L'église St-André d'Eichhoffen date de 1865, et avec celle-ci, la paroisse acquit définitivement - non sans mal - son indépendance par rapport d'Andlau. Cet édifice abrite un instrument d'exception : l'opus 50 de Martin Rinckenbach, issu de la belle époque de la facture romantique ; a part une intervention malheureuse en 1968 (qu'il serait vraiment nécessaire de corriger), il a été remarquablement bien conservé.
Historique
Eichhoffen s'est séparée d'Andlau à la Révolution, et sa paroisse a été fondée en 1852. C'est l'église d'Andlau, St-André (église du cimetière) qui était alors en usage. L'orgue qui y avait été construit par Jacque Besançon en 1770 fut installé à Eichhoffen dès la fin 1866. [IHOA] [BHeck]
Cet instrument avait en effet été construit en 1770 (et non en 1768 comme le pensait Jean-André Silbermann, qui tenait l'information du Schafner Rieffel). En 1892, il était en mauvais état ("in schlechtem Zustand"). [ArchSilb] [PMSAEA83] [Barth]
C'est Aloïse Lorentz qui procéda au déménagement du petit orgue Besançon à St-Nicolas de Harskirchen en 1896. [PMSDBO1971]
Historique
L'opus 50 de Martin Rinckenbach, fut inauguré le 13/09/1896. [LR1907] [IHOA] [ITOA] [PMSDBO1971] [BHeck]
Avec ses 19 jeux, cet orgue romantique est exceptionnel pour une aussi petite paroisse (même selon les standards alsaciens). L'explication se trouve dans le fait que, de février 1894 à novembre 1895, le curé Charles Hamm a été en poste à Eichhoffen. Il s'agissait du directeur de la revue "Caecilia" : un expert en musique religieuse, qui prit d'ailleurs par la suite la direction du choeur de la cathédrale. A son arrivée, le curé Hamm ne pouvait donc pas se satisfaire d'un petit orgue de l'ancien régime. Il fit jouer ses relations et le poids de la revue Caecilia, dans laquelle il lança un appel à une grande souscription pour doter Eichhoffen de l'orgue dont il rêvait. Grâce à cela, ainsi qu'une subvention conséquente, la commune pouvait apporter le solde. [PMSDBO1971] [BHeck]
C'est une variante de la configuration à 20 jeux que l'ont trouve à Koetzingue et qui est détaillée sur la page sur Martin Rinckenbach : l'absence de Trompette 8' de pédale la ramène à 19 jeux, et on a un peu "solennisé" l'ensemble en remplaçant le 2'2/3 et le Piccolo harmonique du grand-orgue par un Dolce, et une Flûte harmonique 8' au récit. Cette Flûte harmonique du récit est en effet jugée très importante dans les compositions de l'époque, puisqu'elle se retrouve souvent dans les orgues Rinckenbach de taille légèrement supérieure. C'était en quelque sorte la "signature" de l'orgue d'Eichhoffen que d'en disposer dès 19 jeux. L'instrument est directement issu d'une lignée initiée à Hoenheim, avec quelques modifications demandées par le répertoire récent, dont les grands claviers de 56 notes.
L'orgue fut inauguré par Marie Joseph Erb, après le départ de Charles Hamm, que remplaçait par le curé Nicolas Lessle. Ce dernier vendit l'orgue Besançon à Harskirchen (pour 6% du prix de l'orgue neuf). [BHeck]
Les archives portent la mention manuscrite suivante, relatant la réception de 1896 :"13. September 1896 : Einweihung der neuen Orgel. Über die Einweihung der neuen Orgel bringt die "Caecilia", Organ des Cäcilienvereins der Diozese Strassburg, Redakteur H.Pfarrer Ch. Hamm, früher Pfarrer in Eichhoffen, nachstehenden Artikel: "Eine neue Orgel wurde in der Pfarrkirche von Eichhoffen am Sonntag, den 13. September d.J. feierlich eingeweiht. Dieselbe verdankt ihr Entstehen dem damaligen Pfarrer (H.Hamm) 4000 M aus dem allerhöchsten Dispositionsfonds S.D. des Fürsten Statthalters bewilligte, sodann den zahlreichen Freunden der Cäcilia, an deren Spitze der Hochwürdigste Herr Bischof von Strassburg, welche durch reichliche Einzeichnungen sich die Pfarrei Eichhoffen zu besondem Danke verpflichtet, schliesslich den freiwilligen Spenden der Pfarrei eingesessenen und dem Beitrag von 1000 M seitens der Gemeindeverwaltung. Die Weihe vollzog der Hochw. Herr Generalvikar Hilsz, der auch das Hochamt celebrierte. Die Gelegenheits predigt hielt der Redakteur dieses Blattes, (H. Hamm) ausführend was der katholische Christ von der Orgel zu halten hat, und was er von der Orgel lernen kann. Herr Organist und Musikprofessor M.J.Erb gab durch sein meisterhaftes Spiel beredtes Zeugnis von der vielseitigen Verwendbarkeit der neuen Orgel."
