Muhlbach-sur-Munster, l'orgue Frédéric Haerpfer de l'église protestante.Les photos sont de Victor Weller, 12/08/2020.
Cet instrument construit par Frédéric Haerpfer est contemporain de celui de Seppois-le-Haut. Il a été reçu le 28/11/1929 et présente l'originalité, pour un orgue de cette époque, de disposer d'une console en fenêtre. Il a malheureusement été transformé en 1972.
Historique
Le premier orgue de Muhlbach a été placé dans l'église mixte en 1736 par André Silbermann. [IHOA]
L'instrument avait été construit dès 1734, car il était destiné à Wasselonne. C'était à peine plus qu'un positif. Sa composition, évidemment, était sans surprise :
L'instrument a été transformé par Claude-Ignace Callinet en 1841. [IHOA] [PMSCALL]
En fait, il s'agissait probablement d'un orgue neuf (sommiers, soufflets, mécanique et claviers neufs, Flûte traverse, Cornet et deux Trompettes). Mais évidemment, en 1965, dans son hagiographie des Callinet, Pie Meyer-Siat ne pouvait pas laisser entendre qu'un Callinet avait remplacé un orgue Silbermann...
L'instrument fut détruit, par faits de guerre, le 21/06/1929. [IHOA]
Historique
En 1929, l'église protestante de Muhlbach fut dotée d'un orgue construit par Frédéric Haerpfer sur les directives d'Albert Schweitzer. La réception eut lieu le 28/11/1929. [IHOA]
C'était un bel instrument post-romantique de 14 jeux (avec les deux accouplements à l'octave), parfaitement cohérent :
Il y avait deux particularités notables :
- d'abord, la console était en fenêtre, ce qui n'était pas du tout courant à l'époque. A l'évidence, c'était pour "faire ancien" dans la mouvance néo-classique : sans l'argument de rendre possible une "mécanique suspendue", cette disposition ne présente pas grand intérêt.
- La seconde spécificité, c'est cette Gambe partagée par le grand-orgue et le récit, et placée en boîte, donc expressive.
Au récit, avec 8 jeux, dont les deux Flûtes harmoniques, une anche, et l'indispensable couple Salicional/Voix céleste, il restait à Schweitzer 3 "choix" : le premier a été une Mixture, car elle faisait partie de son "credo" organistique (la fameuse "proportion des mixtures" dans son ouvrage de 1905). Le deuxième a été la Waldfloete 2', à laquelle il tenait vraiment : elle est présente à Cronenbourg. Tout organiste qui l'a jouée là-bas ne peut qu'être d'accord avec lui ! Le troisième choix a été une Gambe, expressive et "empruntable" par le grand-orgue.
Il est sûr que la Gambe était au récit, mais pas sur sa chape actuelle : le râtelier d'origine est encore visible.
En 1972, l'orgue a malheureusement été baroquisé par Alfred Kern, et a perdu son authenticité. [IHOA] [ITOA]
Force est de constater que ce fut particulièrement violent :
- Le fondement en 16' du grand-orgue a été perdu : pour loger une Trompette, il a fallu sacrifier la chape du Bourdon 16' manuel. De plus, cette Trompette néo-baroque n'est pas du tout assortie au reste de l'instrument !
- La Hohlfloete du grand orgue - fondamentale dans ces compositions - a été tout simplement éliminée (vu le prix d'un seul de ces tuyaux, quel affreux gâchis !), pour céder sa place au jeu le plus incongru que l'on peut imaginer dans un pareil contexte : une absurde Cymbale...
- Au récit, le Salicional, pourtant très réussi car remarqué et complimenté par Schweitzer lors de la réception, a été tout simplement éliminé, pour placer une Quinte 2'2/3 totalement étrangère à l'esthétique d'origine. Mais il y a plus grave : par un jeu de chaises musicales, cette Quinte a pris place sur la chape du fond, en chassant la Gambe, elle même finalement placée sur la chape du Salicional disparu. Or, la chape du fond est celle qui peut être empruntée par le grand-orgue, et le dispositif n'a pas été transféré : le grand-orgue a donc été privé de cette Gambe !
Et du coup, il n'y a plus que 2 fonds de 8' au grand-orgue. L'instrument a perdu le fondement même de son esthétique originelle.
L'analyse de ces transformations effectuées dans les années 60-80 est particulièrement affligeante. Il n'y a que deux possibilités : soit les commanditaires n'avaient aucune idée de ce qu'est un orgue post-romantique, soit ils faisaient exprès de les dénaturer. Malheureusement, il est plus coûteux de réparer ces altérations que de les commettre : à l'époque, on avait pu mettre la main sur les précieux matériaux de la Hohlfloete, du Salicional et du Bourdon 16'. Mais pour réparer, il faut reconstruire ces jeux, et ce n'est pas le métal des "petits jeux" bon marché (Cymbale, Quinte) qui peut aider à payer la note.
