
Joseph Rinckenbach (22/05/1876 - 04/09/1949).
Juste avant la première Guerre mondiale, l'entreprise de Martin et Joseph Rinckenbach avait connu une époque particulièrement féconde. Mais Joseph fut incorporé en 1915. A la fin du conflit, Martin n'était plus de ce monde, et le prix de la folie des hommes s'étalait en un paysage effrayant : les tombes, les ruines, les terres labourées d'obus, et des localités dont certaines avaient été totalement ravagées.
Les orgues faisaient partie des choses à reconstruire (on essayera de voir pourquoi plus bas). Mais bien sûr pas exactement comme avant ; d'abord parce que, on peut l'imaginer, rien n'allait plus être comme avant. Ce qui est extraordinaire, c'est l'attitude positive adoptée par ceux qui allaient se mettre à la tâche. Comme une bonne (mais longue) œuvre musicale, ils allaient devoir y mettre quelques "surprises", dispersées dans un cadre d'éléments "prévisibles". Un savant dosage de neuf et de connu.
Le "prévisible" c'était les Fonds romantiques, les Voix célestes, les récits expressifs, avec un Hautbois. La Trompette, on ne savait jamais trop s'il fallait la mettre au grand-orgue ou au récit... On aimait bien les Mixtures progressives, aussi, souvent avec une Tierce dedans, et on ne les tirait qu'en dernier, après avoir appelé toutes les anches, pour couronner le tutti.
La "surprise" venait des orgues "anciens" ; pas deux ou trois "légendes" louées par des experts-hagiographes, mais tout simplement ceux qu'on était chargé d'agrandir ou de revendre. Il y avait un dessus de Cornet au grand-orgue, et c'était quand même une très bonne idée. Bien sûr, avec la "Mixture" romantique, il faisait quand même un peu doublon. Alors, on eut une idée : pourquoi ne pas mettre la Mixture "traditionnelle" au récit (où elle bénéficiera de l'expression), et placer un de ces Cornets au grand-orgue ? On imagine que, dans cette configuration, la nécessité d'une Doublette au grand-orgue dépourvu de Mixture se fit nettement sentir. Mais c'était tout : le "neuf" allait être la Mixture au récit, une Doublette au grand-orgue, et un Cornet. Certains éléments "connus" allaient se stabiliser : la Trompette, elle est clairement destinée au récit, qui sera de plus systématiquement doté de cette Flûte harmonique 2' qu'on appelle Octavin.
Reprenons donc l'évocation chronologique des orgues construits par la maison d'Ammerschwihr. C'est en Lorraine que nous allons trouver les premiers instruments de l'immédiat après-guerre.
Période 'Doublette et Cornet' (1918 - 1925)
1919 : Nousseviller-Saint-Nabor (57)
Orgue actuel.
L'histoire du magnifique orgue de Nousseviller-Saint-Nabor (57),
opus 147 de la maison d'Ammerschwihr (II/P 24j), commence bel et bien avant la guerre. Juste après avoir terminé l'orgue de Muespach, donc fin Juillet 1914, Joseph entreprit la construction de cet instrument, qu'il parvint même à livrer partiellement. Mais ce fut rapidement le blocus. Joseph acheva le travail en 1919 par la pose des deux jeux qui manquaient... et d'une façade, en remplacement de celle qui avait été réquisitionnée en 1917. L'orgue est resté absolument authentique et a été très bien entretenu. Achevé en 1919, il a donc sa place ici, "après guerre", mais c'est encore un orgue de la période précédente : en effet la Mixture-tierce (2'2/3) est au grand-orgue, il n'y a donc pas de Cornet, ni de Doublette. Trompette et Hautbois au récit, avec l'Octavin, et le 4' est une Flûte octaviante.
[IOLMO:Mo-Sap1549-1552]
1920 : Bermering (57)
Détruit en 1961.
L'
opus 149 a été construit pour Bermering en 1920 (devis du 31/03/1919), dans un buffet ancien (Joseph Géant). D'après ce devis, il s'agissait d'un instrument de taille moyenne (II/P 18j), avec le "Carré d'or" en 8' (Montre, Bourdon, Flûte et jeu gambé, ici un Salicional), un Bourdon 16' et un Prestant au grand-orgue, un récit fondé sur un Quintaton 16', avec une Flûte octaviante en 4', les quatre 8' (Principal, Flûte harmonique, Gambe et Voix céleste), l'Octavin, la Mixture-tierce progressive (2'2/3 et 1'3/5 sur toute l'étendue, 4' à partir de la deuxième octave) et les deux anches (Hautbois et Trompette). La Mixture au récit est donc caractéristique des compositions d'après 1918. Deux 16' à pédale (un ouvert, un bouché). L'orgue fut déclaré sinistré à 40% par Frédéric Haerpfer en 1951. Il était encore là en 1961, quand il fut finalement démantelé.
[IOLMO:A-Gp174-176]
1920 : Diebling (57)
Orgue actuel.
Dans sa magnifique boiserie due à Jean-Frédéric I Verschneider, l'
opus 150 de la maison d'Ammerschwihr est resté absolument authentique, et fut visiblement entretenu avec soin. C'est un des orgues les plus intéressants de Moselle, qui en compte pourtant beaucoup. L'instrument est doté de la composition "d'après 1918" (II/P 29j), caractérisée par la Mixture au récit, avec le Cornet et la Doublette au grand-orgue. Ce dernier dispose de cinq 8 pieds et d'un Basson. Trompette "solo" au récit, avec le Hautbois, la Voix humaine et l'incontournable Octavin, et donc la Mixture-tierce (ici non progressive et à 4 rangs). Console du même type que
Scherwiller (avec la combinaison libre).
[IOLMO:A-Gp428-433]
1920 :
Ingersheim (région de Kaysersberg), St-Barthélemy
Instrument actuel.
L'église a été bombardée le 22/08/1914. Avant son incorporation dans l'armée, Joseph Rinckenbach avait été appelé pour évaluer les dégâts et procéder au démontage de l'instrument du 18ème dont il était jusqu'ici responsable de l'accord. Le positif de dos semble avoir été épargné par la destruction. Mais comme rien ne fut possible avant 5 ans, c'est évidemment un orgue neuf qui fut placé à Ingersheim. Le nouvel instrument que proposait Joseph dans son devis était inspiré de celui de
Niederhaslach : en deux parties pour dégager une baie, et de taille plutôt importante pour 2 manuels (II/P 32j). Dès l'immédiat après-guerre, les compositions ont fortement évolué, avec des tendances précises qui ne feront que se confirmer : Flûte à cheminée 4', Doublette et Cornet au grand-orgue. Mixture au récit, côtoyant par l'incontournable Octavin. Deux Trompettes, et Voix humaine au récit. Relevé en 1994 de façon exemplaire (et secondé depuis 2001 par un orgue de chœur), cet instrument est resté authentique, et assurément l'un des plus attachants des environs de Colmar.
En 1920, Théophile Rinckenbach, cousin de Joseph, quitta la maison d'Ammerschwihr. Il mourut 5 ans plus tard. Joseph n'avait alors plus de "successeur naturel".
1921 :
Bernolsheim (région de Brumath), St-Pancrace
Remplacé par Gaston Kern (1995).
