Le papier à entête de Koulen installé à Oppenau.Heinrich Koulen (Waldfeucht, 23/06/1845 - Augsbourg 14/03/1919) était originaire d'Heinsberg en Allemagne ; son père Wilhelm (1801–1885) était facteur d'orgues. Après un passage à Aachen, il fut l'élève de Joseph Merklin à Paris. Il s'installa à Strasbourg en 1871.
Il commença par des séjours provisoires, s'installant au 35 Faubourg de Pierre à Strasbourg en 1873. [GSagot]
Après avoir construit, à partir de 1874, plusieurs instruments romantiques à traction mécanique (la plupart de taille assez limitée), il passa à la transmission pneumatique dès 1885, et en fut donc l'un des pionniers. Même après de premières réalisations en pneumatique, il continua à réaliser des orgues à sommiers mécaniques, soit à gravures, soit à cônes.
Les systèmes de transmission étaient au centre des préoccupations techniques de l'époque. Il y avait des tâtonnements. Elève de Merklin, Koulen aurait probablement préféré l'électricité. En 1887, Koulen acheta la licence Schmoele-Mols (électro-pneumatique - Merklin en avait acquis la licence exclusive pour la France en 1884). Mais la faiblesse des électro-aimants et l'indisponibilité de "secteur" (donc la nécessité d'utiliser et de charger des accumulateurs) rendait cette technique difficile à mettre en pratique. Les systèmes pneumatiques, eux, nécessitent des réglages fins (que bien peu de facteurs savaient faire), et, encore à leur balbutiements, ils étaient très fragiles. Cela finit par causer beaucoup de tort à Koulen : beaucoup se souviennent aujourd'hui des défauts de ses transmissions, mais bien peu de ses qualités d'harmoniste.
Il semble que le premier travail de Koulen en Alsace soit la réparation de l'orgue Claude-Ignace Callinet, 1853, d'Artzenheim en 1872 (cet instrument a été détruit en 1945).
1874 : Westhoffen (région de Wasselonne), Eglise protestante
1875 : Mackenheim (région de Marckolsheim), St-Etienne
Heinrich Koulen plaça une soufflerie à Bischoffsheim en 1876, et fit à cette occasion un relevage et une légère modification de la composition du grand Stiehr.
1878 : Ostwald (région d'Illkirch-Graffenstaden), St-Oswald
1878 : Kunheim (région d'Andolsheim), Eglise protestante
1889 : Neuf-Brisach, Eglise protestante
1878 : Mittelwihr (région de Kaysersberg), Eglise protestante
1879 : Melsheim (région de Hochfelden), Eglise protestante St-Georges
1879 : Saales, St-Barthélemy Tribune
1880 : Andlau (région de Barr), Sts-Pierre-et-Paul Tribune
vers 1881 : Strasbourg, Chapelle protestante de l'hôpital civil
A partir de 1881, Koulen eut accès aux tribunes les plus prestigieuses, puisqu'il ajouta un récit expressif à l'orgue André Silbermann, 1728, de Strasbourg, St-Guillaume. Au milieu de l'année 1881 vint le rejoindre un apprenti qui allait se faire un grand nom dans la facture d'orgues : Edmond-Alexandre Roethinger. Ce dernier a donc pu participer aux travaux Koulen entre cette date et début 1886.
1881 : Matzenheim (région de Benfeld), Collège St-Joseph
1882 : Duttlenheim (région de Molsheim), St-Louis
1883 : Erstein, Eglise protestante
1883 : Strasbourg, St-Pierre-le-Vieux cath.
1884 : Altkirch, Temple réformé
1884 : Guebwiller, Eglise protestante
1883 : Bourgheim (région d'Obernai), St-Arbogast
En 1883, Koulen transforma malheureusement l'orgue Silbermann de Balbronn, et, en 1884 l'orgue Silbermann/Geib de Strasbourg, St-Nicolas pour en faire un 3 claviers de 32 jeux. Il répara (travaux de soufflerie) et transforma légèrement l'orgue Stieffell de Reichshoffen.
En 1885, Koulen s'installa au 18 Faubourg de Saverne à Strasbourg. [GSagot]
En 1885, il y eut aussi deux projets (sans suite) : l'un pour réparer l'orgue (des frères Wetzel) de Saessolsheim (c'est Emile Wetzel qui eut le marché), l'autre pour un orgue neuf à Crastatt (et là, c'est une autre étoile montante de l'orgue alsacien qui emporta l'affaire : Franz Xaver Kriess, mais seulement en 1891. Martin Rinckenbach était aussi en lice. Kriess l'emporta parce qu'il était le moins cher (sur le devis)... mais son orgue finit par coûter plus cher que le projet Rinckenbach). En 1885, Koulen répara ausi l'orgue d'Eywiller (notons que ce peut aussi être l'orgue de l'église catholique du lieu). [GSagot]
1885 : Zinswiller (région de Niederbronn-les-Bains), Eglise protestante
La construction d'un orgue à transmission pneumatique pour cette petite commune eut un énorme retentissement sur la facture d'orgues en Alsace et en Allemagne : il attira l'attention de Weigle de Stuttgart, qui vint visiter les ateliers de Koulen, étudier son système pneumatique... pour vraisemblablement le plagier un peu plus tard. Koulen lui intenta un procès, mais sans succès.
