Cet orgue, posé par Martin et Joseph Rinckenbach en 1908 est l'opus 106 de la grande maison d'Ammerschwihr. Malheureusement, il est complètement inutilisable depuis 1978. Il nous faut donc évoquer un épisode fort regrettable de l'histoire de l'orgue alsacien. Un de plus. Mais ici, cela vaut la peine, car à Schweighouse, les conséquences funestes de la "période noire" ne sont peut-être pas irréversibles.
Historique
C'est en 1908 que Martin et Joseph Rinckenbach dotèrent l'église St-Michel de Schweighouse d'un de leurs superbes orgues post-symphoniques, de 16 jeux sur deux claviers et pédale. [IHOA] [ITOA]
Comment peut-on juger de sa qualité, vu qu'il est aujourd'hui muet ? Parce qu'il est contemporain des merveilles que l'on trouve, par exemple, à Waldighoffen, Horbourg-Wihr, Oberschaeffolsheim, Ettendorf ou Sentheim. Autant d'instruments fabuleux, que l'on peut apprécier car ils ont été bien entretenus. Ils ont défini un vrai style d'orgue alsacien. La facture d'orgues alsacienne était alors à son apogée, et rayonnait à travers toute l'Europe, comme en attestent les publications professionnelles en Allemagne au début du 20ème siècle.
Un orgue fondamentalement alsacien
L'orgue Rinckenbach de Schweighouse était essentiellement, fondamentalement, alsacien. Avec son indispensable Violoncelle de pédale, sa Trompette solo au récit expressif, sa Voix céleste, sa Flûte 8' ouverte au grand-orgue. Sept fonds de 8' manuels (sans compter l'ondulant), Aeoline et Flûte traversière 4', c'était un vrai paradis pour organistes, et cela en 16 jeux seulement. Il était aussi clairement inscrit dans son époque, la Belle époque, et son incomparable esthétique post-symphonique, qui permet d'aborder les plus beaux répertoires : il était par exemple muni de deux accouplements à l'octave. Grâce à eux, l'instrument avait les possibilités d'un orgue de 29 jeux.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 16/03/1917. Ils ont été remplacés par la suite, probablement par Joseph Rinckenbach lui-même, si bien que l'authenticité de l'orgue n'a pas vraiment souffert de cette réquisition. [IHOA] [ITOA]
70 ans de service sans défaut
Il a servi sans aucun souci pendant 70 ans. Mais, évidemment, en 1978, il devait nécessiter un bon entretien. On n'a d'ailleurs noté aucun relevage ou nettoyage d'envergure depuis sa construction. Après tant d'années de bons et loyaux services, le remplacement des membranes - qui sont des pièces d'usure - devait s'imposer. Mais, avec la logique "consumériste" des années 1970, quand vous aviez une voiture avec des pneus usés, on vous faisait aussitôt changer de véhicule. On peut comprendre que "ça fait marcher l'économie", que cela "donne du travail aux professionnels". Mais c'est surtout totalement anti-écologique, et désastreux pour le patrimoine. Car, non, en 1978 on ne savait pas faire des orgues mieux qu'en 1908. Mais on en était absolument persuadé.
Pratiquement toute la tuyauterie a été "cannibalisée" en 1978. [IHOA] [ITOA]
Il faut appeler un chat un chat : il s'agit d'une tragédie pour notre patrimoine. Cet orgue post-romantique alsacien a été pillé pour produire un instrument directement issu de la "cuisine internationale" des années 1970, qui est venu encombrer et enlaidir le chœur de l'édifice avec son buffet massif et sans style... Surtout, il faut se souvenir que l'orgue RInckenbach était presque 100% authentique en 1978 lorsque les bourreaux sont venus lui arracher sa tuyauterie !
Un avenir ?
Maintenant, comme les irremplaçables sommiers (et même la soufflerie) sont encore là, et qu'on connaît bien les caractéristiques de la tuyauterie Rinckenbach, l'orgue de 1908 est peut-être tout à fait restaurable. Ce serait en tous cas un projet engageant, utile, et qui amènerait bien plus de valeur que les sempiternelles "restaurations" d'orgues soit-disant du 18ème.
Le buffet
Le joli buffet néo-classique est peint en blanc pour s'harmoniser avec le reste de l'édifice. Il est constitué d'une tourelle centrale et de deux plates-faces latérales doubles. Il présente 5 arcs plein-cintre, inspiration néo-romane oblige.
Les arcs des plates-faces sont munis de claire-voies, et les superstructures constituées de rinceaux, de pots, et d'un grand fronton interrompu mettant en valeur un ornement floral.
On retrouve la même architecture, mais ornée totalement différemment, chez son contemporain de Horbourg-Wihr (opus 104, 1907). Là-bas, la tourelle centrale n'est pas plate, mais en tiers-point, et le style est néo-gothique (presque néo-renaissance).
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef.
Pneumatique.
Sommiers à membranes.
Sources et bibliographie :
SCHWEIGHAUSEN, Kt. Guebwiller. - Neue Ki. 1887. Neue O. von Rinckenbach 1908, mit 16 Reg., 2 Clav. Liste Rinckenbach.
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