermeture en 1918. L'opus 26 (II/P 17j) fut livré entre 1904 et 1906. L'école normale a fermé en 1918, mais ce n'est qu'en 1926 que cet instrument fut vendu à l'église protestante d'Oberbronn. Le transfert a été effectué par Frédéric Haerpfer, qui dota l'instrument d'un nouveau buffet. L'instrument a été reconstruit en "néo-baroque" en 1976. [IOLMO:Sz-Zp2480-2]

Miniature 1904 : Haguenau, St-Nicolas
Remplacé par Haerpfer-Erman (1961).
L'orgue confisqué par la Révolution à l'abbaye cistercienne de Neubourg avait été construit par Johann Georg Rohrer en 1747. C'était un assez grand instrument (en nombre de jeux), mais inadapté à St-Nicolas. Après son déménagement, la réduction de son soubassement (par manque de hauteur à Haguenau) et malgré deux réparations vers 1835 (Georges Wegmann) et 1859 (Stiehr-Mockers), il devait faire pâle figure en 1920. De plus, il présentait une pédale limitée à 17 notes, et l'écho n'était qu'un dessus. Certes, un bel ensemble du 18ème fut perdu lors de la reconstruction par Kriess (opus 31), mais la responsabilité originelle se situe quand même à l'origine dans la vaste campagne de recèle menée dans les années 1800. Après l'intervention de Kriess, pendant quelques années, on disposa d'un orgue adapté, quoique logé dans un buffet en total désaccord avec son esthétique sonore. La maison Kriess fit encore des travaux en 1921 (l'allongement de la tribune avait rendu nécessaire des changements dans l'alimentation en vent), mais et c'est finalement à Edmond-Alexandre Roethinger que l'on confia l'orgue en 1929 : dès la fin des années 20, Kriess semble souffrir d'un manque de soutiens. L'endroit fut le champ de test pour une des premières reconstructions en néo-baroque (Haerpfer-Erman, 1961). L'instrument a été inauguré le 26/11/1961 par Marie-Claire Alain, mais dès 1964, une réparation fut nécessaire. Le positif ne donnait pas satisfaction. En 1980, âgé de 19 ans seulement, l'orgue "à structure saine" était complètement défectueux, et, en 1986, devenu pratiquement injouable. Il fut finalement démonté et remplacé en 1987 par un néo-baroque tout neuf, fourni par la maison Kern. Le buffet de 1747 abrita alors probablement pour la première fois une partie instrumentale à la fois fiable et en accord avec son style. [IHOA:p72b-73a] [ITOA:3p229-32]

Miniature 1905 : Ohlungen (région de Haguenau), St-Georges
Instrument actuel.
Le devis de Franz Xaver Kriess est daté du 08/10/1904, et l'opus 22 été reçu avec éloges dès le 24/03/1905 par Adolphe Gessner "ein Meisterstück bezüglich der neuersten Konstruction". Gessner était vraiment le "mentor" et le soutien de Kriess. Il avait lui-même retenu le devis de son protégé (de toutes façons moins cher), face à celui d'Edmond-Alexandre Roethinger. Cet orgue d'esthétique post-romantique allemande a malheureusement été "baroquisé" vers 1960. Ce fut fait par Louis Blessig : la Doublette, la Flûte 4' de Pédale n'ont bien sûr rien à voir avec l'esthétique d'origine. Le récit a aussi été affublé d'une Quinte 2'2/3 et d'une Tierce 1'3/5. L'orgue a été exemplairement relevé et partiellement restauré en 2002 par Hubert Brayé. Quinte et Tierce ne sont (heureusement) plus au programme. C'est un fait notable et encourageant, bien qu'encore trop rare, vu que les réparations des baroquisations des années 60-80 tardant beaucoup trop. [ITOA:4p476] [IHOA:p137a] [Barth:p291]

Miniature 1906 : Heiligenberg (région de Molsheim), St-Vincent
Instrument actuel.
L'instrument date de 1906 (le devis a été retourvé). Ce devait être un instrument assez exceptionnel, sur lequel on imagine bien les pièces de Reger. Il a malheureusement été "baroquisé" en 1963. Au début du 21ème siècle, l'orgue était devenu muet. Dès 2006, en vue de procéder à un entretien devenu nécessaire, un projet a été lancé, sous l'impulsion du chanoine Gérard Auer. En 2007, des travaux furent menés par Dietmar Schoemer de Saarbrücken. La traction pneumatique a été réparée et l'orgue entièrement relevé. Le buffet a été nettoyé, et les écussons de la façade en zinc ont étés peints en doré. Il reste à trouver les moyens pour réparer les dégâts de 1963 (5 jeux découpés), car cet instrument le mérite. L'opus 32 (II/P 24j) reste l'un des mieux conservés et les plus intéressants de la maison Kriess. [IHOA:p75a] [ITOA:3p249] [PMSSTIEHR:p206,627-8] [HOIE:p276-7] [Barth:p217,424]

Miniature 1907 : Ottrott (région de Rosheim), Mont Ste Odile
Remplacé par Max et André Roethinger (1964).
Le monde de l'orgue l'a un peu oublié, mais Kriess a construit un orgue pour le Mont Sainte-Odile. C'était l'opus 17 (II/P 20j). L'instrument partit pour Arras, dit-on, en 1962 ; il fut remplacé par un orgue d'accompagnement fourni par Roethinger, fort fonctionnel, et dénué de buffet. [MTSteOdile:p98,118,165,211,231,249-50,317,395,421,432,440] [Vogeleis:p544] [IHOA:p162a] [ITOA:4p494] [Barth:p288-9] [PMSSTIEHR:p487-8] [LORGUE:121p31]

Miniature 1905 : La Robertsau (région de Strasbourg), St-Louis
Remplacé par Yves Koenig (1990).
Bien qu'il fut construit en deux étapes (la seconde en 1928), c'est ici qu'il faut situer l'orgue Kriess de La Robertsau, qui avait été construit sur la base d'un Stiehr de 1866. La transformation du positif en récit date probablement de 1928. Il ne reste malheureusement rien de cet instrument, puisque le tout fut "reconstruit comme il faut" en 1990. [IHOA:p198b] [ITOA:4p757] [PMSSTIEHR:p571-80] [Caecilia:p27]

