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Les orgues de la région de Huningue
St-Louis, Notre-Dame-de-la-Paix
Orgue authentique.
L'orgue de St-Louis, Notre-Dame-de-la-Paix.
Les photos sont de Victor Weller, 09/06/2021.L'orgue de St-Louis, Notre-Dame-de-la-Paix.
Les photos sont de Victor Weller, 09/06/2021.

Ce trois-claviers est muni d'un positif de dos, alors qu'il n'est pas situé en tribune. Autre particularité : son Principal 16' de pédale, ouvert, est entièrement en étain. L'instrument a été construit en 1973 par Alfred Kern, ce qui en fait le précurseur direct de celui de Masevaux. On peut comparer cet instrument avec l'autre orgue Kern de St-Louis, celui de l'église St-Louis (1968), à qui il restait des traits néo-classiques.

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L'orgue Alfred Kern,
1973 (instrument actuel)
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Historique

C'est en 1973 qu'Alfred Kern posa cet instrument, qui est le premier de l'édifice. [IHOA]

Il s'agit d'un orgue très typé, sans concession, poussant les tendances des années 70 à leur extrême. "Ein Kind seiner Zeit", donc, comme on dit. On parlait de style "nordique", peut-être parce que l'essentiel du monde de l'orgue de l'époque ne jurait que par Arp Schnitger. Les théoriciens allaient bon train, promulguant des dogmes et effectuant des affirmations sans trop prendre soin de les étayer, vu que de toutes façons, leur opinion ne souffrait aucune contradiction. Mais il est clair, à la lecture des compositions, que l'esthétique visée est plutôt à rechercher dans les réalisations de Jürgen Ahrend ou de la maison Metzler, et pas dans quelque "historicisme".

Les années 70, ont été marquées par ce néo-baroque "absolu". Il avait succédé au style néo-classique (infiniment plus tolérant, bien plus alsacien, qui était né dans les années 20-30, mais était jugé bien bas après le second conflit mondial). Mais là, la facture d'orgue est ouvertement militante, entièrement dévolue à sa cause "baroque". Clairement partisane, elle n'hésitait pas à présenter tout le reste comme des errements, voir de la "décadence". Cette intolérance portant sur les autres styles était totalement décomplexée et assumée : à chaque fois qu'un instrument romantique ou post-romantique était éliminé, le petit monde de l'orgue criait victoire. Il avait d'ailleurs forgé bon nombre d'expressions ironiques et/ou péjoratives pour qualifier les orgues "à éliminer".

Du point de vue de l'architecture, cet orgue est disposé verticalement, avec un Oberwerk en haut, un grand-orgue (ou plutôt Hauptwerk) au centre, et le Rückpositiv en bas. On y était tellement attaché, à ces positifs de dos, qu'on les construisait même quand l'instrument n'était pas logé en tribune. Il y avait d'ailleurs un précédent récent : l'orgue (Kern) de l'église protestante d'Illkirch-Graffenstaden (1972), qui lui aussi est doté d'un positif de dos qui jamais ne prit son envol.

La composition est édifiante. Elle paraît vouloir assumer ses excès en les exagérant davantage : 7 rangs de Principaux au grand-orgue, 5 au positif, 6 à l'Oberwerk, et... encore 7 à la pédale. Le tout assorti de deux (!) Sesquialtera, d'une sérieuse dotation d'anches de batterie, mais aussi d'anches courtes (Régale, Voix humaine, Cromorne). Il y a une Tierce à chaque manuel, mais aussi un tremblant indépendant. Pas l'ombre d'une Gambe (et bon nombre de "connaisseurs" de l'époque auraient pu jurer qu'elles avaient été inventées au 19ème siècle). Et, inévitablement, le tout est accordé avec un symptomatique tempérament "inégal". Il s'agit donc d'un instrument avant tout destiné à exprimer ses Plein-jeux, débordant de Mixtures et d'harmoniques aiguës. Fait révélateur : l'inventaire de 1986 trouva le rang de Tierce du grand-orgue (de sa Sesquialtera) bouché avec du papier. Un Arthur Laffer de l'orgue aurait d'ailleurs déclaré : "Trop d'harmoniques tuent les harmoniques !" Il est clair que les excès des années 70 étaient déjà ressentis comme tels à la fin des années 80. Pourtant, le "néo-baroque" avait encore de nombreuses années de succès devant lui.

C'est donc un instrument destiné à l'exécution d'un répertoire bien précis que fournit ici la maison Kern en 1973. Bien que construit à Cronenbourg, il n'est, ni dans l'esprit, ni dans les faits, un instrument représentatif de la facture alsacienne. Il ne faut pas lui demander la moindre polyvalence, mais lui reconnaître une certaine excellence dans son domaine.

