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Orgues et tempéraments

Introduction

L'heure des choix.

Les différents Tempéraments.

Introduction

L'Orgue est un instrument à claviers et surtout à sons fixes. Il faut donc bien l'accorder. De plus, il est souvent destiné à accompagner le chant, et souvent le chant polyphonique. Son accord revêt donc une importance cruciale.

Accorder un orgue, cela consiste à choisir :

  1. un Diapason, c'est à dire une hauteur absolue. Elever le Diapason, c'est rendre l'instrument entier plus aigu. (Cela a souvent été fait, ex : Strasbourg, St Thomas, ou Haerpfer raccourcit tous les tuyaux d'un Silbermann pour "mettre l'orgue au ton normal", i.e. hausser le Diapason d'un ton.)

    Le choix du Diapason s'exprime généralement par la valeur de la fréquence (exprimée en Hertz Hz) de la Fondamentale produite par le La 3 de l'instrument.
    Plus précisément, on choisit le La 3 du Prestant (Principal 4') de l'orgue. Les arguments en faveur du choix du Prestant sont :

    • le Prestant tient très bien son accord. Il est de taille raisonnable : il est donc assez facile à accorder (par les spécialistes !), car ses tuyaux sont encore assez grands, et sont accord ne varie pas de trop avec la température (il le fait quand même).
    • le prestant n'émet pas trop d'harmonique : sa fondamentale est claire.
    • c'est grâce au Prestant, et par référence à celui-ci, que l'on accorde tout le reste de l'orgue.

    Comme l'accord varie avec la température (les matériaux se dilatent ou se contractent, et de toute façon même la vitesse du son dépend de la température, or celle-ci régit la longueur que doit avoir un tuyau à bouche pour sonner à une hauteur donnée), il est d'usage de donner la température de référence.

    Exemple : "Diapason moderne" (convention internationale de Londres, 1939)
    La 440 Hz à 15°C

    Le Diapason de la période classique française est appelé Ton Français (ou Ton de coral). Il est pratiquement un ton plus bas que le Diapason moderne, soit Si 440 Hz.

    Une fois qu'on a choisi la hauteur d'une note, par exemple un La3 à 440 Hz, d'autres en découlent "naturellement"

    • Le La de l'octave supérieure a pour fréquence deux fois celle du premier. Soit La4 à 880 Hz dans notre exemple.
      (Par définition de l'Octave. C'est une loi physiologique et physique, universelle. L'octave d'une note, c'est sa première harmonique).
    • De même, le La de l'octave intérieure a pour fréquence la moitié du premier. Soit La 2 à 220 Hz dans notre exemple.
    • En conséquence, toutes les valeurs en fréquence de la note choisie par choix du Diapason sont fixées pour toutes les octaves.


    La hauteur en fréquence des La si on prend La 3 = 440 Hz.

  2. un Tempérament, c'est-à-dire la façon d'arranger la hauteur des sons des notes à l'intérieur de la gamme (et bien entendu de faire pareil pour toutes les gammes de tous les jeux de l'orgue).

    Ce n'est pas le lieu pour expliquer en détail ce qu'est un Tempérament. Le sujet absolument passionnant, mais complexe et parfois même un peu conflictuel. A travers l'histoire, de nombreux tâtonnement ont été faits, aussi bien sur la théorie que par l'élaboration de "systèmes" plus ou moins empiriques ou théoriques.

    Notons que des connaissances en solfège sont pratiquement inutiles pour aborder le sujet. Pour obtenir des détails sur les systèmes de tempéraments, visitez en priorité :

    D'autres sites, vont plus loin, mais supposent que certaines notions soient familières :

    • l'ancienne page de Patrice BAILHACHE (http://bailhache.humana.univ-nantes.fr/thmusique/temperaments.html) semble ne plus exister...
    • le site Zarilno qu'il faut absolument découvrir, surtout si on s'interesse à la synthèse sonore aidée par l'informatique, et à l'avenir qu'auront les instruments électroniques quand ils cesseront de vouloir simplement imiter les autres.


L'heure des choix

Sans vouloir prétendre en aucune façon atteindre la précision des définitions données par les sites en référence ci-dessus, voici une tentative de vulgarisation des termes les plus employés.

Décider d'un Tempérament, c'est choisir une fréquence pour les autres notes de la gamme.
Donc : affecter une hauteur à toutes autres les notes dans une gamme. Les valeurs pour les autres gammes sont déduites comme on l'a fait pour la note donnée par le Diapason.

