L'église St-Léger de Guebwiller contient encore des éléments architecturaux authentiquement romans, datant du 12 ème siècle. Au 14 ème siècle, un choeur gothique est venu remplacer l'abside romane originelle. A peine un siècle plus tard fut construit le premier orgue de Guebwiller.

Guebwiller, St-Léger, le 19/08/2012.

     L'église St-Léger de Guebwiller a déjà connu, au cours des siècles, 6 instruments successifs :

• 1. l'orgue en nid d'hirondelle (~1420)
• 2. l'orgue de Johann Georg ROHRER (~1744)
• 3. l'orgue de Nicolas et Georges VERSCHNEIDER (1860)
• 4. l'orgue de Jean Frédéric Verschneider (1879)
• 5. le Positif de SCHWENKEDEL (1972)
• 6. l'orgue actuel, de Gaston KERN (1982)
  

     Cet instrument était placé sur la 2eme travée Nord : on en voit encore aujourd'hui les traces de fixation ainsi que celles de la chambre des soufflets. Les écrits paroissiaux attestent la présence d'un organiste, Rudolf NÖRACKER, qui jouait à St-Léger entre 1661 et 1708.
Mais l'orgue gothique devait encore être plus ancien que cela, car des écrits nous informent qu'en 1445 on accrocha les échelles d'assaut «à la gauche de l'orgue». Ce serait donc l'un des 10 premiers orgues d'Alsace.

Il existe des preuves écrites du passage à Guebwiller, en 1422, de Konrath SCHWOHR, maître facteur d'orgues associé à Michel GROLACH de Leiptzig. Peut-être s'agit-il du facteur qui construisit l'instrument.

Dans une bibliographie humaniste de Cumlach, on a retrouvé cette lithographie montrant bien un instrument en nid d'hirondelle avec la mention "des einiges organum vrom Guebweiler sanct leogado ergebot 1420".

Lithographie de l'orgue de 1420 - Fournie par Gilles RITZ.

     Cette même lithographie apparaît également dans un autre manuscrit conservé à Bâle qui prouvait d'une manière plus concrète que la cathédrale était également dotée d'un orgue similaire à celui de St-Léger. On pourra aussi le comparer à l'orgue gothique de Ribeauvillé.

Les facteurs AEBI y ont travaillé en 1669, et cet orgue a rempli sa fonction jusqu'à l'achèvement de l'orgue Rohrer.

     Le deuxième orgue de St-Léger a été construit vers 1744 par Johann Georg ROHRER (la commande date de 1742). Cet instrument était prévu avec deux claviers (Grand-orgue de 15 Jeux, Dessus d'Echo avec 8', 4' et Cornet 3 rgs, Pédale de 3 Jeux). Finalement, Rohrer ajouta un Positif intérieur (Jeux placés sur le Sommier du Grand-orgue), dont les tuyaux ne furent posés que vers 1750.

A la révolution, l'église St-Léger fut désaffectée, car c'est Notre-Dame qui devint église paroissiale. En 1804, l'orgue Rohrer fut racheté par Erstein. On peut voir là-bas son Buffet (agrandi) et, dans une vitrine, son Cornet d'Echo.

Esquisse du Buffet de l'orgue Rohrer, du temps où il se trouvait à Guebwiller.

     Le troisième orgue de St-Léger était un instrument de Nicolas et Georges Verschneider. Il datait de 1860, dont voici la Composition en 1864 :

     En 1879, l'orgue fut déplacé sur une nouvelle tribune néo-romane réalisée par Théophile KLEM.
Les travaux ont été confiés à Jean Frédéric Verschneider : modification du Buffet, avec une nouvelle Montre (en étain), et ajout d'une note par Jeu. Le Sommier de Pédale a été refait à neuf, la mécanique a été partiellement remplacée et l'orgue a été réharmonisé.

Le coût de ses travaux s'est élevé à 5.300 Francs, alors que ceux de Klem pour la tribune et le Buffet se montèrent à 9.000 Francs. La ville donna 1600 Marks de subvention.
Voici la composition du Verschneider après cette rénovation (magnifique Composition "de transition") :

     La paroisse Notre-Dame (qui avait beaucoup de moyens à l'époque) remplaça en 1908 (en conservant le Buffet) son grand orgue Joseph RABINY par un magnifique MUTIN-CAVAILLE-COLL inauguré le 28/08/1908 par Charles Marie WIDOR.
L'organiste de St-Léger devait dès lors se trouver fort frustré face à son 2 claviers mécanique. Il fallut donc mettre son instrument "au goût de jour". Le coût des travaux, menés par Alfred BERGER en 1924 s'éleva à 45.200 Francs. Ce fut une de ces "pneumatisations" radicales comme on en connut tant à cette époque :

• Le Buffet du Positif a été vidé mais conservé et transformé en armoire à partitions.
• La tuyauterie du Positif a été placée à l'arrière droit du grand Buffet, dans une boîte expressive, pour faire un Récit.
• L'ensemble de la soufflerie et l'arrière du Buffet étaient logés dans une ancienne chapelle du XIIe siècle. Ce fut une des raisons, probablement, de la destruction de ce malheureux instrument.
  