On ne sait pas grand chose de l'orgue d'avant 1921 : il venait de
Niederschaeffolsheim, et était peut-être l'œuvre de Georg Hladky, qui fut un temps élève de Rohrer. Le buffet a été conservé. L'orgue Rinckenbach (II/P 14j) était encore bien là en 1986 lors de l'inventaire, avec Trompette "solo", Octavin et Mixture au récit. Le grand-orgue avait 4 jeux (trois du "carré d'or" romantique - sans Gambe puisqu'il y en avait une au récit - et le Prestant). Probablement parce que cet instrument occupait un buffet "ancien", dans les années 1990, on a décidé qu'il fallait le remplacer par un orgue "standard", bien "comme il faut". Ce fut fait (un seul manuel !), et radicalement : Bernolsheim (qui n'a jamais su qu'elle en avait un) n'a plus d'orgue historique.
[IHOA:p35b,43b]
[ITOA:3p38]
[PMSSTIEHR:p475-9]
[Caecilia:p31, 30]
1922 :
Steinbourg (région de Saverne), Sts-Pierre-et-Paul
Remplacé par Gaston Kern (1994).
La parenté avec l'orgue de
Scherwiller est évidente : même composition (sauf la pédale en octaves aiguës qui reste spécifique à Scherwiller), et les buffets sont analogues (Scherwiller a toutefois une tourelle centrale de 10 tuyaux prismatique). Pour parvenir à la même composition, Joseph Rinckenbach ajouta à ses frais la Voix humaine. Marie-Joseph Erb déclare, à la réception : "un instrument puissant, majestueux et brillant... le grand orgue est d'une sonorité fondamentale ; le positif, qui forme seul un bel orgue est d'une noblesse et, dans ses anches, d'une puissance brillante... les anches et le plein-jeu sont parfaits. [Joseph Rinckenbach est l'un] des meilleurs facteurs d'orgues de notre temps." "Cet orgue de Steinbourg est un des instruments les mieux réussis des ateliers Rinckenbach." Mais... incroyable et toujours inexplicable : cet instrument jusque là préservé, comparable (II/P 34j) à ses contemporains d'
Hindisheim ou de Scherwiller (qui donnent toute satisfaction avec leur transmission d'origine) a été "reconstruit"... en mécanique dans les années 1990. Et avec la destruction des sommiers à membranes, fondamentaux pour parvenir à l'harmonisation de Rinckenbach, c'est toute l'âme de l'orgue qui fut perdue ! On a pu lire à son sujet que l'orgue "a été restauré en 1994"... comme quoi il reste beaucoup de chemin à faire, ne serait-ce que pour que l'on cesse d'utiliser les mots à tort et à travers : une "restauration" consiste à remettre une œuvre dans un état antérieur. Là, il s'agissait d'un remplacement.
1922 :
Hirsingue, St-Jean-Baptiste
Remplacé par Christian Guerrier (1983).
L'orgue Callinet du lieu avait été sinistré pendant la guerre (infiltrations d'eau). Mais le buffet put être sauvé, et servit à abriter l'
opus 156 était un bel orgue, encore post-romantique mais significatif de ce néo-classique tout particulier : Doublette et Cornet au grand-orgue, Octavin au récit (avec Trompette et Hautbois) qui portait aussi la Mixture (II/P 25j). Comme la plupart des orgues romantiques logés dans des buffets "anciens", on décida son élimination sans même prendre une seconde pour réfléchir, et ce dès 1983 : positif de dos doté d'un Larigot et de la Cymbale réglementaire... et un écho sans octave grave dans le soubassement.
1922 :
Hindisheim (région d'Erstein), Sts-Pierre-et-Paul
Instrument actuel.
Le buffet est décliné dans une version avec tourelles latérales prismatiques. La composition (II/P 32j) est caractéristique de l'après-guerre, conforme à la profession de foi faite à
Ingersheim : Doublette et Cornet au grand-orgue, Mixture transférée au récit, qui dispose d'un Octavin, d'un Hautbois, de la Trompette solo, et de la Voix humaine (à laquelle Joseph Rinckenbach tenait particulièrement). Le grand-orgue garde une Trompette. Seule différence par rapport à la "pointure au-dessus" (
Scherwiller) : pas de batterie d'anche complète au récit, et pas de combinaison libre (en 1922, c'était une option "haut de gamme"). L'orgue d'Hindisheim, resté absolument authentique, a été fort bien entretenu. C'est tout simplement l'un des 2 ou 3 plus beaux orgues d'Alsace.
[IHOA:p78a]
[ITOA:3p258]
1922 :
Weiterswiller (région de la Petite-Pierre), St-Michel
Remplacé par Gaston Kern (2002).
Il s'agissait de la reconstruction de l'orgue du fameux Johann-Georg Rohrer, 1712 (celui qu'il avait construit pour les Franciscains de Haguenau et que d'aucuns ont voulu faire passer pour un génie). Après un passage à Weyersheim, l'orgue était arrivé à Weiterswiller en 1878. L'affaire finit... en procès, sous prétexte que Joseph Rinckenbach avait supprimé trop de tuyaux... "Silbermann" ! Les commanditaires et "experts", accumulant les erreurs historiques et de jugement, ne savaient donc absolument pas ce qu'ils voulaient. La reconstruction fut fort mal accueillie. Fidèle aux caractéristiques établies après la guerre, l'orgue Rinckenbach avait un Octavin au récit, qui portait aussi la Mixture, pour que celle-ci puisse bénéficier de l'expression. C'était une "Mixture-tierce" comme les appréciait l'esthétique romantique allemande. Mais la Trompette était bien au récit, avec deux Flûtes harmoniques : Cavaillé-Coll n'était jamais très loin. Évidement, la "réaction" de la fin du 20ème fut impitoyable : suppression immédiate et inconditionnelle de tout ce qui est romantique, pour remplacer par du "simili-18ème". La belle partie instrumentale a été éliminée par Gaston Kern en 2002, et le buffet - comme l'affaire - classé.
1923 :
Thann, St-Thiébaut
Remplacé par Max Roethinger (1955).
Au nombre des instruments victimes de la guerre figurait le chef d'œuvre de Martin, le père de Joseph (le légendaire Opus 16, de 1888). Un obus avait traversé la nef et percuté l'orgue en pleine console. Joseph Rinckenbach construisit alors pour Thann l'un de ses rares 3-claviers alsaciens (un autre est à
Altkirch ; rappelons que
Cernay n'avait que 2 manuels à l'origine). C'était un "16 pieds ouvert", avec Basson 16' et Trompette au grand-orgue, batterie complète (Trompette harmonique) au récit (qui comportait aussi les Mixtures, le Hautbois et l'incontournable Octavin), Voix humaine, mais aussi Basson et Clarinette au positif expressif ; pédale avec Bombarde et Trompette (ce qui est rare chez Rinckenbach : il n'y en a pas à Altkirch, qui a pourtant une composition fort voisine), sans 32'. L'instrument fut endommagé en 1944, et reconstruit en néo-classique en 1955.
1923 :
Saales, St-Barthélémy Tribune
Instrument actuel.
L'instrument de Saales,
opus 160, est l'un des derniers "vrais" romantiques, même s'il porte - comme beaucoup d'autres instruments d' "après-guerre" de Joseph Rinckenbach - une Doublette et un Cornet au grand-orgue et un Plein-jeu au récit. Il permet de confirmer le fait que l'Alsace a développé dans les années 1920-1930 un style d'orgues spécifique. Un instrument fondamental pour l'histoire de l'Alsace, malheureusement encore trop méconnu.
[IHOA:p158a]
[ITOA:4p558]
[PMSAM85Saales:p77-9]
[Wangemann:p475-7]
[Barth:p318-319]
1923 :
Sondersdorf (région de Ferrette), St-Martin
Instrument actuel.
