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Les orgues de la région de Molsheim
Molsheim, église protestante
Orgue abandonné au profit d'une machine électronique.
L'orgue Schwenkedel de l'église protestante de Molsheim.
Toutes les photos sont de Martin Foisset, le 07/04/2019.L'orgue Schwenkedel de l'église protestante de Molsheim.
Toutes les photos sont de Martin Foisset, le 07/04/2019.

L'église protestante de Molsheim date du tout début du 20 ème siècle. Bâtie en grès et de style néo-renaissance, elle abrite un orgue construit en 1937, dans ce style très personnel qu'a su élaborer Georges Schwenkedel : une approche unique du post-romantisme, toute en nuances et en résistance au "néo-classique générique". Malheureusement, cet instrument est aujourd'hui à l'abandon. Contrairement à ce qu'on a pu lire ailleurs, il est fortement improbable qu'un orgue de ce grand facteur qu'a été Schwenkedel ait été "à bout de souffle" en 2010. Il aurait probablement tout simplement suffi de renouveler ses membranes.

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Historique

L'orgue de Georges Schwenkedel a été inauguré le 26/09/1937 (à 14h30... autre époque, autres horaires...). C'est l'Opus 66 de la maison de Koenigshoffen. [ITOA] [PlaquMolsPr1937]

Couverture de la plaquette de l'inauguration de 1937.Couverture de la plaquette de l'inauguration de 1937.

Du point de vue de la composition, il n'y avait à l'origine pas de Mixture, mais une simple Doublette 2'. Le Salicet, petit Salicional en 4 pieds, est assez original, et fait penser à la facture anglaise. Quand au récit, s'il n'a pas sa traditionnelle Voix céleste, c'est que celle-ci - tout comme la Flûte 8' de pédale - n'avait pas été posée à l'origine. Les deux chapes étaient vides. [ITOA] [PlaquMolsPr1937]

Composition, 1937
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
Récit expressif, 56 n. (C-g'''')
Chape vide
Prévue pour une Voix céleste
Pédale, 30 n. (C-f')
Chape vide
Prévue pour une Flûte 8'
I/P
Pédale et cadran linéaire
[IHOA] [ITOA] [PlaquMolsPr1937]

La plaquette annonce que l'orgue contient 594 tuyaux. Or, il y avait 9 rangs aux manuels et un à la pédale, soit 9*56 + 30 = 534. Cela semble indiquer qu'on a fait l'hypothèse que les 5 jeux du récit étaient à octaves aiguës réelles, et qu'on a compté le second jeu de pédale comme posé (4*56 + 5*68 + 2*30 = 594). [PlaquMolsPr1937]

Or, au récit, les faux-sommiers du Nasard indiquent que ce jeu était dès l'origine prévu à 56 notes. Pour les deux jeux d'anches, tout était préparé pour 68 notes (même les faux-sommiers sont pré-percés), mais les tuyaux des deux octaves aiguës n'ont jamais été posés. Les octaves aiguës réelles ne portent donc que sur les deux fonds de 8', et le 4'.

Voici le programme de l'inauguration : [PlaquMolsPr1937]

- Accueil: "Halleluja ! Lob, Preis und Ehr"

- "Ehr sei dem Vater und dem Sohn"

- "Herr, es hat noch keiner, der zu dir gegangen"

- "O du meine Seel, singe fröhlich"

- Psaume 150

- Chœur d'enfants : "Pour chanter les louanges du Seigneur tout-puissant" (sur une mélodie de Mozart)

Finalement, les chapes vides ont été dotées ainsi :

- à la pédale, la Flûte 8' prévue,

- au récit, au lieu de la Voix céleste, on préféra un Cor de Basset.

Le nom "Basset horn", fait penser à la facture anglaise, mais Schwenkedel appelait parfois ainsi ses Trompettes (ou même "Cor anglais", voir Largitzen). Ici, c'est plutôt un Cromorne. Cela confirme que dans la pensée de Georges Schwenkedel (tout comme celle de Joseph Rinckenbach à la même époque), le second clavier peut être vu comme un récit ou un positif expressif. (La combinaison libre permettant d'alterner aisément entre les deux rôles). En tous cas, les anches en boîte expressive, c'est une facette "romantique française", avec tout le répertoire qu'elle appelle et inspire !

