L'orgue de facteur inconnu (avant 1838)

Historique

Un orgue a été installé à Tagolsheim après 1810 et avant 1838, car les comptes de la commune y prévoient des réparations. Il y eut encore une réparation en 1866. En 1892, l'inventaire confirme la présence d'un instrument. On n'en sait guère plus. [IHOA]

L'orgue Martin et Joseph Rinckenbach,
1907 (instrument actuel)
Chronologie

Historique

En 1907, Tagolsheim reçut l'opus 101 de Martin et Joseph Rinckenbach. [IHOA]

Un orgue d'exception, donc, mais évidemment, il a fallu faire des concessions. Tagolsheim comptait à l'époque en peu plus de 360 habitants, et acquérir un orgue de cette classe était un projet très ambitieux. Il a fallu se limiter à un seul manuel, même s'il y avait quand même 10 jeux. (Il est noté à 11 dans les listes : soit quelqu'un avait compté le Trémolo, soit on voulait donner le nombre une fois dotée la 10ème chape au manuel - à l'origine vide.) Le buffet, aussi, n'était pas neuf. On ne sait pas s'il vient de l'orgue précédent ou d'un autre instrument. [IHOA]

Mais pour le reste, pas de concession ! Pour se faire une idée de ce qu'a pu être cet instrument à l'origine, on peut aller à Wackenbach, ou on trouve son petit frère (1912 et 6 jeux seulement). Ce petit bijou, remarquablement conservé et entretenu, laisse imaginer ce qu'on pouvait faire avec 4 jeux de plus.

Car c'était l'âge d'or de la facture d'orgue en Alsace, et aussi pour la maison Rinckenbach. De 1907 date son "orgue-jubilé" (le 100ème), placé au couvent de la Providence à Ribeauvillé, et dont la maison (et l'Asace) était particulièrement fière. Ce dernier fut massacré en 1966, mais la splendeur de ses contemporains (1907) peut encore être appréciée à Waldighoffen ou Horbourg-Wihr.

La composition relevée en 1948 est probablement celle d'origine. Le reste est déduit de l'existant :

Il y a toujours 9 jeux au manuel ; Schwenkedel ne relève pas la présence d'une chape vide, mais celle-ci était à coup sûr déjà là. Il note "Flûte. trav. 8", alors qu'elle était probablement en 4', et ce peut-être uniquement sur la base de la porcelaine, car il est probable que c'était déjà une Flûte à cheminée (Rohrfloete) 4'. En effet, la porcelaine actuelle "Rohrflöte 4" est d'origine.

Un (petit) orchestre alsacien

Il s'agit donc d'un orgue typiquement post-symphonique alsacien. Quatre fonds de 8', sans compter la Voix céleste. Une solide assise sur 16', complète. Il n'y a pas d'anche. Le tout est conçu pour offrir les incomparables couleurs orchestrales élaborées en ce début de siècle. Certes plus un orchestre de chambre qu'un philharmonique, mais le style est affirmé. On note la présence de l'Aeoline, "conjoint" naturel de la Voix céleste et "seconde Gambe" si besoin. On note aussi le très post-symphonique accouplement en 4', qui permet un chœur de Voix céleste doublée (Voix céleste + Aeoline + I/I 4').

Un destin malheureux

On le sait, les tuyaux de façade ont été réquisitionnés dans toute l'Allemagne, en 1917, pour contribuer à l'effort de guerre. Malheureusement, ici, au lieu de se limiter à la façade (muette), la réquisition s'étendit à toute la tuyauterie métallique. Le fait - peu courant - a une explication simple : il n'y avait plus personne pour défendre l'orgue, car Tagolsheim avait été vidé de ses habitants dès 1916. [IHOA]

Ces dégâts, considérables, ont été réparés avant 1927, probablement par Alfred Berger. [IHOA]

En 1948, Georges Schwenkedel procéda à un relevage. [SchwenkedelNB]

Il nota la composition, et "Abreiten : Lade gerissen muss ausgebaut werden. Taschen erneuern." ("Travaux : sommier déchiré à déposer. Membranes à changer.") Apparemment, ni lui ni l'auteur des travaux entre 1920 et 1927 n'ont procédé au moindre changement de composition. [SchwenkedelNB]

En 1965, il y eut une intervention par Louis Blessig. [IHOA]

Comme la composition relevée dès 1968, publiée dans l'inventaire historique des orgues d'Alsace, donne une "Fourniture" et une Doublette 2', il est probable que ces deux jeux datent de 1965.