Le récit de cet
opus 161 est doté d'une grande Flûte harmonique 8', ce qui est impressionnant pour un instrument de 12 jeux seulement (II/P 12j). C'est une Gambe qui est associée à la Voix céleste (car il y a déjà un Salicional au grand-orgue). Puisqu'il y a une Flûte harmonique 8', la tentation du triplet (8' 4' 2') de Flûtes harmoniques était grande, d'autant plus que l'Octavin (Flûte harmonique 2') est vraiment un des jeux fétiches de Joseph Rinckenbach. Ceci vaut à l'orgue de Sondersdorf d'être doté de ce triplet. On en trouve d'ailleurs un autre l'année suivante à Mertzen (1924). Le 6ème jeu du récit est bien sûr une Trompette, qui renforce encore le caractère romantique français donné par la Voix céleste et les Flûte harmoniques.
[PMSSUND1983:p153-68]
[IHOA:p175a]
[ITOA:2p424]
1923 :
Benfeld, St-Laurent
Endommagé en 1945. Remplacé par Georges Schwenkedel (1954).
C'était une version spécifique (II/P 30j) de la composition d'
Ingersheim enrichie à
Scherwiller. Pas de Doublette au grand-orgue, mais un Cornet et une Trompette. Le récit reçoit la Mixture, un couple Trompette/Clairon, ici complétés par une anche douce (Basson 16'). L'orgue fut gravement endommagé en 1945. Schwenkedel effectua un relevé en 1950 : les sommiers avaient été détruits, et une partie de la tuyauterie avait disparu.
[IHOA:p33b-4a]
[ITOA:3p29]
[PMSSTIEHR:p534-9]
[PMSDBO1974:p132]
[Barth:p148-9]
1924 :
Magstatt-le-Haut (région de Sierentz), St-Laurent
Instrument actuel.
L'
opus 164 était en fait la reconstruction d'un autre orgue de la maison d'Ammerschwihr, construit en 1851 par Valentin Rinkenbach. Pour réaliser une composition à 11 jeux, avec une seule Soubasse à la pédale, le grand-orgue a été réduit à seulement 3 jeux, tous appartenant au "carré d'or romantique" (un Principal, un Bourdon, un Salicional - la Flûte étant écartée), il n'y avait donc pas de Prestant. Le récit, fondé sur un Quintaton et un Cor de nuit, outre l'inévitable couple Gambe / Voix céleste, portait la Mixture et la Trompette, et le 4 pieds était une Flûte octaviante. L'instrument a été complètement chamboulé en 1949.
1924 :
Altkirch, St-Morand
Instrument actuel.
Contemporain de celui de
Notre-Dame de l'Assomption, l'
opus 165, placé dans l'église du pèlerinage (qui est aussi la chapelle de l'hôpital), n'eut pas la même chance. En 1958, une tentative un peu ambitieuse pour lui apporter les réparations qu'il nécessitait eut de bien tristes conséquences : la bonne volonté ne suffisant pas, elle échoua, et laissa l'orgue complètement injouable, car dépourvu de console (qui finit par disparaître ; il n'en reste que la plaque d'adresse et le pupitre).Il a longtemps été laissé à l'abandon. La tuyauterie et l'intérieur de l'orgue, par contre, sont en bon état, ce qui laisse espérer que cet instrument puisse être prochainement remis en état. L'église St-Morand mérite un orgue en rapport avec ce cadre exceptionnel, et l'orgue Rinckenbach, serait son instrument idéal.
1924 :
Mertzen (région de Hirsingue), St-Maurice
Instrument actuel.
L'
opus 166 a malheureusement été logé dans un buffet "ancien", en fait constitué d'éléments récupérés et bricolés par Stephan Flum. (Ce "meuble", visiblement conçu par Flum pour durer jusqu'à ce que la facture soit encaissée, et pas un jour de plus, est absolument pitoyable, et... classé !) Du coup, probablement personne n'a jamais été conscient de la valeur de sa partie instrumentale. Or, elle est entièrement authentique, avec Flûtes harmoniques de 8' 4' 2' au récit. Et en excellent état, en plus. Mais l'orgue est à l'abandon, moteur déposé. Un des pires crève-cœurs de l'orgue en Alsace. Comment une telle chose est-elle possible ? Ce magnifique instrument authentique mérite vraiment un avenir (si possible hors de ce "buffet" en tiki-taki qui tombe littéralement en morceaux, ce qui n'est pas étonnant, vu la qualité des assemblages).
1924 :
Altkirch, Notre-Dame de l'Assomption
Instrument actuel.
Dans son buffet néo-classique inspiré de celui du Silbermann des Catherinettes de Colmar (1793), cet instrument post-symphonique (III/P 43j) a fait date, par son esthétique sonore très "romantique française" (batterie d'anches complète au récit, avec Trompette et Clairon harmoniques) et une transmission (ainsi que la console) fournie par Walcker. C'est donc bien une transmission électro-pneumatique que l'on vit en 1924 à Altkirch (et non plus un système tubulaire à dépression, dont Joseph Rinckenbach était coutumier). Le positif et le récit, tous deux expressifs, sont en quelque sorte un gros récit coupé en deux. Le positif est doté de la Voix humaine, de la Clarinette et du Basson, mais aussi du second ondulant (Unda-maris). Fondé sur son propre 16' (un Bourdon et non pas un Quintaton), il est même doté de sa Mixture (un Carillon progressif). Le récit est caractéristique de son époque, avec cette fameuse batterie d'anches, le Hautbois, et l'Octavin. Il reçoit les deux 4 pieds : la Fugara et une Flûte octaviante (la plupart des récits de Rinckenbach avaient donné lieu à un choix entre les deux, la version à Flûte étant devenue plus courante avec le temps). Plus néo-classique est la Mixture : un grand Plein-jeu de 5 rangs, sur 2'. Le buffet n'est qu'un "8 pieds en montre", mais le grand-orgue est bien doté d'une Montre 16' ; conformément à la disposition d'après-guerre, son grand-orgue est muni d'une Doublette et d'un Cornet. Il y a deux 16' ouverts et une Tuba majeure à la pédale, mais on est pas allé jusqu'au 32'. Resté authentique (même si à un moment le Carillon avait été altéré pour donner un second Cornet, la maison Guerrier a pu le restaurer en 1994), c'est l'une des pièces majeures du patrimoine organistique du sud de l'Alsace.
[HCetty:p98-102,157-69]
[ITOA:2p3]
[IHOA:p25b]
[Vogeleis:p304]
[Rupp:p342-4]
[Caecilia:1997-1p31]
[PMSAEA85:p264-9]
[PMSSUND1982:p213-5]
[PMSAEAHENRY:p180]
[Barth:p137-8]
1924 : Bourges (18), cathédrale, G.O.
Remplacé par Robert Boisseau/Roethinger.
A Bourges en 1924, Joseph Rinckenbach ajouta 17 jeux à l'orgue Pierre-François Dallery / MMK de la cathédrale, le passant à III/P 52j. Il existe une photo montrant Joseph Rinckenbach à côté de la console de 1924. En 1954, l'instrument fut néo-classisé par Robert Boisseau, qui travaillait alors pour Roethinger. Puis néo-néo-classisé en 1985. C'était l'ordre des choses.
1925 :
Wuenheim (région de Soultz-Haut-Rhin), St-Gilles
Instrument actuel.
