Cet instrument, aussi attachant et réussi que méconnu par l'organologie alsacienne, est l'œuvre de la célèbre maison Walcker de Ludwigsbourg. L'entreprise produisait certes de prestigieux instruments monumentaux pour les grands édifices urbains, mais en proposait aussi de plus abordables, permettant aux petites communautés de se doter d'un orgue aux nombreuses possibilités, idéal pour accompagner le chant, et donnant également accès à un répertoire très riche.
Historique
Un premier orgue fut installé ici en 1812. On ignore la provenance. [IHOA] [PMSWETZEL76]
Il fut réparé en 1857 par Martin Wetzel. [PMSWETZEL76]
A cette occasion, on apprend dans le "Brouillon Wetzel" que l'instrument était dépourvu de pédalier, car il proposait d'en poser un, accroché au manuel, et d'une octave seulement. On sait aussi qu'il y avait un Nasard (car il était question de le remplacer par un Gemshorn 4') et une Tierce : un des postes du "devis über rebarasion" consistait à "aus dem tiers ein Flachsole zu machen". ("Flachsole" = Flageolet 2'). [PMSWETZEL76]
L'instrument semble ne jamais vraiment avoir donné satisfaction, car il suit une série de réparations (1865, 1872, 1890) et de projets de transformation (1866). [PMSWETZEL76]
Historique
En 1906, Breuschwickersheim reçut l'opus 1243 d'Eberhard Friedrich Walcker. [Visite]
Comme souvent dans cette esthétique, les jeux du récit et ceux du grand-orgue constituent des couples de même timbre et d'intensité différente (toujours moins grande au récit) : Principal / Geigenprincipal, Flûte 8' / Lieblich gedeck, Gambe / Salicional, Octave / Flauto dolce 4'. Le Dolce et la Voix céleste (cette dernière, jouée avec le Salicional, a un rôle spécifique puisque c'est un ondulant) échappent un peu à cette logique, mais peuvent être interprétés comme les "solistes". La Mixture occupe une place à part, et c'est généralement le jeu "de couronnement", destiné à compléter le tutti. Il n'y a pas d'anche - ce qui est courant dans ce type de composition -, et les tirasses et accouplements jouent un rôle fondamental, car l'instrument est conçu comme un tout, et pas comme une juxtaposition de plans sonores.
Dans la production de la maison Walcker, l'instrument est pratiquement contemporain des grands instruments de l'Odéon de Munich (1906, 62 jeux, opus 1233), Ludwigsburg (Evang. Stadtkirche, 1906, 53 jeux, opus 1250) ou Weimar (Evang. Stadtkirche, 1907, 58 jeux, opus 1255). Mais cela ne doit pas occulter le fait que la maison de Ludwigsburg fournissait beaucoup d'instruments de taille plus limitée.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. On ne sait pas qui les a remplacés. [Visite]
L'orgue a été réparé vers 1980 par Paul Adam. [Visite]
Il y a eu un relevage, par la maison Daniel Kern, en 2006. [Visite]
Aujourd'hui (2019), il est prévu un projet de relevage plus en profondeur. [Visite]
Caractéristiques instrumentales
Console accolée sur le côté droit, fermée par un couvercle basculant. Tirage des jeux par dominos disposés en ligne au-dessus du second clavier, sans espace entre les plans sonores. Il n'y a pas de porcelaines : le nom des jeux est sérigraphié sur le domino. Le fond est coloré en fonction du plan sonore : vert pour la pédale, rose pour le récit, et blanc pour le grand-orgue. Claviers blancs à frontons biseautés.
Appel des aides à la registration par 4 poussoirs blancs, situés au centre sous le premier clavier, et repérés par des porcelaines. De gauche à droite : "MF.", "Tutti Coppl.", "Auslösung" (Annulateur) et "Autom. P. Pedal".
Comme souvent, le contenu des combinaisons fixes donne de précieuses indications sur les registrations "canoniques" lors de la conception de l'instrument. La combinaison "MF." est ainsi constituée :
- I: Dolce 8', Flöte 8', Gambe 8', II/I
- II: Geigenprincipal 8', Bourdon 8', Salicional 8'
- P: Soubasse 16
On peut donc considérer "MF." comme le chœur de Flûtes et de Gambes. Et que le Geingenprincipal est donc plutôt utilisé comme une Gambe. Le Tutti appelle les accouplements.
La pédale piano automatique est une fonction très pratique, dont on se demande pourquoi elle n'est pas plus répandue. Cela répond au souci d'adapter l'intensité de la pédale à celle des manuels, en particulier quand on change de clavier. Quand le dispositif est activé (par son poussoir) ainsi que l'Octavebasse 8' (par son domino), il retire automatiquement ce jeu de pédale quand on joue sur le récit, et l'appelle quand on joue sur le grand-orgue.
Comme souvent chez Walcker, la "plaque d'adresse" consiste en une grande signature, disposée entre les deux claviers :
Il y a aussi deux petites porcelaines blanches, carrées, placées en haut, à gauche et à droite des dominos. Elles donnent respectivement le numéro d'opus et l'année de fabrication :
Pneumatique tubulaire (notes et jeux).
Sommiers à cônes (noblesse oblige !). Ceux du grand-orgue et de la pédale sont orthogonaux à la façade, pédale à gauche, grand-orgue au centre ; les aigus sont à l'avant. La boîte expressive du récit est également placée orthogonalement au buffet, le long du côté droit (au revers de la console) et en hauteur.
Le système de pompage, à pied, à été conservé. Il est situé à gauche de la console. Les deux marche-pieds actionnant les pompes sont gravés, et disent fièrement : "Walcker".
La tuyauterie est de grande qualité, très bien conservée. Elle comporte tous les attributs de la facture romantique : entailles de timbre quasi-systématiques, certaines bouches arquées.
A la fin du 20ème siècle, ce type de tuyauterie a été qualifiée d' "industrielle". L'expression est toujours tenace, et souvent mal comprise. Elle a l'air de s'opposer à "artisanale" (qui intrinsèquement, vaudrait plus car "faite à la main"). En fait, elle signifie essentiellement que les tuyaux ont été façonnés à l'aide de machines. Rappelons que beaucoup de facteurs, à peu près à toutes les époques, se servaient - avec succès - de tuyautiers spécialisés (en Alsace, la maison Klein à Woerth, a fourni de nombreux "artisans"). C'est, pour le résultat final, l'harmonisation qui compte, et celle-ci est toujours "manuelle" (artistique, même). Rappelons aussi que la maison Walcker ne sous-traitait jamais sa tuyauterie, qui était donc intégralement élaborée "maison".
Voici le plan de la façade (les 9 tuyaux de la plate-face de gauche appartiennent au Princpal 4', les autres au Principal 8' ; il n'y a que 3 tuyaux muets ("X") :
C'est donc rien de moins qu'un Walcker authentique que l'on trouve à Breuschwickersheim. Un chœur de jeux de 8' est décidément idéalement adapté à ce genre d'acoustique "courte". On ne peut s'empêcher de penser que c'est exactement l'orgue idéal, qu'il fallait pour cet endroit.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Mr le Pasteur Philippe François.
Photos du 10/03/2019 et données techniques.
L'article commence curieusement par : "Nous ne reviendrons plus sur cette localité ; liquidons la question ici." On se demande quand même ce qui a pu causer un pareil dédain de cet auteur pour les orgues de cette esthétique. Malheureusement, il s'agit de l'une des seules sources parlant de cet instrument pourtant remarquable.
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