C'est l'un des premiers instruments issus de la collaboration entre les frères (Joseph et Claude-Ignace) CALLINET. Les Frères Callinet étaient célèbres pour leurs Jeux d'Anches. C'est vrai que cet instrument a beaucoup d'anches pour un orgue alsacien. A l'origine, il y avait un Positif de dos. Aujourd'hui, le malheureux Callinet de Soultzmatt, pâle reflet de ce qu'il pourrait être, attend encore (et depuis fort longtemps) une indispensable Restauration.

Soutzmatt, orgue Callinet, 1837. Toutes les photos de la page sont de Roland LOPES, le 29/06/2008.

     A sa construction, en 1837, l'orgue devait beaucoup ressembler à celui Mollau. Il remplaçait un orgue de Jean Michel et Daniel CRÄNER, 1723, réparé en 1761 par Georg Friedrich MERCKEL. Vers 1792, Soultzmatt voulut remplacer le vieil orgue Cräner par celui des Franciscaines d'Ensisheim, mais l'affaire ne se fit pas. Vers 1830, l'instrument était inutilisable.

Sur le devis, daté du 17/02/1837, Joseph signe pour la première fois "Callinet Frères". Voici la Composition d'origine :

Cet orgue avait donc à la fois une Fourniture et une Cymbale au Grand-orgue (soit 5 rangs de Mixtures, sans compter le Sifflet, qu'on ne tire normalement pas dans le Plein-jeu sur un Callinet), mais pas de Plein-jeu au Positif (c'est la Doublette, harmonisée comme il se doit, qui en fait office). Il faut aussi noter l'absence de Flûte 4' au Grand-orgue.
On note que Callinet n'appelle pas encore sa Bombarde de pédale "Ophicléide".
D'après le Devis, le Positif de dos (logeant 8 Jeux de 54 notes, la façade commençant avec le premier Sib (Ais) ou le deuxième Do (c) - donc en 4 pieds - de la Montre 8') avait 3 Tourelles et 2 Plates-faces, "avec même sculpture qu'au grand orgue" (i.e. "les tourelles seront surmontées de vases ou urnes, les membres des moulures de la ceinture seront sculptées en oves et feuilles d'eau").

Toujours sur le devis, Callinet justifie le prix "conséquent" pour la Gambe (presque la moitié de la Montre 8 pieds...) et insiste sur ce Jeu que le lecteur pourrait trouver superflu : "gambe de 8 pieds, les corps en étain, les pieds en mélange ; ce jeu imite le coup d'archet ; il est un des beaux jeux de l'orgue".

Les Fonds et la Bombarde de Pédale devaient être bois, mais la Trompette en étain.

Le Traité avec la commune de Soultzmatt fut signé le 01/05/1837, et comporte pas moins de 14 signatures.

Les angelots, caractéristiques de la facture des Frères Callinet. A Soultzmatt, il y en a six. Plus haut, et tout aussi caractéristique, la frise à oves et dards.

     En 1895, après l'agrandissement de l'église, Joseph Antoine BERGER démonta et remonta l'instrument, mais en l'amputant de son Positif de dos. Les tuyaux du Positif sont devenus un Récit expressif (Mécanique à Equerres) et le petit Buffet a disparu (parfois, lors de ces opérations, on laissait le petit buffet postiche, pour cacher la Console).
Il faut aussi déplorer la perte du Nasard et du Sifflet au Grand-orgue, ainsi que celle, assez catastrophique, de la Doublette du second clavier (alors qu'il n'y a déjà pas de plein-jeu).
Comme le nom "Ophicléide" avait entre temps fait recette, Berger débaptisa la Bombarde de Pédale.

En mars 1917, la façade a été réquisitionnée par les autorités allemandes, et elle a été remplacée par des tuyaux en zinc.

La Console, malheureusement affublée de Tirants à pastilles colorées.

Mécanique : Suspendue au Grand-orgue, à Equerres au Récit. Sommiers à Gravures, d'origine, sauf au Récit.

Aujourd'hui (Juillet 2008), ce magnifique instrument est en fort mauvais état. Le 1er clavier (qui paradoxalement est le Récit, mais ceci s'explique par le fait que ce devrait être un Positif de Dos) est injouable car la mécanique tire mal les notes (d' et b'' sont décrochés). Les Anches n'ont plus été accordées depuis bien longtemps. La sonorité laisse tout de même présager le potentiel contenu dans cet instrument. L'orgue de Soultzmatt est le digne successeur de ceux Ste-Croix-aux-Mines, Issenheim du côté Joseph (resp. 1834, 1835), Hattstatt du côté Claude-Ignace (1834). Il précède certains des plus beaux chefs d'oeuvre de l'orgue français du 19 ème : Eguisheim (1839), Oltingue (1843), Bettlach (1844).

Une reconstitution du buffet originel (montage), avec le Positif et les pots ornant les Tourelles.

Sources :

• Remerciements à Roland LOPES.
• P. MEYER-SIAT, "Les Callinet, facteurs d'orgues à Rouffach, et leur oeuvre en Alsace" ISTRA, 1965