Le bel orgue de Wuenheim, qui a fait l'objet d'un relevage récent par Hubert Brayé, et un peu spécifique dans sa composition, car il ne dispose pas de Cornet ni de Doublette au grand-orgue. Au lieu de cela, un cinquième 8 pieds, et un Nasard. En cela, on pourrait le prendre pour un instrument de la période 1899-1914. Mais la Mixture est bel et bien au récit. Celui-ci, fondé sur un Quintaton 16', est plus habituel : il porte Hautbois, Trompette et Clairon, mais aussi la Voix humaine et l'Octavin. Son 4 pieds est une Flûte octaviante. Console de type
Hindisheim, portant le numéro d'
opus 168. L'orgue est authentique, et mérite absolument d'être découvert.
[IHOA:p226b]
[ITOA:2p498]
[PMSRHW:p123-5]
[Barth:p393]
1925 :
Rosheim, St-Etienne
Instrument actuel.
Là aussi, malheureusement, c'est le buffet "ancien" qui a retenu l'attention, et cela reste source de pas mal de confusions. On entend même parler d'un "Stiehr" à Rosheim. (En fait, il y en a un... à l'église romane). La maison Stiehr-Mockers n'a construit que très peu de 3-claviers (et aucun 4-claviers). Pour qui a déjà joué ceux de
Bischoffsheim ou
Barr, il est aisé d'imaginer les défauts de cet orgue de 1860 (III/P 42j) : spécialisée dans les instruments "de campagne" de grande qualité mais de taille réduite, la maison de Seltz, à l'évidence incapable d'une quelconque planification, avait beaucoup de mal avec les transmissions et les souffleries des grands instruments. Logiquement et heureusement, on demanda à Joseph Rinckenbach de construire un orgue neuf (
opus 171) en ré-employant des tuyaux de Stiehr (évidemment totalement re-façonnés). C'est un des plus grands instruments de la maison d'Ammerschwihr (III/P 50j). Malheureusement, il est aujourd'hui (2021) muet.
En 1925, Joseph Rinckenbach ajouta une pédale indépendante de deux jeux (Soubasse et Bourdon 8') à l'orgue Bartholomaei&Blési de Lutzelbourg, St-Michel.
Travaux de 1926 à 1931

L'entête du devis en 1926, d'une sobriété extrême,
en totale rupture avec la somptueuse version précédente.
A noter "Maison fondée en 1750". C'est plus tôt que l'installation de Martin Bergäntzel à Ammerschwihr.
En 1926 se tourna une autre page déterminante de l'histoire de l'orgue alsacien : à Seltz, la maison Stiehr (Mockers) ferma définitivement ses portes.
1926 :
Kintzheim (région de Sélestat), St-Martin
Remplacé (2011).
Cet orgue Rinckenbach (II/P 32j), construit dans un buffet Stiehr, pouvait être considéré comme authentique jusqu'en 2009... mais il avait été tellement mal entretenu qu'il était muet. Un des épisodes les plus incompréhensibles (et désespérants) de l'orgue alsacien : alors qu'il aurait été tout à fait possible de le relever, et de disposer d'un des fleurons de cette facture originale et passionnante, il fut décidé de se livrer à des expérimentations néo-quelque chose. L'instrument a été reconstruit en 2010-2011 (III/P 42j) avec... un positif de dos (!) Il aurait été inauguré en juin 2011. Bilan : l'
opus 173 a été irrémédiablement perdu.
1926 :
Saverne, Chapelle St-Florent
Instrument actuel.
Dans son buffet "modern style", cet instrument (II/P 14j) dispose de la composition "canonique" pour sa taille : grand-orgue de 5 jeux (trois des quatre 8 pieds du "carré d'or" romantique, la Gambe étant écartée car présente au récit, plus le Bourdon 16' et le Prestant), récit fondé sur un Bourdon doux 8', avec une Flûte octaviante en 4 pieds, et muni d'une Quinte et de l'incontournable Octavin. Le récit porte aussi la Trompette, et il n'y a pas de Mixture (et donc pas non plus de Doublette au grand-orgue). L'orgue de la Communauté des Pères du Saint-Esprit, qui était le premier dans son édifice, est resté authentique.
[IHOA:p164b-5a]
[ITOA:4p587]
[Barth:p331]
[IOLMO:Mo-Sap1518-21]
1926 :
Witternheim (région de Benfeld), St-Sébastien
Détruit par faits de guerre en 1945. Remplacé par Curt Schwenkedel (1957).
On ne sait pas grand chose de cet instrument, qui semble même avoir été oublié dans les listes d'opus. Sa composition (II/P 13j) devait être voisine de celle de son contemporain de
Saverne,
chapelle St-Florent (probablement sans la Quinte 2'2/3). Il a été détruit, avec l'édifice, en 1945.
1926 :
Brunstatt (région de Mulhouse), St-Georges
Instrument actuel.
Quel dommage que cet instrument ait été altéré dans les années 1950 ! Il est signé "J.Rinckenbach & Cie". L'
opus 179 semble être l'un des premiers orgues "neufs" disposant d'une Tierce 1'3/5, donc l'un des premiers qu'on puisse vraiment qualifier de "néo-classique". Un instrument remarquable à l'origine : 30 jeux (II/P 30j), buffet en chêne avec façade en étain, anches de 16', 8', 4' au récit (Basson 16' ; la Trompette est harmonique). L'instrument avait une Gambe au grand-orgue, où il n'y avait évidemment pas de Fourniture, mais donc, probablement, une Tierce. Ce témoin précieux de l'articulation entre les styles post-symphonique et néo-classique a malheureusement été affublé d'une Fourniture (1'1/3 !) et une Cymbale au grand-orgue, ainsi que d'une Sesquialtera au récit... (pour laquelle la Voix humaine d'origine a été sacrifiée !) De la vinaigrette sur un chateaubriand.
[IHOA:p44a]
[ITOA:2p58]
[Barth:p44a]
[PMSCALL:p121-6]
1926 :
Saessolsheim (région de Hochfelden), St-Jean-Baptiste
Déménagé à Montbron (16). Remplacé par Bernard Aubertin (1995).
L'orgue Rinckenbach de Saessolsheim a été déménagé à Montbron (Charente) par Bernard Boulay. Sa composition était néo-classique : le récit était muni d'un Nasard 2'2/3 et (avec la Trompette et bien sûr l'Octavin). Une Tierce a été ajoutée ultérieurement (ainsi que des octaves aiguës réelles pour le récit). Pas de Mixture. A Montbron, l'instrument est utilisé en concert, puisque c'est une étape du festival d'orgue en Charente.
1927 : Le Puy-en-Velay
Démonté et dispersé en 1963.
Il s'agissait de la reconstruction d'un orgue de Joseph Merklin de 1892. Démonté en 1963, l'instrument a d'abord été entreposé, puis dispersé.
1927 :
Stosswihr-Ampfersbach (région de Munster), Ste-Marie Auxiliatrice
Instrument actuel.
En 1906, Joseph Rinckenbach avait déjà placé un orgue à Ampfersbach (voir la page sur
Martin et Joseph Rinckenbach). Il avait deux claviers et 13 jeux, et était fort apprécié. En 1915, l'église, située juste sur la ligne de front, fut entièrement détruite. Hélas, ce bel
opus 182 (il est logé dans un buffet remarquable et un édifice très réussi), comme beaucoup d'autres, ne traversa pas la "période noire" (1960-2000) sans mutilations : en 1974, on demanda à Alfred Kern de supprimer trois jeux d'origine pour les remplacer par des "petits jeux". Ce qui est très grave quand il n'y a que 12 jeux en tout. Depuis lors, cet orgue qui était 100% authentique, ne l'est plus. Plus de Bourdon 16' manuel, plus de Voix céleste : cet instrument n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été.
[IHOA:p26b,30a-b]
[ITOA:2p442]
[Barth:p140]
[RMuller:p149-50]
1928 : Paris, St-Eustache
Inachevé.
