L'abbaye cistercienne de Lucelle était un trésor architectural, spirituel et culturel. Son mobilier baroque, d'une rare distinction, et ses orgues participaient à ce rayonnement. A la Révolution, les moines furent chassés, leur biens confisqués et vendus aux enchères. En 1801, il y avait un fourneau de fonderie sur le site de l'un des plus beaux joyaux culturels et spirituels du monde occidental. Certaines communes tentèrent directement leur chance pour obtenir du mobilier - donc des orgues - à bas prix. Mais l'orgue Waltrin-Rohrer, 1728, de la nef fut acheté par un menuisier-spéculateur, du nom de Stephan Flum. Il essaya de le remonter à Ottmarsheim. Or, si n'importe qui peut démonter un orgue, il faut être facteur pour savoir le remonter correctement... En fait, 4 orgues se sont succédés à la tribune de l'église de l'abbaye de Lucelle, auxquels il faut ajouter l'orgue "de choeur", mais aussi un orgue "postiche", limité à un seul buffet, qui servait de pendant au précédent, "pour la symétrie".
Historique
Il y a avait un orgue à Lucelle avant 1500. [IHOA] [PMSAEA85]
C'est cet instrument qui fut détruit lors de la "guerre des Paysans", en 1525. [IHOA] [PMSAEA85]
Historique
Un deuxième instrument est attesté avant 1599, car il était joué par Conrad Seckler (décédé en juillet 1599). [IHOA]
Historique
C'est Thomas Schott qui construisit un orgue neuf vers 1615 : commandé par l'abbé Hauser, cet instrument était doté de 18 registres. [IHOA] [PMSAEA85]
Thomas Schott, de Bremgarten (Zürich, CH) a été l'auteur d'un orgue à Rouffach, dont il reste des tuyaux. C'est probablement l'auteur des plus anciens tuyaux d'orgue existant en Alsace.
L'instrument fut détruit lors de la guerre de Trente ans (comme plus des deux tiers de l'Alsace, livrée à plusieurs vagues de soudards et de mercenaires incontrôlables et incontrôlés). Ici, ce sont les "Suédois" qui officièrent, en 1638. [IHOA] [PMSAEA85]
Historique
De 1720 à 1728, Joseph Waltrin, assisté de Johann Georg Rohrer (qui l'a rejoint vers 1727) construisit un orgue neuf. C'est l'abbé Delfis qui mena le projet. [IHOA] [PMSAEA85]
La première tentative (devis Waltrin du 02/11/1720) ne correspondait pas vraiment à du "classique français" :
Or, André Silbermann avait déjà imposé en Alsace d'autres standards : un orgue sans anches était inconcevable. Waltrin dut revoir sa copie. Peut-être que Rohrer l'y encouragea (probablement, même). Il manquait à son projet plusieurs éléments, à commencer par un Bourdon 16' manuel, une Flûte à fuseau 8', une Trompette et une Voix humaine pour le grand-orgue. Et au positif, un vrai Nasard, une Tierce et un Cromorne. La pédale devait être munie d'une Trompette, d'un Clairon et d'un 16' bouché (la "Soubasse ouverte" étant trop forte pour beaucoup de registrations). Et, finalement on décida d'adjoindre un écho (complet !) doté d'un Cornet décomposé de 5 rangs (Jeu de tierce). Un tremblant devenait aussi indispensable, maintenant qu'il y avait une Voix humaine). La pédale devait de plus être portée à 19 notes :
L'abbaye fit aussi affaire avec Henri Erard, ébéniste, pour les buffets, et Urs Fueg (sculpteur à Porrentruy) pour réaliser les 8 statues (5 pour le grand-orgue, 3 pour le positif). Trois d'entre elles étaient encore visibles à Ottmarsheim avant l'incendie de 1991. [PMSAEA85]
L'orgue fut acheté en 1792 par Stephan Flum, un menuisier touchant à la facture d'orgues, qui avait pris part au vaste pillage des biens des congrégations à la Révolution. Certains éléments de l'orgue Waltrin/Rohrer furent remontés à Sts-Pierre-et-Paul d'Ottmarsheim (où on pourra lire la suite de l'histoire) en 1794. En 1805, l'instrument y nécessitait déjà de gros travaux. Comme la plupart des orgues volés par la Révolution puis revendus au bénéfice de spéculateurs, le grand orgue de Lucelle ne fut, de fait, pas "une affaire" pour ses acquéreurs. [IHOA] [PMSAEA85]
Sources et bibliographie :
L'inventaire datant de 1986, c'est bien l'orgue venant de Lucelle qui y figure. Avec les trois statues, et les deux têtes d'anges ailées sur les culots des tourelles latérales.
Localisation :