L'orgue d'Eckartswiller a été construit en 1904 par Edmond-Alexandre Roethinger. C'est donc un instrument de la Belle époque. Malheureusement, victime des préjugés et des campagnes de discrédit qui ont frappé l'orgue alsacien à la fin du 20ème siècle, il aujourd'hui totalement injouable, vu qu'un "orgue" électronique a été disposé... à sa place de sa console.
Et pourtant, Eckartswiller est une localité qui avait un beau passé organistique et culturel. Léon Bachmeyer (18/04/1887-01/03/1955), professeur de sciences et archiviste de Saverne a écrit l'histoire du lieu dans un ouvrage intitulé "Eckartswiller und seine Geschichte" (1930). Heureusement qu'il n'a pas vu le sort réservé à l'orgue...
Historique
Il y avait un orgue au 18ème : il a été fourni (offert, selon certaines sources) en 1763 par François-Joseph Seelig, instituteur à Bouxwiller. [IHOA] [CS85Eckartswiller]
En fait, la commune paya 15 florins, et ses comptes de 1765 disent bien "verkauft". [CS85Eckartswiller]
On connaît le nom de l'organiste d'Eckartswiller en 1825 : Antoine Walter. [IHOA]
Historique
Médard Barth indique que la maison Stiehr a livré en 1835 un petit orgue neuf de 7 jeux et 540 tuyaux. (Ce qui correspond à 10 rangs de 54 notes, donc a priori, 6 jeux plus une Fourniture 4 rangs.) [Barth]
Il est possible que ce petit instrument ait été un orgue de prêt, dans la perspective de construire un orgue plus conséquent. Toutefois, l'orgue de 7 jeux est désigné comme "neuf", ce qui ne cadre pas avec un instrument de prêt.
Historique
Dans la nouvelle église de 1842, c'est Nicolas Antoine Lété, de Mirecourt, qui posa un orgue neuf, en 1846. [IHOA] [ITOA] [PMSCS60]
On doit à Lété, entre autres, les orgues de Bains-les-Bains et de Lamarche (Vosges). On le retrouve travaillant en Alsace vers 1844 : à l'église des Récollets et à Notre-Dame de la Nativité de Saverne. Il construisit, toujours en 1844, un orgue neuf à Ingenheim.
Il y eut une réparation, en 1858, par Martin Wetzel. [PMSCS60]
Et une autre en 1887 par Léon Stiehr et Louis Mockers [PMSCS60] [PMSSTIEHR]
Historique
En 1904, Edmond-Alexandre Roethinger construisit pour Eckartswiller un orgue post-symphonique neuf. [IHOA] [ITOA]
La composition est un modèle du genre : quatre fonds de 8' au grand-orgue, et quatre autres au récit. Les cinq jeux du récit sont tous des "alter-ego" d'un jeu du grand-orgue, moins intenses et colorés différemment : Geigenprincipal -> Principal, Bourdon -> Flûte, Salicional -> Gambe , Aeoline -> Dulciane, Gemshorn -> Prestant. La pédale est dépourvue d'anche, mais dispose d'un Violoncelle 16'. C'est (c'était) un orgue plein de possibilités, très alsacien ; le genre d'instruments qu'on voudrait avoir à quelques kilomètres de chez soi...
La montre est d'origine : elle n'a pas été réquisitionnée en 1917, car le zinc n'intéressait pas l'administration.
Le 28/04/1934, Georges Schwenkedel étudia l'instrument et nota la composition, dans le but de proposer un entretien et une transformation ("Umbau-Reparatur"). C'est la même que celle relevée en 1986, et elle est d'origine. [SchwenkedelNB]
Les réparations à faire concernaient les pièces d'usure : sommiers, relais. Schwenkdel note un détail intéressant : "Spieltisch wie Dingsheim". Les consoles d'Eckartswiller et de Dingsheim étaient donc semblables. Malheureusement, l'orgue Roethinger de Dingsheim a été détruit en 1980 pour être remplacé par un instrument néo-baroque, style alors à la mode. [SchwenkedelNB]
Les transformations envisagées étaient caractéristiques de l'époque néo-classique : supprimer l'Aeoline du récit pour y mettre un 2 pieds, et la Gambe du grand-orgue au profit d'un 2'2/3. Et réharmoniser la Mixture. Heureusement, cela ne vint pas à exécution, si bien que ces deux jeux authentiques sont toujours présents dans l'orgue (actuellement mutilé) d'Eckartswiller.