L'orgue a été réparé en 1972 par Curt Schwenkedel (peut-être fut-ce à cette occasion que la Doublette a été étoffée pour donner un petit Plein-jeu, ce qui est fort logique s'il s'agit d'accompagner le Choral luthérien dans des conditions idéales). [ITOA]

La suite de l'histoire est plus triste. En 2011 : installation d'un "orgue" électronique, et abandon. [Visite]

Le buffet

L'orgue est logé dans une niche voûtée en plein cintre. Les tuyaux de façade, sont répartis en deux alignements, et reposent sur un soubassement, dans lequel est aménagée la porte d'accès à la tribune. L'alignement postérieur et constitué de trois groupes constituant des arcs rappelant ceux de l'édifice. L'alignement antérieur est disposé en mitre. Tous ces tuyaux sont en zinc, très étoffés, de belle facture.

Caractéristiques instrumentales

Composition, 2019
Grand-orgue, 56 n. (C-g''')
Aplatissages en ogives
C-h en bois, puis métal
1972 ; Doublette à l'origine
Réelles
Récit expressif, 56 n. (C-g'''')
Conique
(C-g''')
C-h bouchés, puis ouverts, encoches d'accord
(C-g''')
gis''-g''' harmoniques
(C-g''')
Une Voix céleste était prévue à l'origine
Réelles
Pédale expressive, 30 n. (C-f')
Dans la boîte expressive, en bas
Dans la boîte expressive, en hauteur
I/P
Pédale et cadran linéaire
[Visite] [IHOA] [ITOA] [PlaquMolsPr1937]
Console:

La belle console Schwenkedel rappelle celles de  ou .La belle console Schwenkedel rappelle celles de Rombach-le-Franc ou Brumath.

Console indépendante face à la nef, à fleur de tribune, fermée par un rideau coulissant. Intérieur en loupe de noyer clair. Tirage des jeux par dominos disposés en ligne au-dessus des claviers. Ils sont beaucoup moins inclinés que les modèles standards, et sont presque à l'horizontale au repos. (Comme à Burnhaupt-le-Haut.) Les plans sonores sont repérés par la couleur des porcelaines placées sur les dominos : blanc pour le grand-orgue, rose pour le récit, jaune pour la pédale. Les accouplements et tirasses concernant deux plans sonores sont bicolores, pour respecter le code de couleur. Claviers blancs. Joues de claviers galbées.

Sélection des la combinaisons libres par picots basculants blancs, situés en ligne au-dessus de leur domino respectif. Commande des aides à la registration par pistons blancs situés sous le premier clavier, à gauche, et repérés par des porcelaines rondes : "Jeux à main", "Comb. libre", "MF.", "TT.", "Annul.". Commande du crescendo et de l'expression du récit par pédales basculantes, placées très à droite de la console, et repérées par des porcelaines rondes : "Cresc. Général" (blanche), "Boîte-Expr. II" (rose). Commande du trémolo par pédale-cuiller à accrocher, du côté gauche, et repérée par une porcelaine ronde rose "Tremolo". Indicateur de crescendo en bakélite blanche, gradué "0", "3", "7", "9", "12", sous lequel se déplace horizontalement un picot rouge. Banc constitué d'une seule essence de bois (contrairement aux consoles plus anciennes de Schwenkedel, où le plateau est plus clair). Plaque d'adresse en deux éléments émaillés blancs. A gauche des dominos :

G. Schwenkedel
Maître facteur d'Orgues
Strasbourg - Koenigshoffen
1933 GRAND PRIX ; 1934 HORS CONCOURS

Il s'agit probablement d'une récompense obtenue à la foire de Strasbourg (qui prit d'ailleurs le nom "Foire européenne" en 1933).

Et à droite :

Opus 66
Les plaques d'adresse.Les plaques d'adresse.
Transmission:

pneumatique tubulaire, notes et jeux.

Sommiers:

à membranes. Le récit est à l'arrière et au même niveau que le grand-orgue. Les deux sont diatoniques, en mitre (basses au centre). Une cloison munie de jalousies mobiles sépare l'intérieur de l'orgue en deux : la partie expressive (récit et pédale) est au fond. La pédale est contre le mur du fond. La Soubasse est en bas, et la Flûte 8' accrochée au mur du fond (diatonique) sur un sommier spécifique.

