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Les orgues de la région de Haguenau
Uhlwiller, Sts-Pierre-et-Paul
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L'orgue Stiehr d'Uhlwiller, avec son positif de dos.
Toutes les photos de la page sont de Mathieu Ferbach, 23/08/2021.L'orgue Stiehr d'Uhlwiller, avec son positif de dos.
Toutes les photos de la page sont de Mathieu Ferbach, 23/08/2021.

Cet orgue a été construit en 1878 avec un positif de dos, chose qui à cette époque ne se faisait plus depuis bien longtemps. C'est le dernier orgue de Théodore et Auguste Stiehr, un instrument qui est devenu particulier et spécifique à forte de vouloir être conventionnel. Retraçons l'histoire de ce témoin majeur de l'orgue en Alsace.

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Historique

Uhlwiller reçut un premier orgue Stiehr en 1838. [IHOA] [PMSSTIEHR] [HOIE]

Le projet a été initié en 1833, mais reporté par manque de ressources. Le traité avec la maison de Seltz fut passé le 22/10/1836, et la réception a été approuvée le 27/09/1838. [PMSSTIEHR]

L'instrument a disparu en 1870, lors de la reconstruction de l'édifice. [PMSSTIEHR]

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Historique

C'est en 1878 que Théodore et Auguste Stiehr ont construit leur dernier orgue pour Uhlwiller. [IHOA] [ITOA] [HOIE] [Caecilia]

1878, et, du point de vue du style, c'est toujours un orgue "de transition" ! (Ladite transition - entre les styles "classique" et "romantique" - avait quand même commencé en 1820...) Or, le reste de la facture d'orgues européenne n'en était plus à construire des instruments comme en 1830. Pour se faire une idée, on peut comparer cet instrument avec la merveille que posa Eberhard Friedrich Walcker l'année suivante à Pfastatt. Ce n'est pas une année, mais une année-lumière qui sépare les deux factures... On peut aussi le comparer avec un instrument un peu plus conforme à son temps, livrée par l'autre maison de Seltz la même année, à Munchhausen.

L'orgue d'Uhlwiller se distingue à la fois :

- Par un côté toujours très alsacien : Violoncelle 8' de pédale, Cornet, Flûte majeure 8', pédale plutôt fournie, quatre fonds 8' au grand-orgue, disposition favorable pour le jeu "contrapuntique".

- Par de rares concessions aux progrès de la facture d'orgues au 19ème. La plus remarquable étant le pédalier complet de 27 notes (rompant avec l'aberration de décennies de "pédaliers pour instituteur" de 18 notes, privant de fait les instruments de l'essentiel du répertoire). Le second clavier est certes muni de jolies Flûtes et d'un Basson-Hautbois, mais il n'est pas expressif : évidemment, car il s'agit... d'un positif de dos..

En fait, il est quand même un peu expressif. Les plafonds du positif de dos sont munis de volets pouvant agir sur l'intensité perçue. Mais l'organiste ne peut pas les commander. Et comme le buffet est ouvert côté façade, l'effet ne peut pas être très marqué. C'est plutôt un niveau supplémentaire d'harmonisation, ou un "retour de scène" pou l'organiste.

- Des traits "vieillots" : le positif de dos est le plus évident. Mais aussi la coupure de l'anche du positif en basse-dessus. Ou la pédale bien trop importante pour cette composition (en nombre de jeux ; avec des 4' : les ressources auraient pu être mieux allouées). Et surtout l'absence de tirasse !

Fidélité aux traditions ?

