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Les orgues de la région de Ferrette
Lutter, St-Léger
1917 degr > Dégâts
Partie instrumentale classée Monument Historique, 30/11/2004.
Buffet classé Monument Historique, 30/12/1998.
Lutter, l'orgue Joseph Callinet.
Toutes les photos de la page sont de Stéphane Linder, 19/07/2010.Lutter, l'orgue Joseph Callinet.
Toutes les photos de la page sont de Stéphane Linder, 19/07/2010.

Le confrère que Joseph Callinet rencontra le 24/09/1844 à Lutter, à l'occasion de la construction de cet orgue, s'exprima ainsi en parlant de l'Alsace : "Il paraît que c'est le pays de orgues. C'est l'inverse de la France : il y a plus d'orgues que de pianos !" Et ce confrère savait de quoi il parlait : c'était Aristide Cavaillé-Coll, le plus grand facteur d'orgues français.

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L'orgue Joseph Callinet,
1844 (instrument actuel)
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Historique

L'orgue de Lutter a été construit en 1844 par Joseph Callinet. L'année d'avant, son frère Claude-Ignace, avec lequel il était resté associé si longtemps, avait claqué la porte pour se mettre à son compte. Lutter était le premier orgue commencé après cette rupture. Joseph ne se remit finalement jamais de cette séparation, mais il continuait à construire des orgues "comme avant". [IHOA] [ITOA]

Lutter, finalement, c'est le grand Aristide qui en parle le mieux. Son voyage d'étude l'avait conduit en Alsace en septembre 1844. Il avait commencé par Strasbourg, où son collaborateur Mathias Reinburg avait de la famille. Au programme : visite du Temple-Neuf, rencontre avec Stern, visite de la Cathédrale. Et Cavaillé-Coll, l'habitué des salons parisiens, le scientifique, se passionna bien sûr pour... l'horloge astronomique. Aubaine : Jean-Baptiste Schwilgué était là, et lui expliqua le fonctionnement du chef d’œuvre qu'il avait achevé deux ans auparavant. [ACCoriginesVieOeuvres]

Mais, aussi passionnantes que fussent l'astronomie et l'horlogerie, il fallut retourner au sujet motivant le voyage : "Nous avons ensuite entendu les orgues de Silbermann, père et fils. C'est bien comme jeux de fonds, mauvais comme jeux d'anches ; en somme, ces orgues, sous le rapport de la mécanique et de la soufflerie, ont les mêmes qualités et les mêmes défauts que tous nos anciens instruments."

Décidément, plus on apprend à la connaître, plus Aristide Cavaillé-Coll devient sympathique ! Qu'il est rassurant de constater qu'une opinion que l'on croyait inavouable, honteuse, est en fait partagée par le plus grand.

En immense professionnel, Cavaillé-Coll était l'un des seuls à savoir que - du point de vue de l'Orgue - tout l'intérêt de l'Alsace venait en fait des campagnes. Il avait échangé des lettres avec Joseph Callinet. Eh bien, on peut dire que la campagne, il l'a vue. La météo de ce mois de septembre avait été peu clémente, et, à l'époque, pluie diluvienne et voyages ne faisaient pas bon ménage. Au Pays des Orgues, les orgues, il fallait aller les chercher. Ce n'étaient pas les lourdes portes de chêne qui gênaient (comme aujourd'hui), mais les chemins... Aristide rata de peu Joseph à Rouffach. Mais Mme Callinet et ses filles lui montrèrent les ateliers. [ACCoriginesVieOeuvres]

Le 24 septembre à 5 heures du matin, l'ami du Chevalier Neukomm prit le train pour Saint-Louis. Mais il ne devait pas tout à fait penser au dit Chevalier avec beaucoup d'amitié ce matin-là, vu que c'est lui qui lui avait préparé son itinéraire... Ce fut probablement particulièrement vrai dans "le chemin boueux où les roues enfoncent jusqu'au moyeu". Pas de panique, toutefois : si l'essieu cassait "Bah ! la voiture se ferait bateau". La seule véritable catastrophe serait de devoir croiser une autre calèche. Evénement fort peu probable. Une fois à destination, devant l'incrédulité de Cavaillerou, le postillon de la Poste Royale rassura son client, tout en concédant qu'il y avait quand même plus de 20 ans qu'il n'était pas passé par là... De fait, Lutter ce n'était pas l'avenue du Maine. Lutter, c'était 100 habitants, une douzaine de maisons, et une petite église. Trouver un orgue ici tenait du miracle. Mais le miracle alsacien avait déjà eu lieu. Aristide trouva Joseph Callinet - en doutiez-vous - installé à table. En Alsace, quand on a fini de travailler, on mange ; on ne fait pas semblant de continuer à travailler. L'entrevue se fit donc, bien sûr, autour d'un déjeuner, et surtout d'une bouteille amenée par le "Herr Maire" : une bouteille de Tokay. [ACCoriginesVieOeuvres]

En 1844, en plus d'avoir le droit de dire qu'on aimait pas trop les anches Silbermann et que les cunéiformes sont une absurdité, on pouvait même appeler le "Pinot gris" par son vrai nom sans risquer des poursuites judiciaires.

