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Les orgues de la région de Sarre-Union
Herbitzheim, Nativité de la B.V.M.
29/05/1917 degr > Dégâts
Herbitzheim, l'orgue Koenig dans son buffet Verschneider, le 20/05/2017.Herbitzheim, l'orgue Koenig dans son buffet Verschneider, le 20/05/2017.

A Herbitzheim se trouve un des plus beaux buffets d'Alsace, témoin incontournable de la facture d'orgues mi-19ème. Certains jeux de l'instrument actuel en sont contemporains, et ont été réalisés par Georges et Nicolas Verschneider. Car l'instrument a connu une histoire mouvementée.

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Historique

C'est en 1850 que Georges et Nicolas Verschneider, de Rémering, construisirent pour Herbitzheim un orgue neuf de 23 jeux, sur deux claviers et pédale. L'instrument a été payé par cotisations volontaires. [IHOA] [HOIE] [PMSCS74]

Depuis 1848, il y avait deux ateliers Verschneider :
- celui de Puttelange, le "berceau de la Maison", dirigé par l'aîné des fils de Jean Frédéric I (1771-1844), qui s'appelait Jean Frédéric aussi (1810-1884),
- et celui de Rémering, tenu par les deux cadets, Jean-Georges et Nicolas.

La composition d'origine n'est pas connue, mais a pu être déterminée par recoupement entre l'existant et les projets de transformation. (En tous cas, ce n'est pas l'actuelle, puisque l'orgue Verschneider n'avait que 2 claviers.)

L'orgue a été réparé en 1869, 1884, 1895, 1899. Le 04/07/1909, le Conseil de fabrique rapporte que l'orgue ne donne plus du tout satisfaction : il manque les accouplements, beaucoup de jeux ne sont que des basses ou des dessus. La console en fenêtre, aussi, était devenue rédhibitoire, car elle prive l'organiste de vue vers l'autel. Il y avait des problèmes de mécanique aussi : les claviers étaient déformés et creusés. [HOIE]

En 1910, l'instrument a été pratiquement reconstruit par Franz Xaver Kriess. La tuyauterie du positif de dos a intégré le grand buffet pour constituer un récit expressif, et l'orgue a été muni d'une console indépendante face à la nef. L'orgue a été inauguré le 19/05/1910. Les sommiers Verschneider n'ont pas été conservés. [IHOA] [HOIE] [PMSCS74] [Caecilia]

Voici la composition de l'orgue fin 1910 :

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 29/05/1917 [HOIE]

Le projet de Georges Schwenkedel

En 1932, il y eut un projet de Georges Schwenkedel. [IHOA] [Caecilia]

Georges Schwenkedel visita l'instrument le 12/06/1932. Il a noté qu'il fallait nettoyer l'orgue (de 29 registres) et remplacer les tuyaux de façade du grand buffet et du positif de dos. Il projette d'utiliser à nouveau le buffet du positif de dos (à l'époque seulement décoratif) pour y mettre 5 jeux : Nachthorn 8', Flûte Pastorale 4', Carillon 3 rangs, Chalumeau et Voix humaine. [SchwenkedelNB]

C'était tout à fait conforme à la vision "néo-classique" propre à Schwenkedel : ces positif de dos post-symphoniques n'ont rien à voir avec les positifs "néo-baroques", chargés de petits jeux dont la proximité rend trop présents, et "écrasent" complètement les jeux raffinés des autres plans sonores. A l'époque, ont préférait les Fernwerk, ces plans sonores distants ; l'exact opposé d'un positif de dos.

