Jettingen s'appelait autrefois Uttingen. La tradition organistique du lieu n'est pas très ancienne (1840), mais s'illustre aujourd'hui par la présence un instrument remarquable, construit par Jacob Zimmermann (1860-1939), de Bâle. Cet orgue, précieux témoin de l'influence de la facture romantique suisse en Alsace, a été terminé en décembre 1894 ; il est resté totalement authentique.
Historique
La présence d'un orgue est attestée à Jettingen juste après 1840, mais on ne sait pas grand chose de cet instrument, et on en ignore la provenance. L'enquête inventaire de 1840 avait noté qu'il n'y avait pas d'orgue. [IHOA] [Barth]
En 1856, il y eut une réparation par Claude-Ignace Callinet (qui fournit à cette occasion 9 tuyaux de Trompette). [IHOA] [Barth] [PMSCALL]
L'instrument a été démonté en 1876 lors de la construction de l'église actuelle, et ne fut pas remonté dans le nouvel édifice. Il n'y a pas eu d'orgue à Jettingen entre 1876 et 1893. [IHOA]
Historique
L'orgue de Jacob Zimmermann a été reçu le 26/12/1894. [IHOA] [Barth]
Jacob Zimmermann (1860-1939), de Bâle, a construit cinq autres orgues en Alsace après celui-ci : à Michelbach-le-Haut (vers 1898), à Ottmarsheim (1901 ; le malheureux instrument se trouve aujourd'hui à Dolleren, où il est muet car sa console a été éliminée pour faire de la place à une chose électronique), Attenschwiller (1908, détruit en 1972), et Franken (1901, resté authentique sauf la façade et un horrible jeu bricolé en 2').
C'est Friedrich Wilhelm Sering qui conseilla Jettingen pour cette acquisition. L'instrument fut très apprécié : "Orgel von imponierender Pracht und Fülle". ("Orgue d'une impressionnante abondance et splendeur.") [Barth]
Comme pour tous les instruments restés authentiques, la suite de l'historique est plutôt court :
Il y eut un relevage par Georges Schwenkedel en 1946. [IHOA]
Et un autre en 1964, par Louis Blessig. [IHOA]
En 2019, l'instrument a bénéficié de travaux d'entretien par la maison Jean-Christian Guerrier. [VWeller]
Jettingen est la localité de naissance de Benoist Stehlin (ou "Stellin") (<1732 - 1774), facteur de clavecin. Il était le neveu du facteur Jean-Baptiste Keiser.
Le buffet
Le buffet est attribué à la maison Klem, de Colmar, par les inventaires. Mais le reste du mobilier de l'église est de Boehm. La partie avant est en chêne. Les tuyaux de façade sont d'origine. [ITOA] [Barth]
Caractéristiques instrumentales
C | c |
- | 4' |
2'2/3 | 2'2/3 |
2' | 2' |
1'3/5 | 1'3/5 |
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux tournés noirs munis d'un point central en relief, disposés en trois niveaux de chaque côté des claviers. Les deux niveaux du bas passent par deux gradins munis d'un large chanfrein, sur lequel sont placées les porcelaines rondes. Le troisième niveau de tirants sort directement de la planche verticale supérieure. Le nom des jeux figure en belles italiques, et le fond des porcelaines est coloré en fonction des plans sonores : blanc pour le grand-orgue, bleu pour le récit et jaune pour la pédale. Les porcelaines des accouplements sont bicolores. Le nom des jeux est également préfixé par un identifiant du plan sonore (ex : "II Man. Geigen= Principal 8'").
Claviers blancs, à frontons droits pour le premier, et biseautés pour le second. Joues noires moulurées. Pédalier d'origine, avec de larges naturelles au profil galbé, et plutôt peu profond. Placage intérieur de la console en ronce de noyer. Commande des tirasses et accouplements par tirants. Commande des combinaisons fixes par 4 pédales-cuillers à accrocher, de gauche à droite par ordre d'intensité. Chaque pédale enfonce également les précédentes. La pédale d'expression du récit est à bascule, tout à droite de la console, et orientée vers le centre. Elle est pliable, et semble d'origine.
Grand porte-partitions. Banc à pieds en "h" (dont les pieds vont en s'élargissant).
Plaque d'adresse rectangulaire en porcelaine blanche, placée en haut et au centre, et disant :
Mécanique à équerres pour les notes. Tirage des jeux pneumatique.
Sommiers à cônes (Kegelladen). Le grand-orgue, diatonique, est à sa position habituelle derrière la façade. Il est disposé en "W" : l'octave grave est placée en "ravalement" au centre, en mitre. La pédale est logée à l'arrière du soubassement, derrière le réservoir. L'Octavebasse parle vers l'arrière de l'orgue. Les panneaux ont été ajourés afin de mieux laisser passer le son. Le récit est logé dans une cavité, contre le mur du clocher, derrière la pédale, et est de ce fait difficilement accessible. Il y a deux sommiers, diatoniques, avec les basses au centre. L'expression se fait par deux volets sur les cotés.
La tuyauterie, de qualité remarquable, est très apparentée à celle de la maison Goll de Lucerne (auprès de laquelle les tuyaux ont peut-être été acquis). Début 2019, elle était très empoussiérée. Les techniques de facture sont caractéristiques du post-romantisme germanique : bouches arquées, nombreux tuyaux en bois, très étoffés, biseaux à dents, entailles de timbre fréquentes mais pas systématiques (de nombreux systèmes d'accord sont utilisés). L'Aeoline du récit est munie d'entailles de timbre en forme de trous de serrure.
Cet orgue est absolument remarquable, tant par ses caractéristiques instrumentales que par son authenticité, et donc son intérêt historique. Il témoigne de l'influence suisse sur l'orgue alsacien Alsace. Celle-ci fut particulièrement marquée à plusieurs moments de l'histoire : au 18ème avec Martin Bergäntzel, mais aussi à la fin du 19ème puisque Martin Rinckenbach a effectué une partie de sa formation chez Haas à Lucerne.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Luc Zinger.
Photos du 15/05/2021 et données techniques.
Photos du 03/06/2019 et données techniques ; travaux de 2019.
Photos du buffet et de la console.
Localisation :