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Les orgues de la région de Strasbourg
La Robertsau, chapelle du cimetière (Grand orgue)
Opus 80 de Georges Schwenkedel;Instrument exceptionnel, original, et resté authentique
L'orgue vu depuis son local dédié. Photo d'Alexis Platz.L'orgue vu depuis son local dédié. Photo d'Alexis Platz.

L'orgue de la grande chapelle "est" du cimetière de la Robertsau a été construit par Georges Schwenkedel en 1942. Il présente de nombreuses originalités et qualités qui en font un instrument de grande valeur.

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Historique

Cet orgue a été construit en 1942 par Georges Schwenkedel. [ASchwenkedel] [IHOA]

Le 10/06/1939, la ville de Strasbourg demanda à la maison Schwenkedel une proposition commerciale pour un harmonium "assez puissant pour le grand hall funèbre du cimetière", destiné à remplacer un harmonium plus ancien. Georges Schwenkedel répondit en proposant plusieurs modèles (conseillant 2 claviers et un pédalier, donc des harmoniums dotés d'un ventilateur). Parmi ses références, il cite l'instrument qu'il a posé dans le studio de la Maison de la Radio à Strasbourg. [ASchwenkedel]

Un nouveau devis, cette fois pour un orgue à tuyaux, typographié et rédigé en allemand, est daté du 11/07/(194)1.

Composition, Devis1
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
C-h bois, c'-g''' métal
C-H zinc, puis 'Metall'
(C-g''')
C c c'
1'1/3 2' 2'2/3
1' 1'1/3 2'
2/3' 1' 1'1/3
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
C-f en bois, puis métal
Métal
Métal
Métal
C g g' g''
1' 1'1/3 2' 2'2/3
2/3' 1' 1'1/3 2'
1/2' 2/3' 1' 2'
Pédale expressive, 30 n. (C-f')
Sapin de la Forêt-noire
I/P
[ASchwenkedel]
[ASchwenkedel]

L'instrument devait contenir 646 tuyaux (1 rang de 30 et 11 rangs de 56), indiquant que le "Cornet" était complet, ce qui est confirmé dans sa description détaillée ; sa composition, avec reprises et sans Tierce, indique qu'en fait il s'agit d'une Fourniture. Son harmonisation est décrite "klar frisch nichschreiend und sharf" ("claire fraîche non criarde et aiguë").La "vraie" Mixture, au récit, est dotée de quatre reprises, fondée sur 1', devait être "glänzend, hell klar, dem Werk frische und Klarheit verleihen" ("brillante, lumineuse pour donner à l'instrument de la fraîcheur et de la clarté"). La console devait être latérale et accolée. Les sommiers à gravures ("Schleifwindladen"). La traction des jeux entièrement mécanique. A la plume, la Flûte à cheminée 4' et la Flûte 2' ont été rayées, et remplacés par des Flûtes 8' et 4'. Ces jeux étant plus onéreux, le prix final sur ce devis est aussi ajusté de 10% vers le haut. [ASchwenkedel]

Un autre devis, non réalisé, proposait un instrument un peu plus grand, à traction électrique (avec des accouplements des claviers à l'octave grave et aiguë et quatre combinaisons fixes). Les noms de jeux avaient été germanisés (!). Ils sont cependant recherchés et originaux, ce qui est caractéristique de Georges Schwenkedel. Le grand-orgue se voyait doté d'une "Mixtura altheria" (gambée) de 4 rangs à la place du "Cornet" 3 rangs, la pédale d'une Flûte 8', et le récit d'un Nasard (conique), tandis qu'une une Trompette douce remplaçait la Mixture. (Ce qui est pour le coup beaucoup moins germanique.) Cette fois, la pédale, dotée de deux jeux, devait être placée hors boîte expressive. [ASchwenkedel]

Composition, Devis2
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
C-h bois, c'-g''' plomb
C-H zinc, puis 'Metall'
(C-g''')
Taille étroite
C c' c'' c'''
2' 2'2/3 4' 4'
1'1/3 2' 2'2/3 2'2/3
1' 1'1/3 2' 2'2/3
2/3' 1' 2' 2'
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
C-f en bois, puis métal
C-F en zinc, puis métal
Plomb
Métal
C-f en zinc, puis métal
Pédale, 30 n. (C-f')
Sapin
Bois
I/P
[ASchwenkedel]
[ASchwenkedel]

C'est donc finalement le premier des deux devis qui fut réalisé, celui pour un orgue à transmission mécanique. Ce fut l'opus 80 de la maison Schwenkedel.

Surtout en contemplant la seconde version, avec Trompette de récit et Nasard, on peut qu'être surpris par le côté fortement "concertant" de ce projet d'orgue destiné à un centre funéraire. Même si c'est le premier projet, plus raisonnable, qui fut réalisé, il dispose quand même d'un pédalier de 30 notes, de deux Mixtures et de fonds de récit harmonisés comme des jeux de détail : on est loin d'un orgue d'accompagnement ! Mais bien sûr, il est aussi possible que ce que nous comprenons par une ambition quelque peu démesurée soit en fait le résultat d'une érosion des standards musicaux à pratiquer lors des funérailles. On en est venu, souvent, à se satisfaire des sons en plastique d'orgues "numériques", considérant que "c'est bien suffisant pour un enterrement". Or, ces moments fondamentaux - pour les proches et pour la société en général - ne méritent-ils pas, effectivement, une ambition bien plus affirmée ?

