A deux pas d'Ebersmunster, il faut aller voir dans l'église baroque d'Ebersheim (1767) un buffet datant de 1785. C'est celui de l'orgue que construisit Martin Bergäntzel pour Ebersheim (28 Jeux sur 3 claviers et Pédale).
Historique
L'accord avec Martin Bergäntzel fut signé le 14/06/1784 [PMSBERGANTZEL] [IHOA] [HOIE] [ITOA]
La composition de l'orgue Bergäntzel était sans surprise pour l'époque (mis à part peut être la Flûte 4' du grand-orgue). Le clavier d'écho, de 30 notes, commençait au deuxième La (a') et n'était muni que de 3 tirants. Comme il en fallait un pour la Trompette, c'est que le Cornet d'écho n'avait que 2 tirants (on n'en connaît pas la répartition : peut être que c'était le Bourdon + le Cornet 4 rangs, ou bien la Sesquialtera a pu être séparable).
Après un premier projet à 18 notes, la pédale a finalement été construite sur deux octaves.
Joseph Bergäntzel, le fils de Martin, vint réparer l'instrument en 1792 (pour presque 10% du prix de l'orgue neuf). [ITOA]
Joseph Bergäntzel revint faire une autre réparation en 1815. [PMSBERGANTZEL] [ITOA]
Le buffet
Il s'agit du buffet actuel, réparé en 1953 suite à des dommages de guerre.
Caractéristiques instrumentales
Historique
En 1885, Martin Rinckenbach construisit un orgue neuf, à traction mécanique, dans le buffet de Bergäntzel. C'était son Opus 12 : avec 24 jeux sur 2 manuels et pédale. [LR1907] [PMSBERGANTZEL] [ITOA] [HOIE]
Cet orgue romantique, construit lors de ce qui fut sûrement la plus belle époque de l'orgue alsacien, devait être - comme ses contemporains construits par la maison d'Ammerschwihr - un instrument exceptionnel. Evidemment, il n'était pas assorti à son buffet "classique", mais il faut se souvenir que la maison Rinckenbach perpétuait l'héritage de celle des Bergäntzel. Un orgue Rinckenbach dans un buffet Bergäntzel n'était donc nullement une faute de goût.
C'est Zurbach, employé de Rinckenbach, qui travailla sur place, du 25/10 au 21/11/1885.
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités allemandes en 1917. [HOIE]
En 1925, la maison Edmond-Alexandre Roethinger vint y faire des travaux d'importance, parfois qualifiés de "reconstruction". [ITOA] [HOIE]
L'instrument fut frappé, à l'arrière du buffet, par un obus le 26/12/1944. La partie instrumentale était censée avoir été détruite. On fit usage d'un harmonium jusqu'en 1953. [ITOA] [HOIE]
La nature exacte des dégâts reste à déterminer. Le buffet, en tous cas, ne semble pas avoir tant souffert que cela. Ni les sommiers, d'ailleurs. On ne sait pas grand chose de la composition du Rinckenbach, mais il est peu probable que le second clavier ait été un positif de dos. Si c'était un récit, il a dû entièrement disparaître, l'instrument ayant été frappé à l'arrière, tout comme une bonne partie de la tuyauterie de pédale.
Historique
Les sources s'accordent pour dire que c'est en 1953 que la maison Max et André Roethinger construisit un nouvel orgue dans le buffet de 1785. La plaque d'adresse sur la console, par contre, indique 1951 : instrument a peut-être été remis en état en plusieurs tranches, la console étant posée en 1951. [HOIE] [ITOA]
Avec son récit expressif, son positif postiche et son esthétique néo-classique, il ne s'accordait en aucune façon au prestigieux buffet. La tuyauterie est quelconque, en grande partie récupérée, mais la façade a été reconstruite en étain.
En fait d'orgue "neuf", et comme la plupart des instruments payés par les "dommages de guerre", l'orgue Roethinger réutilisa pas mal de matériel de 1885; dont au moins les sommiers du grand-orgue et de pédale, électrifiés. S'il ne devait effectivement rester plus grand-chose du récit de Rinckenbach, le restant de la tuyauterie de l'orgue actuel mériterait un inventaire poussé : il y a sûrement de bonnes surprises à attendre.
En 1966, Ernest Muhleisen "baroquisa" l'instrument néo-classique de Roethinger : [ITOA] [RLopes]
- Remplacement de la Flûte harmonique par une Flûte à cheminée (!),
- et du Nasard par une Sesquialtera.
- Pose d'une Cymbale et d'un Clairon neufs. (Puisqu'il n'y a pas eu de chape ajoutée au sommier, ces jeux ont dû en remplacer deux autres.)
