Jacob Zimmermann, de Bâle, posa cet orgue en 1901. C'est finalement un des rares représentants de la facture suisse en Alsace, alors que le style helvète a eu, tout au long de l'histoire, une influence déterminante sur l'orgue alsacien.
Historique
Un premier orgue est attesté en 1819. [IHOA] [Sundgau1962]
L'édifice avait été consacré en 1729. L'analyse des responsabilités du maître d'école semble indiquer qu'il y avait peut-être déjà un orgue en 1808, et à coup sûr en janvier 1819. On connaît d'ailleurs le nom de l'instituteur-organiste à cette date : Jacques Kuentz. On ignore à peu près tout de cet instrument, mais il était clairement très vieux et inadapté. Des facteurs d'orgues, consultés en 1864, l'ont déclaré "irréparable". [Sundgau1962]
Mais comme il n'était pas possible à l'époque de faire construire un orgue neuf, le vieil instrument a tout de même été réparé en 1865 par François Antoine Berger. Outre le remplacement des soufflets, il a posé une une petite pédale neuve. [IHOA] [Sundgau1962] [Barth]
Cette pédale n'avait que 12 notes, et deux jeux : une Flûte 8' et un Basson. [IHOA]
Mais dès 1883 il fallut faire appel à Martin Rinckenbach, qui procéda à une nouvelle réparation, probablement très limitée. [Sundgau1962]
Historique
C'est en 1901 que Jacob Zimmermann, de Bâle, posa l'orgue actuel. [IHOA] [ITOA] [Sundgau1962] [Barth]
Jakob Zimmermann (1860-1929) a repris à son compte en 1892 la filiale bâloise des facteurs d'orgues Weigle de Stuttgart. (Filiale qui avait été fondée en 1885). Zimmermann est l'auteur de l'orgue de la Pauluskirche de Bâle, qui était contemporain de celui de Franken. (Il datait de 1901 aussi, et a malheureusement été "reconstruit en mécanique" - i.e. remplacé - en 1987.)
Face au manque de ressources, l'acquisition d'un orgue neuf à Franken avait d'abord été jugée impossible. L'idée d'un harmonium fit son chemin. Mais c'était sans compter sur le dynamisme de l'instituteur-organiste Aloyse Schnebelen. Il sut mobiliser le Conseil municipal, et, conseillé par Henri Wiltberger, parvint à faire adopter un projet d'orgue neuf. Le vote eut lieu les 08/05 et 13/05/1900. On apprend que 4 devis avaient été examinés, mais on ne sait pas le nom des trois concurrents de Zimmermann. De plus, ce n'était pas un orgue si petit que cela : 12 jeux sur deux manuels et pédale, pour une localité de moins de 300 habitants ! [Sundgau1962]
Une remarque datant de la conception de l'instrument est un peu curieuse : "Faute de place, le Bourdon 16p. du pédalier sera remplacé par un accouplement de l'octave inférieure pour le grand-jeu. Pour la même raison la soufflerie sera mise au grenier et on renonce à l'expression." Un accouplement des claviers en octaves graves n'est pas du tout de nature à remplacer un 16' de pédale. Il s'agit sûrement de pallier à l'absence de Bourdon 16' manuel, et donc d'une erreur : il faut lire "le Bourdon 16p. du grand orgue sera remplacé par un accouplement de l'octave inférieure". De plus, le 16' de pédale a bel et bien été posé. Le récit n'était pas expressif à l'origine. [Sundgau1962]
C'est bien sûr Wiltberger qui assura la réception, le 15/09/1901. Il était très satisfait de l'harmonie et de l'ergonomie de l'instrument. Il paraît avoir particulièrement apprécié le tirage de jeux "Weigle" (touches à accrocher) : "Die Anlage der Tastenförmigen Registerhebel ist sehr bequem und lassen sich dieselben durch leichten Druck behandeln." ("La réalisation des commandes de jeux en forme de touches est très agréable et elles se laissent manœuvrer avec une grande facilité.") [IHOA] [Sundgau1962]
Les 24 tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en mars 1917. [IHOA] [Sundgau1962]
C'est après 1925 qu'ils ont été remplacés, par Alfred Berger. [IHOA] [Sundgau1962]
La composition d'origine a été relevée en 1968, et publiée dans l'inventaire historique : [Sundgau1962]
Il y avait donc un Dolce 8' au grand-orgue, et le Dolce 4' était au récit, ce qui était logique du point de vue de l'équilibre des timbres. Notons que cette composition notée en 1968 paraît avoir oublié l'expression du récit, alors qu'il en était doté à ce moment-là. [IHOA]
