Le petit orgue actuel de Kilstett, essentiellement conçu pour l'accompagnement du chant, a été construit en 1977 par Alfred Kern. L'histoire des orgues du lieu s'illustre par un instrument très intéressant, aujourd'hui disparu, dont on sait finalement peu de choses, mais qui nous en dit beaucoup sur l'évolution de l'orgue alsacien à la fin du 19ème siècle.
Historique
C'est en 1820 que Kilstett acquit son premier orgue. On en ignore la provenance, mais on connaît le nom de son organiste en 1825 : Louis Rinck, originaire de Munchhausen. [IHOA]
En 1862, Charles Wetzel fit quelques travaux, et il en proposa de plus conséquents en 1882. [IHOA]
Historique
C'est en 1890 que Kilstett reçut cet intéressant instrument construit par Franz Xaver Kriess. [IHOA]
Il fut reçu le 24/07/1890 par Adolphe Gessner et Ernest Münch, et on peut donc supposer que Gessner prit une grande part dans son élaboration. [IHOA]
Ce sont donc deux "figures" de l'orgue alsacien de l'époque qui s'occupèrent de ce projet. Si on connaît l'influence musicale déterminante de Münch, la portée réelle des travaux de Gessner n'a jusqu'ici été qu'effleurée. "Maltraité" par l'organologie de la fin du 20ème siècle - qui en fait un simple contradicteur d'Emile Rupp - c'est un personnage que l'on découvre compétent, pertinent et motivé.
Le devis de Kriess a été approuvé le 10/10/1889, et comportait déjà une traction pneumatique. C'est "tôt" dans l'évolution de la facture de la fin du 19ème, et il s'agissait clairement d'une démarche innovante, si ce n'est expérimentale. Dans les dernières années du 19ème, on trouvait des sommiers et des éléments de console très fiables et performants, mais installer une transmission pneumatique tubulaire en 1889 représentait un défi considérable. Et cette initiative ne fut pas couronnée de succès : en 1893, Kriess essaya d'améliorer sa traction (qui en avait donc besoin), et en 1897, il "jeta l'éponge" et proposa à Kilstett de refaire la transmission en mécanique. Ironiquement, c'est juste au moment où ces techniques commençaient à être matures et à donner satisfaction. Par la suite, Kriess utilisa - avec succès - des transmissions fournies par la maison Weigle, et produisit des orgues remarquables. [IHOA]
Reste que la version finale de l'orgue Kriess de Kilstett était bel et bien à transmission mécanique, avec des sommiers à gravures. [IHOA]
En 1917, les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités. [IHOA]
On ignore la composition d'origine de cet orgue : le premier relevé disponible a été fait par Schwenkedel en 1952. Mais il est probable que cette composition était d'origine, surtout si on admet que le jeu noté "Cornet" était une "Mixtur-Cornett" chère à l'orgue romantique allemand :
Note : la composition publiée dans l'inventaire historique, une fois de plus, ne comprend pas les accouplements, ni le fait de savoir si le récit est expressif ou non. Ces données pourtant fondamentales sont régulièrement négligées à l'époque (1980-1990), car les orgues romantiques et post-romantiques sont traités avec un total mépris. Puisqu'il est muni d'une Voix céleste, le récit était fort probablement expressif. La présence des trois accouplements à l'unisson ne fait pratiquement aucun doute.
C'est un orgue très alsacien, avec sa Gambe de pédale et sa Voix céleste, décliné dans sa "tendance" germanique avec la Trompette (comme anche unique) au grand-orgue. On ne peut s'empêcher de penser que l'orgue de Kilstett était représentatif de ce qu' *aurait* été l'orgue post-romantique alsacien sans le passage à la transmission pneumatique, et donc sans les avancées qui y correspondent. Certains détails sont frappants (pour un orgue de 1890-1897) : la pédale limitée à deux octaves, les claviers s'arrêtant au Fa, et le choix final de Kriess portant sur des sommiers à gravures, et non à cônes (comme le fit sans hésiter son grand concurrent Edmond-Alexandre Roethinger). L'explication la plus rationnelle semble être dans le fait que les sommiers à gravures sont réalisables de façon "artisanale", de façon indépendante : Kriess devait faire vite pour fournir son "Plan B" et rendre son orgue fiable.
En 1957, Curt Schwenkedel fit des travaux. On n'en connaît pas la nature. [IHOA]
Mais le 30/05/1964, Pie Meyer-Siat, au cours d'une visite, nota l'effarante composition suivante :
En clair, Bourdon 16' avait été remplacé par une Doublette, le Salicional déplacé au grand-orgue en y chassant la Gambe (éliminée), la grande Flûte 8' remplacée par... un Bourdon, la Mixture-Cornet par une Fourniture très aiguë ; le récit, affublé d'un 2' et d'une Cymbale, n'était plus doté que d'un seul 8' (et encore bouché !), et le Violoncelle de pédale supprimé au bénéfice d'un 4'. Cette dernière modification entérinant complètement la "dés-alsacianisation" de l'instrument.
On ne sait pas si c'est Curt Schwenkedel qui fut à l'origine de ce qu'il faut bien appeler un désastre (en 1957 ?), mais c'est apparemment lui qui entretenait l'instrument. La pauvre chose avait perdu tout intérêt. Il était donc logique de la remplacer quelques années plus tard, en assumant l'esthétique néo-baroque / pan-européenne de l'époque.
Historique
En 1977, Alfred Kern fournit à Kilstett un orgue neuf. [IHOA]
Le style est - ce n'est pas étonnant - 100% néo-baroque. Du point de vue de la qualité de fabrication, ces instruments constituent le meilleur de ce qui a été construit à l'époque. Du point de vue de l'esthétique sonore, c'est la version "sans concession" qui a été retenue. (Dans les années 70, certaines réalisations étaient un peu plus "ouvertes", avec par exemple un Salicional, une Unda maris, ou un plan sonore expressif.) Le Larigot du positif fait fonction de "petit plein-jeu".
Le buffet
Hélas, le joli buffet Laukhuff de 1890 n'a pas été conservé : on lui a préféré... un rectangle. Avec des tuyaux dessinant des formes anguleuses. C'est finalement dans la droite ligne (c'est le cas de le dire) de ce qui s'est passé dans de nombreuses églises dans cette période encore post-conciliaire, marquée par le minimalisme, la "pureté des lignes", et l'élimination par déplacement à la chaudière de tout ce qui "alourdissait". On connaît des dizaines d'autres exemples. Le "grand-frère" de ce buffet, à Oermingen a également été perdu.
Caractéristiques instrumentales
Console en fenêtre frontale. Tirants de jeux de section carrée, disposés en colonnes de part et d'autre des claviers, et repérés par des étiquettes. Claviers blancs. Commande des tirasses et des l'accouplement par pédales-cuillers à accrocher.
Mécanique suspendue.
A gravures.
Sources et bibliographie :
Photos du 11/06/2006.
Localisation :