L'instrument fit preuve d'une fiabilité remarquable, puisqu'on ne note qu'une intervention majeure, en 1946, effectuée par la maison Edmond-Alexandre Roethinger. [ITOA]
Malheureusement, par la suite, l'instrument semble avoir souffert d'un manque d'entretien, puisqu'en 1967, Pie Meyer-Siat note de graves problèmes de transmission. [PMSCS60]
Il faut dire qu'à l'époque, le manque de compétence des facteurs pour tous les systèmes de transmission autres que mécaniques était devenu un problème grave. De plus, des "experts" cooptés (agissant plus en VRP de certains facteurs qu'en tant que conseillers), affirmaient à qui voulait l'entendre : "Votre orgue est pneumatique, il ne vaut rien". Evidemment, le but était souvent de placer de juteux devis de "mécanisation" (à la place d'un simple relevage), dont le montant effarait les propriétaires d'orgues. D'autres fois, on disait ça juste par snobisme, ou par pure germanophobie, car cela concernait des orgues "de la période allemande". On ne compte plus les endroits où notre patrimoine a été mutilé ou éliminé par ces opérations visant à discréditer les orgues alsaciens du début du 20ème siècle.
L'orgue d'Eckartswiller était authentique - et d'une valeur culturelle et historique considérable - quand sa console a été arrachée pour faire place à une chose électronique.
Si la console n'a pas été jetée, mais conservée quelque part, l'orgue est tout à fait réparable. Mais même s'il y avait, localement, à nouveau une dynamique pour l'orgue, il y a fort à parier qu'il se trouverait un "expert" pour affirmer qu'il faut construire un instrument néo-baroque mécanique neuf... ou, pire, s'en procurer un d'occasion venant d'outre-Rhin ou de pays où on ferme les églises par dizaines. Car l'Alsace, jadis phare de l'Europe en matière d'orgues, est en train de devenir sa poubelle. La situation paraît donc à présent totalement désespérée. Dire qu'il aurait suffi d'un petit entretien, s'il avait été effectué à temps...
Caractéristiques instrumentales
La console d'origine était face à la nef.
Pneumatique.
Sommiers à membranes.
Sources et bibliographie :
Il y a des erreurs et approximations dans l'article, dont l'authenticité de la façade.
297. Eckartswiller Roethinger, 1904, 16 Jeux, 2 Clav., Péd., sommier à pistons, traction pneu., soufflerie méc.
ECKARTSWILLER, Kt. Saverne. - Fr. Jos. Seelig, Schulmeister u. Organist in Buchsweiler, schenkt der Gde E. am 18. V. 1763 eine O. für die Ki., von nur 3 Reg. Die Vergrösserung dieser kleinen O. durch Peter Toussaint in Westhofen kostete 200 Gulden. Im J. 1831 war sie völlig unbrauchbar. Stiehr lieferte eine neue O. von 7 Reg. u. 540 Pfeifen im J. 1835. Rep. 1858, 1882, 1887. Umbau 1904 durch E. A. Roethinger. Modernisierung der O., die damals 16 Reg. erhielt. Vgl. BACHMEYER, Eckartsweiler und seine Geschichte, in : Journal de Saverne, avril-juillet 1924 (Sonderdruck). - O. mit 16 Reg., 2 Clav., Ped., tract pneu., 1904. Liste Roethinger. In MATHIAS 49 führt Eckartswiller zwei Nummern 297 u. 298 !
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