Il y avait six Combinaisons fixes (Pianissimo, Piano, Mezzo Forte, Forte, Fortissimo, Tutti), ainsi qu'une pédale de Crescendo.

     L'instrument à successivement été entretenu par Pierre HUGIN en 1950 et 1968, date à laquelle il remplaça une série de relais... et augmenta la pression.

En 1970 le Verschneider a été révisé par Schwenkedel et était en parfait état. Et, on le voit, presque l'intégralité de la tuyauterie des orgues Verschneider de 1860 et 1879 était encore là.

Photo de l'orgue en 1968 - Fournie par Gilles RITZ.

     En 1974, alors que soufflait un vent de folie "minimaliste" (et que surtout régnait l'ignorance en général et le mépris pour l'époque symphonique en particulier), l'instrument a été démonté et envoyé à la chaudière.

Toute l'église a d'ailleurs fait les frais de l'opération : elle a été dépouillée de ses adjonctions du début du siècle, jugées superflues, y-compris les superbes confessionaux de Klem, le magnifique banc de communion, le grand maître autel néo-gothique ainsi que les autels latéraux, la lustrerie, la belle chaire de Klem, les vitraux (qui n'étaient bien sûr plus d'origine, mais diffusaient une belle lumière), les bancs - eux aussi de Klem - remplacés par des chaises tressées de paille, et... les tapis. Quant à l'orgue, Gaston Kern a récupéré un Bourdon 16, une Flûte de 8', le Prestant et plusieurs tuyaux d'autres Jeux, qui ont permis de constituer la Pédale de l'orgue actuel. C'est là tout ce que l'on a conservé du grand orgue Verschneider, qui était en parfait état avant sa démolition. La tribune et le buffet de Klem ont été sciés et découpés en morceaux pour finir dans les cheminées et poëles. Il n'existe pas beaucoup de traces de la reprise, la revente et la destination de tout le matériel de l'orgue hors mis le peu qui a été intégré dans l'orgue neuf... sauf le Salicional de 1860, que Gaston Kern a placé en 1985 dans son orgue de Haguenau, St-Joseph. Le Cornet de 5 rangs (en étoffe, posté, 8' bouché à calottes mobiles, le reste ouvert et coupé au ton) de 1879 a été replacé en 1991 par Gaston Kern dans l'orgue Jean-Frédéric Verschneider Fils, 1877 de Guenwiller, St-Lambert (près de Freyming-Merlebach, Moselle).

     L'essentiel avait été de détruire l'existant et d'en supprimer toute trace. Pour accompagner les offices de 1972 à 1982, la Maison STEINMETZ installa provisoirement à St-Léger l'ancien orgue Schwenkedel de l'école normale protestante de Strasbourg. Il était placé dans le transept nord, et disposait d'un Clavier avec Bourdon, Prestant, Flûtes de 4 et 2 pieds, Plein-jeu 3 rangs (Jeux coupés en Basse+Dessus), et d'une Pédale avec Soubasse et Tirasse.
Le joli Buffet rococo de Steinsoultz (Gundolsheim) n'est jamais passé par Guebwiller. L'orgue Schwenkedel a été déménagé en 1983 à Steinsoultz.

     S'inspirant du style nordique, et reprenant une partie de la tuyauterie Verschneider, Gaston Kern a construit un orgue neuf, logé dans un Buffet à 4 tourelles rappelant les CALLINET. Mais ces tourelles sont en tiers-point et le Positif est un Brustwerk, c'est-à-dire un Positif de Poitrine, placé juste au-dessus de la Console. L'orgue n'est en effet pas placé sur une tribune, mais dans le transept sud.

Mécanique : Suspendue, Sommiers à gravures.
Tremblant doux commun au Grand-Orgue et au Brustwerk.

Sources :

• Remerciements à Gilles RITZ, qui a fourni l'essentiel des informations et des illustrations de cette page.
• Plaquette éditée à l'occasion de l'inauguration de l'orgue d'Erstein en 2001 : "La restauration de l'Orgue Roethinger / Patrimoine Restauré en région Alsace N. 4"
• Christian LUTZ et François MENISSIER, Inventaire des Orgues de Lorraine, Moselle A-G (pour Guenwiller).