La localité actuelle d'Alteckendorf a été constituée par l'unification de deux villages :
Altorf ou Altdorf (qui n'a rien a voir avec Altorf près de Molsheim) et
Eckendorf. Après la réunification, effectuée en 1777, les deux églises luthériennes ont été
conservées. Elles servirent simplement chacune à leur tour, une semaine sur
deux.
L'église protestante d'Eckendorf, située rue de l'église, date pour partie de 1667
(on la désigne parfois comme "église St-Arbogast" - mais, s'il est tout à fait correct, en
Alsace, d'utiliser le terme "église" luthérienne, y ajouter un saint patron commence à
devenir difficile à expliquer... Ici, c'est toutefois bienvenu.) C'est celle qui abrite les
fresques de la Passion du Christ, et où il y a le presbytère.
L'église protestante d'Altdorf (probablement "village haut", et non pas "vieux village") est située route
de Ringendorf, et date de 1775 ("St-Martin"). Son autel est orné d'une peinture blanche
figurant une brebis qui tient un drapeau.
Voilà pour les deux édifices, qu'il est donc
aisé de confondre. Pour les orgues, on peut dire que rien n'a été fait pour limiter la
confusion. Les deux édifices ont reçu, en 1846, une moitié de l'orgue Krämer racheté à
Phalsbourg. Une proposition telle que "Là où il y a eu l'orgue Krämer" ne permet donc
absolument pas de savoir de quelle église d'Alteckendorf il s'agit. Ensuite, à la fin du 19
ème, les deux églsies ont été dotées d'un orgue Gebrüder Link ! Donc, "Là où il y a un Link"
ne permet pas non plus de faire le lien...
Pour arriver à suivre, on peut se servir
du petit mémo suivant:
Eckendorf: rue de l'église ; "St-Arbogast" ; fresques ;
presbytère ; a reçu le positif de l'orgue Krämer ; opus 295 de Link, 1898, avec galeries
ajourées, tribune contournant la console, et tirants.
Altorf: route de Ringendorf ;
"St-Martin" ; brebis et drapeau ; a reçu le grand-orgue, l'écho et la pédale de l'orgue
Krämer ; opus 472 de Link, 1907, avec dorures, demi-rosace, console à fleur de tribune, et
dominos.
Historique
En 1846, la maison Stiehr-Mockers plaça ici le positif d'un orgue de Sébastien Krämer, 1789, qui avait été repris à Phalsbourg, en le munissant d'une pédale neuve. [IHOA] [ITOA] [Barth] [PMSLINK] [IOLMO]
La maison Stiehr avait en effet posé à Phalsbourg un orgue neuf en 1844, et racheté l'ancien instrument, qui datait de 1789 et avait été construit par Sébastien Krämer. C'était plutôt un grand instrument, doté de 3 manuels (positif de dos, grand-orgue, et dessus d'écho) et d'une pédale de 5 jeux. Lorsqu'Alteckendorf se proposa de l'acquérir, il fallut décider... de l'église dans laquelle l'installer. On fit un jugement à la Salomon : une moitié pour l'église d'Altorf, l'autre pour celle d'Eckendorf. [PMSLINK] [IOLMO]
Si, après la révolution, certains facteurs s'étaient fait spécialistes de ce genre de bouturage, la sérieuse maison Stiehr de Seltz ne devait pas voir cela d'un très bon oeil. D'un autre côté, il est fort douteux que l'orgue Krämer ait constitué un chef d'oeuvre impérissable (il était "délabré" avant son départ de Phalsbourg). C'était finalement une solution pragmatique... Le grand-orgue, l'écho et la pédale de l'orgue Krämer allaient être remontés à Altorf, alors que le positif (de dos mais qui allait cesser de l'être), muni d'une pédale neuve, allait servir à Eckendorf. Et, probablement, en ouvrant les fenêtres et en jouant fort, on allait pouvoir entendre l'orgue Krämer dans sa totalité.
Voici la composition de ce demi-orgue complété :
C'est Philippe Jacques Gall (Niedersoultzbach), et Zwilling, instituteur et organiste à Alteckendorf qui furent chargés de la réception des travaux Stiehr, qui eut lieu le 13/02/1846. Pour les deux orgues. [PMSLINK]
A peine deux ans plus tard, l'église d'Eckendorf nécessita des travaux en urgence : la tribune menaçait de s'effondrer. [PMSLINK]
L'orgue Stiehr de Phalsbourg n'existe plus : il fut anéanti par faits de guerre le 14/08/1870. Aujourd'hui, à Phalsbourg, il y a une autre merveille de la facture d'orgue, l'Opus 49 de Martin Rinckenbach (1896), et dont l'authenticité est exceptionnelle.