Le buffet
Le buffet est en chêne et possède deux lampes d'origine. Un élément central triple, plat, est flanqué par deux plates-faces retombantes puis deux tourelles latérales néo-classiques rondes à 5 tuyaux avec entablement. Le sommet de la partie centrale portait autrefois un ornement qui a été déposé. (Suite à un abaissement du plafond.)
Caractéristiques instrumentales
Console en fenêtre frontale. Tirage des jeux par tirants de section ronde, à porcelaines colorées en fonction du plan sonore : en blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, et vert pour la pédale. Ils sont disposés à gauche, principalement sur une matrice de 3 lignes de 5. Deux tirants du récit (ceux de la Gambe et de la Flûte harmonique 8') sont placés au-dessus des premières touches du second clavier. Au-dessus de chaque tirant se trouve un picot pour la programmation de la combinaison libre. Les accouplements ne sont pas programmables. Claviers blancs en bakélite à frontons biseautés.
Commande des tirasses et accouplements par pédales-cuillers à accrocher en fer forgé piqué, repérées par des porcelaines bicolores pour respecter le code de couleur. De gauche à droite : "Sub 2./1." (II/I 16'), "Super 2./1." (II/I 4'), "2/P." (II/P), "I/P." (I/P), "2./1." (II/I). Puis viennent (au centre de la console) les deux pédales basculantes : "Crescendo" et "Expression" (du récit). A leur droite, 4 pédales-cuillers commandant les aides à la registration : "Fr.Comb. 1.Man plus Pedal", "Fr.Comb. II", "H.A." (pour "Handregister Ab", blanche, retrait des jeux sélectionnés par tirants pour les plans sonores où la combinaison libre est activée), et "Tutti".
Ces commandes - à l'exception de celles de la combinaison libre - sont dupliquées pour être également manuelles (une idée chère à Albert Schweitzer). Un gradin sous la matrice de tirants principale porte les tirants "Sb.2/1", "Sp.2/1", "2/P", "1/P", "2/1". Et, sous la première octave du premier clavier, il y a les tirants "H.ab" et "Tutti".
Cadran circulaire pour l'indication de position du crescendo, placé au centre, au-dessus du second clavier.
Plaque d'adresse noire à lettres en laiton, placée sur le montant gauche de la console, en haut, et disant :
FACTEUR - D'ORGUES
BOULAY MOSELLE
Pneumatique tubulaire, notes et jeux. De l'avis d'un compte-rendu local, avant l'intervention de 1972, l'orgue avait fourni "plus de 40 années de loyaux services" sans réparation majeure. La pneumatique a donc - ici aussi - donné toute satisfaction, et ce depuis le début.
A cônes. Le grand-orgue et le récit sont diatoniques, en mitre (basses au centre).
Un réservoir à plis parallèles dans le soubassement. Ventilateur Meidinger (d'origine).
La tuyauterie est majoritairement à encoches d'accord. Bourdons à calottes mobiles.
Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.De gauche (revers de la façade) à droite (accès) :
le Bourdon 8', la Montre 8', le Principal 4', la Trompette,
la Flûte 4', et la Cymbale à 3 rangs de 1972.
Une vue sur la tuyauterie du récit.De bas (jalousies) en haut (fond) :
le Hautbois, la Mixture à 3 rangs, la Waldfloete 2',
la Flûte octaviante 4', la Gambe 8' (qui n'est pas à sa place),
la grande Flûte octaviante 8', la Voix céleste. Tout au fond, il y a l'incongru 2'2/3.
Sources et bibliographie :
-
[VWeller] Victor Weller : e-mail du 21/08/2020,09/09/2020.
Photos du 12/08/2020 et données techniques. Remerciements à Mr le Pasteur et Winfred Brinckert pour la visite.
- [IHOA] Pie Meyer-Siat : "Inventaire historique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM, puis Coprur, 1985 et 2003, p. 117b-8a
- [ITOA] "Inventaire technique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM, vol. 2, p. 256
- [ArchSilb] Marc Schaefer : "Das Silbermann Archiv", éditions Winterthur, 1994, p. 506-7
- [PMSCALL] Pie Meyer-Siat : "Les Callinet, facteurs d'orgues à Rouffach et leur oeuvre en Alsace", éditions Istra, 1965, p. 227-31
-
[AMun1959] Martin Haeberlé : "les orgues de la vallée de Munster", in "Annuaire de la Société d'Histoire de Munster", 1959, p. 43-7
Le récit de l'orgue de 1921 est noté à 61 notes. Il est probable que ce soit le récit qui ait été doté, dès l'origine, de la combinaison libre indépendante, et non le grand-orgue. Il y a une phrase curieuse : "Autres caractéristiques: sonneries à piston avec soupape pour chaque tuyau".
- [Barth] Médard Barth : "Elsass, 'Das Land der Orgeln' im 19. Jahrhundert", in "Archives de l'Eglise d'Alsace", vol 15., éditions de la société Haguenau, 1965-66, p. 265-6
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