Il y avait déjà un orgue à Murbach avant 1652, le passé "organistique" de l'édifice est donc particulièrement riche, et remonte au temps de l'abbaye. Mais c'est bien la paroisse qui se dota, en 1906, d'un orgue d'exception, construit par Martin et Joseph Rinckenbach, dont ce fut l'opus 91. Longtemps resté muet en raison de travaux à l'édifice durant lesquels il avait été mal protégé, cet instrument a bénéficié d'un relevage complet en 2013, par Hubert Brayé, et a retrouvé les magnifiques couleurs dont la maison d'Ammerschwihr dotait ses instruments.
Historique
C'est la présence d'un organiste qui permet de déduire qu'il y avait un orgue à Murbach dès 1652 : on était allé chercher Dietrich Bär, de Thann, pour jouer l'orgue et donner des leçons de musique. Il est resté à ce poste jusqu'en 1658. On ne sait rien de plus sur l'orgue. [IHOA] [Barth] [Vogeleis] [LEhret]
Historique
En 1691, c'est un bénédictin de Faverney, Antoine Geiger (Lure, vers 1640 - Luxeuil, 13/06/1711) qui reconstruisit l'orgue de Murbach. Après 1707, ce sont les organistes de Guebwiller, comme Jean Georges Maraché, qui assurèrent le service à l'abbaye, comme le rapporte Bernard de Ferrette. Il n'est pas exclu qu'il y ait eu deux orgues en même temps à Murbach. [IHOA] [Barth]
En 1738, suite à la suppression de la nef, l'orgue fut vraisemblablement installé dans le transept. On ne sait pas exactement où, ni qui fit les travaux, ni même s'il s'agissait de l'orgue de 1691 ou d'un instrument plus récent, construit depuis lors. [IHOA]
Un souffleur est encore rémunéré en 1791, et l'édifice devint église paroissiale de Murbach le 16/03/1820. En 1832, l'orgue a été réparé, et, en 1863, on sait que l'instrument était installé sur une petite tribune au fond du transept nord. [IHOA]
L'auteur des réparations de 1864 à 1869 s'appelait Boeswillwald. [IHOA]
Historique
En 1871, Jean Fickinger construisit un orgue neuf, "placé dans l'axe du choeur" (donc a priori à l'emplacement de l'orgue actuel). [IHOA]
C'est le curé Mellecker qui officiait alors à Murbach (jusqu'en 1873). Son sait aussi que le buffet était de style roman. [Barth]
L'instrument fut réparé en 1894 par Edmond-Alexandre Roethinger. [IHOA] [Barth]
Historique
C'est en 1906 que fut posé le grand orgue actuel, oeuvre de Martin et Joseph Rinckenbach, doté de 20 jeux, et placé dans un buffet de la maison Boehm. [IHOA] [Barth]
En ayant peut-être gardé à l'esprit le choix un peu atypique de 1871, on décida cette fois de s'adresser aux meilleurs. Il s'agit de l'opus 91 (comme l'indique la plaque d'adresse), de la maison d'Ammerschwihr. Un instrument directement issu d'une grande tradition d'instruments romantiques, à l'apogée du style parfois qualifié de "post-romantique" ou "symphonique". Ce dernier mot fait référence aux couleurs "orchestrales" de sa registration, et à la dynamique (en volume sonore) qu'il est capable de produire.
L'orgue a été reçu le 06/05/1906 par Henri Wiltberger (Colmar, école normale ; le compositeur de "Mein Elsass"). [Barth]
Les orgues Rinckenbach, selon les opus, présentent un degré variable de composantes romantiques "françaises" ou "allemandes". Cet instrument est plutôt influencé par la facture d'outre-Rhin, avec sa très "Walckerienne" Aeoline (Gambe douce du récit, servant à "adosser" la Voix céleste et permettant de doser très finement le crescendo de ce clavier). La Trompette est placée au grand-orgue, et pas au récit, là où l'orgue romantique français la préférait. Cette tendance se retrouve même dans l'ergonomie de la console : il n'y a pratiquement pas de commandes "à pied" (seulement la boîte expressive). Par contre, le rôle des Flûtes renforçant les aigus est plus apparenté au romantisme français.
Logé dans un somptueux buffet fourni par la maison Boehm de Mulhouse, dans un style en parfaite harmonie avec l'édifice roman, l'opus 91 a tout naturellement trouvé sa place au même emplacement que l'instrument précédent, sur une tribune reconstruite ou re-sculptée également par la maison Boehm. A cet endroit, il bénéficiait d'une configuration acoustique idéale pour l'édifice, qui est très élevé mais au volume relativement réduit. L'harmonisation se devait donc d'être spécifique.
