Ce bel instrument, malheureusement aujourd'hui muet (il a été privé de sa console lors de l'installation d'un "orgue" électronique à la tribune) est un précieux témoin de l'influence qu'à eue la facture d'orgues Suisse en Alsace. Il s'agit de l'ancien orgue des Bénédictines d'Ottmarsheim (aujourd'hui le Prieuré St-Bernard), construit en 1901 par Jacob Zimmermann, de Bâle, et qui a rejoint Dolleren en 1923.
Historique
Un premier orgue a été placé à l'église de Dolleren dès 1898. Il avait été construit par Martin Rinckenbach pour le curé Chrysostome Fix, et installé par Zurbach le 17/10/1884. A la mort du curé Fix, en 1897, la paroisse devint propriétaire de l'instrument et l'orgue a été installé à l'église. [LR1907] [IHOA]
Le petit instrument, qui était l'opus 9 de Martin Rinckenbach, a été repris par Alfred Berger en 1923. [IHOA]
L'un de ses 4 jeux était une Fugara : Berger l'a placée dans l'orgue de Raedersdorf en 1924.
Historique
En 1923, Alfred Berger installa à Dolleren un orgue de Jacob Zimmermann, 1901 qui venait d'Ottmarsheim, Prieuré St-Bernard (à l'époque, le couvent des Bénédictines). Berger ajouta un jeu à l'instrument. [IHOA] [ITOA]
L'orgue Bâlois installé à Ottmarsheim disposait de 7 jeux, et n'était doté que d'un seul manuel. Il a été reçu le 18/08/1901, et expertisé par l'organiste de la cathédrale de Fribourg. Tous les jeux (manuels ?) étaient censés être des 8'. C'est donc a priori la Flûte 4' qui a été ajoutée par Berger. Les sommiers sont à cônes ("Kegelladen"). [IHOA] [ITOA] [Barth]
Contrairement aux sommiers dits "à gravures", où une soupape est commune pour les tuyaux des jeux du sommier donnant la même note, le soufflet soulève une longue règle qui enfonce autant de petits pistons qu'il y a de tuyaux pour la note. Il n'y a pas de registre sous le tuyau : le jeu entier est alimenté - ou pas - selon la position du triant à la console. L'alimentation finale reste donc indépendante pour chaque jeu, ce qui est un avantage déterminant : pas d' "effet de gravure" (capture du vent d'un jeu par un autre, et création de turbulences). Il est aussi aisé, si on le souhaite, d'alimenter chaque jeu spécifiquement. L'ensemble agissant sur des éléments (les cônes) de petite section, la résistance due à la pression est limitée (Force = Pression x Surface).
Il est fort regrettable que ces solutions simples et efficaces ("Registerkanzelle"), directement dictées par les bases de la mécanique des fluides (et le bon sens) soient aujourd'hui négligées par les facteurs d'orgues (et surtout leurs commanditaires). Sûrement sous le curieux prétexte qu'au 18ème siècle, seuls les sommiers à gravures étaient connus. (Pour une restauration d'un orgue du 18ème, évidemment, le sommier à gravures s'impose.)
Les sommiers à cônes, comme les sommiers à membranes (pneumatiques), ont été une réelle avancée dans la facture d'orgue : ils permettent une plus grande souplesse dans l'harmonisation, parce que tous les jeux d'une même note ne partagent pas une alimentation commune (la gravure), et n'influent donc pas les uns sur les autres. Une telle solution devrait être - au moins - envisagée pour tous les orgues neufs, alors que, souvent, le sommier à gravures "va de soi"... car de nombreux facteurs ("spécialisés" dans le 18ème suite à la vague néo-baroque) n'ont tout simplement plus les compétences nécessaires pour construire les autres types de sommiers.