Peu avant 1928 à Paris, St-Eustache, Joseph Rinckenbach fut chargé de l'électrification de l'instrument (nouvelle console), et de l'ajout de 11 jeux, pour le passer à 84. La revue "Le Ménestrel" rapporte ces travaux "en voie d'achèvement" le 21/9/1928, mais ils n'ont pas été entièrement terminés. Cette intervention ne fit date ni dans l'histoire de St-Eustache, ni dans celle de la maison d'Ammerschwihr (pour ce frotter à ces clients-là, il faut probablement être meilleur commerçant qu'harmoniste), mais elle rappelle l'amitié qui lia Rinckenbach à Joseph Bonnet.
1928 : Dourgne (81), abbaye Ste-Scholastique
Déménagé à Clermont-Ferrand, Ste-Jeanne-d'Arc, pratiquement éliminé en 1951, 1981.
Grâce à l'appui de Joseph Bonnet (Paris, Saint-Eustache), l'abbaye Bénédictine de Dourgne (Tarn) passa commande à Joseph Rinckenbach d'un orgue de 28 jeux (III/P 28j) positif et récit étaient expressif, et les octaves aiguës du récit étaient réelles (68 notes au sommier). Cet instrument non-alsacien avait des spécificités, en particulier un Cromorne et une Mixture au grand-orgue. Nasard et Tierce au Positif en faisaient un orgue très néo-classique. Il y avait une anche 8'16' (reprenant d'une octave dans les dessus) au récit, complétant une batterie complète à ce clavier (avec Trompette et Clairon harmoniques). Le devis est daté de 1927, mais l'orgue ne put pas être totalement achevé avant la faillite de Joseph Rinckenbach. En 1933, Louis-Eugène Rochesson y posa une console "minimaliste" semblant flotter en l'air. En 1947, l'orgue fut vendu à la paroisse Ste-Jeanne-d'Arc de Clermont-Ferrand, puis reconstruit en 1951 par Maurice Gobin qui l'affubla d'un sommier de type "Unit". En 1981, Jean David baroquisa vigoureusement le plein-jeu (Cymbale, Larigot...)
[OrguesAuvergne]
1928 :
Le Bonhomme (région de Lapoutroie), St-Nicolas
Instrument actuel.
Cet instrument venait remplacer un autre déjà construit par la maison d'Ammerschwihr, endommagé pendant la première guerre mondiale (et privé de tous ses tuyaux métalliques). "Le Bonhomme version 1928" est l'
opus 177, déjà résolument néo-classique. Par rapport aux compositions d'avant 1925, le Cornet du grand-orgue est remplacé par un Nasard 2'2/3 et une Tierce 1'3/5, qui constitue une sorte de Cornet décomposé avec la Doublette et le Prestant (il n'y pas de Flûte 4'). Le récit à 12 jeux est composé de façon standard pour l'époque (sur un Quintaton 16', les anches étant le quatuor Trompette, Clairon, Hautbois, Voix humaine ; Octavin et Plein-jeu progressif. Le 4 pieds est une Flûte harmonique, et on dispose des quatre 8 pieds standards au récit (avec la Voix céleste). Ce superbe instrument (II/P 25j) est resté authentique. A découvrir absolument.
[IHOA:p40b]
[ITOA:2p50]
[PMSRHW:p73-8]
[Barth:p163,426]
1928 :
Cernay, St-Etienne
Instrument actuel.
L'orgue de Cernay est certainement le plus emblématique et le plus connu des instruments construits par Joseph Rinckenbach. Régulièrement mis en valeur par des enregistrements et des récitals, c'est le témoin incontournable de l'art de Rinckenbach, mais aussi de ce changement esthétique entre le symphonique et le néo-classicisme. De nombreux détails de son histoire restent à clarifier ou à publier. Cet instrument, par exemple, n'avait que deux claviers à l'origine. La fameuse console actuelle, avec sa plaque qui a suscité tant d'interrogations, n'est pas de Joseph Rinckenbach, mais de son "successeur", Lapresté. Avec son Cornet et sa Doublette au grand-orgue, et son Plein-jeu expressif, c'est un orgue d'après 1918. Avec sa Tierce 1'3/5, c'est un orgue d'après 1925. Avec son Octavin, sa Voix humaine et son harmonisation préservée, c'est certainement l'un des instruments les plus attachants qui soient, surtout après la campagne d'étude et de travaux menée en 1998.
1928? : Mulhouse (orgue de salon)
Déménagé à Montebourg (50).
Un second opus 183 était un orgue de salon, originellement installé à Mulhouse (II/P 14j). L'instrument a été déménagé à Montebourg (Manche), Église Abbatiale Notre-Dame-des-Étoiles, où c'est l'orgue actuel.
1929 :
Ammertzwiller (région de Dannemarie), St-Etienne
Instrument actuel.
En 1929 eut lieu la première faillite de Joseph Rinckenbach. En voyant ses orgues, on ne s'en douterait pas : il s'agissait surtout des conséquences désastreuses de con échec à Paris, St-Eustache. Avec 16 jeux, la composition de l'
opus 192, à Ammertzwiller, ne pouvait de toutes façons pas être trop "néo-classique" (le Nasard au grand-orgue en est le seul indice). Mais c'est bien une version sans Tierce 1'3/5, et s'il y avait eu quelques jeux de plus, elle n'aurait peut-être pas eu la priorité, et on aurait sans doute étoffé le récit (comme à
Wolschwiller). Et, en laissant de côté la théorie, quel bel instrument !
[IHOA:p26b]
[ITOA:2p8]
[PMSSUND1984:p198-200]
[Barth:p139-40]
1929 : Mauléon, église paroissiale
Sûrement jamais réalisé.
Le dépliant Lapresté fait figurer l'église paroissiale de Mauléon, pour un orgue de 8 jeux, réalisé juste après Aspach. On ne sait pas s'il s'agit de Mauléon dans les Deux-Sèvres ou Mauléon-Licharre dans les Pyrénées-Atlantiques. Il y a aussi Mauléon-d'Armagnac (32) et Mauléon-Barousse (65). A Mauléon (Deux-Sèvres), il y a un orgue de Robert Boisseau, construit vers 1935. (8 jeux réels). A Mauléon-Licharre, il y a le "dernier Mutin", construit en 1934 (c'était un cadeau d'Henri Sarrette, le directeur des Chemins de fer de Paris...). Il a 8 jeux. Dans les deux endroits, il est peu probable qu'un orgue y ait été livré en 1929. Il s'agit sûrement d'un projet non abouti.
1929 : Reims (Marne), St-Nicaise
Effroyablement transformé à de multiples reprises.
