L'orgue Valentin Rinkenbach,
1827
Chronologie

Historique

Le premier orgue de Gunsbach a été construit en 1827 par Valentin Rinkenbach. [IHOA] [MHGunsbach65]

Le devis est daté du 14/07/1826. C'était un instrument doté de 12 jeux, mais de seulement un manuel et avec une pédale réduite à une seule octave :

Deux jeux ont été changés par Martin Rinckenbach en 1888 : un Salicional prit la place du Larigot et un Violoncelle 8' de pédale à la place de la Trompette. [IHOA]

La foudre frappa l'église le 26/04/1895, et l'orgue fut endommagé. [MHGunsbach65] [Barth]

Les dégâts furent tels que l'on demanda à Fritz Lochert, sacristain à Munster et un facteur d'orgues à ses heures, de démonter l'instrument, toujours en 1895. Mais, sûrement pris par un excès de zèle, Lochert ne se contenta pas de réparer et de remontrer, mais se lança dans des transformation : il ajouta une tirasse (alors que le pédalier n'avait que 13 notes...), supprima le Nasard et le Cornet et installa un Gemshorn 8', un Dolce 4', une Flûte à cheminée 4' et une Doublette (celle de Rinckenbach était vraisemblablement trop abîmée). Il supprima aussi un rang de la Fourniture, la laissant à 2 rangs. Comme il n'avait pas de tuyautier, Lochert alla se fournir chez Gustav Bier, à Giengen-an-der-Brenz pour les quatre jeux neufs. Une transformation d'une telle ampleur n'était probablement pas prévue, pas plus que la dépense n'était approuvée : Lochert mit 3 ans à se faire payer. [MHGunsbach65]

On retrouve ce sacristain / facteur amateur effectuant quelques travaux à Soultzeren et Muhlbach-sur-Munster. [MHGunsbach65]

L'orgue Frédéric Haerpfer,
1931
Chronologie

Historique

En 1931, Frédéric Haerpfer reconstruisit l'instrument en le complétant à 2 manuels et avec une vraie pédale. [IHOA]

Albert Schweitzer s'impliqua évidemment dans l'opération. Il s'agissait tout d'abord de remettre l'orgue en état. Mais aussi de lui donner une configuration compatible avec son utilisation liturgique : deux manuels, et une pédale pleinement utilisable (30 notes). Pour le reste, il était prévu de conserver un maximum de matériel sonore existant. Le projet final fut un peu plus ambitieux, puisque la composition, avec récit expressif bien fourni et anche manuel, en faisait un instrument fort intéressant, adapté à un large répertoire : [MHGunsbach65]

Malheureusement, comme dans beaucoup de compositions publiées au cours des années 60-70, la disposition des accouplements manque. (Ils étaient à l'époque considérés comme "superflus").

En 1945, ce ne fut pas la foudre, mais un obus qui frappa l'église, et l'orgue Haerpfer a été endommagé. Les réparations ont été confiées à Alfred Kern. [MHGunsbach65]

L'orgue Alfred Kern,
1961 (instrument actuel)

Historique

En 1961, Alfred Kern construisit un instrument neuf, incluant un grand nombre de contributions d'autres facteurs, donnés en cadeau pour Albert Schweitzer. [IHOA]

On peut lire, dans l'article de 1965, que "les nombreux amis du docteur Schweitzer s'entendirent pour lui offrir, lors de son 85e anniversaire, les fonds nécessaires à la construction d'un nouvel orgue. M. Kern fut désigné pour effectuer ce travail. La traction est mécanique, les 25 jeux répartis sur deux claviers et un pédalier. Le matériel comprend de l'étain fin (en particulier les tuyaux de la façade), du cuivre et même des bois exotiques."

C'est symptomatique des années 1960-1970 : on affirmait catégoriquement que tout ce qui est issu de la période 1871-1939 est mauvais. Dans ce discours fortement réducteur, l'essentiel, ce n'était pas "comment" c'est fait, mais "en quoi" c'est fait. L'orgue Haerpfer avait été endommagé durant la guerre, et était en fort mauvais état. C'était donc l'occasion rêvée d'offrir à la paroisse de Schweitzer un orgue moderne et "comme il faut". Ce qui motivait le monde de l'orgue, c'était bien que Gunsbach n'aie par un orgue "digne" de Schweitzer. (Le mot "digne" était utilisé dans les comptes-rendus de l'époque, sous-entendant que le précédent ne l'était pas.) "Digne", c'est-à-dire tout-ce-qu'on-veut-sauf-pneumatique, et respectant son quota d'étain "fin"... La démarche était habile : le "cadeau" permettait de montrer l'exemple, et entériner au passage que les décisions de 1931 étaient pleines "d'errements".