Miniature 1907 : Schiltigheim, Maison St-Charles
Instrument actuel.
Kriess avait déjà rénové en 1903 un petit orgue provenant l'ancienne chapelle de la Clinique Ste-Barbe de Strasbourg (Callinet, 1842), qui avait été transformé par Charles Wetzel à l'occasion de son déménagement. L'opus 38 (II/P 10j) a été construit en réutilisant deux dessus de jeux Callinet et deux Wetzel. Là encore, le buffet est dû à la maison Hettich, de Haguenau. Avec une console indépendante, un buffet et des sommiers neufs, c'est donc bien un orgue neuf qui fut posé en 1907. Sa Fourniture a été altérée en 1982. [IHOA:p166b] [ITOA:4p604]

Miniature 1907 : Strasbourg, Clinique de la Toussaint
Remplacé par Max Roethinger (1968).
Il ne reste rien de l'opus 39 (II/P 16j), complètement éliminé en 1968. [IHOA:p76b, 203a] [ITOA:3-4p253,770] [ArchSilb:p437,455,511-2]

Miniature 1908 : Rouffach, Chapelle catholique de l'hôpital
Remplacé par Curt Schwenkedel (1962).
Le centre hospitalier de Rouffach fut construit de 1906 à 1909 sur le territoire d'une localité disparue appelée Suntheim, et sur le principe de l' "asile-village". Le complexe fut muni de deux chapelles, une catholique et une protestante. Franz Kriess, en 1908, posa un orgue dans chacun de ces deux lieux de culte : les instruments sont répertoriés dans la liste Kriess, sous "Rouffach, Heilanstalt". Ils portent à deux le numéro d'opus 41a. Celui de la chapelle catholique est logé dans un beau buffet néo-classique, mais il a été totalement reconstruit en néo-baroque par Curt Schwenkedel en 1962. [IHOA:p156b] [ITOA:2p387] [Barth:p317,424]

Miniature 1908 : Rouffach, Chapelle protestante de l'hôpital
Instrument actuel.
Cet instrument, préservé (sauf 1 ou 2 jeux), est malheureusement à l'abandon depuis de nombreuses années. [IHOA:p156b] [ITOA:2p388] [Barth:p317-8,424]

En 1910, Franz Kriess rédigea un devis pour Herbitzheim. C'était probablement un orgue de choeur (l'étendue du pédalier C-d' le destinant plutôt à l'accompagnement). En 1921, le curé Joseph Haegel de Herbitzheim offrit un petit orgue à Neufgrange (57, mais à peine à 10km d'Herbitzheim). Probablement pour la chapelle de l'institut Saint-Joseph, car l'église paroissiale avait largement ce qu'il faut (Bartholomaei et Blési, 1910). On ne sait toutefois pas si le projet de Franz Kriess vint à exécution : d'où qu'il vint, l'orgue qui alla à Neufgrange fut repris en 1933 par Roethinger, puis disparut. [IOLMO:Mo-Sap1518-21]

Miniature 1911 : Bitche, ancien collège St-Augustin
L'instrument avait été placé dans les anciens locaux "intra muros", et l'orgue Kriess fut conçu sur la base d'un orgue plus ancien.

Quand les nouveaux bâtiments furent achevés, en 1930, Roethinger déménagea l'instrument dans la nouvelle chapelle néo-romane. Après la seconde Guerre mondiale, l'orgue, qui avait été endommagé par un obus, fut démonté par un facteur mosellan, et disparut. En 1996, Bernard Aubertin construisit un nouvel orgue (sur la base d'un positif de Moeller) pour la chapelle. Le collège ferma définitivement ses portes en 2012. L'instrument d'Aubertin partit pour le grand séminaire de Bitche, où il remplaça... un autre orgue Kriess jugé non réparable. [IOLMO:Sc-Zp2391-2]

Miniature 1911 : Metz (57), grand séminaire
Sur les terres de Frédéric Haerpfer, c'est bien Kriess qui fut choisi pour reconstruire l'orgue du grand séminaire. Il y avait là un buffet néo-baroque absolument superbe (1909) auquel il ne manquait qu'une partie instrumentale à la hauteur. Pour construire son opus 18, Kriess conserva des jeux anciens, et les compléta par des tuyaux fournis par Laukhuff, harmonisés par ses soins. L'instrument a été vandalisé pendant la seconde Guerre mondiale. En 1955, il était toujours injouable. Puis on le déclara irréparable, et on annonça, comme d'habitude, des sommes faramineuses pour le réparer. Finalement, un orgue Aubertin rendu disponible par la fermeture du collège de Bitche (voir plus haut) le remplaça. Sur son podium (qui fait irrésistiblement penser à un ring de catch), le petit instrument fut porté aux nues comme il se doit. On ne sait pas ce qu'est devenu l'orgue Kriess, ni sa magnifique boiserie de 1909. Il est triste de constater que parfois, même les évêchés n'exercent pas leur devoir de mémoire, et oublient si vite ce qui les a servis (et de coup ceux qui les ont servis). Est-il impossible de s'enthousiasmer pour le neuf sans taire le passé ? [IOLMO:H-Mip1357-62]

Miniature 1911 : St-Avold, abbatiale Saint-Nabor
L'orgue construit par Kriess pour St-Avold est considéré comme un instrument neuf, l'opus 24, même s'il a été placé dans une (exceptionnelle) boiserie de 1770, décorée par les sculptures de Joseph Gounin. D'un ensemble instrumental - plutôt modeste - hérité eu 18ème, oeuvre d'un itinérant nommé Barthélémy Chevreux (et pas du tout des Dupont), les Verschneider avaient fait, après plusieurs interventions, un orgue "de transition" assez bien assorti à son somptueux buffet. Mais il souffrait de défauts rédhibitoires au début du 20ème siècle. En particulier, une pédale limitée à une octave, un clavier d'écho limité au dessus, et une transmission mécanique devenue impossible à entretenir. Le plus grand instrument (III/P 39j) construit par Kriess, et son seul 3-claviers, a été commandé grâce à l'appui d'Adolphe Gessner. En effet, deux grands "courants" s'opposaient à l'époque : Emile Rupp et Albert Schweitzer, qui pensaient "romantique français", avec Dalstein-Haerpfer comme facteurs préférés, et Adolph Gessner, qui préférait Kriess. Albert Schweitzer appuyait Dalstein-Haerpfer à chaque fois que possible, mais Gessner, le puisant directeur impérial de la musique, et professeur au conservatoire, comptait aussi ses partisans. C'est ainsi qu'un orgue romantique allemand prit place dans cette fameuse boiserie "classique française" du 18ème. [IOLMO:Mo-Sap1774-96]

Si l'on excepte le curieux mélange des genres entre le buffet et la partie instrumentale (mais on en commit bien d'autres par la suite), l'orgue Kriess ne devait pas être un mauvais instrument. Sûrement pas un chef d’œuvre non plus, puisque même Gessner se permit de critiquer les anches... en regrettant qu'on eut conservé les anciens jeux. La façade fut sauvée de la réquisition en 1917, in extremis, et de haute lutte. Mais en 1927, on décida... de la déposer et de la remplacer par des tuyaux en zinc (!).