L'édifice date de 1924, et l'orgue de 1929. Il était de taille raisonnable (II/P 16j) et à traction électro-pneumatique dès l'origine. C'était un pari très risqué, en 1929, surtout aussi "loin de la base". Joseph Rinckenbach aurait mieux fait de s'en tenir à la pneumatique, qu'il maîtrisait parfaitement, mais, évidemment ce type de transmission n'est pas courant en "France d' l'intérieur", et on avait fait le choix de l'innovation. La revue "Le Ménestrel" (20/06/1930) raconte un concert donné le 23/05/1930 dans "l'église Saint-Nicaise, paroisse de la jolie Cité-jardin connue sous le nom de Foyer Rémois : monument exquis conçu par l'architecte Auburtin, dont les fresques sont de Maurice Denis et Ernest Laurent, les vitraux de Lalique, les orgues du célèbre facteur Rinckenbach d'Ammerschwihr". Georges Ibos, organiste à St-Honoré d'Eylau tenait les claviers. Evidemment la traction s'avéra un bouc-émissaire parfait pour la suite. Il faut noter qu'on se souvient là-bas d'au moins 2 inondations à la tribune, ce qui pour l'électro-pneumatique est complètement rédhibitoire. Dès 1930, on alla chercher Victor Gonzalez, soit-disant pour arranger les problèmes de transmission : en fait, il supprima le Salicional (!) et réharmonisa les Mutations... (On imagine comment. Et on imagine le commentaire, genre "Mais non, c'est pas comme ça qu'on fait... je vais le faire comme il faut.") Après cela, le destin de cet instrument mutilé fut une triste suite d'altérations, d'adjonctions et de boursouflures, qui le menèrent jusqu'à 5 claviers (!) et 39 jeux (plus de 60 si on compte les emprunts et extensions). Un vrai inventaire des fausses bonnes idées applicables à l'orgue. Il est fort peu probable que l'orgue Rinckenbach soit restauré un jour. Composition d'origine (sans les accouplements, qui devaient sûrement être II/I; II/I 4', II/16' et les 2 tirasses) :
Composition, Reims_1929
Grand-orgue
Récit expressif
Pédale
1930 :
Wolschwiller (région de Ferrette), St-Maurice
Instrument actuel.
L'
opus 193 est logé dans un buffet exceptionnel. Seule s partie centrale est de Jean Franz, 1809 ; il a été élargi en 1890 par Max Klingler (de Rorschach, CH). Le positif postiche, lui, a été construit spécialement par la maison Rudmann et Guthmann pour l'orgue Rinckenbach. Composition (II/P 19j) apparentée à celle d'
Ammertzwiller, mais sans la Doublette, et avec un récit plus étoffé. Alors que le monde de l'orgue "fonce" vers le néo-classique, Rinckenbach magnifie les fondamentaux de l'époque romantique.
[IHOA:p226a]
[ITOA:2p497]
[PMSSUND1983:p147-53]
1930 :
Lautenbach-Zell (région de Guebwiller), Sts-Pierre-et-Paul
Remplacé par Gaston Kern (1983).
Inutile de revenir sur ce qui a été commis ici en 1983. L'objet est ici de se souvenir de l'orgue Rinckenbach de Lautenbach-Zell (
opus 195), car il le mérite : ce devait évidemment être un instrument de la veine de ses superbes contemporains, comme en témoignent ceux qui ont été entretenus et conservés. Il était de taille comparable (II/P 19j) à celui de
Vieux-Thann, et donc en partageait probablement le charme et la distinction. Les jeux Rinckenbach devaient être en parfaite harmonie avec l'édifice, ses éléments baroques, et sa statutaire assez exceptionnelle. L'orgue de 1930 était l'instrument idéal pour cet édifice : peut-être le restaurera-t-on un jour, mais sûrement pas avant de longues années. La grâce a disparu pour longtemps. En attendant, il se trouve là un instrument d'étude néo-baroque correct, sans personnalité, et jurant totalement avec son buffet et son édifice.
[IHOA:p99b,68a]
[ITOA:2p214]
[Barth:p245]
[PMSCALL:p334]
1930 :
Wittenheim, Ste-Barbe
Détruit en 1945. Remplacé par Gonzalez (1965).
On ne sait pratiquement rien de l'
opus 196, sinon qu'il avait 15 jeux.
1930 :
La Broque (région de Schirmeck), Ste-Libaire
Instrument actuel.
Le joli petit (II/P 18j) orgue de La Broque est logé dans un buffet ancien (Martin Wetzel, 1843, lui-même fortement influencé par François Callinet). C'est aujourd'hui un crève-cœur de l'orgue alsacien : il est totalement à l'abandon... L'
opus 197 dispose d'une composition caractéristique de ces deux dernières années de la maison d'Ammerschwihr tenue par Joseph, une sorte de "néo-classique" prudent : grand-orgue à Nasard 2'2/3 (pas de Flûte 8' mais une Flûte 4'), grand-orgue sans 16', mais évidemment récit avec Octavin, Trompette et Hautbois. Tout est là, tout est authentique. Et à l'abandon.
[IHOA:p97a]
[ITOA:3p84]
[PMSWETZEL76:p246-7]
[Barth:p243]
[Rupp:p145]
[IOLMO:H-Mi,Mo-Sap767-9,998-1000,1690-6]
A ce sujet, il faut avancer - car on ne le voit jamais écrit - qu'un positif de dos, généralement en 4 pieds, donc contenant surtout des petits jeux aigus, est complètement incompatible avec un vrai récit romantique. Les jeux aigus du positif de dos, proches de l'auditoire, "éclatent" avec une présence et une vigueur qui gâtent irrémédiablement les subtiles couleurs d'un récit expressif. Seuls quelques facteurs de l'époque "néo-classique" (ou les rares qui on pu réaliser un positif de dos en 8 pieds) on su composer et harmoniser des positifs de dos cohérents avec une architecture symphonique. En Alsace, le "leader" dans ce domaine fut Georges Schwnenkedel, qui réalisa pas moins de 5 orgues post-symphoniques avec un positif de dos, au début des années 30. Mais ces positifs de dos sont très spécifiques, et constituent un complément "spatialisé" du récit. Schwenkedel faillit en construire un 6ème, qui aurait été expressif, ce qui confirme l'esprit dans lequel ces plans sonores étaient conçus. Dans tous les autres cas, on a à faire à un orgue "composite" : ce n'est pas péjoratif, c'est juste qu'il faut admettre que le positif et le récit de doivent pas jouer en même temps, et ne font esthétiquement pas partie du même orgue.
1931 : Paris, orgue de salon de 1931
Disparu.
Il y eut en 1931 un orgue de salon, pour Paris (12j).
1931 : Metz, école normale d'institutrices
Disparu.
En 1931, juste avant sa deuxième faillite, Joseph Rinckenbach fournit un orgue (II/P 7 ou 8j) à l'école normale d'institutrices de Metz. L'instrument a disparu. Tout ce qui en reste est une note de la main du facteur sur sa liste d'opus, avec la mention "en exécution". La transmission était mécanique. En 1931 ! En conséquence, ce n'est pas Henri Vondrasek, en 1936 à
Graufthal qui construisit le "premier" orgue alsacien mécanique, mais Joseph Rinckenbach, et ce dès 1931. Encore un "dogme" de l'organologie officielle qui s'avère faux. Bien sûr, Metz n'est pas en Alsace, mais Joseph Rinckenbach, si...
[IOLMO:Sc-Zp2467-8]
1931 : Mulhouse, cinéma Palace
Disparu.
C'était une salle de 1200 places, ouverte en 1930 au 10, avenue de Colmar, avec balcon et tout. L'orgue a dû disparaître avant sa première fermeture (il y en eut beaucoup !) le 31/07/1978. D'après le dépliant Lapresté, c'était un "Unit organ", à transmission électro-pneumatique.
1931 : Raon-l'étape (88), St-Luc
Altéré en 1955.
En 1931, Joseph Rinckenbach posa à Raon-l'étape (Vosges), St-Luc, son Opus 186. Avec ses 45 jeux, ce fut le dernier 3-claviers Rinckenbach. L'affaire s'était conclue dès le 17 mars 1927 : Rinckenbach avait été retenu devant Jacquot et Didier, car un conseiller municipal de Raon... avait entendu l'orgue de la collégiale de Thann. Cette attribution fit très peur aux facteurs vosgiens, en particulier parce que Rinckenbach démontrait sa maîtrise des tractions électro-pneumatiques ("Witzig"), qui étaient alors la technique d'avenir. Endommagé pendant la guerre, l'orgue fut réparé et muni d'une console neuve par la maison Roethinger en 1955 (qui s'empressa d'apposer sa plaque sur ce chef d'œuvre), et relevé par Michel Gaillard en 1982 et 1991. Comme l'atteste l'inventaire des orgues des Vosges, il s'agit du meilleur témoin de la facture post-symphonique dans les Vosges.
