La Cité de la Musique et de la Danse de Strasbourg est dotée d'une grande salle d'orgue, c'est-à-dire d'un espace dédié qui n'est pas une salle de concerts "polyvalente". Les volumes y sont originaux (très grande hauteur) et les matériaux étudiés pour créer les conditions d'une acoustique favorable à l'orgue. Le grand orgue Muhleisen a été réalisé entre février 2005 et mai 2006.
Historique
C'est en 2006 que fut construit le grand orgue Muhleisen, réalisé sous la direction de Georges Frédéric Walther. [Muhleisen]
Voici un synoptique des orgues qui ont équipé le conservatoire de Strasbourg :
A la Cité de la Musique :
Les volumes et les dispositions ont été calculés par le cabinet d'architecture Henri Gaudin, qui a aussi dessiné le buffet. Le caractère très spécifique de la mission de l'instrument a bien évidemment conduit à le doter de solutions techniques particulières.
Du point de vue acoustique, l'orgue est logé dans une salle spéciale, très haute et élancée, grossièrement en forme d'ogive. Le mur opposé à l'instrument a été revêtu de pierre pour éviter une absorption sonore trop forte, et l'ensemble confère au son un temps de réverbération de 3 secondes. Puisqu'il n'est pas logé dans une salle de concerts, l'instrument a la chance de ne pas faire face à l'habituel "mur de fauteuils" rembourrés.
Le buffet, avec son soubassement concave, séparé de la superstructure avec un "col" plus étroit, est résolument contemporain. Les plates-faces ont un dessin hyperbolique. La grande Montre en 8 pieds n'occupe que la moitié de la hauteur disponible tant l'ensemble est élancé pour s'inscrire dans la salle. Une asymétrie affirmée "déplace" les masses vers la droite, là où l'instrument est le plus haut, pour accroître le caractère dynamique.
En voyant le dessin du buffet, on se dit qu'il ne doit pas être auto-porteur. En fait, il l'est, car les structures porteuses - invisibles - ont été intégrées à l'ensemble. C'est donc, malgré les apparences, un buffet de structure "classique" (faisant donc caisse de résonance, exactement comme dans les instruments du 18 ème siècle).
Les lignes "dynamiques", montant en allant de gauche à droite sont esthétiquement à la mode (elles correspondent peut-être à des courbes de croissance valorisantes ?). Mais un clavier présente les aigus à droite et les basses à gauche. La disposition chromatique "naturelle" irait donc plutôt dans l'autre sens. C'est donc un très grand système d'abrégés qui est nécessaire pour "inverser" tout ceci. Et quand on remarque le "col" séparant le soubassement de l'espace consacré aux sommiers et à la tuyauterie, on mesure les contraintes techniques qui ont pesé sur l'élaboration de la mécanique.
La transmission de l'orgue est entièrement mécanique (notes et jeux, action du combinateur exceptée, bien entendu). Il propose tout de même des accouplements à l'octave (récit sur pédale en 4 pieds, et récit sur grand-orgue en 16 pieds).
Du point de vue de l'esthétique sonore, les enseignants doivent bien entendu avoir à leur disposition un instrument polyvalent. Mais ici, le piège de l'orgue "à tout jouer" a été évité. Ce trois-claviers présente son grand-orgue en bas et un récit expressif, disposition caractéristique de l'orgue dit "romantique". Si sa composition n'est pas sans évoquer le néo-classicisme (avec ses 5 Mutations et son Cromorne), l'harmonisation s'assume : on ira de Franck à Messiaen avec grand plaisir.
La composition est le fruit de la concertation entre les trois professeurs Christophe Mantoux, Daniel Maurer et Francis Jacob. André Schaerer a élaboré les tailles, et Jean-Christophe Debely en a assuré la réalisation. Elle d'abord conçue pour pourvoir accoupler les claviers : son fondement est un récit particulièrement fourni (11 jeux, soit le tiers des ressources) qui offre des jeux solistes, mais surtout la palette de couleurs pour les claviers inférieurs. Sept jeux au positif (dont un Larigot "pour le petit Plein-jeu") peuvent s'opposer au grand-orgue, de 6 jeux seulement. Ces derniers constituent la charpente de l'édifice sonore, mais sont conçus pour être "habillés" par les autres claviers. Cette composition est encore rendue plus lisible par la disposition logique des tirants à la console : pour claque clavier, fondamentales en bas, puis harmoniques en remontant, puis les anches en couronnement. (Voir schéma de la console ci-dessous.)