Justesse
Les intervalles (rapport de fréquences) entre les différentes notes d'une gamme ne sont pas dus au hasard. Bien sûr, notre oreille s'est formée, habituée. Chaque culture a fait des choix, heureusement souvent différents, sur le nombre de notes et sur les intervalles. Mais deux intervalles sont universels. Il y a fort à parier que si des extraterrestres se plaisent à créer des vibrations pour les "écouter", leur "musique" comprendra des Octaves et des Quintes :
  • l'Octave. Deux notes forment une Octave si le rapport de leurs fréquences est 2 (ou 1/2 évidemment).
    Si ce n'est pas le cas, cela sonne faux. Parce que la première harmonique constituant le son de la plus grave va se mettre à "battre" (onduler) avec la seconde si ce n'est pas exactement le cas.
  • la Quinte. Deux notes forment une Quinte si le rapport de leurs fréquences est 1,5.
    C'est moins sensible que pour l'Octave, mais si ce n'est pas le cas, la deuxième harmonique constituant le son de la plus grave va se mettre à "battre" (onduler) avec la première harmonique constituant le son de la seconde.

C'est encore un peu vrai pour la Tierce, qui fait elle-aussi partie des harmoniques d'un son. Mais c'est beaucoup moins marqué. C'est surtout lorsque l'on joue de la musique "occidentale", à base d'accords parfaits que la justesse de la Tierce devient importante.

Transposition
Un instrument destiné à accompagner le chant devrait pouvoir Transposer, c'est à dire savoir jouer un accompagnement plus haut ou plus bas, i.e. prendre une note quelconque comme note de base (Tonique) de la gamme. On dit : changer de Ton.

Enharmonie et commodité du clavier
Un instrument à clavier doit pouvoir être joué facilement. On ne peut pas multiplier les touches à l'infini. A chaque fois, une seule touche (appelée feinte) correspond :
  • au Do# et au Réb
  • au Ré# et au Mib
  • au Fa# et au Solb
  • au Sol# et au Lab
  • au La# et au Sib

Ce sont les "touches noires" du piano. (Mais l'orgue, contrairement au piano, n'impose pas de couleur aux feintes.)
Ces notes sont dites Enharmoniques. Renoncer à l'enharmonie, c'est construire un clavier compliqué, à base de feintes doubles ou d'autres "artifices".


Les différents Tempéraments

Entre Justesse, Enharmonie et faculté de transposer, il faut choisir : aucun système de tempérament ne parviendra jamais à satisfaire aux trois contraintes. On peut en faire la preuve mathématique :

Cela provient du fait que 7 Octaves parfaites (deux notes séparées de 7 octaves ont un rapport de fréquence de 2x2x2x2x2x2x2=128) n'égalent pas exactement 12 Quintes (deux notes séparées de 12 quintes ont un rapport de fréquence de 1,5x1,5x1,5x1,5x1,5x1,5x1,5x1,5x1,5x1,5x1,5x1,5= 129,7463378906). La différence est tellement célèbre qu'elle a reçu un nom à la mesure de ses décimales : le Comma Ditonique (ou Pythagoricien).

On peut affecter cette Erreur à une seule Quinte. Les autres restent justes.
La Quinte qui porte toute l'erreur a été sacrifiée. On l'appelle la Quinte des Loups. On ne peut pas s'en servir. Donc, on ne peut donc pas transposer comme on veut, car les Tonalités contenant cette Quinte des Loups sont proscrites.
C'est le système pythagoricien.

Quand on fait entendre des Tierces, ce qui est le cas systématique de l'harmonie occidentale, apparaît un autre conflit.
Dans le système pythagoricien, les Tierces sont plutôt fausses, car ces Tierces issues de constructions de Quintes ne sont pas exactement les Tierces "physiques" ou Justes, celles qui sont issues des harmoniques du son, et qu'on entend par exemple clairement dans le jeu d'orgue qu'on appelle le Quintaton.
La Tierce Juste est un peu plus petite que la Tierce pythagoricienne.

La différence entre la Tierce Juste, intervalle séparant deux notes dont les fréquences ont pour rapport 5/4 et la Tierce pythagoricienne, s'appelle Comma Syntonique. Elle vaut 81/80.

Tout l'art du Tempérament consiste à répartir ce Comma, cette erreur, entre les intervalles de la gamme que l'on crée.

Tempéraments justes

Tout Tempérament divisant "normalement" la gamme en 12 notes et qui permet de transposer donne forcément certains intervalles "faux". Un tempérament qui spécialiserait une tonalité, en acceptant de rendre toute Transposition impossible est concevable. Mais guère pratique. C'est inusité.

Le Tempérament Mésotonique
Le Tempérament Mésotonique "raccourcit" les Quintes pour donner des Tierces justes. L'erreur d'un Comma Syntonique est répartie sur les 4 Quintes {Do-Sol, Sol-Ré, Ré-La, La-Mi}. Chacune est donc diminuée d'un quart de Comma Syntonique.

Il y a 8 Tierces Justes. Il y a une Quinte des Loups : Sol#-Mib.