En rouge, le volume occupé par le grand-orgue,
en marron, celui du récit, et en bleu, la pédale.
La soufflerie est en vert.
L'ensemble est situé juste au-dessus du porche :
l'oculus du fond de la niche de l'orgue est celui que l'on voit
de l'extérieur juste au-dessus de la porte principale.En rouge, le volume occupé par le grand-orgue,
en marron, celui du récit, et en bleu, la pédale.
La soufflerie est en vert.
L'ensemble est situé juste au-dessus du porche :
l'oculus du fond de la niche de l'orgue est celui que l'on voit
de l'extérieur juste au-dessus de la porte principale.
Soufflerie:

Réservoir à plis parallèles, placé dans le soubassement. La pompe à bras a été conservée : elle est située à côté de la porte d'accès à la tribune.

Tuyauterie:

La tuyauterie est de belle facture, et bien qu'empoussiérée, fort bien conservée pour un orgue abandonné. Quelques tuyaux ont été déposés. (Pour "soigner" un cornement en urgence ?) Pas de sciure qui indiquerait une attaque de ver (04/2019). Pas de trace de ré-harmonisation ou d'accord maladroit. D'ailleurs, tout ce qui fonctionne sonne très bien. Au récit, quelques résonateurs sont couchés.

Les "pliures" sont assez communes pour les jeux d'anches dépourvus de râtelier (et d'entretien). Les remettre en état ne pose aucune problème à un facteur compétent. Il faut évidemment s'abstenir d'essayer de les redresser soi-même, car il y a un grand risque de déchirure, et, fragilisés, ils ne tarderaient pas à se re-déformer.

Sur le côté droit du récit, une partie de l'enduit recouvrant la voûte est tombé dans l'orgue, probablement suite à une infiltration d'eau, car on voit une tache plus haut, et le décor peint a disparu.

Les tuyaux à bouche ont généralement des entailles de timbre pour les basses et des encoches d'accord pour les aigus. Biseaux à dents. Bourdons à calottes mobiles. Basses à bouches arquées. Comme il est d'usage pour cette esthétique, les basses sont en zinc ou spotted (très étoffé) et les aigus des Principaux en étain. Si la composition présente des traits néo-classiques (Cromorne à la place d'une Voix céleste, Plein-jeu à la place de la Doublette), les techniques de tuyauterie sont directement issues de l'esthétique romantique.

Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
L'avant de l'orgue est en haut de l'image.
A droite, c'est la trappe qui permet l'accès à l'instrument.
On distingue le plancher de la tribune en contrebas, ainsi qu'une chaise.
De bas (accès) en haut (façade) :
le Plein-jeu 3 rangs (c'était une Doublette à l'origine, cela explique
que le faux-sommier soit différent des autres),
le Salicet 4', le Bourdon 8' (il y a 15 tuyaux métalliques,
plus un qui manque - on voit le trou -, ce qui,
avec les 16 de l'autre côté, fait 32 (c'-g''').
Les deux octaves basses (C-h) sont en bois).
En haut la Montre 8', et les postages des tuyaux de façade.Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
L'avant de l'orgue est en haut de l'image.
A droite, c'est la trappe qui permet l'accès à l'instrument.
On distingue le plancher de la tribune en contrebas, ainsi qu'une chaise.
De bas (accès) en haut (façade) :
le Plein-jeu 3 rangs (c'était une Doublette à l'origine, cela explique
que le faux-sommier soit différent des autres),
le Salicet 4', le Bourdon 8' (il y a 15 tuyaux métalliques,
plus un qui manque - on voit le trou -, ce qui,
avec les 16 de l'autre côté, fait 32 (c'-g''').
Les deux octaves basses (C-h) sont en bois).
En haut la Montre 8', et les postages des tuyaux de façade.
Une vue sur la tuyauterie du récit.
Les 4 tuyaux du Hautbois qui se sont pliés donnent une image peu
reluisante, mais, on l'a vu, ce n'est pas très grave.
On notera que les "pliures" n'affectent pas les tuyaux aigus,
et se sont arrêtées là ou des "colliers" maintiennent les résonateurs.
De bas (passerelle) en haut (mur du fond) :
Le Basson-Hautbois, le Cor de Basset, le Nasard, la Flûte traversière,
le Gemshorn et la Gambe.
Certains faux-sommiers sont plus longs que les autres, car ils correspondent
aux jeux de 68 notes, pour permettre les octaves aiguës "réelles".
Ce n'est pas le cas pour le Nasard, et les deux jeux d'anches ont 68 notes
au sommier, mais pas les 12 tuyaux de l'octave (gis'''-g''').
Les faux-sommiers sont pré-percés, ce que laisse penser que tout était prévu.Une vue sur la tuyauterie du récit.
Les 4 tuyaux du Hautbois qui se sont pliés donnent une image peu
reluisante, mais, on l'a vu, ce n'est pas très grave.
On notera que les "pliures" n'affectent pas les tuyaux aigus,
et se sont arrêtées là ou des "colliers" maintiennent les résonateurs.
De bas (passerelle) en haut (mur du fond) :
Le Basson-Hautbois, le Cor de Basset, le Nasard, la Flûte traversière,
le Gemshorn et la Gambe.
Certains faux-sommiers sont plus longs que les autres, car ils correspondent
aux jeux de 68 notes, pour permettre les octaves aiguës "réelles".
Ce n'est pas le cas pour le Nasard, et les deux jeux d'anches ont 68 notes
au sommier, mais pas les 12 tuyaux de l'octave (gis'''-g''').
Les faux-sommiers sont pré-percés, ce que laisse penser que tout était prévu.
Cette vue sur les tuyaux de pédale (contre le mur du fond)
montre l'ancien décor peint de l'édifice, figurant des vignes vignes.
La pédale, logée dans la boîte expressive (qui est en fait tout l'arrière de la niche
contenant l'orgue) rappelle les idées d'Albert Schweitzer, qui militait pour cette disposition.Cette vue sur les tuyaux de pédale (contre le mur du fond)
montre l'ancien décor peint de l'édifice, figurant des vignes vignes.
La pédale, logée dans la boîte expressive (qui est en fait tout l'arrière de la niche
contenant l'orgue) rappelle les idées d'Albert Schweitzer, qui militait pour cette disposition.
Cet orgue est riche de plusieurs originalités fort réussies.
Il est un précieux témoin du talent des facteurs alsaciens des années 20-30,
qui ont défini un style spécifique et malheureusement encore méconnu.Cet orgue est riche de plusieurs originalités fort réussies.
Il est un précieux témoin du talent des facteurs alsaciens des années 20-30,
qui ont défini un style spécifique et malheureusement encore méconnu.