Que dire de cet orgue "nordique" construit dans la banlieue de Strasbourg ? Qu'il a été réalisé avec grand soin, sans concession. Superbement conçu et réalisé. Il est idéal pour son répertoire cible : du début du 17ème Sweelinckien à Buxtehude, mais aussi Bach, pour les courageux n'ayant pas peur de s'exposer aux déluges de sons suraigus pendant toute la durée d'un grand prélude et fugue. Mécanique "suspendue", sommiers à gravures, claviers noirs, tempérament inégal : il coche toutes les cases. Il est irréprochable. C'est un orgue idéal - pour la fin du 20ème siècle.

Aujourd'hui, cet instrument a clairement un intérêt en soi, bien que, bien sûr, on ne souhaite pas en voir partout... à la différence des années 70-80 qui voulaient absolument les imposer partout, au prix de destructions calamiteuses d'orgues authentiquement alsaciens. Mais avec le recul, ces instruments sont devenus de précieux témoins d'une logique "poussée à bout". A ce titre, ils doivent être scrupuleusement conservés et entretenus. Qu'on les considère comme le Graal de l'orgue ou comme un repoussoir. Heureusement, la diversité de l'orgue (celle-là même qui a été reniée à la fin du 20ème siècle) se nourrit à présent également de ces expériences, et ces instruments sont à bien des égards passionnants.

Notons qu'il y a, depuis 2010, pas moins de trois orgues Kern à Saint-Louis, puisque l'auditorium du conservatoire à rayonnement communal de la ville a reçu cette année-là un des premiers orgues construits par la maison strasbourgeoise, en 1958. Il venait de la clinique St-Damien de Mulhouse.

Le buffet

Là, bien sûr, on est loin de la parenté affichée à l'orgue "nordique", que l'on sait volontiers orné de façon exubérante. C'est là un des paradoxes du néo-baroque : une musique "baroque" dans un buffet rectiligne, "à caissons" simplifié à l'extrême, et souvent anguleux.

D'ailleurs, c'est une preuve de plus que le néo-baroque n'est pas un simple pastiche des instruments du 17ème et du 18ème d'Europe du nord. En fait, malgré les étiquettes, il s'agit bien d'un style particulier, contemporain du dernier tiers du 20ème siècle, qui utilise différentes justifications, mais procède bien d'une démarche propre.

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console est située entre le grand et le petit buffet.La console est située entre le grand et le petit buffet.

Console en fenêtre frontale. Tirants de jeux de section carrée à pommeaux tournés, repérés par des étiquettes, et placés en deux fois deux colonnes de part et d'autre des claviers.

Claviers noirs.

Pupitre "isoplan".

Transmission:

Mécanique suspendue.

Sommiers:

A gravures.

Tuyauterie:

La tuyauterie, comme l'ensemble de la facture, est de grande qualité. Il a été fait usage de matériaux "nobles" selon la perception des années 70 : bois et étain. Un diktat - dont on a du mal à cerner les origines - frappait le zinc et le spotted, qualifiés de métaux "pauvres" et indignes d'un "bon" orgue. Le cuivre n'a pas été utilisé ici, alors qu'il était "admis" par l'orgue néo-baroque des années 60.

Une vue sur la tuyauterie du positif.
depuis en-bas à gauche (accès) et vers le haut (revers de la façade) :
le Cromorne, la Cymbale, la Sesquialtera,
la Waldfloete, la Weidenpfeife (en partie en façade), le Bourdon 8',
et le Principal 4' qui est pour partie en façade (au centre).Une vue sur la tuyauterie du positif.
depuis en-bas à gauche (accès) et vers le haut (revers de la façade) :
le Cromorne, la Cymbale, la Sesquialtera,
la Waldfloete, la Weidenpfeife (en partie en façade), le Bourdon 8',
et le Principal 4' qui est pour partie en façade (au centre).
Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
depuis en-bas à droite (accès) et vers le haut (revers de la façade) :
la Voix humaine, la Trompette, la Fourniture,
la Sesquialtera, le Gemshorn 2' (conique),
le Bourdon 8', le Bourdon 16', le Principal 4',
et la Montre 8'.Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
depuis en-bas à droite (accès) et vers le haut (revers de la façade) :
la Voix humaine, la Trompette, la Fourniture,
la Sesquialtera, le Gemshorn 2' (conique),
le Bourdon 8', le Bourdon 16', le Principal 4',
et la Montre 8'.
Une vue sur la tuyauterie de l'Oberwerk.
 Depuis le premier plan jusqu'au revers de la façade :
 la Régale, puis la Cymbale, la Quinte,
 le Bourdon tout en bois ; la Blockfloete est de l'autre côté :
 on en aperçoit le sommet conique de quelques tuyaux.
 Le Principal 2' est en partie en façade.Une vue sur la tuyauterie de l'Oberwerk.
Depuis le premier plan jusqu'au revers de la façade :
la Régale, puis la Cymbale, la Quinte,
le Bourdon tout en bois ; la Blockfloete est de l'autre côté :
on en aperçoit le sommet conique de quelques tuyaux.
Le Principal 2' est en partie en façade.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F680297003P01
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