Cet instrument a récemment retrouvé sa voix, après des années d'abandon. Il peut être attribué à Max Roethinger, mais il intègre de nombeux éléments - de qualité - légués par ses prédécesseurs, et provenant des ateliers d'Heinrich Koulen, Dalstein-Haerpfer et même Stiehr.
Historique
Un premier instrument (dont il reste le buffet) fut construit en 1859 par la maison Stiehr de Seltz. On sait que le dessin du buffet a été approuvé par l'architecte des hospices le 22/09/1858, ce qui permet de dater l'instrument. [IHOA] [ITOA] [PMSSTIEHR] [Barth]
Il y eut une intervention de Heinrich Koulen en 1881. [ITOA] [PMSSTIEHR] [Barth]
Cette étape est peu documentée par les archives, mais elle paraît avoir été fort conséquente, et il est probable qu'une grande partie de la tuyauterie, voir l'intégralité, a été remplacée, vu la part de tuyaux Koulen dans l'orgue actuel.
Une transformation profonde eut lieu en 1910 par la maison Dalstein-Haerpfer [IHOA] [ITOA] [Barth]
Cette transformation fut importante, car Roethinger, en 1957, attribue l'instrument à la maison de Boulay. En particulier, le meuble de la console paraît provenir de cette opération. Muni d'une console indépendante, l'instrument fut doté d'une transmission pneumatique tubulaire. Il avait 16 jeux sur 2 claviers et pédale (probablement de 25 notes). [ARoethinger]
Il y eut une réparation (peut-être même plusieurs) par Edmond-Alexandre Roethinger en 1923. L'instrument disposait alors de 18 jeux. [IHOA] [ITOA] [PMSSTIEHR] [Barth]
Historique
En 1959, l'orgue, tout juste centenaire, fut reconstruit par Max et André Roethinger. [IHOA] [ITOA]
Le 09/12/1957, une lettre signée E.A. Roethinger (qui avait pris sa retraite en 1943 et était décédé en 1953...), destinée à l'abbé Fries, aumônier de l'hôpital civil, accompagne un devis portant sur la réparation de la console, et prévenant que d'autres travaux seront probablement à engager. Au verso de cette lettre dactylographiée, se trouve la composition manuscrite suivante, désignée comme "actuelle" (1957) : [ARoethinger]
Accouplements et tirasses n'y figurent pas mais sont évoqués dans le devis. Le Cornet (complet, donc plutôt une Mixture-tierce) est appelé "Grand jeu", une habitude qu'avait Heinrich Koulen, qui fut le "maître" de Roethinger dans sa jeunesse, et qui avait travaillé sur cet orgue en 1881. On constate qu'il y avait une Clarinette (au récit), ainsi que deux Gambes qui ont depuis disparu : un Salicional au grand-orgue et un Violoncelle de pédale.
Au dos du devis, une nouvelle composition manuscrite correspond à l'évidence à un projet de transformation dans le sens "néo-classique" : [ARoethinger]
Dès le 17/12/1957, dans un autre courrier, la "2ème tranche" est évoquée, ainsi que la visite de Mr Kastner, qui doit placer les éléments de console réparés, et examiner le reste. Le 06/01/1958, le rapport de cet examen propose d'électrifier la transmission (en conservant la console qui venait d'être refaite) : [ARoethinger]
"Cet orgue été construit par la Maison Dalstein et Haerpfer, Boulay d'après le système tubulaire (syst. à décharge). Le fonctionnement donnait dès le début peu de satisfaction et les nombreuses interventions de différents facteurs d'orgues entre 1938 et 1957 en sont la meilleure preuve. Depuis plusieurs années on a cessé tout entretien et il va de soi que l'état général de l'instrument ne s'est pas amélioré par ce fait."
"Un examen de l'orgue a révélé que surtout l'appareil d'accouplement ne fonctionnait plus et nous avons essayé d'y remédier en remplaçant les petits soufflets défectueux. Malgré tous les soins nos efforts n'ont pas donné un résultat satisfaisant. Les relais des sommiers sont également en mauvais état et les sommiers sont fendus."