Il faut rapprocher cette démarche de 5 (extraordinaires) orgues de Georges Schwenkedel, dotés d'un positif de dos post-symphonique. Il faut rappeler que beaucoup de travaux, entre 1880 et 1930, avaient justement consisté à déplacer les positifs de dos pour les mettre derrière les buffets, afin d'en faire des récits, beaucoup plus adaptés au répertoire de l'époque. Les "positifs en balustrade" neufs étaient postiches, et leur rôle n'était qu'esthétique (ou servaient à masquer la console). Schwenkedel a construit 5 positifs de dos : à Bisel (1930, opus 25), Seppois-le-Bas (1930, opus 28), Durlinsdorf (1932, opus 30), et Spechbach-le-Bas (1932, opus 41) et Reiningue (1932, opus 46). En 1932, lors de sa visite à Herbitzheim, ces orgues étaient récemment achevés ou en en voie d'achèvement. Schwenkedel proposa aussi un positif de dos dans son projet pour Cronenbourg, St-Florent. Celui-ci devait être expressif ! Décidément, Schwenkedel était un visionnaire. Mais cette dernière affaire ne se fit pas, et il n'y eut donc en tout et pour tout que 5 positifs de dos "post-romantiques".

Ces 5 positifs sont constitués de façon spécifique. Il y a typiquement 3 jeux à bouche (un Bourdon 8', un 4' principalisant, et un 2' Flûté - Cor de nuit ou Flageolet), et un Cromorne, qui peut avoir un rôle de soliste. Les cinq positifs sont déclinés, sur la base de cette structure commune, pour leur donner une personnalité propre : à Bisel, Seppois-le-Bas et Reiningue, le 8' est un Quintaton ; à Seppois-le-bas, le 2' est conique, et à Durlinsdorf c'est une Occarina.

Le 18/10/1932, Schwenkedel élabora donc un projet d'agrandissement de l'orgue à 3 claviers et 38 jeux, dont 9 nouveaux. Et finalement, 8 jeux au positif. (On ne sait pas si Schwenkedel avait renoncé à son idée de positif de dos.) Il fit un relevé de la tuyauterie qui permet à peu près de reconstituer la composition de l'orgue Verschneider originel.

Voici la composition du projet Schwenkedel de 38 jeux (12+12+8+6) (Les accouplements n'y figurant pas, ils ont été complétés de la façon la plus probable) :

Batterie d'anches complète au grand-orgue, Cromorne et Hautbois, et Tierce indépendante et Voix céleste : cela aurait été un orgue peu commun ! Malheureusement, ce projet ne fut jamais réalisé. De nombreuses "pistes" découvertes par Georges Schwenkedel restent à explorer. Le 21ème siècle, déjà bien entamé, pourrait s'en inspirer, plutôt que de tourner en rond depuis 50 ans à construire des instrument néo-baroques, des simili-Silbermann et simili-Callinet... Peut être qu'une prise de conscience conduira bientôt à un sursaut de la facture d'orgues, et qu'on verra bientôt des orgues neuf de cette trempe. Pour ce faire, il faudrait que de nombreux intervenants ouvrent enfin les yeux pour découvrir le trésor méconnu qu'a été la facture de Georges Schwenkedel de 1928 à 1945.

Les 9 jeux neufs étaient donc : Dolce 8' I, Nasard 2'2/3 I, Flageolet 2' II, Tierce 1'3/5 II, Cromorne 8' II, Voix humaine III, Flûte pastorale 4' III, Carillon III, Chalumeau 8' III. Curieusement, le Nachthörnlein 2' III n'est pas désigné comme neuf : il était peut être prévu d'utiliser des tuyaux existants pour le constituer. Il n'est pas précisé quels claviers devaient être expressifs, mais comme le II porte la Voix céleste, il devait probablement l'être.

L'ambiguïté récit/positif

Les claviers sont simplement numérotés, et ne reçoivent pas de nom. (Rappelons qu'il s'agit de notes, pas d'un devis.) Il est probable que, dans l'esprit de Schwenkedel, le II soit le récit et le III le positif, mais il y a ambiguïté :

- Le Floetenprincipal, la Voix céleste, la Flûte harmonique 4' et le Basson/Hautbois sont bien des jeux de récit. Mais le Cromorne est plutôt un jeu de positif, tout comme la Tierce indépendante.