L'orgue a été inauguré les 20 et 21 Mai 2006 par Christophe Mantoux, Daniel Maurer, Bernard Struber, Thierry Escaich et Martin Gester. En Septembre 2006, il a été présenté au cours d'une journée festive, le 15/09/2006 par Martin Gester, Marc Baumann, Daniel Maurer et Pierre Pincemaille.
Un nouvel orgue de C.N.R est bien sûr un événement majeur. Tellement important qu'il conditionne l'avenir de la pratique musicale dans son domaine et sa région. On imagine évidemment les contraintes qui pèsent sur la conception de pareils instruments. Leur genèse est un tissus de compromis, et leur étude est du coup passionnante.
On y retrouve les tendances esthétiques majeures, du point de vue instrumental, et du point de vue de l'interprétation, qui ont marqué les dernières décennies. On pourra à ce sujet comparer cet orgue de 2006 avec son prédécesseur de 1963. Tant de choses ont changé ! L'âge du Néo-baroque étant passé, on retrouve avec plaisir que les esthétiques "Romantiques" et "Néo-classique" ont retrouvé leurs lettres de noblesse : cette façon de concevoir l'orgue a inspiré certaines des plus belles pages du répertoire. Ce qui est neuf, c'est qu'on peut les affirmer, et surtout qu'on peut les décliner d'une façon résolument contemporaine, en les associant au confort apporté par les techniques modernes, sans en altérer l'esprit.
Mais plutôt qu'un regard sur le passé, il faut plutôt y voir un bagage technique et culturel pour les décennies futures. L'orgue et sa musique ont bien besoin de renouveau et surtout de reprendre confiance. On ira donc à Strasbourg pour écouter les classes d'orgue qui trouveront dans cet instrument exceptionnel une grande source de motivation.
En 2014, la maison Muhleisen compléta une chape laissée vide au récit par un Basson/Clairon 4' (et fit évidemment des travaux d'entretien à l'occasion). [VWeller]
La chape avait à l'origine été prévue pour une Voix humaine.
Caractéristiques instrumentales
Console frontale à claviers saillants. Tirage des jeux par tirants de section carrée et pommeau plats avec étiquettes frontales, disposés en deux fois deux colonnes de part et d'autres de claviers. Claviers noirs. Marqueteries en forme de rose des vents entre les claviers. Commande des accouplements dupliquée, par tirants et champignons. Commande du combinateur par boutons poussoirs (sous le premier clavier), ou champignons. Le combinateur se commande soit directement (10 combinaisons en ligne sur les boutons numérotés et les champignons) soit séquentiellement (champignons "+" et "-"). Choix des mémoires par deux boutons à flèches directionnelles, de part et d'autre de l'écran de contrôle (le tout logé sous la plaque d'adresse, qui s'ouvre en son milieu et glisse vers les côtés). Plaque d'adresse "Muhleisen Strasbourg".
Au-dessus du pédalier se trouvent deux rangées de champignons, munis de voyants lumineux :
- à gauche de la pédale expression : l'appel des combinaisons de 1 à 6, puis, en deuxième ligne, RÉCIT / P 4', RÉCIT / P, POSITIF / P, GO / P, et '-' (combinaison précédente).
- à droite de la pédale expression : l'appel des combinaisons de 7 à 10, puis, en deuxième ligne, '+' (combinaison suivante), POSITIF / GO, RÉCIT / GO, RÉCIT / POSITIF, RÉCIT / GO 16'.
Ordre des tirants à la console :
mécanique suspendue (renvois d'équerres pour le récit).
à gravures. Le positif est situé au niveau du sol, dans le soubassement. Le grand-orgue est bien-sûr placé au niveau de l'entablement. Les volets du récit ne donnent pas à droite, au niveau du sol, comme on pourrait le croire en voyant les volets décoratifs (il s'agit d'un simple agrément esthétique, voulu par l'architecte). En fait, le récit est logé derrière les claires-voies, dont la hauteur exceptionnelle suggère la présence d'un troisième clavier. Les vrais volets d'expression se trouvent donc derrière les claires-voies du grand-orgue. La Bombarde (en métal), est logée à l'intérieur, le long du côté droit, à l'étage du grand-orgue. Trois tuyaux graves du Bourdon 16' prennent place à l'extérieur du côté droit.
Soufflerie logée derrière l'orgue. Le soufflet, vertical (comme à Sausheim) est chargé par des ressorts.
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