1887 : Fessenheim-le-Bas (région de Truchtersheim), St-Martin
1888 : Neudorf (région de Strasbourg), St-Aloyse
1888 : Lampertheim (région de Mundolsheim), St-Arbogast
1888 : Neuwiller-lès-Saverne (région de Bouxwiller), Sts-Pierre-et-Paul
1889 : Strasbourg, Temple maçonnique Frédéric Piton
1890 : Strasbourg, Ancien conservatoire Salle de concert
1890 : Bischholtz (région de Bouxwiller), Eglise protestante
1891 : Ensisheim, Chapelle catholique de la maison d'arrêt
1891 : Dauendorf (région de Haguenau), St-Cyriaque
1891 : Strasbourg, Clinique Ste-Barbe
En 1891, il y eut aussi un projet pour rénover l'orgue de Masevaux. [GSagot]
1892 : Buhl (région de Guebwiller), St-Jean-Baptiste
1893 : Preuschdorf (région de Woerth), St-Adèlphe
1893 : Bosselshausen (région de Bouxwiller), Eglise protestante
1893 : Lichtenberg (région de la Petite-Pierre), Eglise protestante
De 1893 datent les deux orgues Koulen de Prague : celui de St-Gabriel et celui d'Emmaüs. [GSagot]
Outre Sigismond Roethinger, le père d'Edmond-Alexandre, on connaît le nom d'autres collaborateurs de Koulen en Alsace : Ernst Ludwig Lohse (1850-1932) (employé jusqu'en 1881), Nikolaus Pauly (avant 1892) et surtout Johannes Klais (1852-1925), fondateur de la célèbre maison de Bonn (en 1882) ; Klais avait rejoint Koulen juste après 1874. [GSagot]
Koulen quitta progressivement l'Alsace pour installer ses ateliers à Oppenau, mais quelques instruments étaient encore à poser.
1894 : Masevaux, Eglise protestante
1894 : Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune cath.
1894 : Strasbourg, Ste-Madeleine
1895 : Rothbach (région de Niederbronn-les-Bains), Eglise protestante
1896 : Drulingen, Eglise protestante
Revenant à Strasbourg pour gérer le chantier de la cathédrale (l'affaire commença dès 1891), il emménagea au 5 de la rue des Veaux. [GSagot]
1897 : Strasbourg, Cathédrale Notre-Dame Nef
Koulen vendit alors ses ateliers de Strasbourg et partit définitivement pour Oppenau, puis Augsbourg (1903), où il fit une brillante seconde carrière, et transmit son entreprise à son fils Max en 1910. C'est donc en Allemagne que Koulen plaça plus de la majorité de ses 200 orgues, dont Augsbourg, Sts-Ulrich-et-Afre (V/73) en 1903, Landshut, St-Martin (III/70) en 1914, basilique d'Altötting (III/61) en 1915.
Heinrich Koulen s'est éteint le 14/03/1919 à Augsbourg.
L'entreprise continua jusqu'en 1922, lorsque Max la fusionna avec Welte-Mignon, de Freiburg (et là l'histoire de cette société rejoint la légende des orgues de transaltantiques !). Si les orgues Koulen entre 1885 et 1897 souffraient probablement de problèmes de transmission, ils furent par la suite surtout un symbole culturel de l'Alsace annexée, et de la perte de l'orgue Silbermann de la cathédrale de Strasbourg (perte un peu vite imputée à Koulen, car le fait déterminant était que la Réquisition des tuyaux métalliques par les autorités allemandes en 1917 concerna l'ensemble des tuyaux de l'orgue Silbermann (sauf la façade, exactement le contraire que dans la majorité des cas), car celui-ci était démonté en 1917 ; Koulen avait quitté l'Alsace depuis 22 ans !).
Les orgues Koulen d'Alsace, originaux donc atypiques, devinrent vite difficile à entretenir en l'absence de leur créateur. Ils devinrent impopulaires, puis injouables, faisant les affaires de Roethinger et des autres qui y trouvèrent quelques jolis marchés. Et pourtant, la partie sonore devait être d'une grande qualité musicale : les instruments neufs de Koulen étaient très appréciés, et il était un harmoniste de grand talent, surtout en ce qui concerne les Jeux de détail.
En 2010 a été restauré l'orgue de Lampertheim, confirmant que celui qui était resté (avec Georges Wegmann, ironiquement aussi en raison d'une intervention à la Cathédrale de Strasbourg) le mal-aimé des historiens de l'orgue d'Alsace au 20ème siècle était effectivement un "grand" facteur. Ce qui fut à nouveau confirmé en 2015, à Buhl (1892, 27 Jeux).
Enfin, il faut souligner que Koulen a appris le métier, entre 1881 et 1889 à un facteur déterminant dans l'orgue alsacien : Edmond-Alexandre Roethinger (1866-1953). Au début, l'élève connut, comme le "maître", pas mal de déboires avec les transmissions pneumatiques. Mais en 1914 à Erstein, Roethinger, l'élève de Koulen, devint le porte-drapeau de la Réforme alsacienne de l'orgue. Pratiquement tous les facteurs d'orgues alsaciens du 20 ème siècle ont été formés chez Roethinger (Georges Schwenkedel, Ernest Muhleisen, Jean-Georges Koenig, Alfred Kern) ou par ceux qui y ont travaillé. Ils sont donc tous, quelque part, des héritiers de Koulen.
Article de Christian Lutz à l'occasion de la restauration de l'orgue Koulen de Lamperheim
Recherches de Guy Sagot sur Roethinger
Recherches documentaires ; lettres de Guy Sagot