- Le Carillon et le Chalumeau (qu'on peut considérer comme une Clarinette néo-classique) sont bien des jeux de positif. Et on distingue, à ce 3ème clavier, les jeux du positif de dos envisagé dans un premier temps : Nachthorn 8' devenu 2', Flûte pastorale 4', Carillon, Chalumeau et Voix humaine. On peut donc affirmer que le 3ème clavier était bien le positif, l'inverse de la disposition "normale" (I:G.O., II:Positif, III=Récit).

Cette ambiguïté récit/positif se retrouve à de nombreuses reprise dans l'histoire de l'orgue alsacien. Elle concerne la disposition des claviers à la console. (Voir Geispolsheim : I:Positif, II:G.O., III=Récit), mais surtout le rôle des jeux. A Strasbourg, St-Jean, sur l'orgue Martin et Joseph Rinckenbach de 1902, la Clarinette (jeu normalement au positif) est au récit. Et la Trompette solo et le Basson-Hautbois sont au positif.

Finalement, seul un relevage et le remplacement des tuyaux de façade a été réalisé, et ce beau projet tomba dans l'oubli. (De toutes façons, s'il avait été construit, il a fort à parier qu'il aurait été scrupuleusement démoli au cours de la seconde moitié de 20ème siècle...) Et, contrairement à ce qu'on a pu lire, Georges Schwenkedel n'a pas "modifié" l'instrument.

La transformation néo-classique de 1952

L'instrument a été fortement transformé en 1952 par Curt Schwenkedel. [IHOA] [Caecilia]

Cette fois, "néo-classique" s'entend dans sa version "hard", invasive et destructrice. Il ne s'agit plus de doter l'orgue à la fois de composantes romantiques et classiques, il s'agit de supprimer les composantes romantiques, en commençant par priver l'instrument de ses Gambes, donc de son caractère symphonique. De cette époque date un déluge de Cymbales et de jeux de Tierce au "récit". Or, un Jeu de Tierce (Cornet décomposé) nécessite 5 chapes ! Avec l'inévitable Cymbale, il fallait donc sacrifier 6 chapes, d'où une élimination catastrophique des jeux de 8' lors de ces opérations. On privait ainsi l'instrument de toute sa poésie : Gambes, Gemshorn, Voix céleste et son Aeoline... tout cela à la chaudière.

En 1986, lors de l'inventaire, l'instrument avec ses caractéristiques néo-classiques (Tierce, Cymbale...) avait beaucoup perdu de son esthétique Verschneider :

Composition, 1986
Grand-Orgue, 54 n. (C-f''')
(c-f''')
Verschneider, sauf c-e'' en façade
1910
Verschneider, sauf C-c' façade
1910
Verschneider
Verschneider ; sur le vent
Verschneider
Verschneider
Verschneider en majorité
1952
C-H en 8' ; en partie Verschneider
Verschneider
Verschneider
Récit expressif, 54 n. (C-f''')
1910
1910
Verschneider
Verschneider
1952, avec tuyaux anciens
1952, avec tuyaux anciens
1952
1910
1952
1910
Pédale, 27 n. (C-d')
1910
1910 ; ouverte
1910
1910
1910
1910
I/P
[ITOA]

Les sommiers étaient à membranes, et la console indépendante, placée à gauche de l'orgue.

Et pourtant, Curt Schwenkedel savait faire de bien belles choses. Une fois de plus, ce ne sont pas les facteurs qui sont à blâmer, mais l'entrisme du monde de l'orgue de l'époque.

