La Broque, l'orgue Link de l'élise protestante.Toutes les photos de la page sont de Jean David Touchais, 06/11/2010.
Cet orgue est l'opus 343 de la maison Gebrüder Link, construit en 1901. Très voisin de celui de l'église protestante du Hohwald, il connut un destin très semblable : altérés dans les années 1970-80, on est tout juste en train de redécouvrir les innombrables qualités de ces petits bijoux (et de l'intérêt qu'il y aurait à les remettre dans leur configuration d'origine).
Historique
En 1901, la maison Gebrüder Link posa ici un orgue de 12 jeux, disposé en deux corps afin de dégager une baie circulaire. [IHOA] [ITOA]
Si son plus grand instrument en France est situé à Mirepoix (Ariège) (1891, III/P 40j), la maison Giegen-an-der-Brenz posa presque cinquante orgues en Alsace entre 1897 et 1916 (celui de La Broque était au moins le 14ème). C'était sûrement la maison allemande préférée des Alsaciens (par "allemande", comprendre "de l'Allemagne de l'intérieur" si cette expression a jamais eu cours dans le "Reichsland" alsacien...). Sa production à elle seule représente en Alsace (en nombre) plus que la somme de celle de tous les autres facteurs allemands : Weigle, Voit, Steinmeyer ou Stahlhuth, Walcker inclus (ce dernier, avec 28 orgues, venant en deuxième). C'est certainement parce que les orgues Link, s'il faisaient usage de techniques standardisées et d'une optimisation poussée de leur architecture intérieure, étaient facilement adaptables aux spécificités. Loin de vouloir imposer un style, la maison Link disposait de nombreux arguments séduisants pour équiper les églises "de campagne". A coût raisonnable, sans complexité inutile, leur harmonisation ample et sans agressivité plaisait. Et on pouvait de plus les entendre sans trop d'éloigner (Le Hohwald n'est pas loin). Ce n'est sûrement pas un hasard si la localité voisine de Barembach voulut aussi un orgue Link : elle le reçut dès l'année suivante (quitte à sacrifier son "Stiehr" tardif posé il y a seulement 16 ans).
Voici la probable composition romantique originale :
En 1963, la maison Muhleisen fit des travaux. [ITOA]
L'orgue Link de La Broque fit partie des nombreuses victimes des années 1970-80 : il fut vigoureusement "baroquisé" en 1970. Les travaux furent réalisés par la maison Muhleisen. [ITOA]
Ce fut assez radical, mais reste peut-être restaurable :
- Au grand-orgue, la Gambe 8' a été remplacée ou convertie (recoupée et munie de calottes ?) en Flûte à cheminée 4'.
- Le 6ème jeu du grand-orgue, qui pouvait être une Flûte 8' ou une Aéoline, a été remplacé par une Doublette.
- Toujours au grand-orgue, la Mixture grave (il s'agit dans cette esthétique plutôt d'un couronnement, dernier jeu à ajouter avant le Tutti, constituée un peu comme un Cornet progressif mais avec des tuyaux de principaux) a été recomposée pour être deux fois plus aiguë (1'1/3). Elle est toutefois restée progressive. Il s'agit peut-être d'un simple décalage par redistribution des reprises.
- Le récit eut à payer un plus lourd tribut à l'opération : la Voix céleste a été supprimée au bénéfice... d'une Sesquialtera (complètement étrangère à l'esthétique de l'orgue).
- Toujours au récit, la Flûte 8' a été transformée en Bourdon 8',
- et le Salicional en Quarte 2' (recoupage ?). Du coup, il n'y a plus que le Gemshorn qui soit authentique dans le récit actuel.
- A la pédale, et de façon inexplicable, le 8' a été transformé en un Choralbass 4'... ce qui fait que la pédale n'a plus aucun jeu en 8' !
En tous cas, ce petit orgue mérite qu'on lui témoigne de l'intérêt : ses contemporains restés authentiques sont là pour témoigner du haut niveau de prestation qu'ils offrent. Voir par exemple Scharrachbergheim-Irmstett ou Lohr.
Le buffet
Comme la plupart les buffets de l'époque, celui-ci n'est pas autoporteur : il s'agit d'une façade, placée devant les sommiers et la tuyauterie ; il n'y a pas de plafond (sauf au récit, évidemment). Le décor est néo-roman, avec créneaux et colonnettes tournées. Des croix couronnent les deux parties, surplombant les chevrons des "tourelles". Il y a douze tri-lobes sur le buffet (le contenu symbolique de l'ornementation de ces buffets ne paraît pas avoir été étudié, mais, que ce soit un hasard ou pas, on y trouve souvent ces curiosités ; l'avenir nous dira peut-être s'il s'agit de coïncidences ou de symboles).
Notons que l'orgue n'est pas "en tribune ouest" (au fond de l'édifice), mais bien "côté choeur" ; il surplombe une sacristie vitrée. [JDTouchais]
Caractéristiques instrumentales
La console indépendante.Console indépendante face à la nef. Tirage des jeux par dominos situés au-dessus du récit. Pastilles (celles qui sont d'origine) écrites en gothique. Ce qui concerne la pédale apparaît sur fond jaune (les pastilles des tirasses ont donc leur moitié inférieure jaune), le récit est doté d'un fond rose, alors que le grand-orgue est répertorié par un fond bleu. Les pastilles de 1970 sont blanches, et en fonte latine. Quatre poussoirs placés au-dessus du récit commandent les combinaisons. Seul l'annulateur a encore son cabochon. Plaque d'adresse en deux parties : "GEBRÜDER LINK" à gauche des dominos et "GIEGEN a.d. BRENZ" à droite (lettres dorées sur fond noir). Une plaque rectangulaire en porcelaine, placée entre les deux claviers, donne le numéro d'opus.
A titre de curiosité, on peut noter que comme les autres orgues Link d'Alsace, il a bien été conçu pour une province allemande : quand l'instrument était destiné à la France, la plaque "GIEGEN a.d. BRENZ" précisait "- ALLEMAGNE".
pneumatique.
à cônes, d'origine.
Tuyauterie du grand-orgue.Les jeux d'origine ont toujours leurs entailles de timbre.
Plus au fond, le Bourdon est à calottes mobiles, avec la feutrine rouge qui dépasse un peu (que l'on retrouve souvent chez Link).
La Mixture a des tuyaux coniques.
Sources et bibliographie :
- [IHOA] Pie Meyer-Siat : "Inventaire historique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM, puis Coprur, 1985 et 2003, p. 97a
- [ITOA] "Inventaire technique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM, vol. 3, p. 85
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[JDTouchais] Jean-David Touchais : e-mail du 25/07/2012.
Avec les photos de cette page.
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