Un petit relevage, par la maison Muhleisen est prévu peu après 2015. En effet, 2012, suite à la restauration de la chapelle, le centre funéraire a pris conscience de l'intérêt historique et musical de l'orgue Schwenkedel. [VWeller]

Il a été rejoint en novembre 2015 par un "orgue de choeur ", un positif d'Alfred Wild destiné à l'accompagnement des chants. [VWeller]

Cet instrument très attachant, et le petit orgue "de choeur" qui le complète depuis peu, démontrent qu'ici, avec bonheur, on peut échapper aux microprocesseurs et aux sons artificiels pour accompagner les adieux. Espérons que cela se généralisera : les funérailles méritent, lorsqu'on y invite la musique, qu'elle soit jouée sur de vrais instruments de musique.

Le buffet

Vu de la chapelle, les ouvertures laissant passer le son de l'orgue.On voit la silhouette de l'orgue à travers des baies semi-circulaires ;le revers de l'une d'elles est visible sur la première photo de la page.Photo de Victor Weller, 04/11/2015.Vu de la chapelle, les ouvertures laissant passer le son de l'orgue.
On voit la silhouette de l'orgue à travers des baies semi-circulaires ;
le revers de l'une d'elles est visible sur la première photo de la page.
Photo de Victor Weller, 04/11/2015.

L'instrument est logé dans une boiserie en sapin située dans un local attenant, à droite de la chapelle. Le son parvient dans la chapelle par des panneaux grillagés qui forment une frise tous le long des murs, et cachent les jalousies de la boite expressive.

Le buffet n'a donc aucun rôle esthétique, puisque l'orgue est totalement invisible depuis la chapelle. Son emplacement a été choisi à dessein pour qu'il s'efface, la chapelle étant utilisée pour toutes les confessions, y-compris pour les funérailles non religieuses. Il est aussi probable qu'on ait cherché à éviter tout risque lié à la chaleur du four. [VWeller]

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2004
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
(C-g''')
2'2/3, 2', 1'3/5
Récit expressif, 56 n. (C-g''')
Cheminées rentrantes
Conique
Pédale expressive, 30 n. (C-f')
I/P
[ITOA] [Visite]
Console:
La console, dans son ambiance très particulière. Photo du 12/07/2004.Depuis, l'écran a été remplacé par un modèle plus grand.La console, dans son ambiance très particulière. Photo du 12/07/2004.
Depuis, l'écran a été remplacé par un modèle plus grand.

Console latérale accolée, fermée par un couvercle basculant faisant porte-partitions en position ouverte. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés, munis de porcelaines manuscrites, et disposés en ligne au-dessus du second clavier. Commandes des accouplements par pédales-cuillers : "Manual-Koppel II-I", "Pedal-Koppel I.M", "Pedal-Koppel II.M". Claviers blancs à frontons biseautés. A leur droite est située la pédale d'expression (au-dessus du second Si du pédalier) "Schwellwerk". Banc de couleur claire. Commande du moteur par un interrupteur en bakélite noire, placé à droite des claviers. Plaque d'adresse vissée à gauche des claviers, en calligraphie gothique, disant :

1942 Opus 80
G. Schwenkedel
Orgelbaumeister
La plaque d'adresse. Photo du 12/07/2004.La plaque d'adresse. Photo du 12/07/2004.
Après plusieurs décennies de règne du domino, voici le retour des tirants.Ils ont ici un caractère très artisanal. Ils tirent directement les règles du sommier. Photo du 12/07/2004.Après plusieurs décennies de règne du domino, voici le retour des tirants.
Ils ont ici un caractère très artisanal. Ils tirent directement les règles du sommier. Photo du 12/07/2004.
Transmission:

mécanique et balanciers et équerres.

Sommiers:

à gravures (1942). Les manuels partagent le même sommier, diatoniques, en "M" (basses aux extrémités).

Tuyauterie:

majoritairement en bois et étoffe. Entailles d'accord, bourdons à calottes mobiles. Basses à bouches arquées. Comme souvent chez Schwenkedel, les cheminées de la Rohrfloete sont entrantes, ce qui ne présente que des avantages quand la calotte est mobile.

C'est un instrument exceptionnel, que sa disposition rend très "mystérieux". S'il peut paraître assez quelconque "sur le papier", sa magnifique harmonisation le rend vraiment unique. Il faut, évidemment, l'entendre depuis la chapelle, l'effet sonore à la console étant considérablement réduit. Cet opus 80 confirme encore l'incroyable faculté d'adaptation de Georges Schwenkedel, qui réalise donc en 1942 un orgue à traction mécanique et sommiers à gravures, avec 10 ans d'avance, mais en évitant les pièges dans lesquels tombera fréquemment l'orgue "néo-baroque" par la suite. On souhaiterait, bien sûr, qu'il puisse être entendu en des occasions plus joyeuses ! [Visite]

De plus, l'intérêt historique de cet instrument est immense, car il est témoin du "retour au mécanique", et des sommiers à gravures, à la fin de la première moitié du 20ème siècle. L'émergence de ces techniques en Alsace est souvent attribuée aux années 50 et à Alfred Kern. Or cet instrument, oeuvre de Georges Schwenkedel, ainsi que celui de Pfulgriesheim qui lui est contemporain (mécanique aussi et construit par Ernest Muhleisen), attestent que le mouvement était bien antérieur, et déjà maîtrisé par de nombreux organiers. Henri Vondrasek, "précurseur" de la maison Koenig de Sarre-Union, a construit un orgue mécanique dès 1936 à Graufthal. En pleine Occupation, et avec les contraintes que l'on imagine, Georges Schwenkedel fit donc preuve d'une grande faculté d'adaptation et d'innovation. Car en plus d'être mécanique, cet instrument est une exceptionnelle réussite, tant du point de vue technique (fiabilité) que musical (harmonisation). Et, ce qui ne gâte rien, il est resté 100% authentique.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670482013P01
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