"Das Werk, von Orgelbaumeister M. Rinckenbach aus Ammerschweier herstellt, zählt neunzehn klingende Stimmen auf zwei Manuale von je 56 Noten, und einen Pedale von 27 tasten verteilt wie folgt : 1. Manual: 1. Principal 8' 2. Prestant 4' 3. Bourdon 16' 4. Bourdon 8' 5. Gamba 8' 6. Dolce 8' 7. Mixtur 2 2/3 8. Trompette 8' 9. Flaute amabile 4'. 2. Manual in einem Schwellkasten: 10. Salicional 8' 11. Lieblich Gedeckt 8' 12. Traversflöte 4' 13. Voix céleste 8' 14. Flûte harmonique 8' 15. Hautbois-Basson 8" Pedal: 16. Flöte 8' 17. Bourdon 16' 18. Violoncelle 8' 19. Bassposaune 16' Koppelzüge: 1. des II Manuals an das I. 2. des I. Manuals an das Pedal 3.des II. Manuals an das Pedal Ist das Gehäuse auch etwas bescheiden ausgefallen, so ist dafür die Konstruktion aller Bestandteile des Werkes eine ebenso elegante als solide. Die Stimmen sind gut intoniert und sowohl im Solo - als im Zusammenspiel von ausgezeichneter Wirkung; Das Gebläse aus zwei grossen Schöpfbälgen und einem mächtigen Magazinbalg, sowie aus einem kleinen Regulierbalg bestehend, liefert auch bei andauerndem Spiel ausreichenden Wind, ohne den Calcanten übermässig anzustrengen. So lautet im Auszug die von den Herrn Erb und Hamm verfasste Prüfungsurkunde." Die Orgel kostet 6500 M." [BHeck] [Eichhoffen1896]
En 1968, Chrétien Steinmetz fit une réparation, et remplaça malheureusement aussi les jeux suivants (les deux premiers ont heureusement été gardés au grenier) : [Steinmetz530] [Visite]
- la Gambe 8' du grand-orgue par une Doublette (la modification est aisément réversible car la Gambe est au grenier)
- la Flûte harmonique 8' du Récit par une Quinte 2'2/3 (quand il existait, Rinckenbach mettait ce jeu au grand-orgue ; cette Quinte est fort mal harmonisée) (idem : le jeu a été conservé)
- le Violoncelle 8' de pédale fut recoupé en Prestant (zone des bouches gravement modifiée).
- De plus, la Flûte 4' actuelle du récit, à cheminée, ne peut être la "Traversfloete" d'origine. Il semble qu'elle ait été déplacée au grand-orgue, où elle a remplacé la Flauto amabile, qui a bel et bien disparu (cela n'a pas été relevé par l'inventaire de 1986). La Mixture était en 2'2/3 à l'origine. La porcelaine actuelle dit " 2' " et le devis Steinmetz "1'1/3", et il y a donc fort à craindre que le plein-jeu ait aussi ait été modifié pour le "baroquiser". Cela commence à faire beaucoup...
Avec la façade, la Gambe, la Flûte harmonique, le Violoncelle, la Mixture et la Flauto amabile, ce ne sont pas 3 mais bien 6 jeux qui ne sont pas d'origine.
Et c'est malheureusement au "coeur" même de la registration romantique que cette absurde transformation frappa. Les jeux "baroques" ont d'ailleurs été ajoutés sans aucun souci de s'intégrer au reste, et constituent une "verrue sonore" complètement ratée. Un peu comme du Ketchup sur un dessert raffiné. Il ne faut absolument pas tirer ces jeux, même dans le "tutti", leur adjonction ruinant complètement à la belle couleur romantique d'origine.
L'instrument a été révisé en 1993, mais malheureusement rien n'a été fait pour lui rendre ses jeux d'origine. [BHeck] [Steinmetz530]
Il faut vraiment espérer que rapidement, les deux jeux conservés au grenier soient remis en place, que le pauvre Violoncelle de pédale soit restauré, tout comme l'irremplaçable Flûte traverse doit retrouver sa place au récit. Et une étude approfondie devrait être menée sur le Plein-jeu.
Le buffet
Ce grand buffet, en chêne, est à 9 plates-faces, dont 5 font office de tourelles, terminées en arc dans la partie supérieure. Les tourelles latérales abritent la pédale et sont donc (un peu) les héritières des trompes de pédales des instruments lorrains du milieu du 19 ème siècle. Façade en étain.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de registres de section ronde à pommeaux tournés et porcelaines, disposés en gradins de part et d'autre des claviers. Les jeux du grand-orgue sont repérés par des caractères noirs, ceux du récit étant en rouge, et ceux de la pédale en bleu. Commande de l'expression du récit à deux positions, par pédale à accrocher (pas de pédale basculante). Les pédales sont repérées par des porcelaines fixées en relief sur des sortes de champignons.
Plaque d'adresse du type "Ammerschwihr ondulant" (entre les deux lignes), caractères incrustés en laiton. Il y a un point à la fois après "Ammerschweier" et "Ober Elsass".
Mécanique à équerres. La transmission du récit passe derrière le grand-orgue au centre du buffet.
La tuyauterie est comme toujours d'excellente facture : étain, sapin. Les entailles de timbre en forme de trou de serrure et les belles dents régulières sur les biseaux sont caractéristiques de Martin Rinckenbach.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Bernard Heck.
L'histoire de l'orgue Martin Rinckenbach d'Eichhoffen.
"Eichhofen 19"
Compte-rendu de la réception de l'orgue, en 1896.
Devis Steinmetz numéro 530.
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