L'orgue Charles Wetzel,
1884
Chronologie

Historique

En 1884, Charles Wetzel posa ici un petit instrument de 7 jeux, sur un seul manuel, avec une pédale accrochée de 18 notes. La date figure sur le buffet. Le devis était daté du 04/05/1884. Au début, le pédalier devait être dépourvu du jeu spécifique (accroché au manuel), mais Wetzel dota finalement l'instrument d'une Flûte 8' de pédale, placée sur le sommier manuel. [IHOA] [PMSRHW] [PMSCS80]

La console était probablement latérale et accolée au buffet. La composition devait être la suivante :

Il reste un problème non résolu : le devis parle d'éléments "neufs", ce qui laisse supposer que l'instrument a intégré des éléments plus anciens. Si le buffet, le sommier, le mécanisme et la soufflerie étaient explicitement décrits comme neufs, on en déduit qu'une partie de la Doublette, du Bourdon 8' et de la Flûte traverse 4' ont été récupérés. On donne surtout ces détails lorsque le commanditaire est déjà propriétaire du matériel ancien. On peut en déduire que soit il y avait un instrument inconnu à Irmstett avant 1884 (ce qui est peu probable, vu que c'est un harmonium qui a été inventorié auparavant), soit qu'Irmsett a fait l'acquisition d'un orgue d'occasion, soit que Charles Wetzel a détaillé dans le devis son usage de "tuyaux de rencontre" - une expression qu'il avait lui-même inventée. [Barth] [PMSCS80]

En avril 1917, les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités. [IHOA]

L'orgue Franz Heinrich Kriess,
1922 (instrument actuel)
Chronologie

Historique

En 1922, Franz Heinrich Kriess (le fils de Franz Xaver, fondateur de l'entreprise) reconstruisit l'instrument, sur deux claviers. Les tuyaux de façade ne furent jamais remplacés, et le buffet doté d'une façade postiche en bois peint. Irmstett apparaît dans la liste des orgues neufs (publiée en 1924 dans "Caecilia" et reprise par Barth) construits par la maison Kriess : au numéro 38, avec la date de 1922 et indiqué à 7 registres. Malgré cela, il n'y a que 6 dominos de jeux d'origine à la console : deux au grand-orgue, trois au récit, et un à la pédale. Il semblerait donc que le Principal 4' (dont des tuyaux constituaient pour partie la façade) n'ait pas été remplacé en 1922. [IHOA] [PMSRHW] [Barth] [Visite]

En, 1959, l'instrument a été décalé plus à droite sur la tribune, et transformé par Albert Kastner. L'opération a été menée pour laisser plus de place à la chorale, du côté gauche. [IHOA] [Barth] [Visite]

Albert Kastner paraît avoir été originaire d'Irmstett, et a travaillé pour la maison Roethinger. Il effectua plusieurs petits travaux de facture d'orgue outre celui-ci : une harmonisation pour le compte de Max et André Roethinger à Mackenheim, la pose d'un Nasard à Dangolsheim en 1958, un relevage à Flexbourg la même année. C'est lui qui intervint pour des travaux, toujours en 1958 et pour le compte de la maison Roethinger, à la chapelle catholique de l'hôpital civil de Strasbourg.

C'est probablement de cette époque que date l'installation du Prestant, sur un sommier supplémentaire, à l'arrière du sommier principal. Le domino qui commande ce jeu, placé à l'écart et d'une facture différente semble confirmer cette hypothèse.

L'expression disparue

Mais il reste un autre mystère : la console est dotée d'une pédale basculante d'expression, repérée "Echo II Manuale". Il est bien sûr possible que cette console ait été dotée de deux pédales basculantes (il y a aussi celle du crescendo) parce qu'elle aurait été commandée sans connaître exactement l'orgue de destination. Mais cela n'explique pas pourquoi on aurait placé une porcelaine de repérage (ou pas pris le soin de la retirer si l'orgue n'était pas expressif). A l'examen de l'intérieur de l'orgue, on se rend compte qu'il est impossible qu'il ait pu être doté d'un récit expressif dans cette configuration (il aurait fallu un deuxième sommier). Il en résulte que soit le récit n'a jamais été expressif, soit que c'est l'orgue entier (à l'exception du 16') qui était expressif, des jalousies étant disposées juste derrière la façade (muette). De fait, il y a une curieuse pièce gravée juste derrière la façade, qui pourrait avoir servi de support aux jalousies.

Le bas du revers de la façade.
En haut, le revers des faux tuyaux en bois (plats de ce coté).
On distingue des bancs de la nef en transparence.
Au pied de chaque planche constituant un faux tuyau,
on trouve le trou dans le bois, où venait se fixer le postage
permettant d'alimenter les tuyaux de façade du temps de l'orgue Wetzel.
En bas, les aigus de deux jeux. (La Flûte majeure en bois à gauche.)
Entre les tuyaux du fond et la façade, on remarque une pièce en bois
munie de créneaux et de mortaises : cela pourrait être le support
des jalousies d'une boîte d'expression disparue en 1959.

On peut donc émettre l'hypothèse qu'en 1922, les 5 jeux manuels avaient été placés dans une boîte expressive commune. La cloison arrière devait se situer à l'emplacement de l'actuel Prestant. Cela expliquerait aussi, du coup, pourquoi il n'a pas été possible de placer le Prestant dans l'orgue, ni en façade, ni derrière. Kastner a donc probablement supprimé l'expression des manuels pour pouvoir placer le Prestant, sur un sommier spécifique.

