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Les orgues de la région de St-Amarin
Fellering, église protestante
Orgue entièrement authentique.
Fellering, église protestante, l'orgue Walcker de 1912.
Les photos sont de Martin Foisset, 14/03/2020 et 25/07/2020.Fellering, église protestante, l'orgue Walcker de 1912.
Les photos sont de Martin Foisset, 14/03/2020 et 25/07/2020.

L'église protestante de Fellering a été dotée dès sa construction d'un orgue construit par la maison Walcker. Son intelligente conception et sa belle harmonisation en font un instrument aux nombreuses possibilités, dépassant de loin ce que l'on peut attendre d'un orgue de 6 jeux réels seulement. Voyons comment la magie procède.

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Historique

C'est en 1912 que la maison Eberhard Friedrich Walcker posa à Fellering son opus 1691. [IHOA] [ITOA]

L'édifice est remarquable : il est dû à l'architecte Martin Hermann. Il a été construit en 1911 et inauguré en 1912. Comme c'est le cas pour beaucoup d'églises protestantes construites à la fin du siècle et à la Belle époque, l'orgue et l'édifice sont totalement contemporains.

Il en est de même à Erstein (1883), Bust (1912), ou Koenigshoffen (1914).

L'édifice et son orgue "sur mesure" sont donc parfaitement assortis, car conçus ensemble. L'instrument occupe une niche, derrière l'estrade, et fait face à l'assemblée. La niche comporte un oculus avec la rose de Luther, et le buffet de l'orgue présente un arc soulignant cette baie : totalement intégré, il participe à une composition réfléchie de l'espace.

La maison Walcker était déjà active depuis longtemps dans la vallée, qui, rappelons-le, vit l'ouverture de l'Alsace sur le monde de l'orgue européen : en 1857, Husseren-Wesserling, s'était dotée du premier Walcker d'Alsace, et la chapelle protestante en a reçu un autre en 1870. (C'est cette chapelle qui a abrité les cultes de la communauté jusqu'en 1912). Un fois de plus, il faut chasser les clichés : culturellement, c'était tout le contraire d'une "vallée reculée", mais réellement un pôle de progrès. Après deux orgues très romantiques, c'est un instrument post-symphonique que reçut Fellering, ce qui complète idéalement le paysage musical.

Le devis a été rédigé par la maison Walcker suite à un courrier du 27/02/1912. [WOB]

C'est un petit instrument, de 6 "Klingende Stimmen" (jeux réels) seulement, mais offrant de grandes possibilités. Il est conçu comme un orgue "de chœur", avec de nombreux 8'. Il s'agit d'obtenir grande souplesse dans l'accompagnement des chants, ainsi qu'un rendu sonore compatible avec les acoustiques "courtes". Ce sont finalement ces instruments qui ont révolutionné la facture d'orgues au cours de la seconde moitié du 19ème siècle : ils ont démontré qu'on pouvait concevoir l'orgue autrement que selon l'agencement "pyramidal" de jeux théorisé au 18ème.

Il y a 8 registres, car la Dulciane et la Flûte figurent aux deux manuels. Mais ce qui démultiplie les possibilités, sont les 3 accouplements à l'octave. La Gambe, la Flûte et la Dulciane, jouées depuis le grand-orgue, peuvent donc faire parler jusqu'à 3 tuyaux du même jeu simultanément.

Il y eut une réparation, en 1935. [Barth]

L'instrument est resté entièrement authentique. (Y-compris la façade.)

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2020
Grand-orgue, 56 n. (C-g'''')
Poinçon 'I. Man. PRINCIP' ; entailles de timbre
Poinçon 'C FLOETE' ; e'-g'''' harmoniques ; entailles de timbre ; C-H en bois bouché, c-h en bois ouverts ; bouches arquées ; oreilles sauf fis'''-g''''
Poinçon 'I. Man. DOLCE' ; entailles de timbre ; frins-oreilles
Poinçon 'OCTAV' ; C-H en façade ; entailles de timbre ; c'-f' à oreilles ; ogives
Récit, 56 n. (C-g'''')
Emprunt du Dolce du I, sauf gis'''-g''''
Poinçon 'VIOLDIG' ; entailles de timbre ; C-f en zinc à frein-rouleau en zinc et ogives, fis-cis'' à frein-rouleau en bois ; d''-g''' sans frein ; oreilles ; aplatissages en écussons
Emprunt de la Flûte du I, sauf gis'''-g''''
Pédale, 30 n. (C-f')
Tutti ("15 Tutti")
Domino
[IHOA] [ITOA] [Visite]
Console:

Console latérale encastrée du côté gauche, fermée par un couvercle basculant. Tirage des jeux par dominos, disposés en ligne au-dessus du second clavier, et teintés en fonction du plan sonore : blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, et vert pour la pédale. Les accouplements et tirasse peuvent donc être bi-colores quand il concernent deux pans sonores : I/P est par exemple blanc en haut et vert en bas.

