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Les différentes périodes de l'évolution de l'Orgue correspondent à autant d'esthétique. En France, et surtout en Alsace, pour ce qui nous concerne ici, on schématisera par :
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On retrouvera ces claviers, correspondant à des plans sonores, au chapitre "architecture". |
L'orgue Classique est un instrument de taille généralement mesurée, à traction mécanique (la seule qui ait été inventée au 17è-18è siècle), dont la composition est bâtie sur une Synthèse Sonore rigoureuse :
Dans ce cas, les jeux correspondant à l'un des claviers sont logés dans un petit buffet placé en bord de tribune, appelé Positif de Dos. Les jeux correspondant au clavier fort, appelé Grand-Orgue, sont logés dans le grand buffet. Silbermann a complété cet instrument en empruntant à l'Orgue allemand sa pédale "indépendante" (i.e. dont les jeux sont placés hors du grand buffet, à l'arrière) et fondée sur 16'. On appelle souvent ces pédales "à la Silbermann". L'Orgue alsacien est typiquement un orgue d'esthétique classique française, complété par une pédale indépendante sur 16'. Les anches sont toutefois moins nombreuses (et les clavier "de Bombarde" inconnu). On avait alors un instrument :
Dans ce cas, l'étagement des claviers se fait ainsi :
Le clavier de Grand-Orgue a pour jeu grave un 8' ouvert (on dit "est en 8' ouvert) (Montre 8', Principal 8'...), la Pédale en 16' bouché (Soubasse), et le Positif en 8' bouché (Bourdon 8'). Le Grand-Orgue est en 16' bouché (Bourdon 16'), la Pédale en 16' ouvert (Principal 16' ou Flûte 16'), et le Positif en 8' ouvert (Montre 8', Principal 8'). Il y a souvent un troisième clavier (Écho). Le Grand-Orgue est en 16' ouvert (Montre 16', Principal 16'), la Pédale est un 16' ouvert ou 32' bouché, et le Positif en 8' ouvert. Il y a un troisième clavier. Le Grand-Orgue est sur 8' bouché, la Pédale est en 16' bouché, et il n'y a généralement pas de Positif. |
C'est l'Orgue du 19 ème siècle. Marqué par Cavaillé-Coll en France et Walcker en Allemagne. On ne sait pas trop bien ce que "Romantique" veut dire. Disons que, par rapport à l'esthétique Classique, l'esthétique correspondant à l'époque "Romantique" se distingue par :
En plus, un effet de mode, tout-à-fait injustifié et aux conséquences calamiteuses a fait abandonner la traction mécanique même pour les petits instruments, au profit d'une traction pneumatique, électro-pneumatique ou électrique. En Allemagne, l'Orgue Romantique se distingue par des jeux assez forts (voir carrément tonitruants), des pressions élevées. |
Cela correspond à la première moitié du 20 ème siècle. En réaction à certains instruments Romantiques pas forcément de la meilleure facture (mais à coup sûrs dignes d'une époque industrielle), et à cause du retour à la mode de la littérature baroque (et surtout des oeuvres de Bach), on a voulu construire des instruments :
Pour cela, de nombreux "experts" de l'époque ont cru bon de s'attaquer à des instruments d'esthétique Classique, et de les "modifier" en profondeur (c'est-à-dire de les pneumatiser, de changer les pressions et l'accord, les réharmoniser et les compléter par toutes sortes de jeux "solistes" étrangers à leur esthétique d'origine). Aucun orgue n'est "universel" et capable de "tout jouer" au mieux. A force de vouloir adopter tous les styles, on a produit des instruments sans style du tout. Il est bien sûr illusoire de penser qu'un buffet prévu pour 30 jeux puisse en contenir 60 avec en plus toutes sortes d'accessoires, et des systèmes de traction extrêmement volumineux. Cavaillé-Coll disait "qu'on doit pouvoir faire le tour de tous les tuyaux", exprimant par là la nécessité qu'à l'orgue de "respirer". C'est ainsi qu'on a vu le "Silbermann" de St Thomas à Strasbourg atteindre 60 jeux et être complètement réharmonisé, et même haussé d'un bon demi-ton (en recoupant le haut des tuyaux, évidemment...) |
Lorsqu'en 1948, il a fallu reconstruire l'orgue de St Pierre-le-jeune à Strasbourg, Ernest MUHLEISEN et Alfred KERN, qui travaillaient ensemble à cette époque se trouvaient en face d'une orgue de Jean-André SILBERMANN, 1780 / Jean-Conrad SAUER 1820, qui avait été dénaturé au cours des ans (WETZEL, ROETHINGER). Cet instrument avait été placé (en 1900) sur un jubé du du 15 ème siècle. Bien sûr, l'instrument (dans ses buffets d'origine, 1780 / 1820) avait été "pneumatisé" et "Romantisé". Pour Ernest MUHLEISEN et Alfred KERN, rapprocher l'esthétique sonore de l'orgue à son prestigieux environnement (édifice remontant au 13 ème siècle, cloître roman...) était certainement la seule décision valable. Toujours est-il que de 1948 à 1950 il reconstruisent le premier grand instrument mécanique en Alsace à l'époque, en appliquant les principes de l'Orgue Classique, surtout dans la composition. Harmonisé par Alfred KERN, cet instrument marqua une petite révolution qui se transmit vite à toute la France, relayée par le célèbre organiste Michel CHAPUIS et bien sûr de multiples autres facteurs. Ernest MUHLEISEN avait déjà construit un instrument mécanique (son premier, en fait sa pièce de maîtrise) à Pfulgriesheim (1943), à une époque où la traction mécanique devait relever de solution totalement désuète. Plus tard, ce facteur a eu l'occasion de racheter le fonds WETZEL, riche de nombreux jeux du 18 ème siècle. Ceci ne fut peut-être pas non plus étranger à sa décision à St Pierre-le-jeune. Alfred KERN, une fois mis à son compte, construisit en traction mécanique son premier orgue (Notre-Dame des Mineurs, 1957). Celui-ci n'est pas une chef-d'oeuvre, mais Alfred KERN sera l'auteur de la résurrection du Silbermann de St Thomas à Strasbourg (1979), et des superbes orgues de St Séverin à Paris (1963) et de la Cathédrale de Strasbourg (1979). Ce "Néo-baroque" un peu difficile à définir n'est pas un retour total à l'Orgue de Silbermann. Il se rapproche souvent de l'esthétique Nordique. Mais les grands principes (synthèse sonore, traction mécanique, positif de dos...) sont là. Enfin, les instruments de Curt SCHWENKEDEL, à coup sûr un esprit inventif et enthousiaste, sont souvent un mélange de "Néo-Baroque" et de style Italien et Espagnol. |