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Les orgues de la région de Bischwiller
Leutenheim, St-Barthélemy
1917 degr > Dégâts
Partie instrumentale classée Monument Historique, 28/09/1992.
Leutenheim, l'orgue Théodore et Auguste Stiehr.
Toutes les photos de la page sont de Franck Lechêne, 08/03/2012.Leutenheim, l'orgue Théodore et Auguste Stiehr.
Toutes les photos de la page sont de Franck Lechêne, 08/03/2012.

Cet orgue de Théodore et Auguste Stiehr a été reçu en 1877 par le Directeur de la Musique de Strasbourg Sering, qui le trouva très réussi. Loin des procès verbaux dithyrambiques de la fin du 19ème siècle, Sering avait reconnu un instrument solide et adapté à son usage, même s'il n'était plus de son temps.

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Historique

L'édifice date de 1875 ; il n'y avait qu'un harmonium dans l'ancienne église de 1750. Théodore et Auguste Stiehr ont construit l'orgue de Leutenheim en 1877. [IHOA] [PMSSTIEHR]

L'orgue a été reçu le 15/05/1877 par Friedrich Wilhelm Sering, dont le compte-rendu a été conservé. Ce compte-rendu est factuel, détaillé, structuré par thèmes (tuyauterie, vent, traction des notes et des jeux, buffet) et plutôt élogieux. En tous cas, malgré quelques petits défauts, Sering se montre très satisfait du travail de la maison de Seltz. [PMSSTIEHR]

Il n'y avait à l'origine que 24 notes à la pédale. Une configuration atypique (C-h ?) : la maison de Seltz réalisait donc encore des pédaliers incomplets en 1877, alors que c'était quand même un grave défaut. La veille habitude du "pédalier pour instituteur" (ne servant qu'à marquer lourdement les cadences) n'était toujours pas totalement perdue. Ces 3 notes manquantes privaient l'instrument d'une bonne partie du répertoire. Il n'y avait pas de tirasse... Décidément, le répertoire semblait être la dernière des préoccupations chez les Stiehr. [IHOA]

Un positif de dos en 1877...

Comme ses deux quasi-contemporains de Weitbruch (1875) et Uhlwiller (1878), cet instrument est muni d'un positif de dos, une chose qui à cette époque ne se faisait plus depuis bien longtemps. Tout simplement parce que plus personne n'en voulait, en particulier les organistes / chefs de chœur. Evidemment, l'organologie de la fin du 20ème siècle a voulu y voir une "fidélité aux traditions". Pie Meyer-Siat, dans son article sur l'orgue, commente : "La fidélité de Théodore et Auguste Stiehr au positif de dos et à la console en fenêtre n'est-elle pas touchante ? " [PMSSTIEHR]

Or, cette "fidélité" n'était pas du tout un choix, mais la conséquence d'un tragique retard, et de graves lacunes dans les compétences nécessaires pour exercer la facture d'orgues à la fin du 19ème. Ces "jeunes facteurs" qu'étaient Théodore et Auguste Stiehr auraient dû mieux se former ! Avec leurs lacunes, ils n'avaient aucun moyen de "ne pas être fidèles", et continuaient donc à faire des orgues comme en 1840... car il ne savaient pas faire autre chose.

Un grand complot de méchants experts ?

Il y a plus grave. L'organologie de la fin du 20ème siècle a aussi voulu y voir un acte de résistance face aux méchants experts allemands. (Dont Sering faisait à coup sûr partie.) C'est sûr que "ça se vendait bien" dans les années 1960-1970... Cette fois, Pie Meyer-Siat donne carrément dans le romantisme : "Diese Orgeln von Uhlwiller und Leutenheim werden hier aufgeführt, um mit Pietät une Wehmut der guten, traditionsgebundenen Orgelmacher Theodor und August Stiehr zu gedenken. Mit ihrem Ausscheiden beginnet eine neue Ära. Auguste starb jung 1887 ; Theodor wurde von des « Experten » hin hausgeelelt und starb 1925 in der Armenpfründe." [HOIE]

("Ces orgues de Uhlwiller et Leutenheim sont conçus comme un hommage pieux et nostalgique à la tradition, rendus par ces bons facteurs d'orgues Théodore et Auguste Stiehr, dont il faut louer la fidélité. Ils marquent le commencement d'une nouvelle ère. Auguste est mort jeune en 1887 ; Théodore, pénalisé par « experts », est mort dans la misère en 1925.")

