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Les orgues de la région de Marmoutier
Haegen, St-Quirin
1917 degr > Dégâts
Haegen, le buffet Verschneider.
Photo Centre Européen de l'Orgue, prise avant 2005.
Après 2005, le buffet a été doté de claires-voies et son couronnement altéré.Haegen, le buffet Verschneider.
Photo Centre Européen de l'Orgue, prise avant 2005.
Après 2005, le buffet a été doté de claires-voies et son couronnement altéré.

A Haegen, l'orgue, initialement placé en 1853 par les frères Verschneider a été reconstruit deux fois. Ce buffet a hébergé un orgue de la maison Roethinger, achevé en 1905 juste avant la Réforme alsacienne d' l'orgue, puis à présent un instrument de Michel Gaillard, de la Maison Aubertin, en 2005.

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Historique

Le premier orgue de Haegen a été construit en 1853 par Georges et Nicolas Verschneider. [IHOA] [ITOA] [PMSCS137]

Le projet a été mené par le curé Gabriel Bottemer (1802-1864 ; en charge de la paroisse de Haegen de 1848 à 1856). L'instrument a été payé par cotisations volontaires, et cet engagement de la communauté constitue un autre exemple de l'Orgelfreudigkeit, comme l'appelait Médard Barth : un orgue, à l'époque, c'était important ! L'accord a été conclu avec "Nicolas Verschneider et Cie", de Puttelange, le 03/05/1853, et le devis a été conservé. [PMSCS137]

C'était un tout petit instrument (I/P 8j), avec une pédale limitée à 15 notes seulement :

Composition, 1853, orig.
Manuel, 54 n. (C-f''')
C-F en bois, intérieurs
C-g en bois
(C-f')
(fis'-f''')
Pédale, 15 n. (C-d)
[IHOA] [PMSCS137]

Il est noté que le buffet, en chêne, était dépourvu de sculptures (donc ni jouées, ni claires-voies, ni rinceaux), que la console était en fenêtre et le clavier blanc. [IHOA] [PMSCS137]

Curieusement, dans le "cahier perdu" de la famille Mockers, recopié par Louis Ginter vers 1934, figurent deux entrées concernant Haegen. Une première - datant du 03/12/1884 - pour la construction d'un orgue neuf à 2 claviers et 13 jeux. Il y eut sûrement un projet de la maison Stiehr-Mockers, mais Louis Mockers a pris ses désirs pour des réalités, car cette date correspond à un devis, pas à une réalisation. [CahierPerdu] [PMSSTIEHR]

L'orgue Verschneider devait donc visuellement beaucoup ressembler à ceux de Wintershouse (1865) ou Zaessingue (1881). Mais celui de Haegen, un peu "minimaliste" datait de 1853, et surtout, sa composition paraît être issue du siècle précédent : pas de Salicional, pas de Gambe, pas de Flûte ouverte... Ce Verschneider n'a rien de romantique, c'est un sorte de "classique tardif". La Trompette manuelle - quasiment systématiquement séparée en basse+dessus chez les Verschneider - devait être vraiment forte pour un manuel de 6 jeux seulement. Mais c'était un jeu "traditionnel" et incontournable.

De façon peu surprenante, cet instrument était totalement inadapté à la fin du 19ème, et il n'est pas étonnant qu'on ait songé à le remplacer. Lors de la visite-inventaire de 1892, le constat était clair : "[Orgel] nicht viel taugt". ("[Orgue qui] ne vaut pas grand-chose.) [Barth]

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Historique

En 1905, Edmond-Alexandre Roethinger construisit un orgue neuf dans le buffet Verschneider. [IHOA] [Mathias] [ITOA]

Cette fois, l'instrument pouvait jouer du répertoire, car il était doté d'un pédalier jouable. Il y avait deux claviers, dont un expressif, et bien sûr une belle console indépendante permettant à l'organiste de diriger la chorale. (Et de ne pas être condamné à jouer avec la tête dans une armoire, sans rien y voir, et avec un retour du son très déformé.)

La transmission est restée mécanique et les sommiers à registres (sauf pour le complément de pédale). Les jeux récupérés de l'ancien instrument étaient la Montre, le Bourdon, le Prestant, la Doublette et la Soubasse. [Mathias] [PMSCS137]

L'orgue a été reçu par François-Xavier Mathias le 19/01/1905. Le buffet a été doté de jouées, et d'un couronnement sur lequel figurait la date : "1905". [PMSCS137]

Un article du Nouvel Alsacien, daté du 30 janvier, relate la réception de l'orgue Roethinger. Il s'enthousiasme de voir la localité de Haegen dotée d'un orgue neuf avec de nouveaux jeux : Gambe, Aeoline, Flauto major, Lieblich Gedeckt et Salicional. La chorale prit part à l'inauguration, et on apprend qu'elle avait été constituée 2 ans auparavant (donc en 1903). [NAlsacien]

Sur cet orgue pourtant pré-Réforme alsacienne de l'orgue, il faut noter le nom des jeux, qui indique l’association des esthétiques germaniques et françaises. Ainsi, il y a bien une "Montre", un "Praestant", et un "Bordun", mais la Flûte ouverte 8' est appelée "Flötmajor", les Gambes conservent leur orthographe allemande, et la quinte du récit n'est pas appelée "Nasard" mais "Quintflöte".