Historique
Si Alteckendorf est aujourd'hui doté de ces deux beaux orgues romantiques, c'est grâce à l'engagement de l'organiste V. Huss et du pasteur Michel Spack. Déjà à bout avant son découpage et son déménagement, l'orgue Krämer était devenu quasi injouable (mécanique, alimentation, tuyauterie métallique), et une réparation était bien sûr hors de question. Restait qu'il fallait trouver de quoi faire construire DEUX orgues... En 1898, la maison Gebrüder Link, de Giegen-an-der-Brenz posa à Eckendorf son Opus 295. [ITOA] [Barth] [PMSLINK]
Ce fut l'opus 295 des frères Link, et leur 6 ème orgue à être posé en Alsace. Aussi, la maison Wurtembourgeoise eut-elle à convaincre : elle était en concurrence avec Roethinger (qui était cher, et dont la réputation n'était pas encore fortement assise) et... Walcker (dont la réputation n'était plus à faire, mais qui proposait un orgue sans buffet de 11 jeux seulement). Roethinger et Link proposaient 13 jeux chacun, à 402 Marks du jeu pour le premier, et 344 seulement pour les seconds (14% moins cher). [PMSLINK]
La maison Link pouvait évidemment compter, en raison de l'ampleur de sa production, sur des "économies d'échelle". Mais c'était loin d'être des prix cassés, car les techniques et les matériaux étaient en tous points comparables. A noter : le prix étonnant de l'expression du récit : presque 5 fois plus cher que chez Walcker. Cette option était donc un "luxe" chez Link, ce qui explique que plusieurs orgues de Giegen furent fournis en Alsace sans récit expressif.
C | c' |
2'2/3 | 2'2/3 |
2' | 2' |
- | 1'3/5 |
A la réalisation, quelques aménagements ont été effectués : la Flûte 8' trouva probablement tout de suite sa place au grand-orgue, privé du coup de Flûte à cheminée 4', et le récit a été doté à la place d'un Geigenprincipal, ainsi que probablement une Flûte traversière (et pas d'un Gemshorn 4'). Le rang de 2' de la Mixture n'a probablement jamais été séparable. La Mixture réalisée était à 2-3 rangs, sans reprise : 2'2/3 et 2' sur toute l'étendue, puis 1'3/5 (Tierce) à partir du troisième Do.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités allemandes en 1917. [ITOA]
En 1928, Edmond-Alexandre Roethinger vint remplacer la façade. [ITOA]
Il y eut des dégâts vers 1944. [ITOA]
En 1954, Ernest Muhleisen procéda à une réparation suite aux dommages de guerre. [IHOA] [ITOA]
Les changements de composition dont fut victime cet instrument ont
probablement été réalisés à ce moment, sans que ce ne soit totalement établi :
la liste des travaux Muhleisen ne rapporte rien à Alteckendorf en 1954. Ils ont
pu être effectués à une autre date ou par quelqu'un d'autre.
Toujours est-il
qu'ils sont évidemment fort dommageables à cet orgue, comme toutes ces
"baroquisations" pratiquées dans le dernier tiers du 20 ème siècle.
L'indispensable Gambe du grand-orgue a été "recoupée" pour en faire une
"Quinte"... La Mixture semble avoir perdu son rang de 2'2/3 (probablement une
conséquence du recoupage de la Gambe en 2'2/3 : il y avait du coup un doublon
renforçant la 3 ème harmonique au-delà du supportable. Ce genre de modification
provoque des conséquences néfastes en cascade... Et la malheureuse Voix céleste
a été remplacée par un 2' principalisant, constitué par une Aéoline... de
Walcker, "recoupée" ! Outre la perte de l'indispensable Voix céleste, la
destruction d'une Aéoline de très grande valeur, cette "Doublette" au second
clavier d'un orgue romantique est totalement absurde (surtout qu'occupant la
chape de la Voix céleste, elle n'a pas d'octave grave). Il serait vraiment
souhaitable de restaurer ces trois jeux, pour rendre à cet orgue son
authenticité. Les instruments de Link ont une harmonisation extrêmement subtile,
où tout est extrêmement rigoureux et pensé dans les moindres détails. Cette
"Quinte" et cette "Doublette" détruisent forcément tout l'édifice.
En 1991, l'orgue a été entretenu par Christian Guerrier. [IHOA]
En 1998, ce serait de nouveau la maison Muhleisen qui a fait l'entretien. [IHOA]
Le buffet
De style néo-roman, en sapin, le buffet est constitué de trois tourelles (plates) saillantes (la plus grande au milieu), séparées par de petites plates-faces surmontées d'une galerie ajourée. Les tourelles sont flanquées de piliers à base lisse, puis cannelés. Ils sont munis de chapiteaux corinthiens.
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle incliné. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés, placés de part et d'autre des claviers, sur des gradins présentant un grand chanfrein accueillant les porcelaines. Quatre poussoirs placés au-dessus du récit commandent les combinaisons (avec l'annulateur "Auslösung"). La plaque d'adresse est en deux parties : "GEBRÜDER LINK : ORGELBAUMEISTER" à gauche des poussoirs et "GIEGEN a.d. BRENZ / WÜRTEMBERG" à droite (lettres dorées sur fond noir). Une plaque rectangulaire en porcelaine, placée entre les deux claviers, donne le numéro d'opus (295). Porcelaines écrites en gothique (Fraktur) avec une fonte très enluminurée (sauf bien sûr les porcelaines correspondant aux jeux modifiés). Ce qui concerne la pédale apparaît sur fond rose (les porcelaines des tirasses ont donc leur moitié inférieure rose), et ce qui concerne le récit est sur fond jaune. Commande des accouplements par tirants. Pédale d'expession située à droite, au-dessus des dernières touches du pédalier. [FLechene]
Sources et bibliographie :
Les dates de construction des deux Link sont interchangées. Il doit être en effet impossible d'écrire quoi que ce soit sur ces deux orgues sans en invertir au moins un attribut...
Avec les photos de cette page.
Localisation :