Cet orgue construit par Georges et Curt Schwenkedel en 1953 est caractéristique de l'esthétique néo-classique. Ces instruments ne sont aujourd'hui plus très nombreux (surtout en bon état), car ils ont payé un lourd tribut à la vague "néo-baroque" de la fin du 20ème siècle, qui ne jurait que par la transmission mécanique et les sommiers à gravures. Or, ils sont extrêmement polyvalents, permettent d'adresser un très large répertoire, et ont défini un style spécifique, issu d'une grande capitalisation d'expérience.
Historique
Un premier orgue est attesté ici en 1825 par le remplacement de l'organiste François Schubitzer par Michel Weber. [IHOA]
Historique
Le deuxième orgue de Biesheim a été construit en 1829 par Valentin Rinkenbach. L'organiste ayant assuré la réception, le 03/05/1829 s'appelait Weber, et c'était donc sûrement le Michel Weber qui prit ses fonctions en 1925. [IHOA] [PMSRHW]
En 1934, on se servait d'un harmonium, ce qui semble indiquer que l'orgue ne fonctionnait plus. [PMSRHW]
L'édifice et l'orgue furent entièrement détruits au printemps 1945. [IHOA]
Historique
En 1953, Georges et Curt Schwenkedel placèrent l'orgue actuel. [IHOA]
Le devis date du 04/11/1949 (24 registres), et l'opus 111 de la maison Schwenkedel fut reçu le 22/09/1953 par Fernand Rich. [IHOA] [PMSRHW]
Il s'agit d'un instrument représentatif de l'esthétique néo-classique : il est structuré comme un orgue romantique, avec grand-orgue et récit expressif, et dispose des jeux indispensables à l'exécution du répertoire romantique : riches fonds de 8', Hautbois, Basson, Flûte harmoniques, Gambes et Voix céleste. En plus de cela, il est doté de jeux destinés aux répertoires plus anciens, comme un Cornet décomposé (situé au récit) et un plein-jeu très fourni et réparti sur les deux manuels, pour pouvoir dialoguer entre un grand et un petit plein-jeu (Fourniture / Cymbale, Larigot). Les anches coniques sont traditionnellement plus brillantes que pour un orgue romantique.
La transmission et le tirage des jeux électriques présentent de nombreux avantages : on peut disposer les sommiers avec une grande liberté, proposer de nombreux accouplements (dont ceux à l'octave, qui ont une influence déterminante sur le rendu) et doter la console d'aides à la registration très pratiques (combinaisons, appels). Il y a même une pédale piano automatique, qui est un accessoire que l'on souhaiterait plus répandu : quand les mains passent au récit, certains jeux de pédale sont automatiquement retirés, et reviennent lorsque c'est à nouveau le grand-orgue qui est joué.
Au cours des années 60-80, ces instruments ont été fortement décriés, et qualifiés (péjorativement) d'orgues "à tout jouer" (sous-entendu, rien correctement). C'était oublier un peu vite qu'ils constituent un style en soi, et que l'objectif n'a jamais été une polyvalence totale, mais un éclectisme savamment dosé.
Une conséquence de cette polyvalence (et du soin apporté à l'ergonomie de la console) est que ces orgues sont des instruments d'enseignement et d'étude idéaux. Ce sont aussi de merveilleux outils de création. Ils ont une place fondamentale dans le paysage organistique de la région.
En 1999, il y eut un relevage, par Christian Guerrier. [IHOA]
Les membranes ont été remplacées. L'instrument a été inauguré le 22/09/2000 par Joachim Baumann et Heinrich Walther. (Œuvres de Jean-François Dandrieu, Julius Reubke et Théodore Dubois.) [Caecilia]
Caractéristiques instrumentales
C | c | c' | c'' | f'' |
1'1/3 | 2' | 2'2/3 | 4' | 8' |
1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 | 4' |
2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' |
C | g | c' | g' | c'' | g'' |
2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 | 4' |
1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
1/3' | 1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' |
Console indépendante, placée entre les buffets (contre la partie gauche), face à la nef, fermée par un rideau coulissant. Elle est de même style qu'à Sand, Witternheim ou qu'à l'hôpital départemental de Colmar) en bois clair, mais avec des options en plus. Tirage des jeux et commande des accouplements par dominos ovales, de couleur crème, placés en ligne au-dessus du second clavier.
Claviers blancs. Joues du bloc-clavier noires.
Les tirasses et accouplements sont commandés par des pédales-cuillers à accrocher, à gauche : "II Péd. 4'", "II/I 16'", "II/I 4'", "I Péd. 8'", "II Péd. 8'", "II/I 8'". Au-dessus de ces pédales, et en quinconce, on trouve les 4 appels "Appel Mixtures", "Appel Mutation", "Appel Anches", "Appel G.O.". L'expression du récit et le crescendo sont commandés par deux pédales basculantes, au-dessus du "f" du pédalier". A droite, il y a les pédales-cuillers commandent l'appel "Jeu à Main" (ajoutant les dominos aux combinaisons), "Comb. Libre I" et "Trémolo". Il y a une quatrième pédale à accrocher, plus bas, non repérée, et dupliquant l'appel "Jeu à mains" (cette fois, en annulateur).