Cela signifiait probablement tout simplement que la vieille façade du 18ème était... de très mauvaise qualité. Toutes les réalisations du 18ème n'étaient pas des chef d’œuvre. Et en y réfléchissant, ce n'était finalement pas plus absurde que beaucoup de remplacements, à la fin du 20ème siècle, de belles façades en zinc qui sonnaient très bien par des Montres en étain bien brillant, détournant à cette fin des ressources qui auraient été mieux employées à entretenir l'intérieur des orgues.

Très vite, l'instrument nécessita un relevage : outre cette histoire de façade, il était mal isolé des contraintes climatiques, et s'était rapidement dégradé. C'est tout même Kriess qui fit les travaux, éliminant au passage d'autres tuyaux anciens. La façade et le Cornet partirent à la fonderie. On ne peut donc pas dire que St-Avold fut à l'époque une bonne référence pour Kriess, et, avec les yeux de la fin du 20ème siècle, ces faits étaient de nature à ruiner sa réputation. Une Montre de 16' du 18ème partant à la chaudière, même si elle sonnait en 8' (les grands tuyaux étaient des rondins de bois sur lesquels avaient été plaquées de feuilles d'étain), même construite par un "itinérant", était un acte d'une gravité extrême, et, même si Kriess n'en était pas l'instigateur, il resterait le complice.

En novembre 44, un obus, éclatant dans l'église, sonna la fin de l'orgue Kriess de St-Avold. Après un démontage partiel, et des dizaines d'années d'abandon, il fut enfin décidé de construire un orgue neuf, d'esthétique 18ème, dans le buffet du 18ème. La maison Koenig livra un 4-claviers, et la magnifique boiserie reçut enfin - et, à n'en point douter, pour la première fois - une partie instrumentale à sa hauteur.

Miniature 1913 : Postroff (57)
La localité s'appelait Postdorf à l'époque, et constitue un parfait exemple de l'attachement à l'orgue dont faisaient preuve les communes d'Alsace et de Moselle. Elle compte 200 habitants, et, comme la communauté protestante avait réussi à se procurer un instrument à tuyaux, les catholiques en voulurent un aussi. Et l'obtinrent en 1913 : ce fut l'opus 20 de Kriess (II/P 7j). On leur avait pourtant recommandé un harmonium... Cela faisait 1 orgue pour 100 habitants : à ce compte-là, une ville comme Strasbourg devrait en compter 3000 ! Un premier devis propose 5 jeux (Geigenprincipal et Bourdon au premier clavier, Salicional et Flûte à cheminée 4' au second, et une Soubasse pour la pédale (I/II en 16', 8', 4' et les deux tirasse, évidemment). Mais c'était hors de portée, et on se mit d'accord pour une version à 4 jeux seulement, dotée d'une Voix céleste pour rester attractive. Il n'y avait pas de tuyaux de façade, mais des jalousies (l'orgue entier devait être expressif). L'instrument fut reçu le 30/12/1913 par Rheinhardt (Montigny-lès-Metz, école normale), qui critiqua l'harmonisation (probablement au grand soulagement des facteurs lorrains). Evidemment, ce n'était pas vraiment Weingarten :
Composition, 1913
Premier clavier, 56 n. (C-g''')
Second clavier, 56 n. (C-g''')
Pédale, 27 n. (C-d')
[IOLMO:Sc-Zp2483]

On ne sait pas ce qu'est devenu ce petit instrument, ni même quand il a disparu exactement. Depuis, la localité mosellane n'a plus qu'un seul orgue.

Miniature 1913 : Diebolsheim (région de Marckolsheim), St-Boniface
Détruit par faits de guerre pendant la seconde Guerre mondiale. Remplacé par Max et André Roethinger (1955).
D'après la liste de 1924, l'opus 21 avait 14 jeux. [IHOA:p51a] [ITOA:3p115] [PMSDBO1974:p128-30] [PMSAEA69:p191-2] [PMSRHW:p18] [ArchSilb:p122,310]

Miniature 1914 : Bettwiller (57)
Détruit par faits de guerre en 1944. Remplacé par Willy Meurer (1963).
Cet orgue, bien que noté comme opus 35, a été construit juste avant la guerre : le devis est daté de 1913.
Composition, Devis 1913
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
(C-g''')
Bois/étoffe
Etain à 75%
Bois
Spotted
Spotted
Etain à 75%
Etoffe
Avec Tierce
Spotted
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
Bois/spotted
Bois/étoffe
Etoffe
Spotted
(c-g''')
Spotted
Spotted ; octaviante sur c'-g'''
Spotted
Pédale, 27 n. (C-d')
Bois (Les Contrebasses Kries sont des Principaux à taille large)
Bois
Spotted
I/P

L'orgue était logé dans un buffet fourni par Hettig-Jacquemin (Haguenau). Il fut totalement détruit en 1944. [IOLMO:A-Gp194-6]

Miniature 1916 : Weyersheim (région de Brumath), St-Michel
Remplacé par Gaston Kern (1999).
Cet instrument fut considéré comme un orgue neuf opus 23, mais il s'agissait en fait de la reconstruction d'un orgue Wetzel (II/P 22j) construit en 1877. En fait d'orgue de 1877, il ressemblait plutôt à un orgue de 1820. Ce qui, conjugué à un début d'incendie dû à la foudre en 1889 (certes réparé), explique qu'on demanda à Kriess de le reconstruire en 1916. Probablement pas ce qu'il fit de mieux. La traction fut refaite en électrique en 1955 par Roethinger. La suite est logique : le buffet (typique de Wetzel) reçut en 1999 un bel orgue neuf, mécanique et inspiré par Wetzel, avec une console en fenêtre. [IHOA:p219b] [ITOA:4p849]

