L'orgue de facteur inconnu (vers 1890) (instrument actuel)

Historique

On sait que Charles Wetzel a posé cet instrument vers 1890. Mais il n'était probablement pas neuf à l'époque. La console n'était probablement pas frontale à l'origine. Le sommier et la soufflerie sont de Wetzel, mais le reste pourrait venir d'un autre orgue "de campagne" (peut-être de Martin Wetzel). Le buffet semble dater de la fin des années 1860. Vu l'importance des travaux effectués lors de son installation ici, on peut quand même attribuer la partie instrumentale à la maison Wetzel. L'histoire commence beaucoup plus tôt, en 1841. [IHOA] [ITOA] [EtudesHagu80]

Les effets thérapeutiques des accords de musique

Un rapport de délibérations du Conseil général du Bas-Rhin, daté du 27/08/1841, déclare : "Nous vous apprendrons à cet égard que l'administration de Stephansfeld avait depuis assez longtemps manifesté le désir que, pour ajouter à la solennité du service divin, la chapelle consacrée à l'exercice du culte catholique, fût pourvue d'un orgue : ce vœu devait être accueilli; car, à part les sentiments pieux qui l'avaient dicté, personne n'ignore combien les accords de la musique exercent d'empire sur les aliénés, et peuvent contribuer à leur guérison."

On se demande d'ailleurs pourquoi les orgues ne sont pas remboursés... Mais bien sûr, survenait le problème de "l'équité cultuelle" :

Vive l'œcuménisme budgétaire !

"Toutefois, et comme vous le comprendrez facilement, Messieurs, si la chapelle des catholiques devait obtenir un orgue, il était naturel et juste que la chapelle ou oratoire affecté au culte protestant, en fût également doté; mais dès lors aussi se doublerait la dépense, et pour la ramener à de justes proportions, l'on pensa qu'il ne devait y avoir aucun obstacle à ce que les deux cultes, qui depuis l'ouverture de l'établissement s'étaient célébrés dans deux locaux distincts, fussent à l'avenir réunis dans un seul, en choisissant, à cet effet, la chapelle catholique, comme étant la seule convenable sous le rapport de l'espace et de l'appropriement intérieur. Cette réunion des deux cultes dans la chapelle catholique, se justifierait, d'ailleurs, par des motifs bien autrement sérieux que l'économie à faire au moyen de l'achat d'un seul orgue au lieu de deux; c'est qu'en effet, et faute, sans doute, de prévision de la part de l'architecte qui a construit la maison de Stephansfeld, l'on n'a pu affecter aux exercices du culte protestant qu'un local resserré, malsain et impropre, à tous égards, pour servir de chapelle ou d'oratoire. La formation d'une église ou chapelle mixte, souvent sujette à des inconvénients graves, en règle générale, n'en présenterait aucune pour la maison de Stephansfeld, régie par une administration sage et éclairée, et à laquelle il serait facile de faire entre les deux cultes une distribution convenable du temps à consacrer aux exercices de la religion." [Gallica]

Le vote fut le suivant : "Il appelle l'attention de M. le Préfet sur la convenance de réunir les deux cultes dans la chapelle actuelle de Stephansfeld, et d'y faire placer un orgue; et en cas d'obstacle à cette réunion, de créer pour le culte protestant un oratoire convenable avec orgue, à l'instar de celui qui serait donné aux catholiques." [Gallica]

L'administration milite donc pour un œcuménisme de raison, et nourrit un espoir fou : que les "inconvénients graves" communs dans les villages (en clair les épouvantables querelles entre communautés dès qu'il s'agit de partager le lieu de culte) ne surgiraient pas ici, dans un contexte feutré et policé, régi par "une administration sage et éclairée".

TL;DR

Il fallut quand même deux chapelles. Mais c'était bien tenté.

Un orgue d'équité

Puisqu'il était avant tout destiné à rétablir l'équité, on s'étonne peu que l'origine de l'instrument soit restée obscure. En clair, on s'était débrouillé.

La chapelle protestante fut d'abord dotée d'un harmonium Alexandre, acquis en 1844. En effet, le budget 1844 de l'établissement note : "Achat d'un orgue harmonium pour l'oratoire protestant... 780 francs. La chapelle catholique a été pourvue d'un orgue qui a coûté 1 200 fr., et dont l'effet sur les aliénés est excellent. [...] Le nombre des malades protestants ne devant probablement s'élever jamais au-dessus de 80, il a paru qu'un harmonium suffirait. MM. Alexandre père & fils, facteurs renommés de Paris s'engagent à en livrer un à 5 octaves, 4 jeux, 12 registres...pour 780 francs." [EtudesHagu80]

Comme on a déjà pu le constater, ces harmoniums Alexandre étaient pas donnés... 65% du prix d'un orgue à tuyaux : c'est considérable !

L'harmonium était encore en usage en mai 1859 (encore heureux, vu ce qu'il a coûté), car il a été entretenu par Martin Wetzel à cette date. [EtudesHagu80]

En 1861, lors de l'entretien de l'orgue de la chapelle catholique, rien ne concerne un éventuel orgue de l'oratoire. Or, s'il y en avait eu un, leur entretien simultané aurait été logique. Même fraîchement installé, il aurait nécessité un accord. Idem en 1871 : les frères Wetzel effectuèrent des travaux à l'orgue de la chapelle catholique sans évoquer l'oratoire. [EtudesHagu80] [PMSRHW]

Il est donc fort probable que l'orgue n'ait été installé qu'après 1871. Et même que c'est à l'occasion de ce projet pour l'orgue de la chapelle catholique que quelque chose s'est décidé pour l'oratoire protestant.

L'orgue, dont l'origine reste un peu mystérieuse, est doté de 6 jeux, et on note qu'aucun ne va au-delà du 4'. On ne retrouve pas les deux Flûtes 4' (une habitude Wetzel) mais un Salicional 4' (Salicet), qui, lui aussi, était un jeu apprécié de la maison strasbourgeoise. (Landersheim, 1870)

Les petits orgues de Martin Wetzel étaient plutôt logés dans des "buffets-caisse" présentant la même hauteur partout. Cette disposition avec une plate face plus basse se retrouve plus tard, entre 1862 et 1884 : Siewiller (1862), Herbitzheim (1863, avec des jouées), Asswiller (1964), Zehnacker (1867), Grandfontaine (1868, avec des jouées), Benfeld (1869, avant son probable agrandissement), Rauwiller (1876), Irmstett (1884).

En 1871, la maison Wetzel aurait donc très bien pu fournir un instrument neuf doté de ce genre de buffet. Reste qu'il n'y en a pas de trace d'archives, et que la console frontale n'est probablement pas d'origine, ce qui paraît indiquer que l'orgue vient d'ailleurs.

Tuyauterie:

Vue sur la tuyauterie. On distingue le bas de la façade,
les tubes en plomb de postage, et la mécanique qui "plonge" à partir de l'arrière des touches
sous le sommier, lequel est placé très bas dans l'instrument.
Au premier plan, on peut voir le Bourdon, à calottes soudées,
qui est probablement la partie la plus ancienne de l'orgue (1830-40 ?).
On voit aussi les entailles de timbre du Salicional.