L'instrument ne parait pas avoir bénéficié d'un entretien conséquent entre 1923 et 1950. Si bien qu'en 1950, on dut se servir d'un harmonium. L'orgue Zimmermann a finalement été réparé par Georges Schwenkedel en 1952. Ce fut la dernière fois qu'il a été entretenu. En 1974, Dolleren préféra la "solution de facilité" et se procura un (premier) "orgue" électronique. Il est probable que plus personne n'avait conscience de la valeur de cet instrument historique. [IHOA]
Le buffet
Le curieux aspect actuel de la façade vient du fait que les oreilles des tuyaux ont été tordues (!), et recouvrent les bords des bouches... L'objet de cette dégradation reste un total mystère, mais comme la façade est muette, cela n'a pas causé de dégâts additionnels à la partie instrumentale.
Le buffet, en chêne, est de style néo-gothique (comme à Michelbach-le-Haut). Deux tourelles en tiers-point encadrent une plate-face presque carrée. Une galerie parcourt le sommet de la plate-face, tandis que les faces des tourelles sont munies de gâbles. Les couronnements, conformément aux canons du style néo-gothique, sont constitués de pinacles à crochets.
Caractéristiques instrumentales
La console a disparu. Elle a été arrachée pour faire de la place à la chose électronique. Pour se faire une idée, on peut aller voir les magnifiques consoles Zimmermann de Jettingen (1894), Michelbach-le-Haut (1898), ou Franken (1901, parfaitement contemporaine et totalement authentique). Celles de Jettingen et de Michelbach sont munies de tirants disposés en gradins présentant un large chanfrein sur lesquels sont placées les porcelaines. Celle de Franken a reçu un tirage de jeux à la façon de Weigle (comme à l'église protestante de Bischwihr).
La console n'était déjà plus en place en 1986 lors de l'inventaire des orgues d'Alsace. Toutefois, elle semble avoir été encore accessible, car l'inventaire donne des détails qui ne peuvent être connus qu'à la vue de la console (Appel Tutti, I/I 4'). Etait-elle à ce moment encore conservée à la tribune ? Toujours est-il qu'aujourd'hui (2018), elle n'y est plus.
A cônes (Kegelladen), de très belle facture, diatoniques en mitre (basses au centre). Tout le manuel est enfermé dans une boîte expressive.
La tuyauterie est de très belle facture (et peu commune en Alsace). De nombreux tuyaux ont été retirés du côté "C" (droit) du buffet (lors de l'installation des "haut parleurs" sur le toit de la boîte ?). Ce côté donne une image effrayante de la façon dont notre patrimoine a été traité... Beaucoup de tuyaux gisent en peu partout dans le buffet et sur le réservoir, mais peu semblent avoir disparu. Certains sont tordus, mais pas au-delà du réparable. On dirait que quelqu'un a cherché à rendre ce magnifique instrument muet pour longtemps, en retirant des tuyaux au hasard et en les laissant en vrac. De l'autre côté (Cis), la tuyauterie est en place. Le ventilateur a été retiré (récupéré pour ailleurs ?). Le système de pompage (à pied) a été conservé.
A part la disparition de la console, cet orgue n'est pas si endommagé que cela : il serait tout à fait réparable. Comme il est dommage qu'un instrument d'une pareille facture (très originale) soit réduit au silence, alors qu'il pourrait contribuer au rayonnement de la culture régionale ! Un fois de plus, l'irruption d'un "orgue" électronique dans une église a causé son lot de dégradations et a eu des conséquences calamiteuses. Décidément, ces produits industriels, dont l'élaboration elle-même est fondée sur le mensonge (ils sont censés "imiter" le son de l'orgue...) n'ont pas leur place dans un sanctuaire. Que vaut réellement une prière accompagnée de sons synthétiques et artificiels ?
De plus, l'argent investi dans les projets faisant vivre l'artisanat local est rapidement recyclé dans l'économie locale. De fait, il retourne la collectivité et contribue au dynamisme à l'économie locale. Par contre, l'argent dépensé en (éphémères) produits électroniques industriels (importés) ne fait qu'enrichir quelques actionnaires et appauvrir les communautés commanditaires. Un "orgue" électronique dans une église constitue une aberration.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Christian Nussbaum et Jean-Georges Uhlrich.
Photos du 05/05/2018.
Photos du 05/05/2018.
"Dollern (privat) 4"
Sous "Ottmarsheim". Dans l'article "dollern", la provenance et les dates sont fausses.
Localisation :