Miniature 1917 : Maisonsgoutte (région de Villé), St-Antoine
Instrument actuel.
Le bel orgue de Maisonsgoutte, l'opus 28, est un des Kriess les mieux préservés. Il présente la particularité de disposer d'un "Rollschweller", c'est-à-dire d'un crescendo commandé non pas par une pédale basculante, mais par un rouleau (comme sur le Walcker de Soultz-sous-Forêts). L'instrument ne manque pas de personnalité ; il dispose d'un Hautbois et d'une Trompette au récit, et son buffet néo-classique est plutôt original. [IHOA:p107a] [ITOA:3p355] [Barth:p110,256-7] [PMSMG75:p170]

Miniature 1918 : Albé (région de Villé), St-Wendelin
Instrument actuel.
L'orgue d'Erlenbach (c'était le nom d'Albé en 1918) est l'opus 29 (II/P 15j). Comme son contemporain de Maisonsgoutte, il constitue un témoin des activités de la maison Kriess en pleine guerre mondiale. Il a été altéré en 1970 (Tierce, Quinte, Cymbale), et sa composition semble parfois changer toute seule entre deux inventaires (comme ce arrive aussi en quelques autres endroits, d'ailleurs). [IHOA:p24a] [ITOA:3p3]

Miniature 1918 : Neuhof (région de Strasbourg), St-Ignace
Remplacé par Gaston Kern (1991).
Ce fut une affaire difficile : il y avait au Neuhof un orgue Stiehr de la belle période (1854). Déjà en mauvais état, il avait été livré en 1895 à un facteur de triste mémoire, un ancien de chez Koulen nommé Beerhalter. Roethinger n'avait pas pu faire grand chose en 1908. Kriess eut le marché de reconstruction en pleine guerre (août 1916 ; et pourtant les autorités centrales avaient contribué au financement). Il releva toutefois le défi. Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés en cours de projet (janvier 1917). Kriess acheva le travail le 24/06/1918, et reçut de grands éloges, forcément mérités, vu le contexte ! La console Kriess existe toujours, bien qu'elle ait été gravement vandalisée. C'est le témoin pathétique et mutilé d'une époque où on a réussi l'impossible. Impossible mais pas suffisant : le tout à été reconstruit en 1999. Fort joliment d'ailleurs : le bel instrument de Gaston Kern est muni de trois Gambes et d'un Hautbois au second clavier (non expressif). [IHOA:p194b] [ITOA:4p723]

Après la mort de Gessner (1919), les choses furent plus difficiles. Franz Kriess francisa son nom en "François", et on trouve parfois la plaque d'adresse "François Kriess et Fils - Manufacture de grandes orgues - Molsheim (Bas-Rhin) - Maison fondée en 1886".

Miniature 1920 : Duttlenheim (région de Molsheim), St-Louis
Instrument actuel.
Au début du 20ème siècle, comme beaucoup de paroisses, celle de Duttlenheim était dotée d'un orgue du tout début du 19ème (datant du rétablissement du culte). Il faisait l'affaire dans le contexte culturel d'avant 1870, mais, après, les limitations de ces instruments les rendaient complètement inadaptés : l'orgue Stiehr de 1817 n'avait qu'un seul manuel, le pédalier n'avait qu'une octave, et les anches ne devaient pas être utilisables souvent. [IHOA:p54b] [ITOA:3p137] [Kriess1924:p111-2] [PMSSTIEHR:p139-40]

L'opus 34 n'était pas un orgue neuf, mais la reconstruction de la transmission de l'orgue Charles Wetzel, 1880, de Wangen. Notons qu'en 1922, une localité voisine de Wangen, Irmstett, demanda à Kriess les même travaux sur son orgue Wetzel : cela montre que l'opération, à l'époque, avait été un succès. L'intégralité du matériel sonore (sauf une Flute 4') ayant été conservé à, l'instrument a logiquement retrouvé une traction mécanique, en 2007, au cours d'une restauration dans son état de 1880 menée par Richard Dott.

Miniature 1922 : Steige (région de Villé), Ste-Madeleine
Instrument actuel.
Il s'agit de la reconstruction partielle d'un orgue Voit. Le bel instrument actuel n'est pas "cohérent" comme on dit, mais sonne vraiment très bien quand on ne tire pas les "petits jeux", et c'est là l'essentiel. [IHOA:p178b,51a] [ITOA:4p649] [PMSDBO1974:p128-34] [Rupp:p177] [Barth:p344,424] [PMSRHW:p18]

Miniature 1922 : Irmstett (région de Wasselonne), St-Ulrich
Instrument actuel.
Un peu comme à Wangen (localité voisine) deux ans plus tôt, il s'agissait de doter un orgue Charles Wetzel, 1884, d'un second manuel et d'une console indépendante. Mais en plus petit (II/P 7j). Cela démontre en passant que l'opération de Wangen avait été un succès à l'époque. On pourrait bien-sûr dire "une pneumatisation de plus", surtout quand on connait le charme que peuvent avoir les petits Wetzel des années 1850. Mais l'orgue de 1884 avait un seul manuel (8 jeux)et une petite pédale de 18 notes seulement. [IHOA:p86a] [ITOA:4p592] [PMSRHW:p207] [Barth:p231,424] [PMSCS80:p35]

Miniature 1923 : Battenheim (région d'Illzach), St-Imier
Remplacé par Gaston Kern (1989).
Comme celui de Wangen, l'opus 37 n'était pas un orgue neuf, mais la transformation d'un Valentin Rinkenbach de 1851, essentiellement destinée à le munir d'une console moderne et à déplacer son positif de dos pour un faire un récit. Là aussi, c'est fort logiquement que l'orgue Rinkenbach a été restauré dans son état de 1851, par Gaston Kern, en 1989. [IHOA:p32a] [ITOA:2p23-4]

A partir de 1924, la maison Kriess allait faire face à concurrent extrêmement doué : Georges Schwenkedel. Face à son talent et sa vision du post-romantisme, et sans l'appui de gens tels que Gessner, les temps allaient être durs pour les ateliers de Molsheim.