"Pour obtenir un bon résultat nous déconseillons le remplacement des appareils tubulaires puisqu'aucun facteur d'orgue l'applique encore actuellement. Nous proposons plutôt de remplacer tous les appareils pneumatiques par des appareils électriques pour que cet orgue soit de nouveau dans un parfait état de marche et surtout pour que ces réparations continuelles cessent."
La suite propose un relevage complet, mais, curieusement, aucune modification de composition. [ARoethinger]
Avec le recul, ces explications sont révélatrices de l'état d'esprit dans lequel se trouvait la facture d'orgues à la fin des années 50. La "meilleure preuve" que la transmission pneumatique est mauvaise se trouve dans les "nombreuses interventions" entre 1938 et 1957. Mais en même temps, on apprend que "depuis plusieurs années on a cessé tout entretien". Si on ajoute que la seconde Guerrre mondiale n'a probablement pas été très propice à l'entretien des orgues, ces interventions devaient se situer entre 1945 et 1950. A ce compte là, n'importe quel instrument ayant nécesité 2 ou 3 réparations après la guerre aurait pu être déclaré à remplacer... La "preuve" est donc plus que douteuse.
Enfin, l'argument avancé pour passer à l'électrique et tout simplement que les facteurs ne savent plus entretenir une transmission pneumatique... Autrement dit, le client doit payer l'incompétence du fournisseur. Cela ne manque pas de sel, quand on sait que les transmissions électriques de l'époque s'avérèrent finalement moins fiables que les pneumatiques des années 20.
Il faut aussi souligner que dans les années 50, on était tellement fier des tractions électriques qu'on les accompagnait généralement d'un voltmètre disposé à la console. L'accessoire - bien sûr totalement inutile pour l'organiste - était destiné à signaler la présence d'une transmission "moderne".
Le 06/12/1958, ce rapport est repris en grande partie dans une lettre jointe à deux devis. Car cette fois, "Il serait souhaitable de profiter de cette occasion pour changer la composition de l'instrument qui ne correspond plus aux exigences d'un orgue moderne." Le premier devis porte sur l'électrification de la transmission et, curieusement, le remplacement du pédalier pour un modèle de 30 notes (alors qu'il n'y a que 27 notes au sommiers), et du coup un nouveau banc. Le second porte sur des changements de composition :
- le Salicional doit être remplacé une Doublette en spotted (pour 38.400 Frs !)
- le "Grand jeu" par un Plein-jeu 3 rgs en étain
- la Clarinette par une Cymbale 3 rgs en étain (162 tuyaux, 2/3')
- le Violoncelle transformé en "Choralbasse".
La commande "1000/6" reprend la composition de 1957, en "recoupant" le Violoncelle de pédale pour en faire un 4' :
Cette fois, l'étendue de la pédale est précisée, ainsi que les accessoires, mais sans les accouplements à l'octave. Les deux accouplements à l'octave n'apparaissent pas dans le plan de gravure des dominos et plaquettes. La commande fut complétée (comme en atteste des modifications manuscrites) par le remplacement du Salicional par une Doublette, celui de la Clarinette par une Cymbale. La modification est signée par Kastner, et l'augmentation du prix semble se limiter à celui de deux jeux : les accouplements en 16' et 4' ont donc probablement été un "geste commercial". Ceci conduisit à la composition actuelle. Le "Grand-jeu" fut donc sauvé, mais pas la Clarinette. [ARoethinger]
Après plusieurs années d'abandon, dues à l'installation d'un ersatz électronique - qui eut les conséquences habituelles - l'orgue a été relevé en 2015, par un apprenti de dernière année en facture d’orgue, et l'abbé Jean-François Harthong. [AJFHarthong]
Car ici, on est "sorti" de l'électronique ! Ce fut une étape du renouveau que la chapelle Saint-Arbogast de l'hôpital connaît depuis quelques années. Dans une précédente version de cette page (08/2010), nous écrivions "L'orgue Stiehr/Roethinger est désormais muet, et sans doute définitivement." Qu'il est agréable de se tromper de cette façon !