L'espace disponible en profondeur est très limité : le soubassement a moins d'un mètre de profond, et tout le reste se trouve en encorbellement. Par contre, en largeur, il a été possible de déployer l'instrument sur trois grandes tourelles plates et quatre plates-faces. En hauteur également, la place n'est pas comptée, et il a été possible d'étager les plans sonores. [Visite]
La console était à l'origine indépendante mais frontale (face ou dos à la nef, ce n'est pas établi) et placée au centre de la tribune, juste derrière les griffons et les armoiries. [Visite]
L'instrument est contemporain de quelques uns des orgues les plus marquants du paysage alsacien : Kogenheim (1905), Le Hohwald (1905), Waldighoffen (1907 ; qui a malheureusement perdu son Aeoline en 1983). Mais il ne faut pas oublier que bon nombre de ses successeurs ont été victimes des mutilations de la triste époque "néo-baroque" (fin du 20ème siècle) : Gildwiller (1906, démoli en 1981), Zillisheim (1906, fortement altéré en 1955), Allenwiller (1906, altéré en 1972 et "envoyé à la chaudière" en... 2001), et bien sûr le regretté "Opus 100" de couvent de la Providence à Ribeauvillé, qui avait fait l'objet de tous les soins et de toutes les attentions de la maison d'Ammerschwihr en 1907 comme "orgue de Jubilé", et qui fut complètement défiguré en 1966.
Les orgues d'Ammerschwihr "d'avant guerre" pouvant être qualifiés d'authentiques sont donc plutôt rares, ce qui fait de l'orgue de Murbach un témoin particulièrement précieux.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en avril 1917. [IHOA]
C'est vers 1920 que la console a été déplacée (probablement à l'occasion du remplacement des tuyaux de façade, et pour permettre à la chorale de se regrouper d'un côté). De centrale, elle est devenue latérale (et a donc été tournée d'un quart de tour). Evidemment, cela n'a pas été sans conséquences sur la transmission (tubulures allongées), et cela peut expliquer les désagréments que connut l'orgue à partir des années 1960. [Visite]
En 1980, au cours de travaux à l'édifice, l'instrument a été mal protégé, et fut victime de la poussière et d'infiltrations d'eau. Pire : du béton s'est introduit à l'intérieur de certains tuyaux... Après cela, évidemment, l'orgue est devenu injouable. [Visite]
En 2013, l'instrument a été relevé par Hubert Brayé, de Mortzwiller. L'opération a été rendue possible grâce à un legs. Le démontage a eu lieu en mai-juin 2012. L'orgue a été inauguré le 01/09/2013. [Visite] [MFreyburger]
Le buffet
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante latérale, placée à gauche de la tribune et regardant vers son centre, fermée par un rideau coulissant. Comme elle occupe toute la largeur de la tribune, on y accède en entrant dans le soubassement du buffet, puis en ressortant par une seconde ouverture pratiquée au niveau du banc.
Tirage des jeux par dominos, placés en ligne au-dessus du second clavier. Noms des jeux figurant sur des porcelaines placées sur les dominos, à fond blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, et bleu pour la pédale. Claviers blancs, à joues légèrement galbées. Commande des combinaisons fixes par pistons blancs, placés sous le premier clavier, et repérés par de petites porcelaines rondes, disposées entre les deux claviers. Celle de l'annulateur (retour à la registration par dominos) est désignée par "0". Commande de l'expression par pédale basculante, située à droite de la console. Il n'y a pas d'autre commande à pied : les accouplements et tirasses se font uniquement par dominos, et il n'y a pas de trémolo.
