Au sujet de Gildwiller, il faut malheureusement évoquer une des pages les plus tristes de l'orgue alsacien, évidemment survenue au cœur de la "période noire" (1970-1990), où tant de magnifiques instruments romantiques et post-romantiques ont été sacrifiés sur l'autel du "tout néo-baroque". Ici, c'est un orgue Martin et Joseph Rinckenbach de 1906 qui fit les frais des modes, des clichés délétères, et surtout de la méconnaissance de notre patrimoine. Revenons sur cette histoire triste, surtout pour éviter que cela ne se reproduise ailleurs.
Historique
Un premier orgue est attesté à Gildwiller dès 1825, car on connaît le nom de son organiste : Augustin Wahl. [IHOA]
Historique
En 1906, Gildwiller reçut un orgue d'exception, puisqu'il s'agissait de l'opus 94 de Martin et Joseph Rinckenbach. [IHOA] [ITOA] [Barth]
L'instrument était doté de 16 jeux sur deux manuels et pédale (17 registres), mais surtout des deux accouplements à l'octave, magnifiant le récit et multipliant les possibilités expressives. La composition était la suivante :
Cet orgue était pratiquement contemporain de ceux de Kogenheim, Murbach ou Waldighoffen. C'est donc là-bas qu'il faut aller pour se faire une idée de ce qu'a été l'orgue de Gildwiller. Ces instruments - et plus largement les orgues Rinckenbach de la Belle époque qui ont été conservés - témoignent du niveau atteint par la facture d'orgues à cette période. Ils constituent un style alsacien spécifique, faisant preuve d'une grande virtuosité technique, et d'une totale adéquation avec les aspirations musicales des collectivités. La perte de l'orgue de Gildwiller a été extrêmement préjudiciable au patrimoine alsacien.
Car l'instrument était représentatif de ce style : un grand-orgue fondé sur 16', réunissant le "carré d'or" des fonds de 8' romantiques : un Principal, une Flûte, un Bourdon et une Gambe. Un Principal 4' et une Mixture graves (2'2/3, probablement munie d'un rang de tierce) complètent un premier clavier concentré sur l'essentiel.
Comme souvent, le récit permet d'exprimer les spécificités. On y note la grande Flûte harmonique 8' (un jeu "haut de gamme" s'il en est), et son homologue en 4'. La plutôt parisienne Voix céleste est idéalement adossée à la germanique Aeoline. Un indispensable Bourdon 8' et un très alsacien Gemshorn 8' contribuent au riche fond d'orgue. Le tout est complété par une Trompette de récit, d'inspiration romantique française.
La pédale fournit un 16' (que l'on peut exprimer avec deux registres différents pour en ajuster l'intensité), pas de Flûte 8' (inutile, vu qu'au moins une tirasse est systématique) et le très alsacien Violoncelle 8', qui tient le rôle d' "anche douce".
On trouvera sur la page consacrée aux compositions des orgues Martin et Joseph Rinckenbach de 1899 à 1917 plus de détails sur ces évolutions.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [PMSRHW]
A l'exception de ces tuyaux de façade, l'orgue Rinckenbach était entièrement authentique en 1981, juste avant sa destruction ! [ITOA]
Le buffet
Le buffet est une version un peu simplifiée de celui de Kogenheim (1905). (Sans jouées et ornements de ceinture.)
Historique
En 1981, Christian Guerrier remplaça l'orgue Martin et Joseph Rinckenbach par un instrument "mécanique" de l'inévitable style "néo-baroque". La console fut retournée vers l'orgue (alors qu'elle était tournée vers la nef avant cela). [IHOA]
On notera qu'à l'exception de quelques détails, TOUTES les belles idées directrices du style alsacien évoquées plus haut ont été scrupuleusement éliminées en 1981 !
Le buffet
Le beau buffet néo-classique de 1906 a survécu à la tragédie de 1981, mais n'a absolument rien à voir avec l'esthétique de la partie instrumentale qu'il abrite depuis.
En fait, au lieu de contribuer au patrimoine, cet orgue tragiquement altéré nuit à l'interprétation que l'on peut en avoir. Un "Jeu de tierce" classique français sortant d'un buffet pareil est un total contre-sens.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante accolée, dos à la nef.
Mécanique à balanciers et équerres. (Même pas suspendue : c'était bien la peine !...)
Sources et bibliographie :
Dans l'inventaire "historique", on trouve uniquement la composition de l'instrument... de 1981 !
Localisation :