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Les orgues de la région de Dannemarie
Montreux-Vieux, St-Alban
Orgue entièrement authentique.
L'orgue Voit de Montreux.
Photo de Luc Dangel, 2005.L'orgue Voit de Montreux.
Photo de Luc Dangel, 2005.

L'église St-Alban de Montreux-Vieux abrite un orgue exceptionnel, resté totalement authentique. Il a été construit en 1899 par Heinrich Voit und Söhne, dont c'est l'opus 882. Des quelques instruments que cette maison badoise, célèbre en Allemagne, construisit en Alsace, il n'en reste plus guère que 3, dont un seul conservé dans un état authentique. Ils sont témoins d'une époque où l'Alsace, devenue allemande, vit ses horizons esthétiques considérablement élargis.

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Historique

L'opus 882 de la maison Voit a été posé à Montreux en 1899. L'instrument a été béni le 28/10/1900 en même temps que le chemin de croix. [IHOA] [ITOA] [WebMontreux]

C'est un précieux témoin du renouveau que connut l'orgue alsacien à la fin du 19ème, quand, enfin, il sut s'ouvrir aux influences extérieures. Jusqu'à 1870, il y avait deux frontières impénétrables pour l'orgue : les Vosges et le Rhin. Après cela, celle sur le Rhin s'estompa un peu, mais aussi celle vers la France, car beaucoup de musiciens du "Reichsland" appréciaient beaucoup le style romantique français. Mais il ne s'agit de pas "synthèse" : plutôt de diversité. Ici, l'esthétique est profondément romantique allemande : il n'y a pas de jeu d'anche (ce qui est assez habituel dans cette esthétique pour un instrument de 16 jeux), les fonds sont très variés et différentiés, et les deux manuels sont pourvus de façon très équilibrée : 7 jeux pour le grand-orgue, et 6 pour le récit. Ceci est dû au fait que la plupart des jeux du récit (à l'exception de la Voix céleste, qui a un rôle particulier) sont des "alter-ego" (moins intenses) d'un jeu du grand orgue. Ici, la correspondance est évidente. On note que même sur un orgue de 16 jeux seulement, la pédale se doit de disposer de deux 16' (une Soubasse et un Violoncelle).

Un ventilateur électrique a été installé en 1946. [IHOA]

En 1972, l'orgue a été relevé par Alfred Kern. En 1976, une sécheresse exceptionnelle causa des dégâts. [BlogMontreux]

On se fait une frayeur rétrospective en consultant l'Inventaire de 1986, où il est annoncé que "L'orgue est resté intact. Malheureusement, il est prévu de transformer l'instrument en remplaçant l'Aeoline par une doublette et l'Octavebasse par une trompette". (Après cette opération absurde, la pédale n'aurait plus eu de fond de 8'...) La maison Alfred Kern était pressentie pour exécuter ce travail. Heureusement, cette catastrophe a été évitée : le financement prévu a été "capturé" par des travaux nécessaires à l'horloge et à ses cadrans. L'orgue Voit de Montreux a finalement traversé sans encombre la période néo-baroque. Il nous est parvenu 100% authentique. On peut remercier l'horloge qui a sauvé l'orgue ! [ITOA] [BlogMontreux]

En 1993, l'instrument bénéficia d'un relevage, par Michel Gaillard, pour le compte de Bernard Aubertin. L'opération a nécessité la réparation de dégâts causés par des infiltrations d'eau. [BlogMontreux]

Le buffet

Le buffet néo-roman a été construit par la maison Klem. Trois tourelles plates, la plus grande au centre), sont séparées par deux plates-faces.

Les tuyaux de façade sont authentiques (ce qui est très rare en Alsace en raison de la réquisition quasi-systématique des Montres en 1917).

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2019
Grand-orgue, 54 n. (C-f''')
Bois ; c''-f''' harmoniques
BOis, puis c'-f''' métalliques
Partie métallique à cheminée entrantes ; fis''-f''' ouverts et coniques
3-4 rangs, graves à entailles de timbre
Récit, 54 n. (C-f''')
Totalement bouché ; C-h en bois, puis métal
Entailles de timbre, sauf fis''-f''' au ton
(c-f''')
Tirant à part ; Freins-oreilles
C-f'' en bois, puis métal avec trous d'octaviation sur le côté ; bouches rondes
Pédale-cuiller
Pédale, 27 n. (C-d')
I/P
B8 F8 G8 RF8 du I, B8 A8 du II, S16, pas d'accouplement ; s'ajoutent à la registration manuelle
Tutti sans accouplemenst à l'octave
[IHOA] [ITOA] [Visite]
Console:
La console Voit de Montreux, 22/06/2019.La console Voit de Montreux, 22/06/2019.

Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés noirs, disposés sur deux gradins de part et d'autre des claviers, ainsi qu'un tirant supplémentaire, en haut à droite, pour la Voix céleste. Les tirants sont repérés par des porcelaines placées sur un grand chanfrein. Le grand-orgue est à gauche, la pédale et le récit sont à droite. Claviers blancs, à frontons blancs pour le premier, et légèrement biseautés pour le second. Blocs claviers noirs, à joues rectangulaires.

Commande des accouplements et tirasses par pistons-bascules (couples de deux pistons, un noir et un blanc, chacun "chassant" l'autre quand il est enfoncé). Ces pistons sont disposés sous le premier clavier. L'accouplement est actif quand le blanc est enfoncé. De gauche à droite : "II-I Coppel Manual" (II/I), "I Coppel Pedal" (I/P), "II Coppel Pedal" (II/P), "Suboctav Man. II-I" (II/I 16'), "Superoctav Man. I" (I/I 4').

Il y a 4 commandes à pied : les deux pédales-cuillers "Collectiv Piano" et "Collectiv Forte", la pédale basculante du crescendo ("Generalschweller") et une pédale-cuiller non repérée (correspondant probablement au trémolo). L'ensemble est décalé vers la droite, la pédale basculante étant au-dessus du "e" du pédalier.

La (magnifique) plaque d'adresse est placée en haut au centre, à lettres dorées sur fond noir), disant :

H. Voit & Söhne
DURLACH.

Elle est flanquée de deux médailles (en fait, le recto et verso d'une médaille). A gauche :

FÜR KUNST UND WISSENSCHAFT
Grofs. gold. Med. 1873

A droite :

FÜR VERDIENSTVOLLE ARBEIT

Cette plaque est complétée par deux porcelaines blanches rondes à lettres noires, disposées juste au-dessus et aux extrémités du second clavier. Celle de gauche dit:

Opus
882

Et celle de droite :

Erbaut
1899
Transmission:

Pneumatique tubulaire, notes et jeux.

Sommiers:

A membranes. Le grand-orgue est logé derrière la façade, sur deux sommiers diatoniques en "W" (une mitre centrale, puis les basses de chaque côté, graves aux extrémités).

Le récit (qui n'est pas expressif) est logé dans le soubassement, à l'avant, sur deux sommiers diatoniques en "M". Des basses sont postées transversalement sur les côtés. Le soubassement est doté de panneaux ajourés pour ne pas étouffer le son. Le réservoir est au fond.

Tuyauterie:
Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
Les photos intérieures sont de Martin Foisset, 22/06/2019.
La façade est en haut à gauche, la passerelle d'accès en bas à droite.
Depuis l'accès (fond) vers la façade (avant) :
la Mixture, la Flûte à cheminées 4', le Bourdon 8',
la grande Flûte 8' en bois, la Gambe,
l'Octave 4' et le Principal 8'.
Tout à droite, quelques tuyaux de pédale.Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
Les photos intérieures sont de Martin Foisset, 22/06/2019.
La façade est en haut à gauche, la passerelle d'accès en bas à droite.
Depuis l'accès (fond) vers la façade (avant) :
la Mixture, la Flûte à cheminées 4', le Bourdon 8',
la grande Flûte 8' en bois, la Gambe,
l'Octave 4' et le Principal 8'.
Tout à droite, quelques tuyaux de pédale.
Une vue sur la tuyauterie du récit.
A gauche, le grillage du soubassement de l'orgue (donc l'avant),
à droite le fond de l'orgue. De gauche à droite :
le Principal 8', le Salicional, le Bourdon 8',
l'Aeoline, la fameuse Flûte traverse 4',
et la Voix céleste.Une vue sur la tuyauterie du récit.
A gauche, le grillage du soubassement de l'orgue (donc l'avant),
à droite le fond de l'orgue. De gauche à droite :
le Principal 8', le Salicional, le Bourdon 8',
l'Aeoline, la fameuse Flûte traverse 4',
et la Voix céleste.
Les bouches rondes de la Flûte traverse du récit.Les bouches rondes de la Flûte traverse du récit.

A la console de ce merveilleux instrument entièrement authentique, l'enthousiasme est tel qu'on se met à regretter que sur les 5 orgues neufs posés par Voit en Alsace, celui-ci est le seul qui puisse être considéré comme authentique. Le bilan de la vague "néo-baroque" est décidément calamiteux. Les faits sont là : un seul a été victime des guerres. Ceux de Steige et Liepvre ont été "baroquisés" sans pitié (au point qu'on peut douter qu'il soit possible de les restaurer un jour). Celui de Breitenbach, lui, a été purement et simplement éliminé. Et pourtant, conçu comme un orgue "provisoire", cet instrument pneumatique avait effectué 78 ans de bons et loyaux services à Breitenbach ! Il devait vraiment donner grande satisfaction. Une fois de plus, c'est un démenti cinglant aux détracteurs de cette transmission.

