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Emile RUPP (1872-1948) était organiste à Strasbourg :
Il avait étudié l'orgue avec Josef RHEINBERGER à Munich, et avec Charles-Marie WIDOR à Paris.
Adolphe GESSNER (1864-1919) était professeur d'orgue et de musique d'église au Conservatoire de Strasbourg (depuis 1886). Il était déjà en concurrence "naturelle" avec Rupp, puisqu'il était "titulaire" (comme on disait à l'époque, et qu'on entend encore aujourd'hui, avec un infini respect), à Strasbourg :
La situation entre 1865 et 1905Les "experts"A la fin du 19 ème siècle soufflait un vent de "modernité" sur la facture d'orgue. Pas tellement sur la facture, d'ailleurs, mais plutôt sur les demandes des commanditaires, sujettes aux modes et aux "évolutions" :
Jusqu'en 1865, à peu près, les maires ou les curés passaient un accord avec le facteur d'orgues. Celui-ci s'engageait dans un devis à fournir l'instrument qu'il fallait dans le budget qu'on lui avait alloué. Une fois achevé, l'instrument était reçu par des organistes du coin, que l'on appelait "experts". (Voir Antoine GINCK). Ces experts vérifiaient la conformité de l'instrument au devis, en s'occupant de la façon dont l'orgue parlait et était construit à l'intérieur (soufflerie, mécanismes, etc...). Si cela convenait, ils se fendaient de quelques félicitations et recommandations. Après 1865, les "experts" se mirent à prendre un importance démesurée. Souvent peu qualifiés mais extrêmement écoutés, ils en profitèrent pour imposer leurs vues d'organiste, et donc à spécifier eux-mêmes les instruments : L'un des coups d'envoi vint pourtant d'un curé, le curé MEYER d'Ergersheim lors de son intervention pour qu'on mutile le Silbermann d'Altorf. Les nouveaux facteursParallèlement, les facteurs d'orgue aussi avaient évolué. L'ère industrielle était passée
par là. De nouvelles technologies, surtout pour les Sommiers (tout doit être pneumatique),
et un peu pour la sonorité (le principe de CAVAILLE-COLL permettant de différencier les
pressions ayant été détourné pour monter en pression de façon déraisonnée).
A partir de 1870, l'Alsace étant devenue allemande, ce sont les "firmes" allemandes, maîtrisant les techniques nouvelles, qui ont accès aux orgues :
En France, par manque de moyens, le phénomène est moins net. Et puis il y a eu CAVAILLE-COLL (1811-1899) ("le plus grand facteur d'orgues du monde", cette fois selon les experts français) et encore Joseph MERKLIN (1819-1905), dont heureusement le seul credo était la qualité. On commanda donc avec raison des orgues à ceux-ci (Mulhouse, St Etienne, Strasbourg, Temple-neuf, Dambach-la-ville, Obernai, ...) mais à des prix exorbitants par rapport à ceux dont étaient capable les artisans pour réaliser un travail de qualité. L'argentEn plus, (malheureusement, pour une fois) à cette époque, il y avait de l'argent à dépenser. Les conséquencesEn 1893-97, on décida de démolir le Silbermann de la Cathédrale de Strasbourg pour donner
du travail à KOULEN.
1899 à 1919En 1899 Weigle construit son orgue de Strasbourg, St Maurice, l'église catholique
de garnison. Parallèlement, on avait "redécouvert" les Silbermann de Marmoutier et
d'Ebersmunster,
qu'on avait gardé uniquement parce qu'il n'y avait pas eu assez d'argent, là-bas, pour les
remplacer ou les dénaturer.
A St-Maurice, il y a des sommiers "Système Weigle", mais surtout des jeux à "haute pression"
("Hochdruck").
Déjà les "Fabrikorgeln" qui ont heureusement épargné l'Alsace ont utilisé ce moyen bon marché pour
faire "petit mais costaud". Et forcément, ça ne sonne pas trop bien.
Le WEIGLE de St Maurice avait 42 jeux à l'origine, sur 3 claviers.
On y trouvait, au grand-orgue un "Stentorphon 8'", un "Tuba mirabilis 8'"
et un "Grosgedeckt 8'"" (soit : "Gros-Bourdon", mais la V.O. sonne tellement mieux).
Une "Solo Gamba" y répondait au Positif expressif.