Isolé, ce fait ne serait pas significatif. Mais, comme il y en a d'autres, il illustre parfaitement le désir de "synthèse" d'Edmond-Alexandre Roethinger entre ce qui vient d'outre-Rhin et ce que vient d'outre-Vosges. Pas vraiment une synthèse, d'ailleurs, car justement, on conserve à chaque jeu son identité. Les compositions de Roethinger sont conçues comme des bouquets floraux : chaque composant contribue à l'ensemble, mais garde ses spécificités.

Il est vraiment fort dommage que ce bel orgue Roethinger n'ait pas été conservé. Les endroits où on peut trouver de telles compositions - et donc perpétuer l'usage de ces jeux - sont devenus très rares.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en mai 1917. [IHOA] [PMSCS137]

C'est probablement vers 1925 que Franz Xaver Kriess remplaça les tuyaux de façade. Il dota aussi l'orgue d'un Bourdon 16' manuel. [IHOA] [ITOA] [PMSCS137]

L'instrument a été entretenu par Gaston Kern en 1986. [IHOA]

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L'orgue Michel Gaillard,
2005 (instrument actuel)
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Historique

En 2005, l'orgue a été reconstruit par Michel Gaillard. Le buffet ancien a été conservé. Le grand-orgue a perdu son Salicional (!) et a été complété par un Cornet 4 rangs et une Trompette. Le récit a perdu ses deux Gambes et son Gemshorn, jeux qui faisaient toute la personnalité de cet instrument. En 8' - 4' - 2'2/3 - 2', ce n'est plus un récit mais un positif intérieur. La pédale est passée à 4 jeux. Des claires-voies ont été ajoutées, et, malheureusement, le couronnement a été altéré pour supprimer la date "1905" ! [IHOA] [SiteGaillard]

"Ôtez ce 1905 que je ne saurai voir !" : ce dernier point est caractéristique de la "cancel-culture" appliquée au orgues de la Belle époque depuis les années 1950. C'est regrettable, et explicable uniquement par des clichés et préjugés relayés par des gens ne remettant jamais en question ce qu'ils croient savoir. On voulait "effacer" le début du 20ème siècle, et plus généralement toute la période 1871-1918. Si une telle xénophobie pouvait encore (à peine) s'expliquer dans les années 50-60, voir qu'on en était toujours là en 2005 est affligeant. D'un point de vue patrimonial, ce fut une vraie catastrophe, que bien peu, encore aujourd'hui, acceptent de reconnaître comme telle.

Indépendamment de la qualité de l'orgue neuf - là n'est pas la question - cette façon d'enlever cette date, ce symbole qui était là depuis un siècle pose un vrai problème éthique. Cette altération du buffet par retrait d'une date clé de l'historique de cet orgue est en quelque sorte un mensonge patrimonial, l'occultation délibérée d'un fait historique au profit d'autres. D'ailleurs, on a vu récemment cet orgue attribué à "Verschneider-Gaillard" (!) en éliminant purement et simplement Roethinger de l'histoire. Pourtant, cet orgue doit toujours plus à Roethinger qu'à Verschneider. On peut attribuer l'orgue à Michel Gaillard, ou dire "Roethinger-Gaillard" (si on s'intéresse à la partie instrumentale). Ou a la rigueur "Verschneider-Roethinger-Gaillard" si on a la place... Mais en tous cas pas "Verschneider-Gaillard". Et, entre ces les facteurs cités, lequel a objectivement le plus contribué à l'essor de l'orgue alsacien ? Pourquoi l'avoir retiré de l'attribution ? Pourquoi cette interminable chasse à l'orgue post-romantique alsacien ? On comprend qu'on veuille "faire du neuf". Mais pourquoi le faire toujours en détruisant ce que notre patrimoine a de plus beau ?

Le buffet

Le buffet présente trois plates-faces, celle du milieu étant double car coupée verticalement par un pilastre. Les tourelles latérales ont 6 tuyaux, et celle du milieu deux fois 7.

Les buffets alsaciens Verschneider les plus voisins sont ceux de Wintershouse (1865) et Zaessingue (1881). Ainsi que celui de Hochstett, dont le buffet est fort ressemblant, mais l'attribution aux Verschneider non certaine.

Haegen (1853) Haegen (1853)

L'orgue de Hochstett pourrait aussi être un Wetzel, car on sait que la maison strasbourgeoise "empruntait" régulièrement des dessins de buffets aux autres facteurs. Mais le plus probable, vu la ressemblance et la composition, est qu'il s'agit d'un orgue Verschneider. Celui-là est placé à fleur de tribune, mais à part un écart d'un tuyaux entre les tourelles latérales et la plate-face coupée en deux, il a exactement la même facture que celui de Wintershouse / Marmoutier. Les claires-voies sont différentes, et il y a des jouées.

Celui de Zaessingue n'a pas la plate-face centrale séparée par un pilastre.

Caractéristiques instrumentales

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670179001P03
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