Au cours de ce relevage, il apparut que la tuyauterie est d'excellente qualité, en majorité de Koulen (il ne reste a priori rien de le tuyauterie Stiehr). Le 2' du récit, de Koulen, est presque entièrement en bois. La Flûte 4' de la pédale est un réemploi de Roethinger provenant de Rossfeld, et n'est pas le Violoncelle recoupé (comme le laisse croire le devis). Les autres jeux récents sont de Roethinger. Le "Grand Jeu" du grand-orgue est une Mixtur-Cornet (avec Tierce), et probablement de Koulen aussi. Le moteur est celui de l'ancien orgue de Balbronn. L'opération n'est pas encore totalement terminée, et devrait encore se poursuivre en 2016. [AJFHarthong]
Le buffet
Le buffet provient de l'orgue Stiehr, 1859, dont le dessin à la plume est conservé dans les archives de la maison de Seltz. Ce dessin comporte toutefois des superstructures, qui n'ont pas été réalisées, ou ont été retirées. Avec son "tympan", ce buffet paraît être une déclinaison en néo-roman de celui (de style plus empire) construit pour Flexbourg (1840), et qui se trouve aujourd'hui à Friesenheim, Notre-Dame (Neunkirch). Les deux "tourelles" latérales, plates, sont flanquées de colonnettes, et l'élément central gémellé dispose ses plates-faces sur un petit soubassement (ce qui n'est le cas ni sur le dessin, ni pour l'ancien orgue de Flexbourg).
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante, latérale et à droite du buffet, tournée vers l'orgue et fermée par un couvercle basculant. Le meuble est visiblement antérieur à Roethinger (Dalstein-Haerpfer ?). Commande des jeux par dominos blancs, disposés au-dessus du second clavier. Claviers blancs. Bloc-claviers noir. Pédalier Roethinger de 30 notes, mais les sommiers s'arrêtent au Ré (d'). Double commande de l'accouplement à l'unisson et des tirasses (dominos et pédales-cuillers à accrocher). Ordre des pédales : "Tirasse I", "Tirasse II", "Copula II/I", puis la pédale basculante du crescendo "Crescendo général", puis l'expression du récit "Expression II", puis la pédale-cuiller de l'appel du Tutti. Voltmètre, placé à gauche des dominos, gradué jusqu'à 25 V, et indiquant 13 V en marche.
Plaque d'adresse en laiton, fond noir, vissée à droite des dominos disant :
Elle est complétée par une plaque blanche, vissée à droite des claviers, donnant la date de construction : "1959".
à membranes, entièrement diatoniques. Le récit est logé au fond, à même hauteur que le grand-orgue.
La tuyauterie est de belle qualité, et provient pour l'essentiel de Koulen, donc de la fin du 19ème. Doublette, Cymbale et Flûte 4' ont été placés par Roethinger en 1959.
On peut remarquer que le faux sommier de la Cymbale est en acajou... La maison Roethinger paraît avoir disposé d'un stock impressionnant de ce bois, qui fut utilisé même pour des éléments invisibles. En fait, certains avancent que Roethinger disposait d'une Pierre philosophale capable de transformer n'importe quelle essence de bois en acajou.
Noter la paroi qu'il a fallu glisser entre la Gambe et la Voix céleste (la seconde étant destinée, rappelons-le, à "battre" avec la première, grâce à un léger désaccord). Pour éviter les phénomènes de proximité, de nombreux facteurs disposent ces deux jeux sur des chapes assez éloignées, mais ce n'est pas le cas ici.
Webographie :
Sources et bibliographie :
Recherches historiques ; photo de 2005 ; pièces d'archives.
Photos du 11/02/2016.
Nouvelles du relevage.
Photos du 01/06/2006.
Photos d'avril 2006.
Avec le dessin du buffet originel.
Localisation :