Le Prestant a été affecté au récit, ce qui peut paraître étonnant : on aurait plutôt attendu ce jeu au grand-orgue. Cela confirme en fait l'importance - dans la conception - des accouplements à l'octave : avec II/I 16' et II/I 4', ce Principal 4', placé au récit, permet de doter l'instrument d'une Montre 8' et d'une Doublette.

Cet instrument raconte donc - à sa façon - l'histoire des paroisses qui ont acquis, au 19ème, un orgue aux capacités limitées, avec un seul manuel et un pédalier pratiquement inutilisable. Parfois - quand il y avait la place et les ressources - on a procédé à l'installation d'un second manuel supplémentaire. L'autre solution, qui a été adoptée ici, a consisté à répartir les jeux existants sur deux claviers. On constate aussi qu'en 1922, l'expression était considérée comme prioritaire : son installation justifiait de se passer de Prestant (lequel, il est vrai, n'était plus utilisable depuis 1917).

Lors de la transformation, l'utilisation d'une transmission pneumatique permettait de disposer les éléments internes et la console avec plus de liberté, mais surtout de tirer le maximum des jeux disponibles, à l'aide des accouplements à l'octave. L'instrument de 1922 est réellement conçu autour de ces 5 accouplements, en particulier II/I, II/P et II/I 4', qui devaient probablement être tirés en permanence (ce qui permet de régler l'intensité avec les jeux du récit). Il y a aussi un chœur d'ondulants (Salicional+Voix céleste, II/I 16', II/I, II/I 4').

En 1988, il y eut un relevage, par Yves Koenig. [IHOA]

Console:

La console Kriess de 1922.
Elle a aujourd'hui un joli côté Steampunk,
avec son indicateur de crescendo et sa goulotte striée.

Console indépendante, placée orthogonalement au buffet, à gauche de celui-ci, et tournée vers la gauche, fermée par un rideau coulissant. Tirage des jeux et des accouplements par grands dominos colorés, placés en ligne au-dessus du second clavier, et munis de porcelaines blanches. Le code de couleur est le suivant : grand-orgue rose, récit bleu, et pédale jaune. Les dominos des jeux sont groupés à gauche. Il y en a 6 semblables, et celui du Prestant est placé à l'écart, plus à gauche ; il est de facture différente (plus tardif). Les dominos commandant les 5 accouplements sont à droite ; ils sont bicolores pour respecter le code de couleur.

Commande des combinaisons fixes par poussoirs, situés sous le premier clavier, et repérés par des porcelaines rondes : "P.", "MF.", "F." et "T.". Le poussoir annulateur (le plus à gauche) est noir, les autres blancs. Commande du crescendo par pédale basculante, placée au-dessus des "e" et "f" du pédalier, et repérée par une porcelaine ronde "Crescendo-Decrescendo". La position est indiquée par un cadran circulaire, gradué de 0 à 12, placé en haut de la console, au centre entre les groupes de dominos. Il y a une pédale basculante inopérante, placée au-dessus du "h" du pédalier, et dotée d'une porcelaine disant "Echo II Manuale". Le récit, toutefois, n'est pas expressif. La porcelaine devait en fait signifier qu'il s'agissait d'une expression pour les deux (II) manuels.

Détail des combinaisons fixes :

- P : Salicional, Flûte 8', Soubasse, II/I, II/P.

- MF : ajout du Bourdon 8' (sic).

- F : ajout de la Gambe et I/P.

- Tutti : tous les jeux sauf le Prestant ; c'est donc le tutti de 1922.

Plaque d'adresse en porcelaine blanche, placée au centre, juste au-dessus du second clavier, et disant :

Manufacture d'orgues d'églises
F. Kriess Fils
Molsheim (Bas-Rhin)

La plaque d'adresse de Franz Heinrich Kriess
et l'indicateur de crescendo.

Tuyauterie:

Une vue sur la tuyauterie. Depuis en bas à gauche
(accès/fond de l'instrument) vers en haut à droite :
le Prestant 4', la Voix céleste, le Salicional 8',
le Bourdon 8', la Flûte 8' en bois, la Gambe 8',
puis le revers de la façade postiche.

A l'exception de la Flûte 8' (plus ancienne ?) et du Prestant (plus récent), la tuyauterie a l'air de Kriess. Le Bourdon est en zinc, sauf l'octave grave (en bois).

Aujourd'hui (03/2019), cet orgue aurait besoin d'une bonne révision (il ne semble pas en avoir bénéficié depuis plus de 30 ans). La tuyauterie est empoussiérée, et le fonctionnement est plutôt aléatoire. Pas tant que cela, finalement, après 3 décennies sans relevage : une fois de plus, la transmission pneumatique, décriée par tant de personnes mal renseignées, a fait preuve d'une belle longévité. Plus que certaines mécaniques douteuses, en tous cas. Mais évidemment, les pièces d'usure doivent, à la longue, être remplacées.

L'orgue d'Irmsett présente de belles couleurs, et - grâce à ses accouplements à l'octave - se trouve doté de très nombreuses possibilités de registration, malgré ses 7 jeux seulement. Il constituerait aussi un remarquable instrument d'étude, avec ses deux manuels, son pédalier complet et ses jeux très adaptés au répertoire romantique et post-romantique. Un instrument que l'on espère voir, après un bon relevage, reprendre sa place dans un paysage organistique auquel il apporterait sa part de diversité et de spécificité.