Miniature 1923 : Blaesheim (région de Geispolsheim), Eglise protestante
Instrument actuel.
C'est la reconstruction sur deux manuels et pédalier complet d'un petit orgue Stiehr-Mockers qui, bien qu'il datait de 1862, avait encore des caractéristiques telles qu'on aurait pu le croire construit en 1830. La disposition laissée par Kriess donne accès à un important répertoire, et l'orgue ne manque pas de charme. Il a malheureusement été un peu "baroquisé" à une date inconnue (Violoncelle 8' de pédale découpé en 2' !...). [IHOA:p39b] [ITOA:3p64] [PMSAEA85:p213-5] [PMSSTIEHR:p509-13]

Miniature 1924 : Weitbruch (région de Haguenau), St-Gall
Remplacé par Georges Schwenkedel (1954).
Il s'agissait de la reconstruction d'un orgue de 1872 qui, à l'évidence, ne donnait pas satisfaction.

Miniature 1925 : Brouderdorff (57)
Détruit par faits de guerre en juin 1940. Remplacé par Jean-Georges Koenig (1961).
C'est probablement l'orgue Georges Wegmann du Temple-Neuf de Metz qui fut posé par Dalstein-Haerpfer à Brouderdorf en 1876. L'instrument fut détruit par un incendie en 1914. En 1924, pour construire un orgue neuf, Kriess fut préféré à Frédéric Haerpfer qui avait rédigé un devis sur la base de la même composition (elle était probablement au cahier des charges, qui s'inspirait lui-même d'un premier devis de Kriess). Ce fut l'opus 36 de Kriess, (II/P 13j). [IOLMO:A-Gp302-4]

Composition, 1925
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
Zinc/Spotted
Bois/Spotted
Bois/Spotted
Basses en Montre ; Zinc/Spotted
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
Bois/spotted
Bois/Spotted
Zinc/spotted
Zinc/Etain à 60%
(c-g''')
Etain 75%
Zinc/Spotted
Etain à 60%
Pédale, 27 n. (C-d')
Bois
Soubasse alimentée différemment
I/P
[IOLMO:A-Gp302-4]

Voici donc la disparition de l'étoffe (alliage de zinc et de plomb), même pour les Bourdons, ainsi que celle de tout jeu d'anches. Notons que dans un contexte qui avait connu les "Labialstimmen" (jeux d'anches réalisés avec des tuyaux à bouche), il était tout à fait acceptable de "réaliser" un Hautbois avec la registration {Gambe 8' + Nasard 2'2/3}.

Le deuxième orgue de Brouderdorff disparut lui aussi dans un incendie, mais cette fois causé par la guerre. [IOLMO:A-Gp302-4]

L' "opus 42" (40 chez Barth) apparaissant sur la liste de 1924 pour Niederbetschdorf n'a probablement été qu'un projet. Si l'orgue de Betschdorf a bien été transformé en 1923, et qu'il a bien la disposition annoncée (II/P 21j), c'est en fait Zann qui eut le marché. Sur ce coup-là, Kriess a probablement vendu la peau de l'ours avant de l'avoir pneumatisé. [Caecilia] [Barth]

Un dernier opus sur la "liste 1924" concerne "43) Bettwiller, 28 [jeux]". Il y a un orgue Kriess à Bettwiller en Moselle (voir ci-dessus l'opus 35 de 1914, 19j). Et une localité bas-rhinoise s'appelle aussi Bettwiller (321 habitants en 1921). Il n'y a là bas qu'une église, qui fut dotée en 1922 d'un joli petit orgue de Frédéric Haerpfer (II/P 7j). Nulle trace de Kriess, et on voit mal une commune de 321 habitants se payer un orgue de 28 jeux. Le mystère s'explique peut-être par un projet d'agrandissement de l'orgue de Bettwiller en Moselle (960 habitants en 1926), où Kriess avait remplacé la façade en 1919, et avait donc gardé des contacts.
Bettwiller n'apparait plus dans la liste mise à jour par Barth. [Caecilia] [Barth]

Miniature 1926 : Richtolsheim (région de Marckolsheim), St-Arbogast
Remplacé par Yves Koenig (1988).
L'instrument (II/P 15j) occupait un buffet de Callinet, alors, évidemment, la suite était prévisible. La Clarinette était à anches libres, et la Sesquialtera présente en 1986 au récit trahit le fait qu'en 1988, l'orgue Kriess avait déjà été altéré. A titre l'anecdote, c'est sur cet orgue que la plaque Kriess disait "Manufacture d'orgus d'églises", avec une coquille au plus mauvais endroit. [IHOA:p147b] [ITOA:4p525] [PMSAEA69:p164]

Miniature 1926 : Rédange (57)
Orgue actuel (mais gravement altéré en 1955).
Quel magnifique buffet néo-gothique ! Avec des statues ailées et des couronnements impressionnants. En chêne massif, ce buffet est l'un des plus beaux de Moselle, qui en compte pourtant beaucoup. L'orgue "Kriess fils" (donc à attribuer à Franz Heinrich) eut une genèse plutôt difficile, puisque pas moins de six projets ont été rédigés (trois de 12 jeux, puis trois de 16, et que c'est probablement une septième version (II/P 20j) qui fut réalisée, comme en témoigne le relevé effectué par Pierre Jacquot en 1954. [IOLMO:Mo-Sap1685-9]

Composition, 1926
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
Disparue en 1955, transformée en Flûte 8' de P
Transférée au II
Transformé en Quinte 2'2/3 en 1955
Transformé en Flûte 2' du II
Disparue en 1955
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
Disparue en 1955, probablement découpée en Tierce
Disparue en 1955, Salicional du I ?
Transformée en Doublette du I
(C-g''')
Transformé en 'Cornet mixture' du I
Probablement harmonique à partie de c'', comme l'actuelle
Pédale, 30 n. (C-f')
Disparu en 1955
[IOLMO:Mo-Sap1689]

Les accouplements n'y figurent pas, mais c'était à coup sûr I/II 16', I/II, I/II 4', I/P, II/P, comme actuellement, avec une combinaison libre, 5 fixes, et un crescendo, vu qu'on voit mal les années 50 ajouter ces accessoires.

Si la Clarinette (malheureusement disparue en 1955) était au grand-orgue, c'est parce qu'il y a une Trompette de récit. Franz Heinrich a donc quitté le style romantique allemand pour adopter un "post-romantique" à la française, et dota l'orgue d'un Plein-jeu au récit, qui est une composante associée au néo-classicisme émergent. Par contre, ni Doublette au grand-orgue, ni 4' à la pédale.