- Réharmonisation de la Fourniture ; mais il est probable que plus d'éléments aient été remplacés.
Le buffet
Le buffet de Bergäntzel, en chêne, a été classé Monument Historique le 11/01/1977. Il est typique de la production Haut-Rhinoise du 18 ème (Dubois/Besançon/Bergäntzel). On y retrouve toute l'ornementation traditionnelle (rocailles, fleurs d'acanthe, pots-à-fleur, palmes pour les jouées). Plus caractéristiques sont les plates-faces, sans corniche (avec de grands rinceaux), et verticalement divisées en deux. La division est généralement accentuée par un ornement supérieur. La tourelle centrale et les deux demi plates-faces créent un ensemble esthétique, parfois rehaussé par un même traitement de la partie supérieure, comme à Landser). Ici, c'est moins marqué, mais l'aspect général n'est pas sans évoquer les tourelles trilobées. On retrouve la séparation des plates faces à Landser et Wettolsheim, qui a pratiquement la même disposition qu'Ebersheim. Sur ces deux derniers instruments, les jouées sont plus larges. Le buffet de Rixheim est aussi très apparenté à celui d'Ebersheim, mais là-bas le positif n'a que deux tourelles. Comme souvent à cette époque, le culot de la tourelle centrale (plutôt de l'ensemble tourelle centrale+les deux moitiés des plates-faces) est particulièrement élaboré.
Caractéristiques instrumentales
C | c | c' | c'' |
1'1/3 | 2' | 2'2/3 | 4' |
1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' |
C | c | f | c' | f' | f'' |
1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
1/3' | 1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' |
1/4' | 1/3' | 1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 |
C | c |
- | 2'2/3 |
1'3/5 | 1'3/5 |
C | c | c' | c'' | c''' |
1'1/3 | 2' | 2'2/3 | 4' | 8' |
1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 | 4' |
2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' |
Console indépendante fermée par un rideau coulissant, latérale du côté droit et dos à l'orgue. L'organiste est donc tourné vers la partie droite de la tribune (où se tient la chorale). Tirage des jeux par dominos blancs, disposés en ligne au-dessus du second clavier. Le nom des jeux est sérigraphié sur les dominos (pas de porcelaines), en noir pour le grand-orgue, en rouge pour le récit, et un bleu pour la pédale. Certains dominos sont munis de plaquettes rapportées :
- Doublette 2', Flûte 4', Clairon 4', Cymbale 3 rgs. du grand-orgue
- Bourdon 8', Prestant conique 4', Flûte à cheminée 4', Sesquialtéra 2 rgs. et Fourniture 4 rgs. du récit.
Les nouvelles dénominations font figurer le symbole "pied" (') après les chiffres, alors que les anciennes (Roethinger) ne le faisaient pas. Ceci laisse à penser que les modifications de 1966 ont été plus importantes que celles retenues par l'histoire.
Il y a des dominos pour les 3 accouplements (commande double). Pas de trémolo au récit. Claviers blancs. Commande des combinaisons fixes par trois poussoirs, situés sous le premier clavier : "MF", "T" (endommagé) et l'annulateur (noir). Les commandes au pied sont, de gauche à droite, 3 pédales-cuillers : "Tirasse I", "Tirasse II", "II/I", puis la pédale basculante "Expression II". Pas de crescendo. Voltmètre, placé en haut à gauche, gradué jusqu'à 25V, et affichant 20V en marche.
Plaque d'adresse placée en haut à droite (symétriquement au voltmètre), constituée de lettres en laiton incrustées dans le bois, entourées d'un liséré, et d'une porcelaine blanche rectangulaire donnant la date de réalisation :
Il y a deux combinaisons fixes (Mezzo-forte et Tutti).
Electrique (électro-aimants tirant les vergettes).
Les sommiers sont à gravures au grand-orgue (à 54 notes, bien qu'il y ait 56 notes au clavier) et à la pédale (27 notes, agrandi à 30 avec un petit sommier complémentaire). Ils ont l'air de Rinckenbach. Ils ont bien entendu été modifiés pour supporter la traction électrique. Le sommier du récit, avec son réservoir intégré, est clairement de Roethinger. [ITOA] [RLopes]
La pédale est diatonique, en "M", et le complément de pédale est placé au centre et en hauteur, donc derrière le grand-orgue.
De nombreux tuyaux en bois ont l'air de provenir de l'orgue Rinckenbach. Mais la tuyauterie métallique, souvent en Spotted, est clairement du 20ème. L'harmonisation, de plus, a été totalement refaite dans le goût des années 60.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Laurence Kempf et Jean Weiss.
Photos du 14/04/2018.
Document et photos.
"Ebersheim 24"
Il manque la Voix céleste au récit.
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