[IOVO:p490-5]
1931 :
Balschwiller (région de Dannemarie), St-Louis
Instrument actuel.
Entre l'A36 et Dannemarie, dans une région assez exceptionnelle à bien des égards, se trouve Balschwiller. La localité fut très affectée par la guerre de 1914-18. L'église avait disparu dans les flammes le 22 juin 1915. Reconstruite en 1926, elle put accueillir l'exceptionnel groupe de 4 statues du 15ème siècle, qui avaient été sauvées du bombardement : une Vierge de l'Immaculée Conception (déjà en version "classique", c'est-à-dire sur une terre bleutée, et non sur un croissant de lune), St-Etienne, St-Laurent et une quatrième, plus mystérieuse, tenant un livre (en plus de sa palme de martyr ; St-Valentin, St-Oswald de Northumbrie ?). Fut également sauvé un Mont des oliviers de 15ème. Pour remplacer l'orgue Callinet, 1859, il fallait un instrument certes neuf, mais ancré dans l'histoire de son pays. Ce fut le cas : ses 28 jeux sont le testament artistique de Joseph Rinckenbach, sa version de l'orgue issu de la tradition alsacienne remontant à 1756 (les débuts alsaciens de Dubois), mûrie par Albert Schweitzer et Emile Rupp. Un orgue "symphonique", avec cinq 8 pieds au grand-orgue, mais accompagnés d'un Nasard et d'une Tierce. La Mixture progressive est au récit, avec l'irremplaçable Octavin, et, bien-sûr, la marque de Cavaillé-Coll : la Trompette harmonique et son Clairon au récit. L'anche de pédale est douce (Basson 16'), et le 4 pieds du récit n'est pas une Fugara mais une Flûte octaviante.
[IHOA:p30b]
[ITOA:2p19]
[PMSSUND1985:p214-6]
[Barth:p145]
[PMSCALL:p325]
La fin ?
Après la construction de cet orgue signé "Manufacture de grandes orgues, Société anonyme, anciennement Rinckenbach", Joseph, qui avait déjà déposé le bilan en 1929, fit faillite de façon définitive. L'entreprise d'Ammerschwihr fut reprise par Jean Lapresté (dont l'orgue de Colmar, Hôpital Pasteur comprenait encore des tuyaux Rinckenbach ; cet orgue a été démonté en 2021... allez donc comprendre). Rinckenbach exerça encore péniblement son métier jusqu'en 1939.
1931 : Miribel-les-Echelles (38), Ancienne chapelle de l'Alumnat
?.
La liste du "dépliant Lapresté" finit par un numéro 203 à Miribel-les-Echelles, pour un petit orgue (5j). Il a probablement été posé par Lapresté, et Balschwiller reste donc le "dernier Rinckenbach".
Même si la plupart des chiffres ne sont pas significatifs, s'agissant d'œuvres d'art, certains restent révélateurs. Sur 47 instruments présentés ici (construits entre 1918 et 1931) :
- - 26 (55%) sont restés authentiques ou presque.
- - 4 ont été altérés par l'époque "néo-baroque" mais seraient sûrement restaurables.
- - 6 ont été victimes de la guerre de 1939-45.
- - 11 ont été détruits, victimes des "mécanisations" promues par certains "experts".
En Alsace, après 1945, tous les facteurs demeurant en activité étaient issus de la tradition Roethinger (donc Heinrich Koulen). Le "lien" historique transmettant des compétences remontant au 18ème était rompu. A partir des années 1970, tous les intervenants du monde de l'orgue ne juraient que par les instruments composés autour de grands Cornet et d'une pyramide de Principaux, et mécaniques. Cela était facile à justifier : les instruments pneumatiques nécessitant presque tous un nettoyage et le remplacement des membranes, ils faisaient donc peine à voir et à entendre à cette époque. La poussière pénalisait la tenue de l'accord, et les peaux usées rendaient le fonctionnement aléatoire. De plus, comme les facteurs ne savaient plus les régler, ou avaient procédé à des modifications malheureuses (déplacements de consoles, changements de pression), certaines transmission présentaient une "latence" (décalage entre l'appui de la touche et l'attaque de la note) anormale (que certains sont allés jusqu'à présenter comme un défaut inhérent à la pneumatique). Quant aux écoles d'orgues, elle n'enseignaient plus le répertoire romantique pour se concentrer sur le "phrasé baroque". Tout débutant en orgue devait passer par des années d'approfondissement de Samuel Scheidt...
Renouveau
Mais, peu à peu certains facteurs, rompant avec la "pensée unique" s'intéressèrent à nouveau à ces orgues "pneumatiques". Il découvrirent des harmonies somptueuses, des couleurs oubliées, et en firent part. Le trésor, peu à peu, revenait à la lumière : il suffisait de changer des membranes ! Il ne devenait plus tabou de "relever" un orgue pneumatique, et on put avouer que c'était bien sûr incomparablement moins coûteux que de "mécaniser". Parmi les facteurs ayant œuvré pour la connaissance des orgues issus de la Réforme alsacienne de l'orgue, on pense aussitôt à Michel Gaillard et Richard Dott. Des instruments des belles années 20 retrouvèrent de la voix : Saales (1983, Michel Gaillard), Wattwiller (1995, Muhleisen), Ingersheim (1996, Christian Guerrier, sous la maîtrise d'œuvre Maurice Moerlen et René Kientzi), l'orgue de choeur de St-Thomas (2001, Quentin Blumenroeder), Hindisheim (2004, Richard Sturny, sous la maîtrise d'œuvre de Robert Pfrimmer), et bien sûr Hubert Brayé qui a relevé bon nombre instruments de Martin et Joseph Rinckenbach.
Car ces orgues ont tant d'atouts : des "ambiances" de tribune exceptionnelles, où, sans faire de spiritisme, il faut bien avouer qu'une magie opère. Des sonorités et des consoles idéales pour l'improvisation. Une dynamique particulière de volume (boîte expressive, crescendos, tirage de jeux aisé) particulièrement adaptée à l'accompagnement. Une galerie de personnages, aussi : Schweitzer, Rupp, Erb. Les déboires de Koulen, le succès du jeune Roethinger. Et bien sûr Martin et Joseph Rinckenbach ; Joseph Bonnet. Car encore plus fondamental est leur répertoire : devant l'orgue de Cernay, même tous feux éteints, on peut entendre Saint-Saëns transcrit par Guilmant (essayez : ça marche). Et puis, ces instruments des années 1920-1930, c'est l'Orgue de celui qui fut certainement le plus novateur et le plus doué : Jehan Alain. Rythmes de danse, couleurs modales, accueil bienveillant d'une note qui corne : c'est tout cela, l'orgue du premier tiers du 20ème siècle. Et, bien sûr, d'autres bonnes surprises nous attendent.
