Cet instrument est l'une des célébrités de l'Orgue alsacien, l'une des bonnes surprises qu'à apporté le dernier quart du 20 ème siècle. Les idées de Marc GARNIER, Harald VOGEL et Gustav LEONHARDT ont conduit en 1976 à la construction d'un instrument plein d'originalités.

St-Paul, l'orgue de transept. Photo aimablement communiquée par Marc GARNIER et Jean-Luc IFFRIG.

     C'est un orgue d'esthétique "nordique", inspiré des instruments du 17 ème siècle, et particulièrement adapté à la littérature du 16ème, du 17ème, et à l'accompagnement du chant.

En effet, à un certain niveau, le chant choral s'accommode mal des quintes et des tierces "tempérées" des instruments à claviers. La Voix aime les quintes "pures".
On à alors le choix entre l'exécution a capella, ou l'accord de l'orgue avec des quintes (et des tierces) "pures". Donc un Tempérament inégal. La concession a un prix : dans ce cas, avec 12 notes par gamme, on ne peut plus jouer dans toutes les tonalités, et certaines transpositions sont donc impossibles.

C'est mathématique et imparable. L'un des grands drames de la Musique. L'octave correspond à un rapport de fréquence de 2, la quinte à un rapport de 3/2. Or 2 et 3/2 n'ont pas de puissance commune. En pratique, cela signifie que si on enchaîne des quintes pures, on ne retombe jamais sur une octave de la note d'origine. On s'en rapproche beaucoup au bout de 12 sauts de quintes (Ex : Do, Sol, Ré, La, Mi, Si, Fa#, Do#, Sol#, Ré#, La#, Mi#, Si# ~= Do). Mais un Si# n'est pas tout à fait un Do. 2 à la puissance 7 donne 128 (7 octaves), mais 3/2 à la puissance 12 donne 129,7463378906. L'écart s'appelle Comma pythagoricien, et tout l'art des "Partitions" consiste à dissimuler cette erreur inexpugnable entre les notes, donc entre les quintes. On peut la concentrer, en en privilégiant certaines (d'autres seront tout à fait insupportables), ou on peut la diluer (Tempérament égal).

L'un des Tempéraments les plus adaptés à l'accompagnement du chant, nommé Mésotonique, "raccourcit" les quintes pour donner des tierces justes :

• L'erreur d'un Comma syntonique est normalement répartie sur les 4 quintes {Do-Sol, Sol-Ré, Ré-La, La-Mi} (en fait, 11 sont affectées). Chacune est donc diminuée d'un quart de Comma syntonique.
• Il y a 8 tierces Justes. Il y a une "Quinte des Loups" : Sol#-Mib.
  

Ayant adopté ce Tempérament, si l'on veut tout de même pouvoir transposer, il faut faire une concession sur l'Enharmonie, i.e. avoir un moyen de distinguer le Sol# du Lab, le Ré# du Mib et éventuellement le La# du Sib (il y aura donc plus de tuyaux dans l'orgue : des Ré# et des Mib, mais aussi des Sol# et des Lab). Ceci peut ce faire par des Feintes doubles (comme à l'église protestante de Wolfisheim, orgue aussi construit par Marc Garnier, en 1980).
Ici, c'est un levier (horizontal) qui permet de choisir quels tuyaux (Ré# ou Mib ; Sol# ou Lab) parlent sur les Feintes. L'instrument est capable (si on le change de "mode") de produire en tout 10 tierces pures.

     Les claviers ont 45 touches (4 octaves avec une Octave courte). Il y a donc 6 notes doublées (l'octave grave n'a pas de Ré# ni de Sol#), ce qui porte le nombre de notes aux Sommiers à 51.
La Pédale a 25 notes (jusqu'au Ré, sans Do# ni Ré# grave). Il y a donc 3 notes doublées (deux Sol# et un Ré#).

St-Paul, une vue de l'orgue avec ses nouveaux ornements, et un relevé de l'un des tuyaux de façade centraux des Tourelles latérales. Photo et dessin Alexis PLATZ.

     Construit en 1976, cet orgue était un véritable précurseur. Le premier orgue Mésotonique des temps modernes.

Il ne manque pas de faire penser à l'orgue (Marc Garnier) du Triforium de la Cathédrale de Metz, mais ce dernier est plus tardif (dans sa configuration actuelle, évidemment : 1981). On y retrouve beaucoup de choix esthétiques et techniques initiés à St-Paul (Springlade, Brustwerk avec Régale...)

D'autres choix techniques (Brustwerk avec Régale, avec Accouplement par Tiroir "poussant" le Grand-orgue) on été repris à Riedisheim, Jean XXIII.

     En 2002, des travaux ont eu pour objet de compléter l'orgue, musicalement et esthétiquement, avec les éléments suivants :

• Un Tremblant, pour le Grand-orgue.
• Une Zimbelstern.
• Un Rossignol (ceux de Rosenwiller et de Bourtzwiller ne sont donc plus, depuis, les seuls d'Alsace).
• Les tuyaux centraux des deux Tourelles latérales (en Tiers-point) ont été ornés de filigranes et de dorures.
• Enfin, des Couronnements ont été ajoutés aux Tourelles, des Rinceaux aux Plates-faces, et l'ensemble a été complété de Jouées.
  Ainsi achevé, et montrant son Brustwerk ajouré, le Buffet, très élancé, est absolument somptueux.
  

La Console frontale. Photo de Franck LECHENE, 04/07/2012.

Diapason : La 440 Hz.
Tempérament : Mésotonique.
Mécanique : Suspendue. Sommiers à Ressorts (Springlade) au Grand-orgue. La Régale et la Pédale ont des Sommiers à Gravures. Deux Soufflets cunéiformes. La Console est tout en leviers et glissières, comme à Metz. Les 11 leviers du Grand-orgue sont verticaux. Les autres sont horizontaux.
La tuyauterie, caractère "nordique" oblige, est entièrement métallique pour les manuels, avec des teneurs en plomb très élevées.

(1) Une Terzian est une Mixture-Tierce, associant une Tierce et une Quinte (1'3/5 et 1'1/3).
Cette Terzian, associée à la Doublette ("Superoctav"), à la petite Quinte 2/3' et/ou la Mixture permet de composer ses rangs de Mixtures soi-même.

Sources :

• Remerciements à Alexis PLATZ.
• Christian LUTZ et François MENISSIER, Inventaire des Orgues de Lorraine, Moselle H-Mi (pour Metz).

Activités culturelles :

• Grâce au talent de Jérôme MONDESERT et Damien SIMON, l'orgue peut souvent être entendu dans son répertoire de prédilection.