Pour pouvoir transposer, il faut faire une concession sur l'Enharmonie, et avoir un moyen de distinguer le Sol# du Lab, le Ré# du Mib et éventuellement le La# du Sib.
Ceci peut ce faire :

  • par des Feintes doubles. (Exemple à Wolfisheim, Eglise protestante, Marc GARNIER, 1980)
  • par un levier permettant de choisir à priori à quels tuyaux (Sol#, Labb) correspondent les Feintes entre les Sol et les La. (De même pour les autres). (Exemple à Strasbourg, St Paul, orgue de choeur Marc GARNIER, 1976).

Les "Bons" Tempéraments
Ce sont ceux qui divisent la gamme en 12 notes (pas de concession sur l'Enharmonie) et pour lesquels tous les intervalles sont jouables. (Pas de Quinte des Loups).
C'est à ce type de Tempérament que Bach fait référence dans le titre du recueil "Le Clavecin bien tempéré. Toutes les tonalités sont praticables, ne mais pas forcément égales entre elles.

L'erreur du Comma Syntonique peut être répartie sur un nombre différent de Quintes, et pas forcément de façon égale. On peut choisir :

  • de garder 10 Quintes justes. Et répartir un septième de l'erreur sur les 2 autres : 2 x 1/2.
    Cela donne trois Tierces majeures pures, dont deux accompagnées de Quintes pures. (La quinte Fa#-Do# est très légèrement ajustée pour parvenir à l'octave pure.) Mais bien-sûr, les deux Quintes Ré-La et La-Mi payent le prix fort.
    Kirnberger II, 1771.

  • de garder 8 Quintes justes. Et répartir un quart de l'erreur sur les 4 autres : 4 x 1/4.
    Werkmeister III, 1681, (les 4 quintes en question sont Do-Sol, Sol-Ré, Ré-La et Si-Fa#) ou
    Kirnberger III, après 1771 (les 4 quintes en question sont consécutives : Do-Sol, Sol-Ré, Ré-La et La-Mi)

  • de garder 6 Quintes justes. Et répartir un sixième de l'erreur sur les 6 autres : 6 x 1/6.
    Young I, 1800 et Valotti, 1750. (La différence entre le deux tient au choix des Quintes à privilégier. En fait, l'un est une transposition de l'autre.)

  • de garder 5 Quintes justes. Et répartir un septième de l'erreur sur les 7 autres : 7 x 1/7.
    Lambert, 1774.

  • de garder 4 Quintes justes. Et répartir un douzième de l'erreur sur 4 des 8 autres, et un sixième sur les 4 restantes : 4 x 1/12 + 4 x 1/6.
    Young II, 1800.

  • de garder 3 Quintes justes. Et répartir un douzième de l'erreur sur 6 des 9 autres, et un sixième sur les 3 restantes : 6 x 1/12 + 3 x 1/6.
    Neidhardt, 1800.

  • de ne garder aucune Quinte juste. Et de répartir un douzième de l'erreur sur les 12, 12 x 1/12.
    C'est le Tempérament Egal, aussi appelé "Gamme Tempérée", adopté dans la grande majorité des instruments à claviers actuels.

    Les Quintes, sans être Justes, sont excellentes, car elles ont toutes partagé l'erreur, et chacune n'en a donc qu'une toute petite part, pratiquement inaudible. Les Tierces, par contre, ne sont pas terribles. C'est pourquoi, quand il s'agit d'accompagner des oeuvres vocales polyphoniques (Psaume Huguenot, Choral Luthérien), on préfère parfois le Tempérament Mésotonique.

Le cas de Silbermann
Jean-André Silbermann avait une méthode de Tempérament "à lui". Il en disait :
Mit meiner Temperatur, welche meine eingene Erfindung, ist jedermann zufrieden". (Avec mon Tempérament, que j'ai moi-même découvert, tout le monde est satisfait.)

On peut quand même douter que Silbermann soit l'auteur d'un Tempérament original. En tout cas, il n'en a pas laissé de trace écrite directe, et aucun orgue Silbermann n'est parvenu jusqu'à nous avec son accord d'origine. On peu quand même parvenir à de quasi-certitudes, grâce à l'héritage des Silbermann laissé dans le domaine de l'accord des clavecins. C'est l'objet de l'article de G.C. KLOP (Harpsichord Tuning, Werkplaats).

On peut donc affirmer qu'il s'agissait d'un Tempérament régulier, presque Mésotonique. Mais, par rapport au tempérament Mésotonique, les Silbermann rétrécissaient certainement un peu moins les quintes (toutes les quintes rétrécies d'1/6 de comma, au-lieu d'1/4). Du coup, les Tierces ne sont plus tout-à-fait pures, mais la Quinte du Loup mésotonique y reprend donc 5/6 de comma, ce qui la rend beaucoup plus acceptable.