On aimerait déjà savoir sur quoi l'auteur se base pour connaître les intentions intimes de ces facteurs. Ensuite, l'affirmation sur les "experts" relève de la totale contre-vérité. Au contraire, des gens comme Friedrich Wilhelm Sering ont "mouillé leur chemise" pour aider la maison Stiehr à finaliser certains projets : voir Munchhausen. Le compte-rendu de réception constitue une preuve, s'ajoutant à de nombreuses autres, qu'il était bienveillant avec la maison Stiehr, et lui proposait des pistes pour s'améliorer. Un autre épisode très révélateur est celui de Barembach, où l'orgue Théodore Stiehr de 1886 a été remplacé dès 1902 : on s'était très clairement trompé en 1886, et on assumait. Ce n'est pas pas la faute des experts que Théodore Stiehr est devenu pauvre. Il l'est devenu parce qu'il n'a pas su gérer son entreprise.

Friedrich Wilhelm Sering (1822 - 1901).Friedrich Wilhelm Sering (1822 - 1901).

Des transformations limitées au cours de son histoire

Il y aurait eu une réparation par Edmond-Alexandre Roethinger en 1895. [Mathias] [ITOA]

C'est probablement au cours de cet entretien que la pédale a été augmentée à un ambitus standard (C-d'), donc à 27 notes, car cela a été fait avec un petit sommier pneumatique. Si c'est exact, le pédalier a été remplacé au cours de la même opération. [IHOA]

En avril 1907 et 1908, c'est Louis Mockers qui procéda à un entretien. [PMSSTIEHR] [ITOA]

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés par les autorités le 09/02/1917. [IHOA]

L'orgue a été réparé en 1925 par Edmond-Alexandre Roethinger. [IHOA]

En 1956, Curt Schwenkedel fit une transformation. [IHOA]

Sur deux pages de son cahier de "descriptions d'orgues", qu'on peut dater de mai ou juin 1955, Curt Schwenkedel note la composition à 24 jeux (11+7+6) avec des manuels à 56 notes (ce qui est probablement une erreur) et pédale de 27. C'est la même que l'actuelle, sauf que le Cornet est progressif (3-4 rangs), et que la Flûte 4' du positif est notée à cheminée, et non pointue. [SchwenkedelDO]

Il donne des détails sur les travaux à effectuer : entretien de la tuyauterie, "assez gros travail" sur la mécanique ("à revoir sérieusement"). Les soufflets sont à re-garnir "si possible". Et il faut traiter des fuites aux sommiers du grand-orgue et de la pédale. [SchwenkedelDO]

Il est inexact d'affirmer - comme on a pu le lire - que l'orgue a "retrouvé sa fiabilité mécanique" en 2000. Il l'a sûrement gagnée à ce moment. Cette "fiabilité" préjugée (sûrement juste parce que la transmission est mécanique) n'est pas avérée, et même contredite par les notes de Schwenkedel : "à revoir sérieusement", ce n'est pas qu'un problème d'usure.

