Ce très bel instrument est un Stiehr "tardif" (1877), fort bien conservé. Il constitue un excellent témoin de l'évolution que connut - un peu malgré elle - la facture alsacienne dans le dernier quart du 19ème siècle. L'édifice, construit pour mettre fin au "simultaneum", date également de 1877, et l'orgue a donc été construit spécifiquement pour lui.
Historique
En 1877, la maison Stiehr-Mockers posa ici un orgue neuf qui "fait date" dans son histoire, car il propose de nombreuses évolutions dans le style, jusque là pratiquées "à reculons" par la vieille maison de Seltz. [IHOA]
Avec sa console indépendante, son pédalier de 27 notes, son récit expressif et une composition qui sort enfin du "pré-romantique", la maison Stiehr s'est décidée ici à réaliser un instrument en accord avec son temps. La composition du grand-orgue nous confirme que la maison Stiehr, décidément, ne peut pas concevoir un orgue sans Cornet, Doublette et Fourniture aiguë au grand-orgue. Mais les deux derniers s'accommodent bien de la mission d'accompagnement du choral luthérien : l'instrument semble idéalement adapté à ses missions. Il demeure toutefois des "atavismes", comme l'absence tirasse, ou la conception rudimentaire de l'expression du récit.
A Lampertheim, comme sur l'orgue Stiehr contemporain de Minversheim, le second manuel a donc été intégré au buffet, et rendu expressif. Contrairement à celui de Leutenheim (1877 aussi), qui a encore un positif de dos. Ces trois orgues ont des compositions très voisines. Les claviers principaux ont des compositions identiques, sauf pour le Salicional qui n'est présent qu'à Lampertheim. Le positif de dos de Leutenheim ne différait du récit expressif de Lampertheim que par un 2 pieds, remplacé à Lampertheim par une Voix humaine, et la Flûte harmonique était en 8 pieds à l'origine. Quant à la pédale, on note ici une volonté de renforcer les fondamentales : Contrebasse 16' (ouverte), Ophicléide 16', pas de Clairon.
L'ancien orgue (qui était installé dans l'église mixte de Lampertheim), propriété de la communauté protestante, fut revendu à l'occasion. La réception du nouvel orgue Stiehr eut lieu le 15/09/1877. [PMSSTIEHR]
Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités en 1917. [ITOA] [PMSSTIEHR]
En 1933, Georges Schwenkedel remplaça la façade, posa un ventilateur électrique et remplaça peut-être trois jeux. (Le 2' de pédale n'est pas vraiment dans les habitudes des années 30, et correspondrait plus à une modification pratiquée en 1961, mais les porcelaines correspondantes, sur les tirants de jeux, semblent provenir des années 30). Le devis porte bien sur le remplacement de la façade, le nettoyage et le ventilateur, mais n'évoque pas de transformations. [ITOA]
Schwenkedel nota le plan de façade (dont 14 tuyaux muets) et la composition, qui devait être d'origine. Voici en quoi elle diffère de l'actuelle : [PMSSTIEHR]
- il y avait bien sûr une Gambe au grand-orgue (et pas de Nasard),
- le récit était doté d'une Voix humaine. Le Salicional était appelé "Dolce", et la Flûte harmonique était déjà décalée en 4'.
- il y avait un Violoncelle de pédale (et évidemment pas de 2').
En 1961, la maison Muhleisen fit des travaux. [IHOA] [ITOA]
Des travaux de peinture à l'église ont causé des dégâts à l'orgue en 1984. A une date indéterminée, le diapason de l'orgue a été haussé. [ITOA]
En 1986, la Flûte 2' du récit (pas d'origine et placée sur la chape de la Voix humaine) était appelée "Schwiegel" à la console. Elle porte aujourd'hui une porcelaine "Flüte 2 pieds". [ITOA] [VWeller]
"Schwiegel" désigne normalement une Flûte, genre Spillflöte, métallique, cylindrique, et éventuellement couverte d'un cône allant en se rétrécissant vers le haut. On sait que Georges Schwenkedel était très friand de nouvelles dénominations pour ses jeux, et c'est en argument supplémentaire pour penser que c'est lui qui est à l'auteur de la transformation. Il y a une Schwiegel 2' au positif du Walcker, 1908, de la Stadtkirche de Weimar. La Schwegel, elle, est un instrument ancien, une petite flûte à 3 trous.
En 2010, Hubert Brayé effectua un relevage. [VWeller]
A présent, il est permis de rêver que l'on rende un jour à ce bel instrument son diapason d'origine, et - au moins - sa Gambe de grand-orgue !
Le buffet
Le buffet est de style éclectique : les ornements sont néo-gothiques (pinacles, crochets, tri-lobes) mais les arcs en plein cintre. Trois tourelles plates, munies de chevrons et la plus grande au centre, sont espacées et encadrées par quatre petites plates faces (toutes de la même géométrie). Le buffet n'est pas auto-porteur : la partie instrumentale repose sur une charpente en sapin. Il n'y a pas de plafond.
Le dessin semble être une évolution (en plus grand) de celui de Hersbach (1876), et qui retrouvera sa déclinaison initiale à Wangenbourg-Engenthal (1880).
A l'intérieur du buffet se trouve les restes d'une étiquette collée, sur laquelle on peut encore lire "Bahnhof" et "Seltz". [VWeller]
Caractéristiques instrumentales
Console indépendante face à la nef, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux munis de porcelaines (blanches, sauf deux qui sont roses), disposés en deux gradins de part et d'autre des claviers. Claviers blancs. Pédalier et banc d'origine.
Les pédales piano/forte se trouvent sur de nombreux orgues Stiehr. Ce ne sont pas des "pédales de combinaison" comme l'entend l'orgue romantique français (qui agissent sur l'ouverture d'une laye spécifique), mais un simple mécanisme poussant ou tirant un groupe de tirants : ici, les deux anches de pédale, la Trompette et la Fourniture manuelles, et aussi le Bourdon 16' manuel, ce qui est surprenant car on attendait plutôt le Cornet, qui complète le "grand-jeu". L'inventaire de 1986 émet l'hypothèse que les tirants du Bourdon 16' et du Cornet ont été inversés (peut-être justement pour modifier l'effet de ces pédales).
Sur les tirants, le mot "pieds" est toujours écrit en toutes lettres, et "Flüte" systématiquement orthographié avec un tréma. Les trois porcelaines qui ne sont pas d'origine ont été réalisées en s'efforçant de rester le plus possible fidèle aux originales. Cela a été fait avec tellement de soin qu'il faut probablement les attribuer à Georges Schwenkedel. (Après les années 50, les modifications aux orgues romantiques - souvent jugés sans valeur - étaient généralement faites de façon "pragmatique".)
Il y a 5 pédales-cuillers (lisses) : de gauche à droite : les deux pédales forte/piano, l'accouplement des manuels, la commande du tremblant du second manuel (repérée par une porcelaine blanche disant "Tremblant", pas trémolo), puis la commande de la boîte expressive "Expressif". Cette dernière est également une cuiller à accrocher, qui ne permet donc que deux positions : fermé ou (légèrement) ouvert.
Pas de plaque d'adresse.
mécanique à équerres.
Sommiers à gravures, d'origine. L'expression du récit est un peu "primitive", avec des jalousies placées en plafond de la boîte (celle-ci ne s'ouvre donc que très partiellement).
entièrement d'origine, sauf 3 jeux et la façade (1 jeu est décalé) ; elle a malheureusement été altérée par un haussement du diapason, pratiqué à une date inconnue.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Sylvie Engel.
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