Un édifice "provisoire", achevé en 1906, en bois, mais particulièrement réussi, restera pour longtemps l'église "historique" de la Musau. Cet église, modeste mais belle, avait une personnalité et aussi une voix : un orgue Roethinger de 1907. Lorsque fut construit le nouvel édifice (1973), un bâtiment sans originalité ni passé, l'église en bois resta désaffectée pendant 3 ans, puis fut finalement démolie en juillet 1976. C'est un peu du patrimoine de la Musau qui disparut à ce moment là. Quant à l'orgue Roethinger, on ne jugea pas utile de le remonter dans le nouveau bâtiment. Peut-être considérait-on, à l'époque, que cela "faisait vieux" ? Peut-être se disait-on qu'il avait été conçu pour être placé en tribune ? Peut être que l'architecte ne voulait pas déparer son chef d'œuvre avec un buffet d'orgue ? Longtemps, l'église de la Musau resta sans une vraie voix, ou plutôt avec une voix synthétique : on préféra se servir d'un ersatz électronique. Jusqu'en 2018, quand les Franciscaines de Thal-Marmoutier ont offert à la Musau leur petit orgue Aubertin.
Historique
L'orgue Edmond-Alexandre Roethinger de la Musau date de 1907. Il avait deux manuels et 16 ou 17 jeux. [IHOA] [Caecilia]
D'après un témoignage de Pierre Merg, ancien organiste, le buffet est approchant de celui de l'église protestante de Woerth. [APlatz]
Un devis de la maison Schwenkedel, daté du 21/12/1956, nous donne la composition de l'orgue Roethinger à ce moment, et vu sa cohérence, il est probable que ce soit l'originale :
Les sommiers étaient à pistons, commandés par une mécanique à équerres. La pédale semble notée à 22 notes, mais cette étendue n'est pas standard, et serait surprenante pour un orgue Roethinger de 1907. Le 22/07/1946, Schwenkedel rédigea un compte-rendu de visite (l'orgue est très empoussiéré, et, à cause de cela, ne tient plus son accord) et proposa un devis pour un relevage. [ASchwenkedel]
Il y eut un relevage, en 1947 par la maison Schwenkedel. [IHOA] [ASchwenkedel]
La transformation de 1957
L'instrument fut transformé en 1957 par la maison Schwenkedel. [IHOA] [ASchwenkedel]
Deux pages de cahier d'écolier, écrites à l'encre bleue, non datées et non signées semblent constituer la première pièce concernant ce projet pour le moins chaotique. Il s'agit probablement de notes préparatoires à la rencontre avec un facteur d'orgues. On y trouve la composition ci-dessus (mais l'Octavin est appelé "Octave 2'"), puis le descriptif des travaux nécessaires : réparation du mécanisme, de tuyaux défectueux, nettoyage, réaccordage (soit un simple relevage). Vient ensuite une question plutôt surprenante :
"Est-il possible de remplacer certains registres par d'autres ?"
Suivent quelques précisions : "On ne changera rien à la transmission, à la console, à la soufflerie, aux sommiers. Pas d'agrandissement du pédalier !"".
Sans attendre la réponse à la fameuse question, survient une proposition de changements de jeux :
- Au grand-orgue : remplacement de la Gambe par une Tierce 1'3/5, déplacement de la Trompette à la pédale, et son remplacement par un Cromorne.
- Au récit : remplacement de la Montre 8' par un Octavin 2' (proposition surprenante, puis qu'il y avait déjà un Octavin au grand-orgue, mais qu'on ne le savait visiblement pas...), remplacement de la Voix céleste par un Larigot 1'1/3 ; et ajout d'un trémolo.
- A la pédale : suppression du Violoncelle pour faire place à la Trompette du grand-orgue
La dernière question, moins surprenante que la première, est : "Coût de cette opération ?"
Plutôt que de répondre "en tous cas trop cher pour dégrader un bel instrument au profit d'une lubie" (qui était finalement la seule réponse réellement honnête, mais il faut bien vivre...), Schwenkedel élabora plusieurs devis, décrivant une néo-classisation toujours plus importante. Tout un cortège de "bonnes idées" y passa : récit à 56 notes pour un grand-orgue de 54, puis claviers de 61. En décembre 1955 (29/12/1955), on était passé au 3-claviers (III/P 44j) avec récit de 6 octaves (73 notes au sommier), avec batterie d'anche complète :
Surtout, il était prévu l'électrification de la traction des manuels (sommiers à gravures), et une nouvelle console dotée de nombreux accessoires. Il est probable que le commanditaire ait eu à l'esprit le répertoire "contemporain" du milieu du 20ème. Ambitieux projet donc. Tant que personne ne se soucie du prix, évidemment, on peut continuer à rêver. Toutefois, on commença à dire que le grand 3-claviers n'est en fait qu'une cible à long terme, dont le "projet actuel" sera une étape (le second clavier de la console actuelle commandant à la fois le récit et le positif par exemple).