Claviers blancs, biseautés, à joues moulurées.

Commande du crescendo par pédale basculante, placée au-dessus du c' du pédalier. Indicateur linéaire blanc, situé en haut à droite, et gradué de 0 à 12. Pas d'appel/annulateur du crescendo.

Il y a un tirant "Calcant", à droite et à la hauteur du second clavier, permettant d'appeler le souffleur. (Ce dernier était logé de l'autre côté de l'orgue, dans l'espace entre le buffet et le mur droit.) Le tirant est fonctionnel : il actionne un petit soufflet (il faut donc le manœuvrer franchement), relié par une tubulure à un autre petit soufflet muni d'une tige métallique tapant sur une clochette, de l'autre côté de l'orgue, juste devant le souffleur.

Il y a un indicateur rond de pression de vent, placé à droite au-dessus du triant Calcant. De rouge-marron, celui-ci passe au blanc (par translation verticale du fond) quand l'alimentation en vent est présente. Ce n'est pas un indicateur de charge du réservoir : celui-ci est placé de l'autre côté, face au souffleur.

Il y avait peut-être aussi un dispositif (ou deux), placé en haut et à droite des dominos, dont les deux trous rectangulaires sont actuellement masqués par une planchette. Il y a aussi une planchette rapportée en-dessous de l'octave d'-d'' du premier clavier. Mais cela peut correspondre à une console prévue pour des options non retenues.

Comme souvent sur les orgues Walcker, la plaque d'adresse est en plusieurs éléments : à gauche, entre les deux claviers :

E.F. Walcker & Co.
Ludwigsburg - Württ.

A droite, au même niveau :

Opus 1691. Erbaut 1912.
Les plaques Walcker à Fellering.Les plaques Walcker à Fellering.
Sommiers:

Il y a 3 sommiers chromatiques pour les jeux manuels : un pour les deux octaves graves (C-h ; 5 chapes), un pour les aigus (c-g''' : 5 chapes), et un pour le complément permettant les octaves aiguës réelles (7 chapes).

Sur les sommiers principaux (C-g'''), la Dulciane et la Flûte du récit sont des emprunts du grand-orgue, et il n'y a pas de tuyaux. Mais sur le sommier complémentaire, il y a 7 chapes, et tous les jeux sont réels.

Les jeux manuels sont placés sont parallèles à la façade, juste derrière celle-ci. La Soubasse est logée du côté droit. Elle est chromatique et fait deux aller-retours, avec le C au fond.

Tuyauterie:

Comme toujours chez Walcker, la tuyauterie est très belle, de grande qualité. Tous les tuyaux sont poinçonnés avec le nom du jeu, le plan sonore et la note. Les tuyaux ouverts ont des entailles de timbre, les biseaux de belles dents. Les tuyaux en bois des basses ont des bouches très arrondies (pratiquement des demi cercles).

Le gis''' (4ème Sol#) du Principal 8'.
Ce portrait montre son système d'accord (l'entaille de timbre),
l'intérieur texturé par la toile de coulage de l'étain,
les poinçons (I. Man PRINCIPAL gs'''),
l'aplatissage de la bouche en ogives,
et les gens aux biseau.Le gis''' (4ème Sol#) du Principal 8'.
Ce portrait montre son système d'accord (l'entaille de timbre),
l'intérieur texturé par la toile de coulage de l'étain,
les poinçons (I. Man PRINCIPAL gs'''),
l'aplatissage de la bouche en ogives,
et les gens aux biseau.

Il y a donc à Fellering un orgue Walcker 100% authentique. Même s'il est très peu connu, c'est un des trésors de l'orgue en Alsace.

Ce petit bijou illustre parfaitement l'absolue nécessité, pour le monde de l'orgue alsacien, de revoir ses priorités ! Après avoir englouti des fortunes dans la construction d'une kyrielle de "pseudo-Silbermanns" et "simili-Callinets", la région se retrouve avec des trésors non entretenus, car méconnus, voir méprisés à dessein par les VRP du "sommier à gravure". Il faut à tout prix échapper à la "culture unique" issue de la fin du 20ème, et dont l'objectif était d'éliminer la "période allemande" de l'histoire, ainsi que tous les orgues pneumatiques. (Même quand ils sont mille fois plus beaux que certaines des criardes productions récentes, avec leurs Cymbales inaccordables.)

Il faut donc aller à Fellering pour voir son orgue de 1912. Un des seuls orgues authentiques d'Alsace. Pour y entendre ce magnifique instrument de musique, et pour découvrir qu'il existe encore des orgues "différents". Et donc que, malgré tout, oui, la facture d'orgues a encore un avenir.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F680089002P01
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