Cavaillé-Coll s'étonna qu'une si petite localité puisse s'équiper d'un orgue. Et le bon Joseph de préciser - sûrement avec une modestie un peu forcée - que le dit orgue était un deux claviers, positif et grand orgue, avec pédale séparée, 20 jeux, dont Bourdon de 16, Flûte ouverte de 8 et Trompette. (Les orgues parisiens de taille moyenne, à l'époque, n'avaient pas de pédale séparée, et généralement un récit incomplet. Joseph devait déjà savoir que, contrairement à ce que demandait le devis, il allait offrir à Lutter - sans surcoût - un second clavier complet). Pour couronner le tout, il confirma que, dans "ces vallées", il pourrait lui montrer une trentaine d'orgues plus complets que celui-là. [ACCoriginesVieOeuvres]

Aristide Cavaillé-Coll formula ainsi sa Découverte de l'Orgue alsacien : "Il paraît que c'est le pays des orgues. C'est l'inverse de la France ; il y a plus d'orgues que de pianos". Puis, finissant le repas avec le café et le "petit verre", il avoua : "Je commençai alors à comprendre qu'on pouvait vivre dans un pareil village." [ACCoriginesVieOeuvres]

Quant au travail de Joseph Callinet, Aristide l'estima bien sûr à sa vraie valeur : "Le travail ne présente rien d'extraordinaire, mais c'est solidement établi avec de bons matériaux ; c'est d'un entretien facile [...]. M. Callinet me paraît un homme très actif ; il est bien secondé par ses ouvriers qu'il paye bon marché." Nul doute que Joseph aurait été honoré cet avis, lui qui n'a jamais essayé de faire quoi que ce soit d' "extraordinaire", la Musique étant déjà en soi extraordinaire dans "ces vallées". Sauf qu'il l'aurait corrigé sur un point : Joseph Callinet payait ses ouvriers le double du salaire moyen dans la région à l'époque ! [ACCoriginesVieOeuvres]

"[...] avec Herr Maire, qui est un beau petit paysan avec lequel nous avons vidé la fiole de Champagne, et après avoir embrassé Herr Callinet qui a paru aussi content de moi que moi de lui, je suis remonté dans ma calèche et me suis embarqué pour Saint-Louis où j'ai pris le convoi de 9h du soir pour Bâle, d'où je vous écris." C'est ainsi qu'Aristide quitta ces vallées remplies d'orgues où l'on servait le café et le petit verre en même temps que le repas. [ACCoriginesVieOeuvres]

L'orgue Callinet de Lutter fut reçu quelques jours plus tard, le 03/10/1844, par Joseph-Dominique Walther (Porrentruy). [PMSCALL]

Il eut une vie paisible. Rien d'extraordinaire. Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en mars 1917. (En 1986, l'inventaire estima que la façade était toujours d'origine, mais c'est probablement faux.) A part un changement de l'écartement des buffets (donc une modification de la mécanique du positif) et un remplacement des touches, travaux probablement réalisés par Berger, cet orgue resta authentique, tel qu'il fut achevé après la visite de son distingué parrain : [PMSCALL] [IHOA] [ITOA]

En 1927, Alfred Berger remplaça la façade et recula le buffet principal. Le Salicional du G.O. fut déplacé au positif, décalé en 4' (à la place d'une Doublette, probablement), et remplacé au G.O. par une Gambe 8' neuve. Un Bourdon 16 incomplet a pris la place du Nasard) constitué en partie avec les tuyaux de la Flûte 4 du positif. Cette Flûte douce 4' du positif a été remplacée par une Voix céleste neuve. Claviers, pédalier et réservoir ont été renouvelés. [JGUhlrich]

En 1965, Alfred Kern rédigea un devis, qui ne fut pas réalisé. En 1993, c'est Christian Guerrier qui fournit un devis, à nouveau non réalisé. En 2005, l'Association pour la restauration de l'orgue Callinet a été créée. Dès 2011, un traitement insecticide par diathermie a pu être effectué. [JGUhlrich]

En 2021, l'orgue a été restauré dans son état de 1844 par Hubert Brayé. [JGUhlrich]

L'état de 1844 a été restitué, à l'exception des éléments suivants : [JGUhlrich]

- L'étendue de la pédale est passée à 27 notes (rendant l'usage du pédalier possible pour le répertoire), avec une tirasse II/P.

- Le soufflet de Berger a (heureusement !) été conservé.

- Au positif, il a une une Flûte traversière 4-8, et pas de Doublette. (La Flûte douce du positif 4' est un dessus.)

- Une Flûte 4 et un Clairon ont été ajoutés sur des chapes libres à la pédale.

L'instrument a été inauguré par Pascal Reber (Strasbourg, cathédrale et Mulhouse, St-Etienne) le dimanche 26/06/2022.

Le buffet

Le buffet est fort spécifique dans la production Callinet, puisqu'il a des tourelles plates ("à la Stiehr"). Mais la courbe dessinée par le haut des plates-faces, finie par un petit méplat, et les cinq roses sont bien là : c'est la "signature" visuelle des Callinet.

Caractéristiques instrumentales

Console:

Console en fenêtre frontale. Tirants de jeux de section carrée à pommeaux tournés placés en deux fois deux colonnes de part et d'autre des claviers. Etiquettes neuves. Claviers noirs. Pupitre iso-plan.

La console est dotée d'un bougeoir articulé.

Transmission:
La mécanique (revers de la console à gauche).
(Photo prise en 2012, donc avant la restauration.)
"C'est solidement établi avec de bons matériaux ;
c'est d'un entretien facile." [A.C-C.]
En haut, un souvenir du Web 1.0.La mécanique (revers de la console à gauche).
(Photo prise en 2012, donc avant la restauration.)
"C'est solidement établi avec de bons matériaux ;
c'est d'un entretien facile." [A.C-C.]
En haut, un souvenir du Web 1.0.
Sommiers:

Sommiers à gravures, d'origine.

Culture Activités culturelles :

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F680194001P01
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