Un autre devis, daté du 26/01/1956 (soit moins d'un mois après le précédent) et muni d'un avenant le mois suivant, prévoyait des petites économies : l'enthousiasme commençait à faire un peu de place au pragmatisme. En avril il fallut faire un "résumé" incluant une composition (II/P 20+6j), probablement parce que plus personne ne savait où on en était.
Le 16/06/56, un nouvel avenant prévoyait de construire les sommiers, la boîte expressive et pas mal tuyaux en acajou (Sipo ; au lieu du mélèze et du chêne). Schwenkedel, probablement lassé des interminables tâtonnements d'un commanditaire qui ne savait visiblement pas du tout ce qu'il voulait, commence à mettre les points sur les "i" et à signifier ce qu'il pense de ces dernières fantaisies : "A notre avis, ainsi qu'à celui de grands facteurs d'orgues - GONZALEZ - pour ne citer que lui, le bois de mélèze est le bois par excellence pour les tuyaux de bois, donnant la meilleure résonance. - C'est un bois très résineux, poussant lentement à une altitude de 700 à 900 mètres et provenant de Haute-Savoie."
"Quant aux sommiers, pour nos régions plutôt humides, le chêne bien sec s'est avéré beaucoup plus résistant aux fluctuations atmosphériques, que l'acajou."
"Concernant l'expression acajou, il existe dans cette famille de bois, au moins de trentaine de sortes, parmi lesquelles il y en a au moins 50% qui, au point de vue qualité, n'équivalent même pas le sapin de moindre qualité."
Le devis Schwenkedel de décembre 1956 revenait pratiquement à l'avant-projet ; il prévoyait une néo-classisation de l'instrument "à l'économie", essentiellement par déplacement et découpage des jeux.
Finalement, un compte-rendu du 31/12/1957 achève l'année en même temps que l'épuisant projet, en indiquant qu'une réception des travaux peut avoir lieu au gré de la paroisse. Les travaux réalisés consistaient en un relevage, le remplacement du Bourdon 16' manuel par une Fourniture 4 rgs, de la Gambe par une Tierce et de la Voix céleste contre une Quarte de Nasard... L'orgue Roethinger avait été sauvé. Pas pour bien longtemps.
L'instrument a été démonté en 1973. [IHOA]
Il aurait été entreposé dans le sous-sol de la nouvelle église. Il est peu probable qu'il y soit resté plus de 40 ans, mais ce serait alors un des rares exemplaires survivants de la période "entre Woerth (1898) et Erstein (1914)" dans la production Roethinger. Les orgues de Woerth et d'Erstein sont classés Monuments historiques, et les autres instruments contemporains qui ont été préservés et entretenus témoignent de l'immense intérêt de ces orgues. Celui de la Musau semble avoir disparu : on ne sait pas ce qu'il est devenu.
Historique
L'orgue actuel a été réalisé en 1991 par Bernard Aubertin sur la base d'un instrument d'Alfred Kern, datant de 1960. Il vient de Thal-Marmoutier, Couvent des Franciscaines : les Franciscaines de Thal ont en effet offert leur orgue à la Musau. L'instrument a été installé à la Musau par Hubert Brayé en novembre 2018, pour pouvoir être joué le 19, lors de la fête patronale. [MAntz]
L'orgue Kern n'avait que 5 jeux : Bourdon, Montre, Doublette, Plein-jeu 3 rgs (coupés en basse+dessus) et Soubasse. Il était harmonisé à "plein-vent" ("ein Kind seiner Zeit"...) Il devait beaucoup ressembler à celui de St-Blaise-la-Roche. L'instrument ayant été totalement revu, et presque doublé en nombre de jeux, il est légitime de l'attribuer à Bernard Aubertin, de Courtefontaine. [IHOA] [Caecilia]
Caractéristiques instrumentales
Console frontale, clavier saillant. Tirants des jeux manuels disposés en deux lignes des deux côtés du clavier. Clavier en bois. Commande de la Soubasse par pédale-cuiller à accrocher, située à gauche du pédalier.
Sources et bibliographie :
Données techniques et photos du 28/12/2018.
Travaux de recherche, incluant la photo ci-dessus et les pièces d'archives utilisés.
devis du 22/07/1945, notes, devis du 29/12/1955, avenant du 26/01/1956, devis du 06/04/1956, avenant du 16/06/1956, devis du 21/12/1956, avenant du 12/02/1957, courrier du 31/12/1957.
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