Une page noire de l'orgue alsacien, puisque très récemment, l'orgue du lieu a été remplacé par un machin électronique. Et pourtant, l'instrument ne manquait pas d'originalité, et avait une histoire peu commune :
Historique
Un premier orgue a été construit en 1828 par Michel Stiehr. [IHOA]
On ne connaît pas la composition d'origine.
L'instrument a été réparé et transformé par les frères Wetzel en 1867. [IHOA]
Cette fois, on connaît la composition, même si elle n'a été relevée qu'en 1903 :
En 1904, l'orgue a été confié à un facteur tout à fait remarquable, bien que peu conu : Aloïse Lorentz, de Souffelweyersheim. [IHOA]
Lortentz était horloger de formation. Et un horloger extrêmement doué. Tellement doué qu'il a réalisé une réplique de l'horloge astronomique Schwilgué de la Cathédrale de Strasbourg. Cela lui prit 3 ans. (Tous les calculs astronomiques ne sont pas reproduits.) L'évêque, Mgr Stumpf s'en porta acquéreur et l'offrit au pape Léon XIII pour son jubilé. Elle figure au catalogue de l'exposition de 1888 au Vatican. Elle est conservée au Musée du Vatican.
Et Lorentz était passionné d'orgues, qu'il entretenait comme les horloges. Il ne fit pas des dizaines de travaux, mais aucun ne fut un faux pas : il aurait pu être un très grand facteur d'orgues s'il avait pris cette voie à l'origine.
A Kuttolsheim, on lui demanda une modification pleine de bon sens : remplacer la Trompette du manuel (sûrement bien trop forte, et rarement utilisée en pratique) par un Principal 8', infiniment plus utile car l'orgue Stiehr, dont le manuel était fondé sur un malheureux Bourdon 8', manquait objectivement de fondamentales. Et il rendit la pédale jouable, en portant son étendue de 13 notes ("pédalier décoratif") à 27 (donnant accès à la majeure partie du répertoire d'orgue). Il fonda l'orgue en 16' avec une Soubasse 16', sûrement réalisée en bouchant la Flûte 8' d'origine. (Idem pour le Bourdon 8'.) Il enleva aussi un rang du Cornet, qui passa à 3 rangs.
Une article du Nouvel Alsacien, daté du 07/11 est très élogieux : "In den Spalten dieses Blattes ist dem Orgelbauer Lorenz aus Suffelweyersheim wiederholt schmeichelhaftes Lob für seine Arbeiten gespendet worden. Hierdurch veranlasst, wurde genanntem Meister dir umfangreiche Reparatur der hiesigen Orgel übertragen. Wie ferne möchten auch wir unser Scherflein zur Vermehrung des guten Rufes des Herrn Lorenz beisteuern !" (A plusieurs reprises, notre journal a commenté de façon flatteuse les travaux du facteur d'orgues Lorenz de Souffelweyersheim. Le maître en question s'est vu confier une importante réparation de l'orgue local. Nous souhaitons contribuer à renforcer la bonne réputation de Monsieur Lorenz !") [NAlsacien]
Mais, on le sait, le milieu de l'orgue n'est pas un monde de Bisounours, loin de là. Un article fut publié quelques jours plus tard dans la rubrique "Spechsaal" (coin des palabres) et signé "Ein Optimist" : "Suffelweyersheim, 18. November. In der letzten Samstagsnummer brachten wir einen Artikel unter - Küttolsheim -, nach welchem dem Orgelmacher Lorentz von hier eisriges Lob über seine schwierige Reparatur der dortigen Orgel gespendet wurde. Der Artikel erregte heißes Blut bei unserem Lehrer Meyer, welcher einige Zeit zur vollständigen Busriedenheit der Küttolsheimer Bürger dit betreffende Orgel gespielt hatte und ziemlich mit den Berhältnissen Küttolsheims vertraut ist. Vor der ganzen Sängerschar, im Beisein des Orgelbauers, erklärte er nun, dir Sache sei ein bloßer Ulf und verfolge den Zwed, Herrn Lorentz ins Bächerliche zu ziehen, welcher sich selbstredend sehr darüber, erboste. Wir fordern nun den Artikelschreiber auf, klarheit in die Sache zu bringen und Herrn Meyer von seinen pessimistischen Ansichten abzubringen." [NAlsacien]
