L'orgue Schwenkedel de l'église protestante de Thann.La maison Schwenkedel, dont Curt, le fils du fondateur, prit peu à peu le contrôle après la guerre, nous livre à Thann une version toute personnelle de l'évolution finale du style néo-classique. Cette esthétique a émergé au début du 20ème siècle, et disparut à la fin des années 50, remplacée par ce que l'on a appelé le "néo-baroque".
On a longtemps parlé de "dommages de guerre" pour qualifier les orgues des années 50. S'il est sûr que la reconstruction - ou le remplacement - de ce qui avait été détruit ou endommagé pendant le conflit était l'objectif principal de ces projets, l'expression a bien sûr un caractère péjoratif. Car on sous-entendait que la réparation de ces "dommages" se faisait à l'économie, sans prendre le temps nécessaire, et avec des matériaux de second choix. Or, la réalité, comme on va le voir, est bien différente. Le temps de ces reconstructions fut aussi l'occasion d'essayer des nouveautés : reconstruire, certes mais avec une authentique ambition de faire encore mieux.
Historique
En 1837, George Wegmann (facteur recommandé par le pasteur Tachard) posa un premier orgue au templé réformé de Thann. [IHOA] [PMSWEG]
Historique
En 1912, la maison Dalstein-Haerpfer, de Boulay, construisit un instrument post-symphonique caractéristique de l'époque Schweitzerienne : [IHOA]
Note : la composition publiée dans l'inventaire historique, une fois de plus, ne comprend pas les accouplements, et n'indique même pas si le récit était expressif ou non. Ces données - pourtant fondamentales - sont régulièrement négligées à l'époque (1980-1990), car les orgues romantiques et post-romantiques étaient traités avec un grand mépris. Puisqu'il est muni d'une Voix céleste, ce récit était fort probablement expressif. Il y avait sûrement les deux accouplements à l'octave (Hunspach ; mais pas forcément sur le grand-orgue, voir Sundhouse) ; la présence des trois à l'unisson ne fait aucun doute. Notons aussi que dans les listes, l'orgue est noté à 16 jeux, pas 15. [IHOA] [PMSWEG]
L'instrument possède une forte dotation en Principaux (pour l'époque) : on peut y voir l'influence de la Réforme alsacienne de l'orgue. Par exemple il n'y a normalement pas de Principal 2' dans un orgue symphonique de 15 jeux. La Mixture (au récit pour bénéficier de l'expression), illustre les principes énoncés par Albert Schweitzer dans son ouvrage "J. S. Bach, le musicien-poète" (1905).
L'instrument a été endommagé, par faits de guerre, en 1945. [IHOA]
Historique
C'est en 1951 que Georges Schwenkedel et son fils posèrent l'opus 104 de la maison de Strasbourg-Koenigshoffen. [IHOA]
En 1994, Richard Dott fit des travaux, en particulier à la console. [IHOA]
Caractéristiques instrumentales
La console indépendante latérale apparaît égalementConsole indépendante latérale fermée par un rideau coulissant, placée à gauche de l'orgue, un peu en avant, et tournée vers le centre de la tribune. Tirage des deux par dominos beiges, à coins arrondis, sans porcelaine, avec le nom des jeux gravés en rouge pour les anches et en vert pour les fonds de pédale. Les dominos sont disposées en trois groupes principaux au-dessus du second clavier (pédale, grand-orgue, récit et accouplements à l'octave). Les tirasses et l'accouplement à l'unisson forment un groupe de 3 isolé à gauche, à hauteur du premier clavier, et le domino d'appel du grand-orgue est isolé de façon symétrique à droite. Bloc-claviers noir à joues rectangulaires. Claviers blancs à frontons biseautés.
Il y a un domino supplémentaire (blanc) aux trois groupes principaux.
Il y a trois champignons pour les accouplements à l'unisson, repérés par des plaquettes blanches ("I/Péd. 8", "II/Péd. 8', "II/I 8'"). A leur droite, la pédale basculante de commande de la boîte expressive ("Expression Récit."), puis un champignon "Appel Grand-Orgue" (doublant la commande par domino).
Programmation de la combinaison libre par languettes basculantes, placées au-dessus des dominos des groupes principaux. Les accouplements à l'unisson et l'appel grand-orgue ne sont donc pas programmables. Appel des combinaisons par poussoirs blancs, placés sous le premier clavier : de gauche à droite : "Comb. libre I", "0" (annulateur), "P.", "MF.", "F." et "TT.".
Voltmètre, placé dans le coin supérieur gauche, gradué jusqu'à 15V, et affichant 15V en marche. Les boutons marche/arrêt sont placés de façon symétrique dans le coin supérieur droit :"M" (vert foncé) et "A" (rouge foncé). En dessous se trouve la plaque d'adresse, blanche à lettres noires, disant :
La plaque d'adresse Schwenkedel à Thann.Electrique.
A membranes. Le grand-orgue est diatonique en "M" (basses aux extrémités), et placé derrière la façade. Le récit est derrière, au même niveau ; il est diatonique en mitre (basses au centre). La pédale, diatonique en mitre, est logée derrière la boîte du récit.
Une vue sur la tuyauterie du grand-orgue.
Une vue sur la tuyauterie du récit.
A la pédale, derrière les tuyaux de la Flûte 4',
C'est un des derniers néo-classiques... et il ne ressemble à nul autre. Jusqu'à la fin, ce style aura été innovant. Cet instrument intègre effectivement de nombreux éléments d'orgues antérieurs, mais c'est vraiment un "Schwenkedel", directement issu de la lignée crée par Georges dans les années 1930 : jeux de Mutations coniques, cheminées entrantes, on retrouve les habitudes de la maison. On retrouve aussi les techniques héritées de l'époque romantique (entailles de timbre, encoches d'accord, calottes mobiles), et la fine harmonisation rendue possible par la richesse harmonique des tuyaux et les sommiers à membranes.
Ce qui caractérise le plus cet instrument est son harmonisation toute douce. La Cymbale, par exemple, est à mille lieues des outrances qui seront courantes quelques années plus tard, quand, à l'époque "néo-baroque", les Mixtures sur-aiguës devinrent aussi tranchantes qu'inaccordables.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Anne Heitzmann.
Photos du 18/12/2021 et données techniques.
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