Evidemment, l'organologie de la fin du 20ème siècle a voulu y voir une "fidélité aux traditions". Pie Meyer-Siat commente, avec une totale candeur : "Comme fait remarquable, il faut à tout prix noter la fidélité de ces jeunes facteurs (Théodore avait 30 ans, Auguste 41 ans) au positif de dos : un positif de dos en 1878, cela mérite d'être souligné." [PMSSTIEHR]

Cela mérite d'être souligné, certes, mais ce n'était en rien positif. (Voulu.) Car cette "fidélité" n'était pas du tout un choix, mais la conséquence d'un tragique retard, et de graves lacunes dans les compétences nécessaires pour exercer la facture d'orgues à la fin du 19ème. Ces "jeunes facteurs" auraient dû mieux se former ! Avec leurs lacunes, ils n'avaient aucun moyen de "ne pas être fidèles", et continuaient donc à faire des orgues comme en 1840... car il ne savaient pas faire autre chose.

Mais après la vague d' "historicisme" commencée dans les années 1930, le "retour" des techniques du 18ème, la "redécouverte des maître anciens", tout ça, la maison Stiehr, avait un tour complet de retard... et paraissait en avance ! Ou en tous cas à la mode. C'est sûr que dans les années "néo-baroques" où le très classique-parisien positif de dos était un must absolu, Théodore et Auguste Stiehr pouvaient passer pour des prophètes... "Voyez les valeureux visionnaires qui avaient tout compris, face au reste du monde, qui se vautrait dans l'erreur."

Comment peut-on nier l'évidence ? Depuis au moins 1860, les deux maisons Stiehr étaient complètement "à la ramasse", tant sur le plan technique qu'instrumental. Ils avaient pour commencer oublié qu'un orgue vaut par son répertoire et ceux qui les jouent. La "fidélité" aux pédaliers inutilisables est totalement symptomatique. Pourquoi un tel retard, et un tel aplomb à ne pas vouloir le réduire ? Cela s'explique par le marché florissant de l'orgue alsacien entre 1830 et 1860. Toues les localités en voulaient un, et faisaient une confiance aveugle aux facteurs pour un fournir un instrument "comme il faut". Puis, quand le résultat était totalement in-ergonomique, "Ah bah, c'est parce que c'est comme ça" : à l'organiste de s'adapter. Pour les ateliers de Seltz, les affaires avaient été trop faciles, et à force de ne parler qu'aux conseillers municipaux, de nombreux rendez-vous majeurs avaient été ratés avec les organistes, le répertoire, et le public.

Un grand complot de méchants experts ?

Il y a plus grave. L'organologie de la fin du 20ème siècle a aussi voulu y voir un acte de résistance face aux méchants experts allemands. C'est sûr que "ça se vendait bien" dans les années 1960-1970... Cette fois, Pie Meyer-Siat donne carrément dans le romantisme : "Diese Orgeln von Uhlwiller und Leutenheim werden hier aufgeführt, um mit Pietät une Wehmut der guten, traditionsgebundenen Orgelmacher Theodor und August Stiehr zu gedenken. Mit ihrem Ausscheiden beginnet eine neue Ära. Auguste starb jung 1887 ; Theodor wurde von des « Experten » hin hausgeelelt und starb 1925 in der Armenpfründe." [HOIE]

("Ces orgues de Uhlwiller et Leutenheim sont conçus comme un hommage pieux et nostalgique à la tradition, rendus par ces bons facteurs d'orgues Théodore et Auguste Stiehr, dont il faut louer la fidélité. Ils marquent le commencement d'une nouvelle ère. Auguste est mort jeune en 1887 ; Théodore, pénalisé par « experts », est mort dans la misère en 1925.")

On aimerait déjà savoir sur quoi l'auteur se base pour connaître les intentions intimes de ces facteurs. Ensuite, l'affirmation sur les "experts" relève de la totale contre-vérité. Au contraire, des gens comme Friedrich Wilhelm Sering ont "mouillé leur chemise" pour aider la maison Stiehr à finaliser certains projets : voir Munchhausen. Loin d'être des tyrans, ces conseillers étaient compétents, et bienveillants avec les facteurs. Ils avaient sûrement leurs préférés, mais c'était pour des raisons artistiques. Mais, à Seltz, on se permettait d'ignorer la plupart de leurs recommandations. Un autre épisode très révélateur est celui de Barembach, où l'orgue Théodore Stiehr de 1886 a été remplacé dès 1902 : on s'était très clairement trompé en 1886, et on assumait. Ce n'est pas pas la faute des experts que Théodore Stiehr est devenu pauvre. Il l'est devenu parce qu'il n'a pas su gérer son entreprise.