Programmation de la combinaison libre par paillettes basculantes, d'un vert translucide, disposées au-dessus de chaque domino. Comme les accouplements n'ont pas de dominos, ils ne sont pas programmables.
Commandes des accouplements doublées par 6 poussoirs blancs, situés sous le premier clavier, à gauche : "II Péd. 4'", "II/I 16'", "II/I 4'", "I Péd. 8'", "II Péd. 8'", "II/I 8'". A leur droite, les 5 poussoirs commandant les combinaisons fixes : "I", "II", "III", "IV", et l'annulateur ("0"). Tout à droite, il y a le poussoir appelant la pédale piano automatique : quand il est enfoncé et qu'on joue le récit sans le grand-orgue :
- les anches de pédale, ainsi que B8, O8, Fl16, Fl4, I/P et II/P 4' sont annulés.
- S16 et II/P 8' sont conservés.
Comme souvent chez Schwenkedel (ou Roethinger), il n'y a pas d'appel ou d'annulateur du crescendo : la pédale basculante appelle simplement les jeux prévus en les ajoutant aux jeux déjà tirés. L'indicateur linéaire est placé en haut à droite, au niveau des paillettes de programmation de la combinaison libre. Il est sérigraphié en blanc sur fond noir, et gradué de 0 à 9. Juste en-dessous, il y a un indicateur d'ouverture de la boite expressive (là aussi, gradué de 0 à 9).
Voltmètre, situé en haut à gauche de la console, et affichant 12V en marche.
Plaque d'adresse noire à lettres blanches, placée à gauche du second clavier :
Il y a une seconde plaque, collée juste en-dessous, en lettres noires sur fond doré :
Electro-pneumatique. Des électro-aimants à armure basculante poussent vers le haut les pilotes réglables dépassant sous le sommier.
Sommiers à cônes. Les deux sommiers diatoniques du grand-orgue sont logés dans le buffet droit, avec les basses aux extrémités.
Les sommiers diatoniques du récit ont 68 notes, pour pouvoir rendre les octaves aiguës "réelles" (i.e. fonctionnant aussi sur gis''-g'''). Les jeux ont été complétés par une octave supplémentaire, sauf pour pour les Mutations (2'2/3, 2', 1'1/5, 1'1/3) et la Cymbale. Ils sont placés dans le corps droit, également en "M" ; la boîte expressive a deux tours latérales.
Les sommiers de pédale sont disposés au fond, à droite, derrière le grand-orgue et en contrebas. L'ordre est standard : le rang de Flûtes ouvertes est au fond, le rang de Bourdons au milieu, et les anches devant. La disposition est chromatique, basses à gauche, avec un retour dans les aigus, qui repartent vers la gauche après un demi-tour.
Le support du râtelier du rang d'anches porte l'inscription manuscrite "Bombarde 16 Biesheim".
Réservoirs à charge flottante, dans les deux soubassements.
Les techniques utilisées sont majoritairement issues de la période romantique : bourdons à calottes mobiles, entailles de timbre. Toutefois, les jeux "classiques" sont volontiers coupés au ton.
Comme souvent dans les orgues néo-classiques à transmission électrique, la pédale est réalisée par extensions : ici, il y a 3 rangs : un de Flûtes (donnant 16'-8'-4'), un de Bourdons (S16-B8), et un de Trompettes (Bm16, T8, Cl4), développés en 8 jeux.
A la console de ce véritable laboratoire musical, on mesure le soin qui a été apporté à l'ergonomie et à la conception générale. Inutile de bouder son plaisir : ces orgues sont des instruments enthousiasmants, fourmillant de possibilités, conçus pour offrir au musicien un maximum de liberté. Un orgue pour organistes, donc. Du coup, un orgue pour le public, aussi. En tout cas, un de ceux qui suscite des vocations, et entretient la motivation. C'est l'exact opposé d'un instrument "spécialiste", idéal pour l'exécution d'un répertoire bien précis, destiné aux puristes, mais apportant un grand nombre de contraintes.
Evidemment, tout ne marche pas tout le temps : ces orgues sont plutôt complexes. Mais ils sont également conçus avec une grande ouverture pour être aisément maintenus. Les facteurs formés pour les entretenir ne sont plus légion, et on en trouve assurément plus qui aimeraient bien - pour des raisons évidentes - "tout refaire en mécanique". Sauf qu'on ne peut pas tout refaire en mécanique. C'est pourquoi il est fondamental, pour la diversité de notre patrimoine, de conserver, d'entretenir et de faire vivre ceux qui sont parvenus jusqu'à nous. Après tout, il s'agit d'un instrument authentique, intègre et cohérent, issu d'une longue maturation technique et artistique. Ces orgues néo-classiques des années 50 méritent d'être re-découverts.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Joachim Baumann.
Photos du 03/08/2019.
La pédale a 32 notes (jusqu'au 3ème sol)
Photos du 08/06/2006, et relevé des Mixtures.
Les accouplements (pourtant fondamentaux dans ce type d'esthétique) ne figurent pas dans la composition.
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