Il nous reste donc une trentaine de ces orgues construit après la guerre de 1914-1918, après la première émergence de l'impensable. Dans ce bois et ce métal, il y a le souvenir de ce qui s'est passé en Europe. Ce sont... des instruments de musique... des ouvrages a priori futiles et extravagants, surtout quand on les amena au cœur de localités dont certaines avaient été totalement ravagées... Ces communes avaient perdu nombre de leurs enfants, perdu leurs maisons, leurs archives, leur histoire... Et voilà qu'arrivent des instruments de musique, élevés juste quand les canons se sont inclinés, donc évidemment avant de nombreuses choses utiles. Scandale ? Erreur sur les priorités ? Et d'abord, à la fin, pourquoi des instruments de musique ? Peut-être qu'il n'étaient ni futiles ni extravagants. Ni inutiles. Les survivants d'un enfer que nous autres ne pouvons même pas imaginer, ne s'étaient pas trompés en définissant leurs priorités : le son de ces tuyaux couvrait tout simplement les échos des obus qui continuaient à résonner dans leurs oreilles. Et leurs buffets, trônant sur les tribunes neuves, tout comme leur musique, portaient un message crucial : "Rien ne sera plus comme avant. Mais un peu quand même." Ce sont tous des instruments devant lesquels, une fois qu'on a compris cela, on s'écrie "Mais regardez comme c'est beau !" à son voisin perplexe. Des instruments - encore peu mis en valeur aujourd'hui - mais réussis, exceptionnellement réussis ! Des instruments qu'on a envie de faire connaître, et de protéger.
Style et façon
Tierces, Octavins et Cornets
Il est "communément admis" de situer le commencement de l'époque néo-classique, à l'orgue, en 1932. Cette année là, Victor Gonzalez achevait son 3 claviers pour l'église abbatiale de Solesmes. Car, bien entendu, les évolutions déterminantes ne sauraient sortir que d'un "vrai" atelier français... Parler de néo-classicisme entre 1918 et 1931 reste donc un anachronisme pour bon nombre de puristes, certainement à raison. Toutefois, l'Alsace, marquée par l'"Orgelbewegung" et surtout la Réforme alsacienne de l'orgue connut ces tendances dès les années 20. L'influence d'Albert Schweitzer était si forte (Dortmund, St-Reinoldi, 1909) que, d'une certaine façon, l'orgue alsacien quitta le romantisme dès que l'Alsace fut redevenue française.
Si le "néo-classicisme" signifie le retour des Mutations (Tierces 1'3/5), alors bon nombre de ces instruments le sont. Pour désigner l'esthétique de ces orgues, on parle souvent de "post-symphonique". Comme toutes ces étiquettes, il s'agit de raccourcis forcément réducteurs. En fait, certains orgues issus de la maison d'Ammerschwihr entre 1918 et 1931 sont tout simplement des orgues romantiques d'un style spécifique. Dans une Alsace redevenue française, en 1920 à Scherwiller par exemple, placer une batterie d'anches complète au récit, pour quelqu'un d'aussi cultivé que Joseph Rinckenbach, ayant Cavaillé-Coll dans ses "gènes musicaux" n'est pas un acte anodin. C'est un pont jeté au-dessus de deux guerres : lui qui a été formé durant la période allemande, "signe" son retour à l'orgue français, qu'il conçoit romantique : Flûte harmoniques, Hautbois, Voix célestes, "Carré d'or" de 8 pieds : voilà le fondement de ses ouvrages. Le rendu de ses fameuses Tierces lui est tout à fait spécifique. Joseph Rinckenbach avait un "néo-classicisme" à lui, sans excès. On connaîtra une ou deux Cymbales, mais certainement pas de Sesquialtera. Peut-être un unique Larigot. Et pas de positif de dos !
Les compositions
Le "trait caractéristique" des orgues Rinckenbach entre 1918 et 1931, c'est le passage de la Mixture au récit, où elle intègre la boîte expressive. Au grand-orgue, elle peut être remplacée par une Doublette ou un grand Cornet à 5 rangs, dont c'est le grand retour, puisqu'il avait constitué l'âme de l'orgue alsacien "classique" (les Silbermann, Dubois, Rohrer) et "de transition" (Stiehr et Callinet) avant de disparaître en 1870. Le Cornet retrouve donc sa place dans les compositions de Joseph Rinckenbach quand l'Alsace redevient française.
Le grand-orgue "canonique" est donc constitué :
- - de trois ou quatre "8 pieds" du "Carré d'or" romantique : un Principal, une Flûte, un Salicional et une Gambe. Parfois la Gambe est écartée (vu qu'il doit y en avoir une au récit pour "adosser" à la voix céleste), parfois il y en a cinq (Bourdon et Flûte "Majeure", ou Dolce)
- - du Bourdon 16' (nécessaire pour affirmer le côté "grave" de l'instrument) et du Prestant. Soit 5 à 7 jeux.
- - Le récit peut être accouplé au grand-orgue, à l'unisson mais aussi en octaves graves, et très souvent en octaves aiguës (II/I 16', 8', 4').
- - Les jeux "optionnels" sont : une Doublette, un Cornet, un Nasard 2'2/3, une Flûte 4' et parfois cette fameuse Tierce 1'3/5. On ne place une anche au grand-orgue qu'au-delà de 30 jeux (Basson 8'), et les trois claviers peuvent y faire figurer une Trompette 8' et un Basson 16'. La "voie" est donc tracée jusqu'à 13 ou 14 jeux.
Le récit est constitué d'un fondement (Principal ou Quintaton), de l'incontournable couple Gambe / Voix céleste, d'un 4 pieds (parfois une Fugara, mais le plus souvent une Flûte harmonique) de l'Octavin (Flûte harmonique en 2') et d'une anche. Soit 6 jeux. Les récits plus conséquents sont (jusqu'à 35 jeux environ) en quelque sorte des récit+positif, fondus en un même plan sonore. L'indice significatif est la présence d'un second ondulant (l'Unda maris), qui fait normalement partie d'un positif intérieur. Un récit de 14 jeux, par exemple, peut être considéré comme la réunion :
- - d'un récit expressif : Quintaton 16', Principal 8', Flûte harmonique 8', Gambe 8', Voix céleste 8', Fugara 4', Octavin 2', Hautbois 8', Mixture progressive et Trompette.
- - d'un positif expressif : Bourdon 8', Unda maris, Flûte harmonique ou douce 4', Voix humaine 8'
S'il faut aller plus loin, on complète le récit par un Clairon et une anche en 16' (Bombarde mais souvent Basson 16'), puis le passage à trois claviers est obligé, et le positif expressif, cette fois "réel", s'enrichit d'un ou deux 8 pieds (voir d'un Bourdon 16'), d'anches "symphoniques" (Clarinette, Basson) et d'une Mixture spécifique.
La pédale est évidemment généreusement fournie en 16 pieds : une Gambe, une Flûte et un Bourdon. Deux fonds de 8 sont suffisants, et on n'y met presque jamais d'anche en 8' (reprenant en cela une tradition héritée d'avant-guerre). La Flûte 4', ouvrant la voie au "Choralbass" plus tardif, est courante mais ne se rencontre qu'à partir d'une trentaine de jeux.
On trouvera sur la page consacrée aux compositions des orgues Joseph Rinckenbach de 1918 à 1931 plus de détails sur ces évolutions.
Sources et bibliographie :
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[Barth] Médard Barth : "Elsass, 'Das Land der Orgeln' im 19. Jahrhundert", in "Archives de l'Eglise d'Alsace", vol 15., éditions de la société Haguenau, 1965-66, p. 425-427
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[IOLMO] Christian Lutz et François Ménissier : "Orgues de Lorraine, Moselle"
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[IHOA] Pie Meyer-Siat : "Inventaire historique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM, puis Coprur, 1985 et 2003
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[ITOA] "Inventaire technique des orgues d'Alsace", éditions ARDAM