Ce 2' est totalement étranger au style, sur un aussi petit instrument. On peut l'imaginer à partir de 25-30 jeux, mais pas 10... (Surtout pas sans anche.) Ensuite, il y avait déjà un Principal 4' et les octaves aiguës I/I 4', donc ce 2' "implicite". Et maintenant, la présence de cette Doublette empêche l'utilisation des octaves aiguës quand elle est tirée, puis qu'alors, elle sonne aussi... en 1'.

Et pour la Fourniture en 1'1/3... avait-on oublié l'accouplement à l'octave aiguë ? Avec celle d'origine (2'2/3) et I/I 4', on avait déjà une Fourniture en 1'1/3, et l'opération était donc totalement absurde.

Il reste une chose très triste, et très révélatrice : la console est dépourvue de sa plaque d'adresse ! Quelqu'un (entre 1920 et 1965) a voulu "effacer" son origine...

La regettable perte de l'Aeoline

En 1983, il y eut des travaux, menés par Michel Gaillard pour le compte de la Manufacture d'Orgues Franc-Comtoise. L'Aeoline 8' a été remplacée par un Nasard 2'2/3. La façade a été (à nouveau) remplacée, en étain. [ITOA]

Voir une des ces Aeolines, si belles, si précieuses, et aujourd'hui si rares, remplacée par un vulgaire Nasard (qu'on ne peut même pas prendre pour une voix en solo) est vraiment désespérant. La tuyauterie actuelle (2021) est de belle facture, et l'orgue serait très beau sans ces absurdes "petits jeux" (Doublette, Nasard et Fourniture). Cet orgue mérite vraiment qu'on lui rende son Aeoline !

Console:

La jolie petite console indépendante,
malheureusement privée de sa plaque d'adresse.

Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirage des jeux par tirants de section ronde à pommeaux tournés noirs, munis de porcelaines blanches pour le manuel, et rose pour la pédale, disposés en deux gradins de part et d'autre du clavier. Clavier blanc. Joues moulurées.

Commande des combinaisons fixes par 4 pitons blancs (le 4ème est l'annulateur), situés au centre sous le clavier. Elles sont identifiées par des porcelaines blanches rondes.

Commande de l'accouplement à l'octave et de la tirasse par pédales-cuillers à accrocher, repérées par des porcelaines rondes disposées en haut de la console : "Super Octavkopp. I M" et "Pedal Koppel I".

Pédale basculante de l'expression générale, située au-dessus de la touche "a" du pédalier.

Il n'y a plus de plaque d'adresse, et la planche verticale fermant le haut de la console, où elle se trouve d'habitude, a été remplacée par une pièce de bois de fort mauvaise qualité. Il n'est pas possible de savoir si la perte de la plaque d'adresse a été consécutive au remplacement de cette planche, ou si cette planche a justement été remplacée pour la faire disparaître.

La console est absolument authentique, à l'exception de quelques porcelaines et de la planche portant la plaque d'adresse.

Tuyauterie:

Une vue sur la tuyauterie. Le fond de l'orgue (et la Soubasse) est en haut à droite.
De gauche à droite : (hors champ), le 2'2/3 remplaçant l'Aeoline disparue, le Bourodn 8',
puis la Voix céleste et la Gambe, le Roehnfloete 4' avec ses cheminées entrantes et dessus ouverts,
l'Octave 4', le Bourdon 16', le Principal 8', le 2' et la Fourniture.
(On distingue nettement que les faux-sommier de ces derniers jeux sont récents.)

Sans analyse détaillée de la tuyauterie, il n'est pas possible de déterminer ce qui a vraiment été réquisitionné en 1917. Mais il paraît quand même douteux que ce soit réellement tous les tuyaux de métal qui ont été enlevés. En tous cas, la tuyauterie installée dans les années 20-30 est de belle facture, et respecte l'esthétique originelle (calottes mobiles, entailles de timbre). Certains détails, comme les cheminées rentrantes de la Rohrfloete, font vraiment "années 30". Sans ces absurdes Fourniture, Doublette, Nasard, l'ensemble serait très cohérent...