Historique

En 1908, Martin et Joseph Rinckenbach posèrent à Bourg-Bruche leur opus 109, caractéristique de la facture alsacienne de la Belle-époque. [IHOA] [ITOA] [Barth] [Orgelbauerei1909]

C'est Adolphe Gessner qui reçut l'instrument, le 20/06/1908. Son compte-rendu se trouve résumé dans le petit ouvrage d'Henri Wiltberger sur la maison Rinckenbach. Outre le traditionnel "habillage" qu'exige le style de l'époque, le compte-rendu détaille 9 points : [Orgelbauerei1909]

- Les dispositions prévues au contrat ont été respectées.

- Le résultat est de qualité et construit avec de bons matériaux. (Tant pour les parties visibles que les organes cachés.)

- Les jeux sont réussis, en particulier le Gedackt 8', la Flauto dolce 8', le Flötenprincipal, et que la Trompette brillante s'intègre bien aux autres timbres.

- L'impression d'ensemble donnée par le Tutti (magnifié par la Trompette) est d'une grande rondeur et très agréable.

- Il y a de nombreuses possibilités de belles registrations.

- Que le jeu est agréable et léger, et suffisamment précis pour un orgue d'église.

- L'alimentation en vent est discrète - en usage modéré - et suffisante.

- Le buffet est de bon goût et embellit l'église avec des ornements remarquables.

- Il faut aussi mentionner la belle construction et la disposition de la console.

L'instrument est contemporain de celui d'Ettendorf (opus 110), avec lequel il partage de nombreuses caractéristiques, à commencer par le dessin du buffet, qui, là-bas aussi, porte des inscriptions. Les deux consoles sont également très semblables. Elles se caractérisent par des moulures, des deux côtés du bloc clavier : les parties verticales sont toutes galbées. La console perdue de l'orgue de Selestat était du même modèle, avec, là aussi, la plaque d'adresse en haut à gauche.

Avec 18 jeux réels, l'instrument se situe dans la moyenne de l'époque. (Rappelons qu'avec les accouplements à l'octave, rendus possibles par la traction pneumatique, ces instruments pouvaient être considérablement plus développés que ceux qui en sont dépourvus.)

Comme à Sentheim, l'accouplement à l'octave aiguë se fait du grand-orgue sur lui-même (I/I 4') et non avec le récit (II/I 4') comme à Ettendorf. Il n'y a pas l'appel grand-orgue (I/I), qui deviendra pourtant très courant sur les orgues de Joseph Rinckenbach.

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 06/04/1917. La réquisition des Montres a été quasi systématique en Alsace en 1917, mais ici, ce fut pire : le 20/10/1917, d'autres tuyaux métalliques ont été emportés (180 kg.) [IHOA]

En 1925, Georges Schwenkedel répara l'instrument et compléta la tuyauterie manquante. [IHOA]

Malheureusement, comme en d'autres endroits, l'étain utilisé pour les tuyaux de façade était soit trop fin, soit trop malléable, si bien qu'ils ont eu tendance à s'affaisser avec le temps. Le reste de la tuyauterie de Georges Schwenkedel, au grand-orgue, est de très belle qualité. [Visite]

Il s'agit d'un des premiers travaux connus de Georges Schwenkedel à son compte.

Il y eut une autre réparation en 1958. En 1986, l'inventaire technique trouva l'orgue en bon état, mais la Soubasse était muette. [IHOA] [ITOA]

Le buffet

Une des inscriptions sur le buffet.

Le buffet, de style néo-roman (idéalement adapté à l'édifice) est particulièrement ouvragé. Il est pratiquement jumeau de celui d'Ettendorf. Trois tourelles plates - la plus grande au centre - encadrent deux plates-faces triples. Les tourelles sont couronnées de grands tympans finement ornés, les plates-faces de tympans doubles, et des galeries servent de base aux couronnements. Il y a un pinacle sur chaque tympan, sauf le central, qui est surmonté d'une croix inscrite dans un cercle. La ceinture du buffet est ornée d'une frise-damier à créneaux (directement inspirée du style roman). Au-dessus, et à la base des plates-faces, il y a d'autres frises, à motifs floraux ondulants. La base des "piliers" des plates-faces reçoit un carré floral.

En haut du soubassement se trouvent 5 panneaux : (espaces ajoutés et 'V' transcrits en 'U')

A gauche, sous la tourelle latérale : "ANNO DOMINI MDCCCCVIII" (1908)

Puis : "HAEC ORGANA STRUCTA SUNT / AD MAJOREM DEI GLORIAM +

Au centre : "CIVITATE BOURG-BRUCHE / C. BONTE CIVITATIS PROEFECTO" (Sur deux lignes, avec un ornement floral circulaire central).

Puis : "A. DUCLOUX PAROCHO / V. ROEPPEL LUDIMACISTRO"

A droite : "LAUDATE DOMINUM IN CHORDIS ET ORGANO" (Référence au Psaume 150 ; avec un ornement central.)

La façade, en étain, est de Schwenkedel (1925). Les tuyaux des tourelles sont munis d'écussons rapportés, et ceux des plates-faces d'aplatissages en ovale.

Caractéristiques instrumentales

Quand on connaît et a pu apprécier ses contemporains qui sont en état, on se dit que ce devait être un très bel orgue ! Aujourd'hui (2020) il est totalement muet : Bourg-Bruche compte entre 400 et 500 habitants, et l'édifice à lui seul nécessite déjà des travaux considérables. Cet instrument ne pourra donc probablement pas revivre sans aides extérieures.

Quand on connaît aussi le talent de Georges Schwenkedel, on peut estimer que les travaux de 1925 - y compris l'harmonisation des nouveaux tuyaux - ont été très bien réalisés, en respectant le style. Malheureusment, on ne peut pas le jouer pour le vérifier.

Aujourd'hui, pour se faire une idée de ce qu'a pu être l'orgue de Bourg-Bruche, on peut aller à Ettendorf ou Sentheim. Et, en attendant un hypothétique relevage, il faut espérer que cet instrument soit préservé, et échappe à l'appétit des "mécaniseurs" d'orgues.