La reconstruction de 1994

L'instrument ayant perdu tout intérêt dans sa configuration de 1952, on demanda en 1994 une nouvelle transformation, réalisée par la maison Koenig : nouveaux sommiers, nouvelle mécanique, passage à 3 claviers (positif de dos et récit), jeux neufs. Cette opération n'a en aucun cas été une restauration. Il s'agissait plutôt de construire un instrument neuf dans l'esprit Verschneider. [IHOA] [Caecilia]

L'orgue a été inauguré par Robert Pfrimmer le 25/06/1994, avec la participation de la chorale de Herbitzheim (Jean Rondio, dir.). [Caecilia]

Le buffet

Ce buffet néo-classique (cette fois au sens "mobilier") est incontestablement un des plus beaux d'Alsace. Le grand corps est constitué de trois tourelles rondes à entablements, la plus grande au centre, et deux plates-faces doubles. Les plates-faces sont partagées par un montant surmonté d'un petit fleuron. Il s'agit d'une tradition ancienne puisqu'on la retrouve sur certains buffets du 18ème, comme à Rixheim (l'orgue des Franciscains de Kaysersberg) ou Wettolsheim. Mais une caractéristique confirme que ce buffet est bien issu du 19ème et pas de l'époque classique : le soubassement a la même largeur que les superstructures. Les claires-voies, les rinceaux et les jouées sont dorés.

Chaque tourelle est surmontée d'une statue : celle de la tourelle centrale, la plus grande, représente clairement le Roi David avec sa lyre. Celle de droite, munie d'une épée, fait penser soit à Saint Matthieu, soit à Saint Paul. Mais la croix et la clé que l'on croit distinguer sur celle de gauche indiquent qu'il s'agit de Saint Pierre, et celle de droite représenterait alors logiquement Saint Paul.

Le positif comporte deux tourelles rondes à entablements, et une plate-face double. Les claires-voies sont réduites aux plates-faces, mais il y a des rinceaux, et aussi des jouées. Ces ornements sont dorés.

Les culots des tourelles, surmontés d'un cylindre à la hauteur de la ceinture du buffet, sont caractéristiques des buffets Verschneider.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 1995
Positif de Dos, 54 n. (C-f''')
Grand-Orgue, 54 n. (C-f''')
1994
1994
C A f a c' f' c'' f''
2' 2' 2'2/3 2'2/3 4' 4' 5'1/3 5'1/3
1'1/3 1'1/3 2' 2' 2'2/3 2'2/3 4' 4'
1' 1'1/3 1'1/3 2' 2' 2'2/3 2'2/3 4'
1' 1' 1'1/3 1'1/3 2' 2' 2'2/3 2'2/3
2/3' 1' 1' 1'1/3 1'1/3 2' 2' 2'2/3
1/2' 2/3' 2/3' 1' 1' 1'1/3 1'1/3 2'
Tiroir
Récit, 35 n. (c-f''')
Pédale, 27 n. (C-d')
1994
I/P
Tirant
[Visite] [RLopes] [Caecilia]
Console:
La console en fenêtre de 1994.La console en fenêtre de 1994.

Console en fenêtre frontale, de Koenig (1994). Tirants de jeux de section carrée disposés en deux fois deux colonnes de part et d'autre des claviers, repérés par des étiquettes en papier (difficiles à lire en jouant, car souvent masquées par les tirants et d'un graphisme et une orthographe maniérés). Les jeux du grand-orgue occupent les colonnes intérieures. Les colonnes extérieures portent les jeux du récit (en haut), du positif (au milieu) et de la pédale (en bas). Claviers blancs. Pédalier plat avec petites feintes à bec, toutes de la même longueur.

Bourdon
8. pieds
Prestant
4. pieds
Hautbois
Montre
8. pieds
Salicional
8. pieds
Flûte
4. pieds
Hautbois
Bafse
principale
Bafse
octave
Bafse
trompette
 

Principal
16. pieds
Cornett
Gambe
8. pieds
Prestant
4. pieds
Doublette
Bombarde
16. pieds
Clairon
4. pieds
Tremblement
doux
 


Montre
8. pieds
Bourdon
16. pieds
Bourdon
8. pieds
Nazard
Fourniture
Trompette
Pedal.Kop.
Flûte
traverse
Salicional
Cornett
Voix-Hum.
8. pieds
Salicional
4. pieds
Bourdon
8. pieds
Doublette
Bafson
Contra-bafse
16. pieds
Bafse
posaune
Transmission:

Mécanique suspendue.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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