Jean-Georges Koenig y plaça sa plaque d'adresse en 1955, après une "baroquisation" qui ne fut certes pas ce qu'il a fait de mieux... Il comptait pourtant parmi les grands résistants à ce genre de "cuisine internationale". Mais le monde de l'orgue des années 50 voulait cela, et on peut déjà s'estimer heureux que le buffet ne fut pas envoyé à la chaudière. Bien sûr, revenir en arrière serait coûteux (bien que l'essentiel du matériel soit encore là, certes déplacé ou recoupé) : au cours du relevage de 1989, rien ne fut fait dans le sens d'une restauration. Depuis, ce magnifique buffet attend toujours qu'on lui rende une partie instrumentale en harmonie avec son style. [IOLMO:A-Gp302-4]

Miniature 1928 : Berrwiller (région de Soultz-Haut-Rhin), Ste-Brigitte
Remplacé par Christian Guerrier (1979).
L'instrument précédent avait été détruit pendant la guerre. Il ne fut possible de récupérer que la partie basse du buffet de Bergäntzel (cintré). En 1928 François Kriess et fils construisirent un instrument neuf (l'un des seuls dans le Haut-Rhin), doté d'un buffet très réussi mettant bien en valeur les parties anciennes. Il reste de l'orgue Kriess (II/P 23j) le buffet et une partie de la tuyauterie. L'orgue actuel a... 8 jeux seulement (dont un Larigot). [IHOA:p36a] [ITOA:2p34] [PMSBERGANTZEL:p235-6] [Barth:p151] [PMSCALL:p265-6]

Miniature 1930 : Valff (région d'Obernai), St-Blaise
Remplacé par les frères Steinmetz (1984).
Il ne reste rien de l'orgue Kriess (II/P 18j), car il était logé dans un buffet de 1802. Le petit orgue Sauer qui l'occupait (I/P 13j dont 4 à la pédale de 13 notes seulement) avait été transformé en 1865 et 1901 et avait perdu sa façade en 1917. En 1984, les frères Steinmetz ne firent évidemment pas de détail quand ils posèrent leur orgue neuf. [IHOA:p209b-10a] [ITOA:4p804]

Miniature après 1930 : Bilwisheim (région de Brumath), St-Etienne
Remplacé par Muhleisen (1989).
Cet orgue était la reconstruction et l'agrandissement (II/P 12j) d'un petit instrument de 1758. Lui aussi a été victime de l'impitoyable mode "baroque" de la fin du 20ème. [IHOA:p37a] [ITOA:3p50-1] [Caecilia:1990-3-4p29-30]

Miniature 1932 : Barr, St-Martin
Instrument actuel.
Partie instrumentale classée Monument Historique (09/03/1991).
C'est un "crève-cœur" de l'orgue alsacien, et une de ses pages noires. L'orgue "François Kriess et fils" (II/P 26j) a été construit sur la base d'un Michel Stiehr de 1826 (pour le prix, fort probablement à un seul manuel). Julien Louis, (professeur à l'école normale de Phalsbourg puis à Sélestat) en a élaboré la bien jolie composition néo-classique. Il y eut encore un entretien en 1952. On ne reviendra pas sur la suite. [IHOA:p31b] [ITOA:3p23] [PMSSTIEHR:p187-9] [Barth:p146]

En 1931, le "vent avait tourné" dans le monde de la facture alsacienne, comme l'illustre le projet pour renouveler l'orgue de Mutzig. Quatre facteurs étaient en lice :

Tous, sauf Schwenkedel, voulaient récupérer la tuyauterie Stiehr et remplacer le reste. Le facteur strasbourgeois, lui, comptait laisser l'orgue Stiehr entier pour le déménager à Eckbolsheim. Schwenkedel a donc recherché une solution pour pouvoir proposer à Mutzig un orgue totalement neuf, plutôt que d'en dénaturer un ancien. Mais Martin Mathias fit tout son possible pour discréditer Schwenkedel, l'estimant incapable de construire un orgue de cette taille. Schwenkedel eut tout de même le marché, et se montra non seulement tout à fait capable, mais aussi sous le jour d'un visionnaire : les orgues anciens pouvaient avoir de la valeur !

Date Offendorf Mutzig   Eckbolsheim Saulxures
1680 Orgue attesté à Mutzig
1749 Rohrer du chapitre de Surbourg (voir Haguenau, St-Georges)
1756 Jean-André Silbermann à Offendorf
1810 Stiehr à Offendorf
1815 Stiehr à Mutzig
1889
1889 Martin Rinckenbach à Offendorf
1931 Schwenkedel déménage le Stiehr plutôt que de le reconstruire
1931 Georges Schwenkedel à Mutzig
1933
1933
1945 Destruction par faits de guerre
1963 Jean-Georges Koenig à Offendorf
1981 Alfred Kern à Saulxures
1982 Jean-Georges Koenig à Eckbolsheim

Miniature 1932 : Grundviller (57)
Orgue actuel.
La plaque porte la mention "François Kriess et fils". Il avait été en concurrence avec Frédéric Haerpfer. Leur offre était au moins 40% moins chère que la proposition originale de Haerpfer, et toujours 25% moins chère que sa proposition finale. Les Kriess étaient très compétitifs. La tuyauterie était, comme d'habitude, fournie par un sous-traitant. Ce qui ne la rend pas mauvaise en soi. [IOLMO:A-Gp682-4]

Composition, 1932_restituée
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
Transformée en Nasard au II
?
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
Transformée en Flûte 4' di I
Pédale, 30 n. (C-f')
Remplacée
I/P
Pédale basculante
[IOLMO:A-Gp683]

On le voit, la Clarinette n'est plus au programme. (A moins qu'elle n'ait été remplacée par la Flûte 2' ?) Le Hautbois du récit confirme le virage de Franz Heinrich vers une esthétique plus française.