Car en 1930, Jules Besserer, de Leymen vint munir la soufflerie d'un moteur électrique. Ce fut fait le 13/04, alors que le courant n'avait été mis en exploitation dans la localité que le 11/04, soit deux jours plus tôt ! Il a également posé une expression du récit, agissant également sur la pédale. [Sundgau1962] [ITOA] [Visite]
En 1968, l'orgue était donc encore entièrement authentique (avec juste une boîte expressive ajoutée). [IHOA]
Il y a forcément eu une transformation, après 1968 et avant 1986, puisque l'inventaire technique de 1986 note le Dolce 4' au grand-orgue (à la place du Dolce 8', disparu), et, au récit sur la chape "libérée", un absurde 2'. Ce 2' a été réalisé en massacrant littéralement au moins deux jeux romantiques (a priori une Flûte octaviante et une Gambe), par décalage, recoupage, arrachage des oreilles, etc... Il est de plus complètement étranger à l'esthétique de cet orgue. [ITOA] [Visite]
Le remplacement du Dolce 8' du grand-orgue par le 4' du récit a une autre conséquence absurde : c'est le seul jeu appelé par la combinaison fixe "I". Du coup, avec celle-ci, le grand-orgue sonne en 4'. Pire : au récit, et toujours avec la combinaison I, vu que c'était Aeoline 8' et Dolce 4' qui étaient censés jouer, et que ce dernier a été remplacé par un 2', c'est un "mélange creux" (8'-2' - probablement la registration la plus incongrue possible sur cet orgue) qui est appelé... Et quand on sait qu'en plus, la tirasse du récit est engagée, on constate que ce 2' ruine même la pédale... Cette modification a été faite de façon totalement irréfléchie et en dépit de tout bon sens !
L'orgue a été relevé par Hubert Brayé en 2004. Une façade neuve en étain a été posée. Par contre, rien n'a été fait au sujet du regrettable échange de jeux et de l'affreux 2' qui dépare cet instrument par ailleurs si réussi. L'expression du récit a dû être supprimée : la cloison à jalousies, disposée en 1930 sur la passerelle, rendait la tuyauterie pratiquement inaccessible. [Visite]
Le buffet
Le buffet, de style néo-roman, est plutôt élaboré. Deux tourelles plates encadrent une plate-face triple un peu en retrait. Le buffet s'élargit un peu d'un décrochage, en retrait de la façade d'une vingtaine de centimètres.
Les arcs en plein cintre sont ornés de motifs en demi-cercles ou en sphères. L'entablement supérieur reçoit une frise, également formée de demi-cercles, et le haut de la plate-face triple une galerie (non ajoutée).
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Commandes des jeux par petits taquets à accrocher (mouvement en 'L'), comme à Strasbourg, St-Thomas. Il paraissent provenir de la maison Weigle, qui fournissait alors des éléments nécessaires pour réaliser des transmissions pneumatiques. Les jeux sont repérés par des porcelaines rondes et à liséré doré. Elles sont oranges pour le grand-orgue, bleues pour le récit et blanches pour la pédale. Tirasses et II/I ont une porcelaine bicolore.
Claviers blancs, à frontons droits pour le premier, et biseautés pour le second. Joues moulurées noires.
Les combinaisons fixes sont commandées par 4 pistons couleur ivoire, placés sous le premier clavier, et repérés par des lettres sérigraphiées à leur extrémité. "0" (annulateur) est à gauche, puis "I", "II", "III". Porte-partitions très large. (Sa largeur est celle d'un clavier plus ses joues.)
Banc à pieds galbés.
Il n'y a pas de plaque d'adresse.
A membranes. Le grand-orgue est diatonique, en "M" (basses aux extrémités). Le récit est à l'arrière, au même niveau, et également en "M". Les 8 notes les plus aiguës du récit (ais''-f''') sont disposées sur un petit sommier chromatique, en hauteur et au centre. La pédale est à l'arrière et disposée de la même façon.
Le réservoir est au grenier. Le système de pompage à bras (y-compris le fil à plomb descendant du plafond) a été conservé.
La tuyauterie est intègre et homogène, bien conservée, à l'exception du 2'.
C'est pratiquement un orgue Weigle que l'on trouve à Franken. Et presque authentique ! Avec la prochaine résurrection de l'orgue de Strasbourg, St-Maurice, nul doute que cette facture va être re-découverte, et enfin appréciée comme elle le mérite. Il faudrait vraiment rendre son irremplaçable Dolce 8' à ce magnifique petit instrument !
Sources et bibliographie :
Remerciements à Jacques Brie.
Photos du 15/05/2021 et relevé technique.
im68011023 ; il y a des photos en couleur dans le dossier.
Localisation :