Une autre page (fin 1955 ou début 1956) décrit les tailles pour un 2' de pédale (!), et indique qu'il faut prévoir des "plaquettes" (porcelaines) de 28mm de diamètre pour un Nazard 2'2/3 manuel (noire) et une Flûte 2' de pédale (rouge). [SchwenkedelDO]

Au milieu des années 1950, déjà, s'accumulent les nuages précédent l'époque noire de la facture d'orgues : cortège d'idées saugrenues et totalement étrangères aux styles originels (2' de pédale...), et une épouvantable chasse aux Gambes. Ce bel orgue Stiehr a predu sa Gambe du grand-orgue et son Violoncelle de pédale, deux jeux emblématiques de la facture alsacienne :

Pie Meyer-Siat a relevé la composition en 1967 : il y avait effectivement cet absurde 2' de pédale, extrêmement préjudiciable car il replaçait le Violoncelle 8", et le grand-orgue avait perdu sa Gambe :

Composition, 1967
Positif de dos, 54 n. (C-f''')
(c-f''')
Jeu modifié (coupé et bouché)
(C-h)
(c'-f''')
Grand-orgue, 54 n. (C-f''')
E-h en façade
(c-f''')
C-H en fa_ade
Gambe de Stiehr en étain, recoupée (!)
(c'-f''')
Pas de Tierce sur fis''-f'''
Avec reprises sur les c
C c c' c'' c'''
1' 2' 2'2/3 5'1/3 8'
2/3' 1'1/3 2' 4' 5'1/3
1/2' 1' 1'1/3 2'2/3 4'
1/3' 2/3' 1' 2' 2'2/3
Pédale
Pédale, 27 n. (C-d')
Violoncelle recoupé et récup.
Anches II et P, Fourniture
[PMSSTIEHR] [SchwenkedelDO] [ITOA]

En 1969, réparation par Albin Unfer. [IHOA] [ITOA]

Ce qui n'est pas surprenant, puisque Albin Unfer s'était installé à Leutenheim en 1968. L'inventaire technique des orgues d'Alsace (1986) parle d'une transformation, mais on voit mal laquelle. En 1967, les modifications étaient déjà présentes. [ITOA]

Une ré-harmonisation a été constatée en 1986. [ITOA]

L'orgue a été relevé en 2000 par la maison Alfred Kern et fils. [IHOA] [Caecilia]

L'orgue a été remis dans sa configuration d'origine, pour éliminer les altérations des années 1950 ou 1960. Il a donc retrouvé sa Gambe de grand-orgue et son Violoncelle de pédale, ce qui est fondamental. [Caecilia]

L'inauguration a eu lieu le 09/04/2000, avec Marc Schaeffer aux claviers, et la chorale de Leutenheim, dirigée par Estelle Gimber. Parmi les auteurs des œuvres proposées, on note le chanoine Louis Meyer (1807-1869). Natif de Still, il a été curé à Ergersheim, Marckolsheim et Colmar, St-Martin. On lui doit le "Manuel pratique de l'organiste de la campagne". [Caecilia] [RMuller]

Le buffet

Le dessin de ce buffet Stiehr a déjà été vu à Weitbruch (1875) et a été repris à Uhlwiller (1878), le dernier orgue de Théodore et Auguste Stiehr.

Weitbruch (1875) Weitbruch (1875) Leutenheim (1877) Leutenheim (1877) Uhlwiller (1878) Uhlwiller (1878)

Caractéristiques instrumentales

Console:
La console de l'orgue de Leutenheim.
On a peine à croire - malgré les tirants de section ronde - que cet instrument date de 1877.La console de l'orgue de Leutenheim.
On a peine à croire - malgré les tirants de section ronde - que cet instrument date de 1877.

Console en fenêtre frontale. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux munis de porcelaines (certains pommeaux ne sont pas d'origine), disposés en 2 fois 2 colonnes de part et d'autre des claviers. Claviers blancs.

Les trois commandes à pied sont des pédales/cuillers à accrocher : de gauche à droite : "Accouplement" (I/II), "Piano" (retrait) et "Forté" (appel). Il n'y a pas de tirasse (!)

Transmission:

Mécanique.

Sommiers:

Sommiers à gravures, d'origine. Sommiers diatoniques pour le grand-orgue, sommier chromatique avec ravalement pour le positif de dos, sommiers diatoniques en mitre pour la pédale.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670264001P01
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