Rupp avait été formé par Charles Marie WIDOR, et avait connu les orgues CAVAILLE-COLL de Paris. Voici comment il en parlait :
Rupp a rédigé plusieurs articles, avec le mot d'ordre "Ad fontes". Le premier, dénonçant la Haute-Pression, s'appelle Hochdruck et est paru dès 1899 dans "Zeitchrift für Instrumentenbau", la revue que Paul DE WIT publiait à Leipzig. Cet article a directement été motivé par les décibels qu'était capable de produire le WEIGLE de St Matthieu. Gessner, de son côté, continue à ne jurer que par la facture d'orgue "moderne" allemande. Et ces instruments souvent énormes qui permettent de jouer les "Romantiques allemands". En 1901, Gessner prône le remplacement des jeux d'Anches par les "Labialstimmen" son invention qui n'a (heureusement) pas fait école. A sa décharge, en 1901, tout le monde se devait d'inventer quelque chose. Rupp publie en 1901, toujours dans "Zeitchrift für Instrumentenbau"
l'article "Cavaillé-Coll und des deutsche Orgelbau" (Cavaillé-Coll et la facture d'orgues
allemande).
En 1906, c'est le début de la parution de "Die Orgel der Zukunft" (L'Orgue du futur). A partir de 1905, Albert SCHWEITZER (1875-1965) souscrit (plus ou moins) aux idées de Rupp. Rupp conteste d'abord Schweitzer dans de nombreux articles de la série "Die Orgel der Zukunft" : il veut un orgue "de synthèse" entre... beaucoup de choses. Ensuite, à partir de 1908, il y a convergence entre Rupp et Schweitzer. Il faut dire qu'entre temps, il ont appris à se connaître : Albert Schweitzer a dirigé en 1908 la commission définitive pour la construction de l'orgue du Palais des Fêtes à Strasbourg. Rupp faisait partie de cette commission. (Avec Marie-Joseph ERB, aussi, celui-là même qui poussa Martin et Joseph RINCKENBACH à pneumatiser à tout-va.) Dès lors, on appela cela "la Réforme alsacienne de l'Orgue". Au début, cela consista,
pour les orgues neufs, à concevoir des instruments "de synthèse" capables de "tout"
jouer, mais rien correctement. Pour les orgues historiques, les destructions en règle
continuèrent mais cette fois fardées de bonnes intentions.
Notons que le premier orgue réellement attribuable au mouvement de "Réforme alsacienne de l'Orgue" ne fut pas construit en Alsace. Il s'agit très probablement de l'instrument de 105 registres qu'Oscar WALCKER posa à Dortmund, St-Reinoldi en 1909. Emile Rupp publie en 1910 "Die elsaëssich-neudeutsche Orgelreform" dans "Die Orgel", officialisant le nom. En 1912, Gessner publie "Zur elsëssisch-neudeutschen Ordelreform. Ein Wort der Kritik und Abwehr" (Au sujet de la Réforme alsacienne/allemande de l'orgue. Un mot des Critiques et de la Défense). Il y critique l'orgue (DALSTEIN-HAERPFER) du Palais des Fêtes de Strasbourg, celui-là même conçu par Albert Schweitzer et Emile Rupp "avec des tailles empruntées au Silbermann de St Thomas" (1), ainsi que le travail effectué en 1908 sur le même Silbermann de St Thomas, toujours par Dalstein-Haerpfer. Gessner répond régulièrement à Rupp et à ses sympathisants (Fidelis BOESER) dans "Vaterland",
un quotidien suisse de Lucerne. Après plusieurs joutes, ce journal invite la querelle
à "se vider dans la presse professionnelle". Ladite querelle continua donc
dans "Zeitchrift für Instrumentenbau", où elle s'envenime carrément :
Après 1919Mais le mouvement était lancé, ou accompagné (les grandes idées émergent souvent en même temps, en plusieurs endroits, juste parce "c'est mûr") :
En 1925 Rupp fit construire par ROETHINGER son orgue idéal, (III/Ped, 62 jeux électropneumatiques) à la synagogue de Strasbourg, quai Kléber. (Cet orgue a été démonté en 1940, et dispersé en pièces détachées). En 1929, Rupp publie "Entwicklungsgeschichte der Orgelbaukunst" (il reprend un peu de ses articles "Die Orgel des Zukunft"). Peut-être que Gessner avait senti que le "retour" à Silbermann de Rupp n'était pas vraiment sincère. Rupp, et surtout son collègue Marie-Joseph ERB continuèrent à faire "pneumatiser" les plus beaux instruments. Surtout, ils n'empêchèrent pas les fidèles de la traction mécanique et du Positif de Dos (STIEHR et WETZEL) de fermer parce qu'ils refusaient de démolir des instruments historiques. Ce n'est donc pas tout de suite, mais plutôt vers 1950 que tout ceci porta ses fruits. Lorsque, en 1948, Ernest MUHLEISEN et Alfred KERN commencèrent les travaux à St Pierre-le-jeune à Strasbourg.
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