En 1986, le nom des jeux était inscrit en allemand, et leur provenance est incertaine (1920 ?) : les dominos de tirage de jeux étaient étrangers à l'esthétique de Rinckenbach dans ces années là. Or, on peut déduire des porcelaines conservées pour les combinaisons fixes que le style original était bien l'habituel, à fond blanc et liseré doré, que l'on retrouve sur la console de Sentheim (1909 et entièrement authentique). Celle-ci a servi de modèle pour restituer les dominos de Murbach. Cela qui explique l'appellation "Plein Jeu 2 2/3" reprise pour Murbach, comme l'ensemble des noms des jeux. les accouplements n'étant commandés que par dominos, un fond blanc (au lieu de bicolore) a été choisi. [ESchweinberg]
La correspondance (incluant l'ordre des dominos) est la suivante :
II/I 16' [Entièrement blanche]
II/I [Entièrement blanche]
II/Ped. [Entièrement blanche]
I/Ped. [Entièrement blanche]
Trompette 8' (inchangé)
Plein Jeu 2'2/3 : Mixtur 2 2/3
Flûte harmonique 8' : Traversfloete 8
Bourdon 8': Gedackt 8
Dolce 8' (inchangé)
Bourdon 16' (inchangé)
Viole de Gambe 8' : Gambe 8
Montre 8' : Principal 8
Prestant 4' : Octave 4
Aeoline 8' (inchangé)
Voix céleste 8' (inchangé)
Principal 8' : Geigenprincipal 8
Salicional 8' (inchangé)
Cor de nuit 8' : Floete 8
Flûte octaviante 4' : Floete 4
Basson Hautbois 8' (inchangé)
Soubasse 16' : Subbass 16
Violon 16' (inchangé)
Flûte 8' : Octavebass 8
Violoncelle 8' : Cello 8
Les montants étant tous galbés, la plaque d'adresse a été placée sur le plateau de la console, à plat (horizontalement), dans une position fort originale, contre le flanc gauche, occupant tout l'espace jusqu'à la joue du clavier. Elle est aussi d'un modèle peu courant, mais il y en a une du même style à Muttersholtz. Elle porte le numéro d'opus 91 (alors que certaines sources parlent d'opus 92), et omet la date de construction. Les lettres et le cadre sont en laiton incrusté dans un bois sombre, et disent :
Les points de "M.", "J." et "91.", ainsi que la barre du "i" et la barre "/" ont perdu leur laiton.
pneumatique tubulaire.
Deux sommiers pour le grand-orgue, chromatiques (sic), placés au niveau de la ceinture du buffet. Ils occupent toute la largeur du buffet, basses aux extrémités. Cette disposition (petits tuyaux au centre) permet de ne pas masquer le récit. Sur le sommier occupant la gauche du buffet se trouvent (d'avant en arrière) : Montre 8', Flûte harmonique 8', Bourdon 8', Principal 4', Mixture 3 rangs. Sur le sommier symétrique (idem) : Bourdon 16', Gambe, Dolce, Trompette.
Le récit est disposé au centre, environ 1,50 m plus haut que le grand-orgue, derrière la grande tourelle centrale.
La pédale est à l'arrière, disposée comme le grand-orgue (la passerelle séparant les deux), chromatique avec les basses aux extrémités. Les tuyaux le plus graves sont postés plus bas dans le soubassement. Le sommier de gauche porte la Gambe 8' (en avant) et la Soubasse (en arrière), tandis que celui de droite porte la Flûte 8' (en avant) et le Violoncelle 16' (à l'arrière, tout contre le mur du fond). En raison de l'absence de place en profondeur, une troisième chape ne pouvait pas être logée en profondeur, ce qui explique l'absence d'anche en 16'.
située de l'autre côté du mur, au même niveau que la tribune (donc très discrète). Le système de pompage à pied a été conservé.
Johann Friedrich Macrander (1661 - 1741)
Johann Friedrich Macrander, était fils de Maître Johannes Macrander et d'Anna Elisabeth (Schuler) Macrander de Garbenheim, Wetzlar, Rheinland, Prusse. Il est né le 18/12/1661 à Garbenheim et était connu comme facteur d'orgues, établi à Frankfurt am Main. Il mourut en 1741, mais on ne sait pas où, tout comme on ignore le nom de son épouse (Anna Catharina Macrander était peut-être sa fille). Il eut deux fils :
- Johan Jacob Macrander, né le 03/09/1703 à Frankfurt am Main. Il a fait des études à Giessen, et fut employé par l'église évangélique à Worms.
- Philipp Wilhelm Macrander, né en 1705 à Muehlen, Nassau. En 1739, il habitait Frankfurt am Main, et était connu comme facteur d'orgues.
(Données issues des archives de Wetzlar am Lann, Hessen, Allemagne.) [JMacrander]
Jean Fickinger
Jean Fickinger semble être originaire de Gildwiller, où il était probablement installé au début des les années 1860. Mais c'était probablement plutôt un "itinérant", ne disposant pas d'un atelier fixe. On l'avait vu effectuer une réparation à Bendorf et un démontage/remontage à Hochstatt en 1863, des travaux à Sondersdorf en 1865, puis à Geispitzen en 1869. Après la construction de l'orgue de Murbach, sa notoriété ne crut pas, loin s'en faut : on le retrouve faire un entretien à Lautenbach en 1873. A ce moment, il était déclaré comme installé à Dornach. Il semble avoir travaillé depuis Dornach entre 1868 et 1881. [PMSCALL]
Activités culturelles :
Sources et bibliographie :
Remerciements à Philippe Legin et Fernand Gsell, ainsi qu'à Eric Schweinberg
Remerciements à Jim Macrander (généalogie de Johann Friedrich Macrander).
Photos du 14/11/2015.
Style des dominos de la console. Remerciements à Hubert Brayé.
Pour Fickinger.
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