De fait, Lorentz, vu sa situation un peu atypique, n'avait pas que des amis : "Dans le numéro de samedi dernier, nous avons publié un article intitulé "Küttolsheim" rapportant que le facteur d'orgues Lorentz de cette ville a été félicité pour sa conséquente réparation de l'orgue du lieu. L'article a suscité une vive émotion chez le professeur Meyer, qui joue l'orgue en question depuis longtemps à la grande satisfaction des habitants de Küttolsheim, et qui connaît bien la situation. Devant l'ensemble des chanteurs et en présence du facteur d'orgues, il a déclaré que cette affaire n'était qu'un simple canular dans le but de ridiculiser M. Lorentz, qui s'en est bien entendu fortement irrité. Nous demandons maintenant à l'auteur de l'article de faire toute la lumière sur cette affaire et de détourner M. Meyer de ses vues pessimistes." [NAlsacien]
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 17/01/1917. [IHOA]
Historique
L'orgue a été agrandi en 1939 par Adolphe Blanarsch ; le travail fut achevé par Frédéric Haerpfer. [IHOA]
L'inauguration eut lieu le dernier dimanche de novembre, à l'occasion de la fête de Ste-Cécile, avec Paul Münck (Haguenau St-Georges) aux claviers. L'article du Nouvel Alsacien indique que les premiers travaux (initiés par Adolphe Blanarsch) n'ont pu être achevés en raison du conflit mondial, et qu'ils ont été achevés par "une deuxième maison mosellane". (Alors que Blanarsch, qu était certes passé par les ateliers de Franz Staudt à Puttelange, était installé à Bischheim depuis 1924, puis à Illkirch depuis 1937.) Il semble avoir été inactif durant le conflit mondial, et il prit sa retraite juste après : son entreprise fut logiquement reprise en 1946 par Pierre Berg, son beau-frère (le frère de son épouse Marie Berg) avec lequel il était associé depuis le début. [NAlsacien]
Il y eut ensuite trois campagnes de travaux, menés par la maison Muhleisen, en 1943, 1959 et 1961. [IHOA]
En juin 2025, un "orgue" électronique (assurément le modèle le plus laid qu'on puisse maginer) a pris place à la tribune. Fin de l'histoire.
Il y eut même une "inauguration ! Car aujourd'hui, on inaugure - sans vergogne - des produits électroniques venus d'Asie acquis par solution de facilité, au mépris des conséquences sur notre patrimoine. On inaugure donc un fait de démission, de renoncement. De fait, ces inaugurations étaient dans le passé avant tout destinées à honorer les contributeurs à un projet d'envergure... Il y a là une totale déchéance : aujourd'hui, on se félicite juste de consommer, de "claquer du pognon". Cela démontre aussi que personne n'a idée de ce que cet orgue cache. Ni même des coûts d'entretien liés aux différentes solutions. Le tout semble baigner dans une mare d'a-priori, nourrie bien-sûr par l’épouvantable désinformation portant sur les orgues pneumatiques, qui sévit depuis des années.
Le buffet
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante dos à la nef, fermée par un rideau coulissant.
Sources et bibliographie :
Photos du 15/07/2007.
P. MEYER-SIAT, "Stiehr-Mockers", AEA XX (1972-73)
378a. Kuttolsheim Stiehr, 12 Jeux, sommier à soufflets, traction à vergettes, soufflerie méc.
KÜTTOLSHEIM, Kt. Truchtersheim. - Nach Liste 1840 mit O. - Diese O. hatte Stiehr 1828-29 gefertigt, wie noch 1906 auf einer Orgelpfeife zu lesen war. Nach Uebertragung der Arbeit liess Stiehr, wie die Schulchronik, von 1893 an laufend (S. 16 f.), berichtet, sich den Sängerchor vorführen. Kuttolsheim zählte nach d. Annuaire du Bas-Rhin von 1827 : 920 Einwohner. Hierauf erklärte er, da der Chor über helle Stimmen verfüge, müsse die O. dementsprechend gearbeitet werden. So wurde die 1. O. von Kütt. eine helle O. Im Mai 1904: Rep. von Lorenz von Suffelweyersheim. Die von Lehrer Oberle verfasste Schulchronik ist auf der Mairie von K. verwahrt. Maire Ernest Böhler stellte sie uns zur Verfügung. - Die Stiehr-O. hatte 12 Reg., souffl. mec. MATHIAS 53. - Die 1939 von Blanarsch umgearbeitete O. war nicht mehr von Stiehr. Auskunft von Pf. Jean Ehrhard.
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