Hohatzenheim, l'orgue Koenig.Hohatzenheim est un lieu de pèlerinage, spécialement le Vendredi des Sept Douleurs, mais aussi à l'occasion de toutes les fêtes mariales. La Pietà date du début du 16ème siècle. L'église est authentiquement romane : certains éléments datent du tout début du 13ème siècle, et l'endroit est réellement chargé d'histoire. Les fresques néo-médiévales sont une magnifique contribution des années 1930. Et aussi, il y a le fameux mystère du souterrain refuge qui passe sous l'édifice : on y accède à partir de la cave du presbytère, mais il y a aussi un trappe l'église, au fond de la nef droite.
Historique
Le premier orgue de Hohatzenheim fut posé en 1872 par la maison Stiehr-Mockers. La réception eut lieu le 14/03/1872. [IHOA] [PMSSTIEHR]
Il y eut une réparation, par (Charles ou Emile) Wetzel, en 1888. [Barth]
Historique
L'orgue Stiehr fut remplacé en 1919 par un instrument d'Edmond-Alexandre Roethinger, qui avait 13 jeux à l'origine (II/P 13j). [IHOA] [ITOA] [NAlsacien]
Hohatzenheim, l'orgue Roethinger/Muhleisen.La date de 1916 que l'on trouve parfois semble fausse. C'est une lettre de Claus Reinbolt qui la donne, mais, dans la liste des orgues Roethinger établie en 1924, Hohatzenheim porte le numéro 81, entre Ostwald (vers 1919) et Morhange (1921). Il arrive bien après celui de Lingolsheim (numéro 72, 1917). L'orgue de Hohatzenheim daterait donc plutôt de 1919. [Barth]
Un article du quotidien "Der Elsässer", daté du 02/07/1919, ne relate pas l'inauguration, mais un concert de la chorale "Caecilia" de Saessolsheim, donné pour la fête de la Visitation ("Mariä Heimsuchung"). On interpréta la "Missa Asperges me" de l'instituteur-organiste Alfred Binnert de Mutzenhouze. Il est précisé que l'orgue Roethinger est neuf. 1919 semble donc bien être la date à retenir. [NAlsacien]
Alfred Binnert est né le 05/04/1886 à Limersheim. Il fit ses études à l'Ecole Normale d'Obernai, puis enseigna à Ebersheim, Rhinau, Mutzenhouse (où il était en 1919) et Lipsheim. Il est l'auteur de plusieurs messes, de cantiques de pèlerinages pou la Vierge de Hohatzenheim et de Dusenbach, de musique profane chantée, mais aussi de pièces pédagogiques. [RMuller]
L'orgue Roethinger était un instrument en deux corps, qui fait un peu penser à l'ancien orgue de Strasbourg, St-Pierre-le-Jeune cath., en plus petit. Il est peu probable qu'il ait été totalement dépourvu de buffet à l'origine : la façade a sûrement été modifiée par la suite pour placer des jeux au-dessus de la fenêtre. Le style originel était sûrement celui du buffet de Strasbourg, Ste-Madeleine (1913) : une boiserie limitée faisant "ceinture".
Essai de restitution de la composition
Du point de vue instrumental, il s'agissait sûrement d'un instrument issu de la première façon de Roethinger, peu influencé par la "Réforme alsacienne de l'orgue". La composition d'origine à 13 jeux n'est pas connue, mais peut être approchée par déduction grâce à celle d'après 1946, ainsi que de celles de Mutzenhouse (1913, II/P 16j) et du petit bijou de Durrenbach (1916, II/P 18j).
Puisque l'orgue n'avait que 13 jeux, il n'y en avait sûrement que deux à la pédale (16' et 8'). Cela en laisse 11 pour les manuels, soit normalement 6 et 5. Et aucun jeu d'anche, ni Mutation : ces jeux n'étaient certes plus boudés, mais ne constituaient pas une priorité. La Mixture de récit et le 1' présents en 1986 peuvent être éliminés. Par contre, certains jeux de cette composition sont clairement issus de la version de 1919 :
- Montre 8', Flûte ouverte 8', Octave 4' et Mixture du grand-orgue,
- Gemshorn, Salicional, Bourdon, Voix céleste et Flûte traverse 4' du récit.