Or, de fait, le monde de l'orgue alsacien n'a jamais été très tendre avec l'organiste Schweitzer. Mais bien sûr, contester ouvertement un tel héros alsacien, même sur un terrain strictement musical (ou de la facture), restait délicat. Le mieux était d'exploiter la modération, mais aussi la complexité de son discours : sur une telle période, ses positions avaient évidemment évolué (et étaient même parfois contradictoires), mais surtout, elles étaient rarement catégoriques : en bon musicien, ils savait que tout ce qui est systématique n'a guère de chance d'être musical ! Il est d'ailleurs amusant de se souvenir qu'il y a encore quelques années, il était "de bon ton" de dénigrer l'orgue de Gunsbach, et de le qualifier de "Kind seiner Zeit" ("enfant de son temps", sous-entendu "témoin obsolète d'une époque révolue", à garder pour raison historique, mais "aujourd'hui on fait mieux".) Or, ici, l'approche de Schweitzer était bien de définir l'orgue "de campagne" idéal. (Dans un contexte alsacien, "de campagne" n'a absolument rien de péjoratif.) Et surtout en s'affranchissant des dogmes imposés par les modes ; car des modes, Schweitzer en avait vu quelques unes. Cet orgue "idéal" fait écho, plus de 5 décennies plus tard, à la genèse de "l'orgue de chœur idéal", à Strasbourg, St-Thomas (1905).

Or, 10 ans après sa conception, cet orgue "exemplaire" était déjà dépassé par les modes : par son récit expressif, son Hautbois et sa Voix céleste... Car l'orgue de Gunsbach n'est pas un "néo-baroque", mais reste délicieusement néo-classique, pas tellement éloigné de la pensée organistique des premières décennies du 20ème siècle. Les donneurs de leçons ont donc raté leur coup, mais, incontestablement, c'est l'instrument qui fut réussi !

Pour creuser un peu plus le sujet, on peut étudier l'influence de Schweitzer dans la conception de l'orgue de St-Thomas, puis - presque 60 ans plus tard - de celui de Neudorf.

L'orgue Kern de Gunsbach a été inauguré le 03/12/1961, au cours d'un culte solennel. En l'absence de Schweitzer. [MHGunsbach65]

En 1993, la maison Daniel Kern fit un relevage et remplaça l'anche de pédale (une Dulzian 16') par une Trompette 8'. [VWeller]

Console:

Console en fenêtre frontale. Tirage des jeux par tirants de section ronde, à porcelaines blanches, de faible course. Ceux du grand-orgue et de la pédale sont disposés à gauche, sur une matrice 4x4. Le nom des jeux du grand-orgue est en noir, ceux de la pédale en bleu. Les tirants du récit sont placés en ligne au-dessus du second clavier, le nom apparaissant en rouge. Au-dessus de chaque tirant se trouve le picot de programmation de la combinaison libre. Claviers blancs en bakélite.

Commande des tirasses et accouplements par pédales-cuillers à accrocher en fer forgé piqué. De gauche à droite : "I/P", "II/P", "I/II". Puis on trouve la pédale d'expression (au-dessus du "f" du pédalier). A sa droite, les pédales-cuillers des aides à la registration : "Ann.Jeux à main", "Comb.libre I+Péd.", "Comb.libre II" et "Tutti.

Plaque d'adresse "détourée" (constituée seulement des caractères sans fond), placée à droite au-dessus du second clavier. Il n'y a pas l'année :

A. Kern
STRASBOURG

Un bouton permettant de commander la cloche est situé derrière le miroir.

Tuyauterie:

Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
De gauche (accès) à droite (façade) :
La Fourniture à 4 rangs, la Trompette, la Doublette,
la Quinte, la Flûte à fuseau, le Bourdon 16', le Bourdon 8',
la Flûte conique 8' en bois, le Prestant et la Montre 8'.

Une vue sur la tuyauterie du récit.
De gauche (jalousies, mais aussi accès) à droite (fond) :
la Mixture 4 rangs, le Basson/Hautbois, la Waldfloete 2',
la Sesquialtera 2 rangs, la Flûte à cheminées 4',
la Voix céleste, le Prestant, le Gambe, le Bourdon 8',
et, tout au fond, le Gemshorn 8' (conique).