Une page majeure de l'histoire de l'orgue en Alsace

L'orgue d'Uhlwiller a donc une vraie histoire à raconter. Encore faut-il l’interpréter correctement. Avant tout, il n'est PAS représentatif de la facture d'orgue à son époque, et encore moins des aspirations des organistes et du public. En clair, ces positif de dos, plus personne n'en voulait : il viennent avec bien trop de défauts : ils enferment l'organiste entre deux buffets, une place où il ne peut voir grand chose et encore moins être vu d'une chorale. Il perçoit son instrument de façon totalement déformée. Et de toutes façons, qui a envie de jouer de la musique la tête enfermée dans une armoire ?

Pie Meyer-Siat a raison sur un point : "une nouvelle ère". Mais cette date de 1878 est plutôt la fin d'une ère, celle de l'orgue "de transition" alsacien. Ce style est fort mal nommé d'ailleurs : il n'a "transitionné" sur rien du tout, il s'est juste éteint. Et c'était un style en soi, pas vraiment une évolution vers un autre. Cette date de 1878 fait écho à une autre, encore plus fondamentale, qui cette fois est vraiment un commencement : 1857. L'année où l'Alsace, dans une vallée industrieuse, rencontra l'orgue romantique. Il était pourtant évident qu'après Husseren-Wesserling, on n'allait plus pouvoir vendre des orgues conçus comme en 1840... ou alors pas trop longtemps.

Commencement d'une ère de renouveau

C'était en marche : on ne peut s'empêcher d'évoquer, avec celui d'Uhlwiller, un autre orgue avec positif de dos : celui de Heiteren. Il est attribué "par complaisance" à Antoine Herbuté (1844). Mais sur place, c'est à l'évidence un orgue de Martin Rinckenbach (1875), certes construit sur la base d'éléments plus anciens (et fort approximatifs). Evidemment, le positif de dos a été conservé, et on peut voir et surtout entendre, à Heiteren, ce qu'on pouvait faire en 1875 avec une pareille configuration - et beaucoup de talent. Soit 3 ans avant Uhlwiller. En 1878, Martin Rinckenbach en était à son 4ème instrument neuf. Quelques années plus tard, il allait amener l'orgue alsacien à son apogée.

Une histoire tranquille

L'orgue d'Uhlwiller est resté remarquablement authentique. Il a été réparé par Louis Mockers en novembre 1903. La Gambe 8' du grand-orgue, ainsi que le Violoncelle de pédale ont été munis de freins harmoniques pour favoriser leur attaque. [PMSSTIEHR] [HOIE] [ITOA]

Les tuyaux de façade ont été réquisitionnés en juillet 1917. [IHOA] [HOIE]

La façade a été remplacée en 1922 par la maison Zann. [IHOA] [HOIE] [ITOA]

En 1926, Edmond-Alexandre Roethinger fit des réparations, et remplaça la Trompette et le Clairon de pédale par une Bombarde 16'. [IHOA] [HOIE] [ITOA] [Mathias] [ITOA]

L'orgue a été relevé en 1992 par Gaston Kern. [IHOA] [Caecilia]

Le "Jeu céleste" (Salicet) du positif est redevenu un 4', et à la pédale, la Bombarde a été supprimée, pour revenir à une disposition Trompette + Clairon, plus authentique. La façade à été - à nouveau - remplacée. [Caecilia]

L'inauguration a eu lieu le 17/05/1992, confiée à Jean-Luc Iffrig, avec la participation de la Chorale des Enseignants de Haguenau. [Caecilia]

Le buffet

Depuis 1992, le buffet a retrouvé ses ornements.Depuis 1992, le buffet a retrouvé ses ornements.

