Voici un orgue Martin Rinckenbach (1880), logé dans un buffet de son oncle Valentin Rinkenbach (1835). Même si son état actuel ne lui permet plus d'être utilisé correctement, cet instrument fait toujours preuve de grandes qualités, et dispose d'un potentiel remarquable.
Historique
En 1862, Hettenschlag acquit l'orgue Valentin Rinkenbach, 1835, de Rustenhart, St-Barthélémy. [IHOA] [ITOA]
C'était un petit instrument (I/P 9j, 6 jeux manuels au devis, complétés par un Cromorne qui fit l'objet d'un avenant). Suite à l'agrandissement de l'église de Rustenhart (1861), cet instrument était devenu trop petit. Il a été remplacé par un orgue plus grand construit par les frères Rinkenbach (les fils de Valentin). Voici la composition probable de l'orgue à son arrivée à Hettenschlag :
Historique
En 1880, l'instrument a été reconstruit par Martin Rinckenbach, dont c'est l'opus 5. [LR1907] [IHOA] [ITOA] [PMSRHW]
Cela peut paraître, "sur le papier", essentiellement correspondre à un agrandissement. Mais l'orgue de 1880 est fondamentalement différent de ce qui se faisait en 1835. On note la présence de trois jeux de fonds de 8' au manuel : en 1880, fonder la composition d'un clavier sur un seul Bourdon 8' était impensable. On note aussi l'arrivée de deux Flûtes octaviantes et d'un Basson/Hautbois. Et surtout, les techniques de facture de la tuyauterie et d'harmonisation qui ont radicalement changé. Comme souvent à cette époque, la Trompette de pédale prend le nom de "Trombonne", avec deux "n". La composition d'origine est l'actuelle : cet orgue n'a jamais été altéré.
Le buffet
La façade du buffet est en chêne, et le reste en sapin. Un motif hérité de l'orgue classique - 3 tourelles rondes et deux plates-faces en ailes - a été doté d'une esthétique plus 19ème en remplissant l'espace entre les tourelles, ce qui inscrit le tout dans un rectangle. Caractéristiques de Valentin Rinkenbach sont les deux oculus ronds, dans lesquels s'inscrivent des croix. On retrouve ce motif à Westhalten (1841, où il y en a trois), Kientzheim (1847, trois également), et les frères Rinckenbach l'ont fait évoluer en "mini-rosaces" à Heimersdorf en 1862.
Caractéristiques instrumentales
Console latérale accolée sur le côté droit, fermée par un couvercle basculant. Tirants de jeux de section ronde à pommeaux munis de porcelaines, placés en deux gradins de part et d'autre du clavier. Clavier blanc (probablement de 1880, mais replaqué). Les porcelaines sont blanches pour le manuel, et à fond bleu pâle pour la pédale. Elles n'ont pas de liséré doré. Sur celle du Nasard figure un petit losange. (Comme on en trouve sur des porcelaines Verschneider, par exemple à Traubach-le-Haut.) Le tirant de l'anche de pédale est monté à l'envers. Aucune commande à pied, pas de tirasse.
Le banc à l'air de dater des années 1830, et paraît provenir de Valentin Rinkenbach.
Au revers du couvercle (formant porte-partitions quand il est ouvert), deux pages de missel étaient collées. Elles sont partiellement arrachées, mais on peut encore en deviner le contenu. En fait, il s'agissait de plusieurs pages collées les unes sur les autres (deux couches sont identifiables).
Sur la page de gauche figurait, dans la partie supérieure, le Psaume 121 ("Levavi oculos") et dans la partie inférieure, le Psaume 41 ("Heureux celui qui s’intéresse au pauvre").
Sur la page de droite figurait le Miserere (Psaume 51).
Ces psaumes ont été recouverts par des pages d'un livre de chant grégorien (neumes et paroles). A gauche, on reconnaît "Adoro te supplex, latens Deitas.", qui est une variante de l'hymne de St-Thomas d'Aquin, "Adoro te devote". On peut distinguer presque tous les neumes de "figuris vere latitas : Tibi se cormeum totum subjicit, Quia te contemplans". A droite, il n'y a que 4 neumes en tout, et il n'est pas possible de devenir à quoi ils correspondent.
A gravures, de Martin Rinckenbach (1880). Un sommier chromatique pour le manuel, basses à droite, et un sommier de 18 notes pour la pédale, diatonique, basses au milieu, logé au fond. Il n'y aurait pas eu la place pour un complément de pédale, à moins d'agrandir encore le buffet en profondeur, car les 18 tuyaux occupent toute la largeur. Il est probable que la pédale de l'orgue Valentin Rinkenbach était placée hors du buffet, vu sa profondeur originelle.
La tuyauterie est de très belle facture. La Flûte octaviante est caractéristique de la façon de Martin Rinckenbach. Les aplatissages sont généralement en ogives, mais parfois également en plein-cintre, comme pour la pour la Gambe de pédale. Les Flûtes sont coupées au ton, et le Salicional aussi. Des tuyaux ont été endommagés, à leur sommet, par un accordeur particulièrement maladroit et peu scrupuleux : le métal est déchiré en de nombreux endroits. De plus, il semble que quelqu'un a essayé d'accorder cet orgue trop haut : il serait souhaitable de retrouver le diapason d'origine.
Le Hautbois est de très belle qualité (et en étain), mais de nombreux résonateurs sont bosselés. 7 résonateurs du Basson sont déposés et ont été gravement déformés. Mais l'ensemble paraît redressable et réparable. Aucune modification ne semble avoir été faite du point de vue de l'harmonie : la zone des bouches des jeux est en bon état, et les biseaux ont conservé leurs dents. Aucune trace de grattage. Avec un dé-bosselage, un nettoyage et un bon accord, la plupart de ces tuyaux devraient pouvoir retrouver leur harmonie originelle (de 1880).
Cet instrument, malgré son état préoccupant, a conservé un très grand potentiel. Il a une importance historique indéniable. Il mériterait vraiment une remise en état et un relevage complet, au moins pour assurer la sauvegarde des très beaux jeux de 1880 qui le constituent.
Sources et bibliographie :
Remerciements à Yvette Poirey.
Photos du 03/06/2018.
"Hettenschlag 12"
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