A part la Soubasse, plus récente, le matériel d'origine est encore là, bien que 2 jeux ont été déplacés et recoupés. [IOLMO:A-Gp682-4]

Miniature 1933 : Dieffenbach-au-Val (région de Villé), St-Laurent
Remplacé par Curt Schwenkedel (1961).
Sur la base d'un orgue de salon venant de Duppigheim, et ayant appartenu à Joseph Hirschner, Franz Heinrich Kriess construisit ce petit instrument (II/0P 6j), qui eut un sort bien triste. Il faut reconnaître qu'une fois baroquisé (1961), il n'avait plus beaucoup d'intérêt. Mais avec son grand pédalier de 32 notes (en tirasse I/P) et ses 6 jeux, il constituerait pourtant un bon orgue d'étude, s'il n'était pas muet. [IHOA:p51b] [ITOA:3p117]

Miniature 1936 : Surbourg (région de Soultz-sous-Forêts), Abbatiale St-Jean-Baptiste
Instrument actuel.
Il s'agissait d'ajouter un récit à un "orgue Zégowitz" (Stiehr, 1840, construit "au rabais" en raison de l'intervention de ce fameux fonctionnaire trop zèlé). L'orgue Kriess, avec sa plque "FRANÇOIS KRIESS & FILS", devait être plutôt intéressant, au moins sur le papier (il est aujourd'hui à l'abandon), avec sa composition plus post-romantique (Trompette et Fourniture au récit) que néo-classique. [IHOA:p204a] [ITOA:4p783]

La plaque d'adresse en 1936 (Surbourg).La plaque d'adresse en 1936 (Surbourg).

Voyons à présent quelques rénovations et reconstructions :

Il faut distinguer les opérations d'avant et après 1917. Après 1917, il fallait remplacer des centaines de façades qui avaient été réquisitionnées par les autorités pour contribuer à l'effort militaire. Les orgues avaient aussi, évidemment, souffert de la guerre. Les transformations les plus tardives sont aussi, souvent, les plus discutables.

En de nombreux endroits, le remplacement de la façade était l'occasion de prendre contact avec un facteur pour électrifier la soufflerie, et, dans cet élan, remettre au goût du jour le "vieil orgue d'avant guerre". Présenté comme ça, et avec notre façon de penser, cela peut être compris comme un mépris de l'héritage historique. Mais il faut se souvenir que les survivants de la Guerre mondiale ne raisonnaient pas ainsi. Dans le domaine artistique par exemple, on constate un rejet de tout ce qui avait été fait avant guerre (voir la poésie ou l'art pictural). On voulait renoncer - même inconsciemment - à ce qui avant "conduit à la guerre". Il fallait donc faire table rase, ou en tout cas se mettre en rupture franche avec le passé. De plus, n'oublions pas que les Alsaciens devaient, pour la seconde fois, changer de langue. Tout cela contribuait à appliquer une "logique du changement" un peu partout. Cela n'enlève rien au fait que beaucoup de ces transformations ont été fort dommageables sur le plan historique, et qu'on aurait préféré hériter de ces orgues du 18ème dans un état proche de l'authentique (au moins ceux qui étaient jouables quand ils étaient neufs ; c'est à dire pas tous).

Faut-il parler de Molsheim ? "Chez-eux", il y avait un orgue Silbermann, tout le monde était conscient de sa valeur, et du coup, il était difficile de placer à domicile un instrument de prestige. Les transformations Kriess sur ce Silbermann furent nombreuses. Cela commença en 1887 par une réparation, et continua régulièrement jusqu'en 1941 (vers 1893, 1910, 1941). L'écho de Silbermann fut tout d'abord transformé en un récit expressif (mais Kriess, clairvoyant, en avait noté la composition). L'étendue des manuels est passée à 54 notes, et celle de la pédale à 27. La pression, et malheureusement le diapason ont été changés, ainsi que la composition (au moins 5 jeux neufs, ainsi que des compléments sur sommiers pneumatiques). Le pédalier et le banc ont été remplacés. Evidemment, la tuyauterie a été modifiée lors de ces modifications, les Bourdons étant munis de calottes mobiles, comme c'était l'usage à l'époque. Ces transformations, certes malheureuses, n'étaient pas irréversibles, et en tous cas pas conforme à une réputation de "massacreur d'orgues historiques". Loin de là ! Au contraire, en relisant tout cela, on peut même se demander si les Kriess n'ont pas pratiqué un "minimum syndical", pour que l'orgue garde son authenticité, sans que cela ne fasse trop "atavisme" sur une terre de facteurs d'orgues...

De nombreux autres travaux ne sont pas cités ici, incluant de nombreux "simples" remplacements de façades réquisitionnées en 1917. Mais une façade, c'est loin d'être simple, et on peut noter que celle de l'orgue Merklin d'Obernai est due à Kriess (1923). Même si la plupart des tuyaux sont muets, elle est très belle, et c'est un excellent travail ! Le fait que de nombreuses façade neuves aient été réalisées en zinc (c'était mal vu il y a encore quelques années) n'est pas imputable au facteur : en 1922 à Griesheim-près-Molsheim, Kriess avait proposé (en vain) de l'étain.

Obernai : la façade est de Kriess (1923).Obernai : la façade est de Kriess (1923).

En 1937 mourut Franz Xaver, devenu François Xavier Kriess, à Molsheim.

Sites  La fin de la maison Kriess

Miniature 1963 : Plaine (région de Saales), St-Arnould
Remplacé par Christian Guerrier (1993).
Avec cet instrument, Robert Kriess avait pratiqué un style néo-classique... avec les moyens du bord, c'est-à-dire des éléments d'occasion de Walcker. La composition de 1963 n'augurait rien de bon, avec Schalmei 2' au récit et trois chapes vides à la pédale. Surtout que lors de la visite d'un historien des orgues d'Alsace, le jeu plus tard nommé "Schalmei 2'" a été noté "Bourdon (?)". Bien sûr, le tout fut remplacé.

Miniature 1963 : Guntzviller
Avec son compère Alexander Baron, éminent fournisseur de matériel d'occasion divers, Robert Kriess commit cet orgue sans buffet, qui, assurément, ne fera pas date dans l'histoire...

