Il s'agit de l'édifice construit pour la communauté luthérienne de Mulhouse (qui, après son rattachement - tardif - à l'Alsace, avait une communauté protestante majoritairement calviniste). De fait, la aroisse a été fondée en 1850 par le pasteur Horning de St-Pierre-le-Jeune protestant de Strasbourg. Ce bel instrument a été construit par la maison Gebrüder Link, et il est totalement contemporain de l'édifice, puisqu'il était déjà là lors de l'inauguration de l'église, le 01/11/1904.
Historique
En 1904, la maison Gebrüder Link plaça ici son opus 407. [IHOA] [ITOA] [Barth] [PMSLINK] [Mumartin1994]
En voici la belle composition d'origine, relevée dans l'orgue sur le peigne étiquetant les tubulures venant de la console, sur les tubulures qui en sont issues, et sur le relais du tirage des jeux :
En 1954, Georges Schwenkedel, lorsqu'il visita l'instrument, nota la même composition. [PMSLINK]
L'instrument est contemporain de celui d'Hattmatt (qui connut d'ailleurs un destin analogue - il a été baroquisé en 1964 - mais qui a gardé son 16' ouvert et son Geigenprincipal).
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. La façade semble avoir été remplacée en 1921, car cette année-là, le pasteur Roser se plaignit du fait que le coût de leur remplacement a été supérieur à l'indemnisation perçue. [PMSLINK]
En 1925, la maison Gebrüder Link revint en Alsace pour faire un relevage. L'année d'après, l'instrument a été doté d'un moteur électrique. [ITOA] [PMSLINK]
Le 13/10/1945, Georges Schwenkedel releva la composition d'origine. [PMSLINK]
On ne sait pas bien si c'est Alfred Kern ou Georges Schwenkedel (probablement ce dernier) qui procéda, en 1957 à la malheureuse altération de l'instrument. Celle-ci consista à remplacer 4 beaux jeux romantiques par des "petits jeux" aigus, au mépris total de l'esthétique originelle de l'instrument. [ITOA] [Mumartin1994]
- La Gambe du grand-orgue a été supprimée au profit d'une Quinte 2'2/3.
- Le Geigenprincipal du récit (i.e. son fondement sonore, en plus de constituer un merveilleux soliste) a été supprimé pour céder sa place à une "Rauschquinte". (Pour suivre la marotte "nordique" de l'époque.)
- Toujours au récit, le Gemshorn 8' a été supprimé pour placer... une Cymbale !
- Et à la pédale, la Gambe 16' a été retirée pour placer un inutile 4'.
- L'expression du récit a été supprimée pour faire place à un petit sommier rapporté portant... un Cromorne.
En 1962, Alfred Kern aurait fait un relevage. [Barth] [PMSLINK] [Mumartin1994]
En 1993, Christian Guerrier fit un relevage. [IHOA]
En septembre 2019, la maison Jean Christian Guerrier fit un entretien. [VWeller]
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirage des jeux par dominos, placés en ligne au-dessus du second clavier. Ils sont munis de porcelaines rondes à fond coloré en fonction du plan sonore : bleu pour le grand-orgue, rose pour le récit, et jaune pour la pédale. Fonte gothique. Claviers blancs, replaqués à une époque indéterminée, joues moulurées.
Commande des combinaisons fixes par pistons disposés au centre, sous le premier clavier, et repérés par des porcelaines rondes placées en regard entre les deux claviers. De gauche à droite : les 4 pistons blancs appelant les combinaisons par ordre d'intensité, puis le piston noir de l'annulateur ("Auslösung"). Deux porcelaines rectangulaires encadrent les pistons pour illustrer le fait qu'elles constituent un crescendo à 4 étapes : à gauche "Crescendo" et à droite "Decrescendo". (La logique est un peu confuse, vu que la progression va fr gauche à droite : on aurait attendu que ces deux porcelaines soient inversées.) Les jeux appelés par les dominos s'ajoutent aux combinaisons, sauf si "Handreg. ab" est appelé.
La pédale piano automatique est commandée par un système un peu bricolé, placé à droite : c'est une glissière qui se déplace horizontalement. Elle est repérée par ce qui était à l'évidence la porcelaine du domino correspondant. Cette transformation a fort probablement été faite pour libérer un domino pour le Cromorne.
Il n'y a pas (plus ?) de commande à pied.
Comme souvent sur les orgues Link, la plaque d'adresse est constituée de plusieurs éléments. Il y a deux plaques rectangulaires noires à lettres dorées, en haut et de part et d'autre de la console. A gauche :
Et à droite :
Une porcelaine blanche rectangulaire, placée au centre au-dessus des dominos, dit (avec un "O" très enluminé) :
Pas de "plaque de date".
Pneumatique tubulaire, notes et jeux. (Transmission d'excellente qualité, très fiable, agréable à jouer, et précise.)
Sommiers à cônes. Le grand-orgue, diatonique en mitre, est en avant, derrière la façade, le récit derrière et au même niveau avec la même disposition. La pédale est logée sur les côtés, de part et d'autre des sommiers manuels, orthogonalement à la façade, avec C-H à gauche, et c-f' à droite. Le Cromorne a son sommier spécifique, posté en hauteur. Il n'est pas d'origine, et occupe la place des jalousies de la boîtes, qui ont probablement dû être déposées pour lui laisser la place... Il n'y a pas de trace évidente de la cloison de la boîte.
Le système de pompes à pieds a été conservé (à l'arrière du buffet) et fonctionne encore. Moteur Meidinger.
La tuyauterie Link est de très belle facture ; elle porte par endroits des traces de gouttes et de coulures d'eau, ce qui nuit à son aspect, mais ne paraît pas avoir causé de dégât. Entailles de timbre, bouches volontiers arquées, Bourdons à calottes mobiles garnies de feutrine.
Les éléments 1957-62 n'ont pas leur place dans cet instrument. Ils devraient être retirés, car ils nuisent à l'interprétation du patrimoine : un vrai orgue Link ne produit pas ces sons criards.
Que dire de cet orgue, si ce n'est que tout ce qui est authentique est exceptionnellement beau, et tout ce qui date de 1950-1960 est complètement hors-sujet... Comment a-t-on pu supprimer 4 jeux de ce superbe instrument ? Et pourtant, ce n'est toujours pas l'idéal pour jouer Couperin ! Aujourd'hui, ces mutilations peinent à être réparées, vu la rareté des moyens disponibles.
Sources et bibliographie :
Remerciements à ________.
Photos et données techniques.
Données historiques et techniques.
Document utilisé pour la présentation de l'instrument, le 06/11/1994.
L'orgue avait 17 jeux à l'origine, et non 18. Les travaux de 1993 n'ont absolument pas consisté à restaurer l'orgue, qui est au contraire resté dans son état transformé !
L'inventaire technique attribue la "baroquisation" à Alfred Kern 1957.
L'orgue y est noté à 16 registres, mais à 17 dans la composition (d'origine), relevée en 1945.
Sous "Lutherische Martinspfrki." Les travaux de Kern sont datés de 1962 et qualifiés de "révision" ("Überholung").
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