Le buffet, d'un style néo-gothique plutôt massif (par le choix des proportions), se distingue évidemment par la présence d'un positif de dos, chose plutôt inconcevable en 1878.

Le corps principal est en 5 éléments plats : 3 tourelles, la plus haute au centre, et des plates-faces. Chaque élément reçoit une ogive et des tri-lobes, puis est surmonté d'un tympan, ainsi que des pilastres pour les tourelles.

Notons que sur des photos d'avant 1992, il n'y a aucun couronnement pour les tourelles latérales, et des pilastres manquaient. Le buffet avait été "épuré" par quelque esthéticien épris de minimalisme, qui avait dû lire un livre à ce sujet, un jour. Heureusement, les ornements déposés avaient été conservés dans les combles, et ont retrouvé leur place en 1992. Dans son état antérieur, ce buffet avait un côté "inachevé" très marqué, avec ses amorces de pilastres façon moignons.

Le soubassement est richement sculpté, et présente la particularité d'être moins large que la super-structure, ce qui n'est pas courant au 19ème siècle.

Le (fameux) positif de dos est en 3 éléments : deux tourelles encadrant une plate-face, partiellement coupée en deux par deux ogives. A leur intersection, au milieu, il y a une figure humaine sculptée. Les claires-voies sont constituées d'ogives à tri-lobes ajourés. Une frise souligne le haut de la plate-face.

C'est une boiserie tout à fait atypique, avec certains côtés que l'on peut trouver maladroits (proportions), et d'autres très réussis. Ce qui est sûr, c'est qu'un travail conséquent a été mené pour le réaliser. Son concepteur paraît y avoir mis beaucoup de soin et d'imagination, mais manquait sûrement des "référentiels" nécessaires.

Le dessin de ce buffet a déjà été utilisé à Weitbruch en 1875, et à Leutenheim l'année précédente (1877).

Weitbruch (1875) Weitbruch (1875) Leutenheim (1877) Leutenheim (1877) Uhlwiller (1878) Uhlwiller (1878)

Caractéristiques instrumentales

Composition, 1992
Positif de dos, 54 n. (C-f''')
C-H conduits dans le Bourdon
C-H en bois ; entièrement bouché
c-f'''
C-H en bois
8' entre 1926 et 1992
Conique
Cylindrique
Grand-Orgue, 54 n. (C-f''')
C-h en bois ; entièrement bouché
Façade C-h de 1992
C-d en bois ; entièrement bouché
Bois, ouverte
C-H en fgaçade
dis''-f''' ouverts
(c'-f''')
Posté
Avec reprises sur les c
C c c' c'' c'''
1' 2' 2'2/3 5'1/3 10'2/3
2/3' 1'1/3 2' 4' 8'
1/2' 1' 1'1/3 2'2/3 5'1/3
1/3' 2/3' 1' 2' 4'
Pédale, 27 n. (C-d')
Bombarde entre 1926 et 1992
1992, absent en 1968/1986
Cornet, Trompettes II et P, Fourniture
[ITOA] [PMSSTIEHR] [HOIE] [Caecilia]
Console:
La console en fenêtre.
A nouveau, on a peine à croire qu'il s'agit d'un orgue de 1878.La console en fenêtre.
A nouveau, on a peine à croire qu'il s'agit d'un orgue de 1878.

Console en fenêtre frontale. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux munis de porcelaines à fond jaune pour le positif et rose pour la pédale, disposés en deux fois deux colonnes de part et d'autre des claviers. Claviers blancs.

Les trois commandes à pied sont des pédales/cuillers à accrocher : de gauche à droite : "Accouplement" (I/II), "Forté" (appel) et "Piano" (retrait). Il n'y a pas de tirasse (!)

Transmission:

Mécanique suspendue, positif à balanciers.

Sommiers:

Sommiers à gravures, diatoniques pour le grand-orgue et la pédale, et chromatique avec ravalement pour le positif de dos.

Références Sources et bibliographie :

Carte Localisation :

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Immatriculation de l'orgue actuel : F670497001P02
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