L'église de Saint-Martin est un édifice historique particulièrement intéressant. Sa nef date de 1749, et sa tour semble authentiquement romane. Elle est consacrée à St-Martin, ce qui indique généralement une "église-mère", c'est à dire une paroisse très ancienne. De fait, son histoire a commencé avant le 11ème siècle, puisqu'elle existait avant la fondation de l'abbaye de Honcourt, que la tradition date de l'an mille.
L'orgue actuel (2016) de Saint-Martin est malheureusement muet : il a visiblement été littéralement massacré par un bricoleur incompétent (dans les années 70 vu les matériaux utilisés), puis remplacé par un "orgue" électronique. Dans le val de Villé, riche de nombreux orgues de très grande valeur, Saint-Martin fait donc exception.
Historique
C'est en 1845 que Jean Nicolas Jeanpierre posa ici son premier opus alsacien. [IHOA] [ITOA]
L'instrument origine était petit, et son buffet muni de trois tourelles classiques et deux plates-faces dessinées un peu dans le style des Callinet de Rouffach. La console était censée être en fenêtre, mais on voit mal, dans la façade (conservée) comment il y aurait eu la place de la placer en position frontale. Il est possible que l'espace disponible en hauteur a été réduit par la suite. (Tribune surélevée ou plafond abaissé ?)
L'instrument a été fortement transformé en 1873-1874 par Matthaeus Moessmer [FBaumann]
L'année précédente, Moessmer avait proposé un devis pour revoir tous les anciens jeux, faire quatre jeux neufs, ajouter un clavier neuf, réparer les soufflets et ajouter un réservoir. Le contrat final est signé avec le maire le 03/03/1873. Selon l'architecte Ringeisen, l'orgue, qui comprend alors 16 jeux alimentés par deux soufflets, est très abîmé : le Prestant et deux Trompettes sont hors de service (rapport du 08/05/1873). Ringeisen, assisté du maire et de l'organiste Eberling (Sélestat), réceptionnent les travaux de Moessmer le 25/01/1874. [FBaumann]
Historique
L'instrument a été reconstruit en 1903 par Edgard Wetzel. [IHOA] [ITOA] [PMSRHW]
Les sommiers manuels ont été placés orthogonalement à la façade, et le buffet dut être élargi. L'instrument fut doté d'une console indépendante. [IHOA]
C'est sûrement un des premiers travaux d'Edgard sans son père, puisque ce dernier mourut en 1902. D'ailleurs, la plaque d'adresse est toujours celle utilisée lors de leur collaboration "Ch. Wetzel & Sohn".
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917 (bien qu'une coquille dans les archives donne "1916"). [IHOA]
Les tuyaux de façade ont été remplacés après 1928, probablement par Franz Heinrich Kriess. [IHOA]
C'est vers 1975 que fut commise la transformation qui causa la perte de cet orgue. Cela fut mené par Robert Kriess. [IHOA]
Ce sont les jeux les plus intéressants (Salicional et Gambe du récit) qui ont été choisis pour être remplacés par des "petits jeux" (Doublette, Larigot), laissant une composition sans style. Les matériaux utilisés ne sont pas conformes aux standards de la facture d'orgues. La Trompette de pédale manque ; elle était pourtant le seul jeu d'anche de l'instrument. [Visite]
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés munis de porcelaines, disposés en deux gradins de part et d'autre des claviers. Claviers blancs, bloc-claviers noir. Commande des accouplements par pédales-cuillers à accrochés, en fer forgé, disposés du côté droit. Pas d'expression. Vis visibles sur les flancs, pièces rapportées au bout des joues. Le pédalier a l'air plus récent que le reste.
Belle plaque d'adresse, à lettre gothiques sur fond noir, disant :
Les sommiers, à gravures, sont fort probablement de Jeanpierre, 1845. Ils ont l'air robustes et bien conservés. Les sommiers manuels ont été tournés de 90°, pour devenir perpendiculaires à la façade. Celui du récit est placée à gauche, et celui du grand-orgue à droite. Ils sont diatoniques, "en M" (basses aux extrémités), avec des basses postées sur leurs côtés (dont une partie juste derrière la façade). Le récit n'a fort probablement jamais été expressif. La pédale est au fond.
Moteur placé sur la tribune, à droite de l'orgue, alimentant un réservoir à charge flottante par un porte-vent flexible de fortune. Système régulateur hors service. Lest hétéroclite et instable, qui bascule quand le réservoir se remplit.
A l'intérieur de l'instrument nous attend une bien triste vision. Cet orgue a été littéralement massacré, probablement dans les années 1970, et à sûrement par la suite été livré à un bricoleur totalement incompétent. Les assemblages, approximatifs, sont pour la plupart branlants, et beaucoup de tuyaux n'ont l'air de ne tenir debout que par habitude. Toutefois, l'ensemble ne paraît pas poser de problème de sécurité particulier, et n'a pas l'air d'avoir subi de dégradation récente.
De nombreux faux-sommiers ont été réalisés en aggloméré. La tuyauterie a gravement souffert (sommets déchirés, bosselés et froissés). Certains tuyaux ont vu leurs entailles d'accord bouchées... avec du ruban adhésif. On trouve de nombreux tuyaux bouchés avec des calottes "de fortune" bricolées sur place. Les quelques tuyaux coupés "au ton" ont été transformés soit en entonnoir, soit en fusée. Certains postages sont en Westaflex, mais d'autres paraissent avoir été réalisés en tuyau d'aquarium...
Par rapport aux inventaires précédents, on se rend comte que la Mixture est en fait une Fourniture à 3 rangs (avec au moins quatre reprises, probablement des années 70), et le Larigot n'est pas un Salicional recoupé. Il n'est pas exclu que la transformation de la Mixture soit postérieure à 1986.
Le malheureux orgue de Saint-Martin, défiguré dans les années 1970, n'est plus utilisé depuis longtemps. Le plus triste est que, dans sa configuration de 1903, ce devait être un instrument tout à fait enthousiasmant. La grande machine muette et mutilée, supplantée par un ersatz électronique directement issu de la société de consommation et du "ça suffira bien", sombre lentement dans l'oubli. A moins qu'un jour une dynamique n'apparaisse à Saint-Martin ?
Jean Nicolas Jeanpierre
Jean Nicolas Jeanpierre (1811-1873), bien qu'horloger de formation, avait créé à Nompatelize (puis Rambervilliers) une entreprise qui est restée, depuis, célèbre. Il est considéré comme le meilleur facteur vosgien, voire lorrain, du 19ème siècle. [IOLVO]
Il posa trois de ses orgues en Alsace :
Sources et bibliographie :
Photos du 19/05/2006. L'orgue était déjà inutilisé.
Données historiques ; archives municipales de Sélestat, fonds Ringeisen (Saint-Martin).
Localisation :