Il est peu probable qu'un récit de 5 jeux ait été fondé en 16'. Par contre, l'absence de 16' au grand-orgue en 1986 montre qu'il y a probablement eu une modification : il n'y a normalement pas de Bourdon 8' dans un grand-orgue de 6 ou 7 jeux déjà muni d'une Flûte ouverte, mais delui de 16' est indispensable. Pour compléter ce grand-orgue, le Dolce 8' est le candidat le plus naturel.
Compléments de Muhleisen
Pour compléter l'orgue Roethinger, on fit appel à plusieurs reprises à Ernest Muhleisen, à partir de 1939. Le projet était ambitieux, surtout en plein conflit mondial ! L'orgue, une fois électrifié, collecta rien mois que 17 jeux supplémentaires. L'inauguration eut lieu après la Libération, le 30/06/1946. [IHOA] [PMSSTIEHR]
Cela fait penser à une histoire analogue, celle de Gueberschwihr, ou c'est Roethinger qui livra un "opus de guerre" tout à fait étonnant. Il est déjà surprenant qu'une période aussi tragique ait pu produire quoi que ce soit de bon, et surtout des instruments de musique. C'est donc une illustration du fait que les choses sont souvent plus complexes que ce que l'on croit savoir. Comme d'autres ont continué à cultiver des plantes d'ornement, ou à écrire des livres, les organiers ne se sont donc pas tout à fait arrêtés. Cela peut être perçu comme choquant ou miraculeux. C'est finalement la caractéristique du fait culturel : il n'a aucun caractère indispensable, mais l'humain ne peut pas s'en passer.
L'instrument comptait alors 30 jeux, soit plus du double de ce pour quoi il avait été conçu. Les tuyaux avaient envahi tout l'espace disponible, entre les buffets, mais aussi en haut de la fenêtre ! Il devait vraiment y avoir à Hohatzenheim quelqu'un qui débordait d'enthousiasme. Pie Meyer-Siat, dans son ouvrage sur les Stiehr, rend compte d'une visite avec humour : "...il n'y a guère de buffet, mais il y a des tuyaux partout, dans l'escalier et au-dessus de la fenêtre [...] Il fallait du courage et, incontestablement beaucoup de bonne volonté , pour mener cette réalisation à bien." [PMSSTIEHR]
Mais l'enthousiasme est décidément un trait caractéristique de l'orgue alsacien.
Caractéristiques instrumentales
Historique
Pour remplacer l'orgue Roethinger, on commanda à la maison Yves Koenig un instrument de 14 Jeux beaucoup plus standard. Une partie du matériel existant put être réutilisée. L'instrument fut inauguré le 29/6/1986, juste après l'inventaire technique des orgues d'Alsace, dans lequel il ne figure donc pas. [YKoenig]
L'orgue a été relevé en 1997 par Yves Koenig. [YKoenig]
Le buffet
Pour s'intégrer dans ce lieu chargé d'histoire, le buffet de 1986 a été conçu avec l'accord de l'architecte Gaymard des Monuments Historiques. Il est construit en chêne. Le décor est inspiré du reste du mobilier afin de produire une unité de style avec l'édifice. Trois tourelles plates, un peu "à la Stiehr" mais résolument plus larges, la petite au milieu dégageant la rosace, encadrent deux plates-faces. Visuellement, l'instrument n'est pas sans rappeler le style de la maison de Seltz. Une frise florale parcourt toute la ceinture du buffet, ainsi que le haut des tourelles. [YKoenig]
Caractéristiques instrumentales
| C | c | f | f' | f'' |
| 1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 | 4' |
| 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' | 2'2/3 |
| 1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 | 2' |
| 1/3' | 1/2' | 2/3' | 1' | 1'1/3 |
La console.La console frontale, claviers saillants. Le pédalier est légèrement concave. Les claviers noirs (feintes en buis, naturelles plaquées d'ébène) ont des frontons à moulures semi-circulaires, dans le style André Silbermann.
Disposition des tirants à la console :
Sources et bibliographie :
Avec l'historique, un relevé de console, et les photos de cette page
Photo de l'orgue Roethinger/Muhleisen
Pour Alfred Binnert
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