On ne détaillera pas les "petits boulots" de la fin, d'abord parce que cela manquerait d'intérêt. On sait bien que c'était l'époque du Vestaflex, des câbles de vélo pour "arranger" les transmissions, du carton pour boucher les entailles, et de la colle à froid. On se souvient de découpages de jeux à Lipsheim à cause de la célèbre "Voix Céleste 1'1/3", mais aussi (plus tristement) d'Allenwiller (1972, qui ne fut qu'un sombre prélude à la catastrophe qui s'annonçait), ou de la quasi destruction du récit du bel orgue d'Andlau (1974). Il y eut en 1977 une triste transformation néo-quelquechose à Gumbrechtshoffen (à base de Mixture de pédale et de Ranquette 16') qui montre que l'on basculait dans le grand n'importe quoi. Un instrument, toutefois, reste notable :

Miniature 1978 : Ste-Marie Reine, Düsseldorf (D)
Robert Kriess construisit un orgue neuf pour Düsseldorf en 1978. Il fut "achevé" par le fameux facteur Baron, et doté de sommiers à gravures et d'une composition néo-baroque jusqu'au bout de sa Sesquialtera.
Rangée comme un jeu de fond en 4', la "Bartpfeife" ne semble pas être une "Bärpfeife" (anche, qui aurait donc trouvé sa place après la Posaune). [MichaelJohannes]

Comme on s'en doute, l'orgue dut être fini une seconde fois. Ce fut fait par Fabritius (Düsseldorf), qui dota l'instrument d'une traction électrique et d'une console mobile. Depuis 1984, l'orgue est entretenu par Peter (Cologne). Il est muni de 3 combinaisons libres (plus une dédiées à la pédale, d'un appel du Tutti, d'un annulateur des anches, et... d'un crescendo par rouleau (Rollschweller / Walze). Cette console, Franz Xaver l'aurait probablement trouvée géniale !

Sites 

Style et façon

Ohlungen (1905)Ohlungen (1905)

Sur la cinquantaine d'orgues Kriess présentés ici (pouvant être considérés comme neufs) :

C'est tout de même un bon "score", sachant que les instruments qui existent encore ont dû survivre à au moins une guerre, à la vague néo-classique, puis au tsunami néo-baroque. Parmi les 25, 8 sont restés à peu près authentiques (ou ont subi des altérations aisément réparables) : cela mérite donc que l'on s'y intéresse.

Les orgues de Franz Xaver Kriess sont de style romantique allemand. Et d'avantage conçus en pensant à Max Reger qu'à Félix Mendelssohn. Certains des instruments construits à Molsheim sont originaux (comme l'infortuné instrument de Barr), et de nombreux autres démontrent un fort attachement à certains jeux (la Clarinette du récit par exemple). Dans une certaine mesure, Franz Xaver Kriess inspirait donc ses commanditaires. Mais dans l'ensemble, les Kriess réalisaient surtout ce que l'on attendait d'eux. C'est à dire du "Spätromantik" (post-romantique) : une solide dotation en jeux fonds de 8' bien diversifiés, une bonne dynamique, une console confortable. Avant tout, les Kriess exécutaient le programme élaboré par Gessner, Erb ou les autres conseillers.

Si leur "façon" a évolué, c'est donc surtout sous l'influence des préconisations des commanditaires et de leurs conseillers, comme Adolphe Gessner. On l'a vu, les commentateurs de la fin du 20ème siècle furent très sévères, tant avec les Kriess qu'avec les "experts" : c'étaient les "méchants" qui avaient démoli tous ces merveilleux instruments du 18ème siècle. (Ce qui expliquait qu'on ne trouvait plus d'instrument neuf du 18ème siècle... Problème que l'on crut résoudre par la suite, d'ailleurs, en construisant des orgues neufs prétendument du 18ème.) Mais aujourd'hui, avec le recul, on ne peut guère leur reprocher d'avoir transformé ou reconstruit des orgues qui avaient alors 70 ans, puisque, de fait, on a fait pareil à *toutes* les époques, de Silbermann aux années 2010.

Sans "style" personnel réellement affirmé, les Kriess n'ont pas "fait école". D'ailleurs, il n'y avait plus d' "écoles" à l'époque, toutes les tendances étant attachées aux évolutions européennes. Ni Franz Xaver ni son fils Franz Heinrich ne comptent parmi les "génies" de la facture d'orgues. Mais ils n'ont sûrement jamais cherché à l'être. Ils n'avaient ni le talent de Martin ou de Joseph Rinckenbach, ni l'élan visionnaire de Georges Schwenkedel, leurs principaux concurrents. L'image d'Epinal du "facteur artiste" est bien un produit de la fin du 20ème siècle, même si un verbiage "Kunstlerei" avait un peu existé la fin du 19ème, quand il fallait pousser les éloges pour obtenir des subsides. Car entre 1870 et 1945, il s'agissait avant tout de contribuer efficacement à une dynamique bien plus large que la facture d'orgues. Les commentaires lors de réception sont éloquents, et s'ils sont bons, à cette époque, ils insistent sur l'adéquation du résultat aux spécifications.

Le monde de la musique d'église était une ruche débordante d'activité, comportant des instituteurs, des enseignants de la musique, des employés communaux, les organistes, le public, les chantres, les conseillers, les ecclésiastiques, l'administration. L'orgue était une "chose publique", gérée par des professionnels dont on attendait avant tout des résultats et de la compétence. Pour le seul exemple de l'administration, il est significatif de comparer les fayottages pitoyables d'un Zégowitz en 1836 avec l'efficace support prodigué par les autorités entre 1880 et 1910. Aucun mauvais facteur d'orgue ne pouvait d'ailleurs se maintenir plus d'un ou deux ans : il était automatiquement éliminé par l'éco-système. A l'opposé, si certains facteurs d'orgues étaient effectivement des artistes, c'était tant mieux, mais on attendait avant tout d'eux qu'ils soient des fournisseurs sérieux qui s'engagent, et réalisent ce qui est prévu. Cela ne retire pas une once de la valeur de leur production, qui tire finalement sa valeur de la démarche collective et cohérente de tous ces intervenants.

Peut-être que le principal enseignement laissé par les Kriess est qu'il n'est pas nécessaire d'être un génie pour construire un bel orgue. Il n'y a pas de Stradivarius et son "vernis secret". Tant pis pour le mythe de "l'homme providentiel" cher à l'imagerie populaire. La réussite provient de la compétence et des moyens alloués, et le charme vient souvent de la rigueur, de l'équilibre, et surtout de l'adéquation avec l'édifice, son ambiance et les habitudes musicales locales. On peut donc acheter sa tuyauterie chez un tuyautier, une bonne console chez un autre fournisseur, un buffet chez un troisième et, en pratiquant avec application une harmonisation bien maîtrisée, "rendre le tout écoutable" - comme disait un autre facteur, qui disposait assurément de plus de moyens.

Références

Sources et bibliographie :

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