Mais la perte de ses contemporains ne doit pas minimiser le plaisir de trouver, à Montreux, un instrument aussi attachant. Evidemment, il est particulièrement à l'aise dans son répertoire de prédilection, le post-romantisme allemand, mais reste plein de possibilités en dehors des sentiers battus. Dans une région généreusement dotée en orgues de valeur, cet instrument contribue à la diversité du patrimoine local, qui, de 1827 à 1931, n'a cessé de s'enrichir. C'est vraiment un instrument à découvrir.

Sites Heinrich, Emile et Siegfried Voit

Papier à entête, 1911, devis de Guénange.Papier à entête, 1911, devis de Guénange.

L'entreprise est le résultat d'une fusion entre deux maisons : en 1794 Johann Volkmar Voit (1772 - 1806), issu d'une famille de facteurs d'orgues exerçant à Schweinfurt en Franconie, épousa Katherina Friederike Stein, fille du facteur d'orgue Georg Marcus Stein (1738 - 1794), déjà installé à Durlach (aujourd'hui un quartier de Karlsruhe, Pays de Bade). Cela explique de la maison se présenta parfois comme fondée en 1670 à Schweinfurt.

Heinrich Voit (1834-1914) (petit-fils de Johann Volkmar) prit la tête de l'entreprise en 1870 et s'associa en 1890 à ses fils Emile (1864-1924) et Siegfried (1870-1939). [OKarlsruhe]

L'entreprise, qui s'était fait une spécialité des sommiers à cônes ("Kegellade") déposa en 1890 son fameux brevet consistant à piloter pneumatiquement ce type de sommier : "Röhrenpneumatik für Orgeln".

En 1899 le "Système Voit" fut amélioré d'une façon originale, avec des soufflets pneumatiques disposés verticalement. La maison figura aussi parmi les pionniers de la transmission électrique. Le marché de prédilection de la maison de Durlach était clairement de réaliser de grands instruments destinés aux salles de concert, comme à la "Stadthalle" de Heidelberg (III/P 56j en 1903).

En Alsace, on se souvient en particulier des travaux suivants :

- En 1872 : orgue neuf pour Steige (il existe encore, mais a été très modifié).

- En 1878 : orgue d'occasion fourni à Morsbronn-les-Bains.

- En 1892 : orgue neuf pour Breitenbach (remplacé en 1970).

- En 1897 : orgue neuf pour l'église protestante de Metzeral (détruit en 1915).

- En 1899 : orgue neuf (opus 882) à Montreux-Vieux, resté absolument authentique.

- En 1899 : orgue neuf (opus 885 ; sans buffet : logé dans un buffet ancien) à Liepvre (il existe encore, mais a été très modifié).

A la Belle époque, Voit livrait des orgues en Autriche/Hongrie, en France, mais aussi aux pays Baltes.

La première guerre mondiale fut en pratique fatale à la maison Voit. Carl Hess (1879-1943), leur ancien contremaître et harmoniste, fonda sa propre entreprise et devint un virulent concurrent à partir de 1920. En 1927, il y eut un travail très controversé à Mannheim-Feudenheim. La fin officielle de la maison Voit est survenue au printemps 1932.

Le patrimoine laissé par la maison de Durlach a beaucoup souffert des guerres, mais aussi de la mode néo-baroque : de nombreux instruments ont été gravement mutilés dans les années 1950-1960. Certains ont été restaurés depuis, grâce à la prise de conscience de l'immense intérêt des orgues post-romantiques et des tractons pneumatiques. Un exemple caractéristique est le destin du grand instrument de Baden-Baden, St-Bernard (III/P 47j, 1921) : il ne fut que partiellement livré en raison des difficultés déjà rencontrées par la maison. Finalement achevé par Wilhelm Schwarz et Fils en 1925, l'orgue a été épouvantablement baroquisé en 1958. Il a été restauré dans son état originel en 2009 (avec ses sept 16' et son chœur de seize fonds de 8').

Note : en 1880, le facteur Matthaeus Moessmer de Sélestat proposa ses services pour l'entretien du nouvel orgue Voit de Steige, avec cette phrase étonnante : "Ich kenne Ihr Orgelwerk gründlich, da es mein eigenes System enthält." Moessmer inventeur du "système Voit" ? Voici une affaire qu'il serait intéressant d'élucider.

Sites Webographie :

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F680215001P01
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