Sur place, on découvre un orgue... pas du tout muet, mais au contraire doté de jeux superbement harmonisés ! Certes, en 2015, l'instrument souffrait déjà de petits problèmes de transmission (cornement du a' au grand-orgue quand on ne tire pas le Principal 8' par exemple). Mais il est de toute beauté, et à l'évidence issu de la même veine que ses illustres contemporains (Burnhaupt-le-Haut ou Reiningue, 1932, Oberbronn, 1939), avec lesquels il partage pas mal de caractéristiques. De telles prestations alors qu'il est à l'état de quasi-abandon laissent imaginer avec enthousiasme ce qu'il pourrait être après un bon relevage (incluant un remplacement des membranes).

Cette facture a été injustement discréditée à la fin du 20ème siècle, par des conseillers et des facteurs peu scrupuleux, qui, souvent par manque de compétence, entretenaient mal ou refusaient d'entretenir les orgues pneumatiques. Ajoutons que la production de coûteux devis de "mécanisation" (à la place d'un entretien courant) a semé la confusion et encore plus découragé les propriétaires de ces instruments. Le tout a donné une réputation de "hors de prix" à la facture d'orgues. Hélas, la manipulation a finalement profité... aux revendeurs d'électronique.

Heureusement, ici, il n'est sûrement pas trop tard : la qualité du matériel est indéniable. Redonner leur lustre (et surtout leur boulot) à ces orgues post-romantiques, si différents des sempiternels "baroques" dont l'omniprésence fait s'étioler l'intérêt du public, redonnerait enfin un peu de diversité à notre parc organistique. En tous cas, dans le domaine de l'Orgue, une des toutes priorités pour le futur dans la région de Molsheim. Et une belle découverte de plus. A nouveau, les plus beaux orgues ne sont décidément pas les plus célèbres !

Mise à jour d'avril 2019 : le bilan est déjà plus lourd, car des cornements et dysfonctionnements empêchent en pratique d'utiliser un des claviers. Ce qui reste jouable est toujours très beau, mais l'instrument, empoussiéré et totalement à l'abandon, risque de continuer à se dégrader. Quand on pense que ces pannes trouvent probablement leur origine dans quelques membranes usées qui ne coûtent que quelques Euros...

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670300004P01
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